par energy_isere » 11 oct. 2025, 10:59
Terres rares : tout comprendre aux annonces de la Chine qui font trembler les importateurs européens
Les annonces de Pékin sont lourdes de conséquence pour les chaînes d’approvisionnement déjà fragilisées : désormais, n’importe quel produit, composant, ou technologie incorporant des terres rares ou savoir-faire chinois, devra obtenir une licence de Pékin pour être exporté, y compris si le produit se trouve déjà hors de Chine et si l’expédition se fait entre deux pays tiers.
Julien Gouesmat Publié le 09/10/25 latribune.fr
En 3 ans, plus de 140 entités chinoises ont été ajoutées à la liste noire américaine des entreprises sous sanction. Pour elles, impossible de s’approvisionner en puces de dernière génération, semi-conducteurs et logiciels de conception. À chaque vague de sanction, Pékin répond au coup par coup : mise en place de licences d’exportation sur le graphite, puis l’antimoine, le germanium et enfin, en avril, sur les terres rares.
Cette semaine, la donne semble changer.
La Chine n’a pas attendu les annonces officielles de Washington pour dégainer des méthodes coercitives. À peine des sénateurs américains avaient-ils appelé, mardi, à durcir les sanctions, que le ministère chinois du Commerce annonçait déjà des mesures d’envergure sur les terres rares.
Extraterritorialité
Tant la disproportion de la réponse que sa rapidité déconcertent. Pékin frappe très fort. Désormais, tout produit contenant plus de 0,1 % de terres rares chinoise devra faire l’objet d’une demande de licence pour quitter le territoire chinois. Même sanction pour les produits conçus à partir de technologies chinoises d’extraction, de raffinage ou de fabrication d’aimants.
Mais plus encore, désormais, n’importe quel produit, composant, ou technologie incorporant des terres rares ou savoir-faire chinois, devra obtenir une licence de Pékin pour être exporté, y compris si le produit se trouve déjà hors de Chine et si l’expédition se fait entre deux pays tiers. Ce modèle copie les dispositifs américains comme la « Foreign Direct Product Rule » ou le « 50/50 rule ».
« Si la France veut vendre un avion aux Pays-Bas, et que cet avion est composé à plus de 0.1% de produits visés, le constructeur français devrait théoriquement demander une licence d’exportation au Ministère du Commerce chinois pour exporter son produit vers les Pays-Bas », résume une spécialiste de la Chine sur Linkedin. En effet, le secteur de la défense sera le premier touché par ces annonces, devant l'aéronautique et l'automobile, les exportations de terres rares à but militaire seront désormais systématiquement refusée.
Empêcher le contournement
Avec cette mesure, la Chine fait un grand bon vers l’extraterritorialité de ses sanctions. Alors que les restrictions à l’export touchent durement les pays occidentaux depuis avril, d’autres états – Malaisie et Vietnam en première ligne – importaient massivement de ces minerais afin de les réexpédier en Europe ou aux États-Unis.
« Depuis quelque temps, certaines organisations et individus étrangers ont transféré ou fourni des articles contrôlés de terres rares d’origine chinoise, directement ou après transformation (…) pour une utilisation directe ou indirecte dans des domaines sensibles tels que le militaire », a déclaré un porte-parole du ministère du Commerce afin de justifier ces mesures.
D’après les informations d’Eurostat consultées par la tribune, l'Union européenne est parvenue, cette année, à doubler ses approvisionnements en aimants de terres rares et dérivés depuis le Vietnam (voir ci-dessous).
Le lithium et le graphite également touchés
Ces annonces sur les terres rares sont sans précédents. À peine les investisseurs ont-ils eu le temps jeudi de prendre connaissance de l'information que Pékin annonçait également la mise en place de contrôles à l'exportation sur les batteries au lithium et les matériaux d'anode en graphite, et l'ajout de 14 entreprises et leurs filiales à la liste des entités non fiables. Ces mesures seront appliquées à compter du 8 novembre. « Toutes les chaînes d'approvisionnement mondiales vont être remodelées. Les entreprises n'ont pas encore saisi à quel point elles sont exposées à ces changements », souffle un cabinet de conseil spécialisé. Comme le résumait un autre spécialiste du secteur jeudi :
« La Chine obtient ainsi un droit de veto sur trois chaînes d'approvisionnement critiques simultanément : les semi-conducteurs avancés (via les terres rares et les équipements associés), les véhicules et drones à batterie, et la fabrication de précision dans tous les secteurs (via les matériaux ultra-durs). »
Pour le moment, difficile de chiffrer l'ampleur de ces annonces pour les industries occidentales. L'absence de recrutement au sein de la bureaucratie chinoise au moment de cette mesure laisse également présager que les délais d'octrois de licences vont largement s'allonger à mesure que les demandes vont croître. D'autre part, la Chine aura-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions extraterritoriales ? « Les débats font déjà rage sur la capacité de la Chine à mettre en œuvre ce degré de contrôle », raconte Cory Combs sur sa page Linkedin. Ce consultant très suivi pour ses analyses sur la géoéconomie chinoise considère que « quelle que soit la lenteur de la mise en œuvre par rapport à la politique déclarée, le Ministère chinois du commerce est bien placé pour causer de nouveaux maux de tête aux grandes entreprises mondiales. Et peut-être que c’est suffisant pour remplir l’intention stratégique des contrôles. »
Sommet à Séoul
À l'ouverture de Wall Street jeudi, les mineurs américains côtés voyaient leur cours s'envoler de 5 à 9 %.
Au-delà de la pression exercée sur les États-Unis et l’Europe, Pékin se place en position de force à l’approche de la rencontre entre Xi Jinping et Donald Trump, prévue fin octobre en Corée du Sud. Les sujets de friction ne manquent pas : fentanyl, TikTok, terres rares, éthanol… Autant de dossiers sensibles qui pourraient, en cas de sommet réussi, voir leur sort évoluer, qu’il s’agisse d’un allègement des droits de douane ou d’une levée partielle des licences à l’exportation.
https://www.latribune.fr/article/econom ... -mondiales
[quote] [b][size=120]Terres rares : tout comprendre aux annonces de la Chine qui font trembler les importateurs européens[/size][/b]
Les annonces de Pékin sont lourdes de conséquence pour les chaînes d’approvisionnement déjà fragilisées : désormais, n’importe quel produit, composant, ou technologie incorporant des terres rares ou savoir-faire chinois, devra obtenir une licence de Pékin pour être exporté, y compris si le produit se trouve déjà hors de Chine et si l’expédition se fait entre deux pays tiers.
Julien Gouesmat Publié le 09/10/25 latribune.fr
En 3 ans, plus de 140 entités chinoises ont été ajoutées à la liste noire américaine des entreprises sous sanction. Pour elles, impossible de s’approvisionner en puces de dernière génération, semi-conducteurs et logiciels de conception. À chaque vague de sanction, Pékin répond au coup par coup : mise en place de licences d’exportation sur le graphite, puis l’antimoine, le germanium et enfin, en avril, sur les terres rares.
Cette semaine, la donne semble changer.
La Chine n’a pas attendu les annonces officielles de Washington pour dégainer des méthodes coercitives. À peine des sénateurs américains avaient-ils appelé, mardi, à durcir les sanctions, que le ministère chinois du Commerce annonçait déjà des mesures d’envergure sur les terres rares.
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Extraterritorialité[/b]
Tant la disproportion de la réponse que sa rapidité déconcertent. Pékin frappe très fort. Désormais, tout produit contenant plus de 0,1 % de terres rares chinoise devra faire l’objet d’une demande de licence pour quitter le territoire chinois. Même sanction pour les produits conçus à partir de technologies chinoises d’extraction, de raffinage ou de fabrication d’aimants.
Mais plus encore, désormais, n’importe quel produit, composant, ou technologie incorporant des terres rares ou savoir-faire chinois, devra obtenir une licence de Pékin pour être exporté, y compris si le produit se trouve déjà hors de Chine et si l’expédition se fait entre deux pays tiers. Ce modèle copie les dispositifs américains comme la « Foreign Direct Product Rule » ou le « 50/50 rule ».
« Si la France veut vendre un avion aux Pays-Bas, et que cet avion est composé à plus de 0.1% de produits visés, le constructeur français devrait théoriquement demander une licence d’exportation au Ministère du Commerce chinois pour exporter son produit vers les Pays-Bas », résume une spécialiste de la Chine sur Linkedin. En effet, le secteur de la défense sera le premier touché par ces annonces, devant l'aéronautique et l'automobile, les exportations de terres rares à but militaire seront désormais systématiquement refusée.
[b]Empêcher le contournement[/b]
Avec cette mesure, la Chine fait un grand bon vers l’extraterritorialité de ses sanctions. Alors que les restrictions à l’export touchent durement les pays occidentaux depuis avril, d’autres états – Malaisie et Vietnam en première ligne – importaient massivement de ces minerais afin de les réexpédier en Europe ou aux États-Unis.
« Depuis quelque temps, certaines organisations et individus étrangers ont transféré ou fourni des articles contrôlés de terres rares d’origine chinoise, directement ou après transformation (…) pour une utilisation directe ou indirecte dans des domaines sensibles tels que le militaire », a déclaré un porte-parole du ministère du Commerce afin de justifier ces mesures.
D’après les informations d’Eurostat consultées par la tribune, l'Union européenne est parvenue, cette année, à doubler ses approvisionnements en aimants de terres rares et dérivés depuis le Vietnam (voir ci-dessous).
Le lithium et le graphite également touchés
Ces annonces sur les terres rares sont sans précédents. À peine les investisseurs ont-ils eu le temps jeudi de prendre connaissance de l'information que Pékin annonçait également la mise en place de contrôles à l'exportation sur les batteries au lithium et les matériaux d'anode en graphite, et l'ajout de 14 entreprises et leurs filiales à la liste des entités non fiables. Ces mesures seront appliquées à compter du 8 novembre. « Toutes les chaînes d'approvisionnement mondiales vont être remodelées. Les entreprises n'ont pas encore saisi à quel point elles sont exposées à ces changements », souffle un cabinet de conseil spécialisé. Comme le résumait un autre spécialiste du secteur jeudi :
« La Chine obtient ainsi un droit de veto sur trois chaînes d'approvisionnement critiques simultanément : les semi-conducteurs avancés (via les terres rares et les équipements associés), les véhicules et drones à batterie, et la fabrication de précision dans tous les secteurs (via les matériaux ultra-durs). »
Pour le moment, difficile de chiffrer l'ampleur de ces annonces pour les industries occidentales. L'absence de recrutement au sein de la bureaucratie chinoise au moment de cette mesure laisse également présager que les délais d'octrois de licences vont largement s'allonger à mesure que les demandes vont croître. D'autre part, la Chine aura-t-elle vraiment les moyens de ses ambitions extraterritoriales ? « Les débats font déjà rage sur la capacité de la Chine à mettre en œuvre ce degré de contrôle », raconte Cory Combs sur sa page Linkedin. Ce consultant très suivi pour ses analyses sur la géoéconomie chinoise considère que « quelle que soit la lenteur de la mise en œuvre par rapport à la politique déclarée, le Ministère chinois du commerce est bien placé pour causer de nouveaux maux de tête aux grandes entreprises mondiales. Et peut-être que c’est suffisant pour remplir l’intention stratégique des contrôles. »
[b]Sommet à Séoul[/b]
À l'ouverture de Wall Street jeudi, les mineurs américains côtés voyaient leur cours s'envoler de 5 à 9 %.
Au-delà de la pression exercée sur les États-Unis et l’Europe, Pékin se place en position de force à l’approche de la rencontre entre Xi Jinping et Donald Trump, prévue fin octobre en Corée du Sud. Les sujets de friction ne manquent pas : fentanyl, TikTok, terres rares, éthanol… Autant de dossiers sensibles qui pourraient, en cas de sommet réussi, voir leur sort évoluer, qu’il s’agisse d’un allègement des droits de douane ou d’une levée partielle des licences à l’exportation.
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