par energy_isere » 17 sept. 2022, 22:36
Le sable, ressource précieuse surexploitée
ANNIE LABRECQUE 12-07-2022
Le sable est l’ingrédient de base d’une myriade de matériaux. On le croyait inépuisable, mais on pourrait bientôt en manquer.
Negril, en Jamaïque, a tout d’un paradis. Mer turquoise, kilomètres de plages, falaises photogéniques, complexes hôteliers chics, chaises longues qui vous appellent… Mais ce n’est pas pour profiter du soleil que le chercheur Pascal Peduzzi s’y trouvait en 2012 : il essayait plutôt de comprendre ce qui provoquait l’érosion des côtes. Son équipe avait été mandatée par le gouvernement jamaïcain pour se pencher sur le phénomène, car celui-ci menaçait les plages et donc le secteur touristique.
Avec ses collègues, il a rapidement trouvé l’origine du problème. « Des villageois rapportaient que des gens armés allaient sur la plage la nuit pour ramasser du sable. Je me suis demandé comment on pouvait en venir aux armes pour voler cette ressource ! » confie le professeur du Département F.-A. Forel des sciences de l’environnement et de l’eau de l’Université de Genève.
Après l’eau, le sable est la ressource naturelle la plus exploitée de la planète. Il est indispensable dans la fabrication du béton et de l’asphalte, qui accaparent le plus gros de la demande ; il sert à produire du verre, des fenêtres, des panneaux solaires, des puces électroniques, des microprocesseurs et bien plus encore. Tant et si bien qu’on estime la consommation mondiale de sable à environ 18 kg par personne par jour ou 50 milliards de tonnes annuellement. « C’est énorme ! C’est comme si l’on construisait un mur de 27 m sur 27 tout autour de l’équateur terrestre… chaque année ! » s’exclame Pascal Peduzzi.
Son séjour à Negril a changé la trajectoire de ses recherches : la protection du sable est devenue son cheval de bataille. Deux ans plus tard, il soulignait dans une étude à quel point la quantité de sable extrait de la nature met en péril les écosystèmes marins et côtiers et à quel point la ressource est plus rare qu’on le croit. « On ne peut pas extraire, transporter et utiliser un tel volume sans effets environnementaux et sociétaux massifs », indique celui qui est également directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement/GRID-Genève (PNUE/GRID-Genève). Au menu : érosion du littoral, perte de biodiversité, résistance moindre aux catastrophes naturelles. La demande exponentielle, qui dépasse le renouvellement naturel du sable, expose les pays à une pénurie à l’échelle mondiale.
Déjà, en 2005, l’Institut d’études géologiques des États-Unis s’inquiétait des pénuries de sable dans le pays. La demande de sable s’est accélérée sur la planète dans les dernières décennies en raison des besoins grandissants en infrastructures (routes, barrages, bâtiments) des sociétés industrialisées. « La Chine consomme à elle seule environ 56 % de la quantité de sable et de gravier dans le monde. Elle a utilisé en 3 ans autant de sable que les États-Unis en 100 ans », affirme Pascal Peduzzi. Le chercheur craint d’ailleurs qu’un scénario similaire survienne sur le continent africain, où l’on prévoit un accroissement exponentiel de la population, dont une grande proportion migrera des campagnes vers les villes. Les villes africaines accueilleront ainsi 950 millions de personnes en plus d’ici 2050.
Le sable est même employé pour agrandir des villes ! Singapour a gagné plus de 20 % en superficie grâce au sable, donne en exemple Pascal Peduzzi : « Ce sable supplémentaire a été majoritairement pris en Malaisie et en Indonésie, mais ces pays ont arrêté les exportations en constatant les problèmes environnementaux occasionnés par son extraction sur leur territoire. Singapour est ensuite allée en chercher dans des pays voisins. »
Le grain idéal
Les fines particules de sable se forment très lentement − pendant des dizaines de milliers d’années. La plupart sont le fait de l’érosion des roches transportées par la pluie, le vent, les rivières et les glaciers des montagnes vers les étendues d’eau. La forme, la taille et la composition des grains sont donc très diversifiées d’un endroit à l’autre, comme la plage ou le fond d’une rivière. C’est ainsi qu’on peut trouver du sable noir, rose, blanc ou brun selon les différents minéraux présents dans l’environnement.
Les ressources en sable ne sont pas uniformément réparties sur la planète. Les endroits montagneux en possèdent davantage que d’autres, qui peinent à s’en procurer. « La pénurie de sable se fait déjà sentir dans des États insulaires, comme les Maldives, qui disposent de très peu de cette ressource », mentionne Pascal Peduzzi. Ils ont besoin de sable pour construire des protections côtières afin de contrer la hausse du niveau des mers et doivent s’en procurer ailleurs que chez eux.
De plus, tous les sables ne se valent pas. Même si les déserts comme le Sahara nous semblent être d’immenses réserves, ils ne font pas partie de la solution. Leurs grains, à force de se heurter constamment sous l’effet du vent, s’arrondissent. « Si ce sable est inséré dans un mélange de béton, la forme des grains fait en sorte qu’ils ne se lient pas bien entre eux », détaille Patrick Lajeunesse, professeur de géographie à l’Université Laval.
Lorsque les compagnies minières ne peuvent extraire la précieuse matière des carrières, elles se tournent vers les rivières et le fond des mers. D’après les estimations de Pascal Peduzzi, de 3 000 à 5 000 navires aspirent du sable près des côtes. Ce sable marin possède les bonnes propriétés de rugosité et d’angularité pour une intégration dans les matériaux. « Pour construire des bâtiments aussi élevés que la tour Burj Khalifa de Dubaï, il est nécessaire d’avoir du béton de haute performance et de qualité et, pour cela, il faut du sable marin et non pas du désert », illustre Damien Pham Van Bang, professeur et spécialiste en hydrodynamique et transport sédimentaire à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Ironiquement, la ville de Dubaï, qui s’étend sur une petite partie de l’immense désert Rub al-Khali, a dû aller chercher son sable de construction en Australie !
Plus fou encore : il existe une « mafia du sable ». Ce commerce illégal de la ressource a été signalé dans plus de 70 pays, selon une étude publiée en mars dernier dans Nature Sustainability. « Les gouvernements doivent cartographier les zones où il est possible de prendre du sable et celles où ça ne l’est pas pour en contrôler la qualité, mais aussi sécuriser des emplois », souligne Pascal Peduzzi. Cela fait d’ailleurs partie des recommandations du rapport 2022 du PNUE Sand and Sustainability: 10 Strategic Recommendations to Avert a Crisis, qui invite les pays à mieux surveiller l’utilisation du sable et les lieux d’extraction.
Les enjeux sont clairs. Prenons l’exemple de l’extraction de sable en Indonésie, souvent effectuée de manière illégale. Elle a mis en péril une centaine d’îles indonésiennes. « Cette opération a eu d’importantes répercussions sur l’environnement, observe Damien Pham Van Bang, dont l’érosion côtière et une perte de biodiversité. » Ces régions sont également plus exposées aux inondations et risquent de voir leur nappe phréatique contaminée par l’eau salée, ce qui ruine l’approvisionnement en eau potable.
Pourrait-on se passer du sable ? Des chercheurs planchent sur diverses solutions, notamment la valorisation des déchets. Dans un rapport publié au mois d’avril, un groupe de scientifiques de l’Université de Genève et de l’Université du Queensland a examiné s’il était possible de récupérer les déchets miniers d’une exploitation de fer du Brésil pour en extraire du sable. « Cette mine de fer doit entreposer des dizaines de milliers de tonnes de résidus par année. En étudiant l’aspect physicochimique de ces résidus, on s’est aperçu qu’ils étaient en grande partie composés de sable », décrit Pascal Peduzzi, qui a participé à la rédaction de ce rapport.
Pour transformer les résidus en « sable minerai », ou ore-sand, on doit passer par une série d’étapes (flottaison, séparation, filtration). La forme de ces grains est à mi-chemin entre ceux du sable concassé et ceux du sable marin, ce qui permet une intégration dans l’industrie de la construction. « C’est très intéressant autant du point de vue économique que sur le plan écologique. On peut même purifier davantage ces matériaux pour atteindre une haute qualité de sable et en faire du verre », ajoute M. Peduzzi.
Cendre et sciure
Pourrait-on élargir cette stratégie à d’autres mines ? De quoi faire d’une pierre deux coups : d’après les estimations, l’industrie minière rejetterait de 30 à 60 milliards de tonnes de déchets miniers par année. Il faut toutefois effectuer une analyse physicochimique de chaque site, car le potentiel dépend du minerai extrait.
Parmi les autres avenues possibles pour remplacer le sable, Pascal Peduzzi nomme les cendres résiduelles de la combustion des déchets ainsi que la sciure de bois, qui pourrait entrer dans la composition d’un béton léger qui flotte sur l’eau. « Ce sont par contre des solutions à petite échelle », souligne-t-il.
Au Québec, Louis-César Pasquier, professeur à l’INRS qui se spécialise dans les technologies de captage du CO2, a effectué des travaux pour réutiliser les résidus de construction et ceux de démolition du béton. « Le sable peut être extrait de ces matériaux avec des méthodes de séparation physique. On évite ainsi d’aller chercher cette ressource en milieu naturel », dit-il.
Dans tous les cas, le spectre d’une pénurie mondiale de sable représente un éventail de pistes à explorer, d’après Damien Pham Van Bang. « Cela doit nous encourager à nous diriger vers le recyclage, la réutilisation de matériaux ou la recherche d’autres matériaux. Il faut revisiter nos pratiques afin de les adapter et de les rendre plus respectueuses de l’environnement », plaide-t-il. Si les plus grandes tours de ce monde sont considérées comme des chefs-d’œuvre architecturaux, il les voit sans conteste comme un symbole de la pollution mondiale et de notre consommation effrénée de sable.
Le cas du Québec
Le Québec est privilégié : en plus de posséder un vaste territoire et plusieurs montagnes, il est naturellement pourvu d’étendues de sable. « La province bénéficie de grandes accumulations de sable, notamment dans les vallées des Laurentides et aux alentours de Québec et du Saguenay−Lac-Saint-Jean, explique Patrick Lajeunesse, de l’Université Laval. Il y a très longtemps, plusieurs lacs se sont formés pendant la fonte des glaces. Lorsque ces lacs se sont vidés, ils ont laissé derrière eux des amoncellements de sable qui se retrouvent un peu partout, sans nécessairement être près des rivières. »
Le fleuve Saint-Laurent fournit aussi une quantité considérable de sable. Il transporterait environ quatre millions de tonnes de sable par an, d’après Damien Pham Van Bang, de l’INRS. Cependant, de grands ouvrages comme les barrages, les ports ou les centrales électriques, situés près d’importants cours d’eau, contribuent à raréfier l’apport en sable. « Cela crée une interruption du flux sédimentaire allant de la montagne vers le littoral. Il y a moins de sédiments qui iront se déposer dans les cours d’eau », explique le chercheur.
Le Québec peut également compter sur des carrières où les roches sont concassées et broyées pour s’approvisionner en sable de construction.
https://www.quebecscience.qc.ca/environ ... exploitee/
[quote][b][size=120] Le sable, ressource précieuse surexploitée[/size][/b]
ANNIE LABRECQUE 12-07-2022
[b]Le sable est l’ingrédient de base d’une myriade de matériaux. On le croyait inépuisable, mais on pourrait bientôt en manquer.
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Negril, en Jamaïque, a tout d’un paradis. Mer turquoise, kilomètres de plages, falaises photogéniques, complexes hôteliers chics, chaises longues qui vous appellent… Mais ce n’est pas pour profiter du soleil que le chercheur Pascal Peduzzi s’y trouvait en 2012 : il essayait plutôt de comprendre ce qui provoquait l’érosion des côtes. Son équipe avait été mandatée par le gouvernement jamaïcain pour se pencher sur le phénomène, car celui-ci menaçait les plages et donc le secteur touristique.
Avec ses collègues, il a rapidement trouvé l’origine du problème. « Des villageois rapportaient que des gens armés allaient sur la plage la nuit pour ramasser du sable. Je me suis demandé comment on pouvait en venir aux armes pour voler cette ressource ! » confie le professeur du Département F.-A. Forel des sciences de l’environnement et de l’eau de l’Université de Genève.
Après l’eau, le sable est la ressource naturelle la plus exploitée de la planète. Il est indispensable dans la fabrication du béton et de l’asphalte, qui accaparent le plus gros de la demande ; il sert à produire du verre, des fenêtres, des panneaux solaires, des puces électroniques, des microprocesseurs et bien plus encore. Tant et si bien qu’on estime la consommation mondiale de sable à environ 18 kg par personne par jour ou 50 milliards de tonnes annuellement. « C’est énorme ! C’est comme si l’on construisait un mur de 27 m sur 27 tout autour de l’équateur terrestre… chaque année ! » s’exclame Pascal Peduzzi.
Son séjour à Negril a changé la trajectoire de ses recherches : la protection du sable est devenue son cheval de bataille. Deux ans plus tard, il soulignait dans une étude à quel point la quantité de sable extrait de la nature met en péril les écosystèmes marins et côtiers et à quel point la ressource est plus rare qu’on le croit. « On ne peut pas extraire, transporter et utiliser un tel volume sans effets environnementaux et sociétaux massifs », indique celui qui est également directeur du Programme des Nations unies pour l’environnement/GRID-Genève (PNUE/GRID-Genève). Au menu : érosion du littoral, perte de biodiversité, résistance moindre aux catastrophes naturelles. La demande exponentielle, qui dépasse le renouvellement naturel du sable, expose les pays à une pénurie à l’échelle mondiale.
Déjà, en 2005, l’Institut d’études géologiques des États-Unis s’inquiétait des pénuries de sable dans le pays. La demande de sable s’est accélérée sur la planète dans les dernières décennies en raison des besoins grandissants en infrastructures (routes, barrages, bâtiments) des sociétés industrialisées. « La Chine consomme à elle seule environ 56 % de la quantité de sable et de gravier dans le monde. Elle a utilisé en 3 ans autant de sable que les États-Unis en 100 ans », affirme Pascal Peduzzi. Le chercheur craint d’ailleurs qu’un scénario similaire survienne sur le continent africain, où l’on prévoit un accroissement exponentiel de la population, dont une grande proportion migrera des campagnes vers les villes. Les villes africaines accueilleront ainsi 950 millions de personnes en plus d’ici 2050.
Le sable est même employé pour agrandir des villes ! Singapour a gagné plus de 20 % en superficie grâce au sable, donne en exemple Pascal Peduzzi : « Ce sable supplémentaire a été majoritairement pris en Malaisie et en Indonésie, mais ces pays ont arrêté les exportations en constatant les problèmes environnementaux occasionnés par son extraction sur leur territoire. Singapour est ensuite allée en chercher dans des pays voisins. »
[b]Le grain idéal[/b]
Les fines particules de sable se forment très lentement − pendant des dizaines de milliers d’années. La plupart sont le fait de l’érosion des roches transportées par la pluie, le vent, les rivières et les glaciers des montagnes vers les étendues d’eau. La forme, la taille et la composition des grains sont donc très diversifiées d’un endroit à l’autre, comme la plage ou le fond d’une rivière. C’est ainsi qu’on peut trouver du sable noir, rose, blanc ou brun selon les différents minéraux présents dans l’environnement.
Les ressources en sable ne sont pas uniformément réparties sur la planète. Les endroits montagneux en possèdent davantage que d’autres, qui peinent à s’en procurer. « La pénurie de sable se fait déjà sentir dans des États insulaires, comme les Maldives, qui disposent de très peu de cette ressource », mentionne Pascal Peduzzi. Ils ont besoin de sable pour construire des protections côtières afin de contrer la hausse du niveau des mers et doivent s’en procurer ailleurs que chez eux.
De plus, [color=#FF0000]tous les sables ne se valent pas. Même si les déserts comme le Sahara nous semblent être d’immenses réserves, ils ne font pas partie de la solution. Leurs grains, à force de se heurter constamment sous l’effet du vent, s’arrondissent. « Si ce sable est inséré dans un mélange de béton, la forme des grains fait en sorte qu’ils ne se lient pas bien entre eux », [/color]détaille Patrick Lajeunesse, professeur de géographie à l’Université Laval.
Lorsque les compagnies minières ne peuvent extraire la précieuse matière des carrières, elles se tournent vers les rivières et le fond des mers. D’après les estimations de Pascal Peduzzi, de 3 000 à 5 000 navires aspirent du sable près des côtes. Ce sable marin possède les bonnes propriétés de rugosité et d’angularité pour une intégration dans les matériaux. « Pour construire des bâtiments aussi élevés que la tour Burj Khalifa de Dubaï, il est nécessaire d’avoir du béton de haute performance et de qualité et, pour cela, il faut du sable marin et non pas du désert », illustre Damien Pham Van Bang, professeur et spécialiste en hydrodynamique et transport sédimentaire à l’Institut national de la recherche scientifique (INRS). Ironiquement, la ville de Dubaï, qui s’étend sur une petite partie de l’immense désert Rub al-Khali, a dû aller chercher son sable de construction en Australie !
Plus fou encore : il existe une « mafia du sable ». Ce commerce illégal de la ressource a été signalé dans plus de 70 pays, selon une étude publiée en mars dernier dans Nature Sustainability. « Les gouvernements doivent cartographier les zones où il est possible de prendre du sable et celles où ça ne l’est pas pour en contrôler la qualité, mais aussi sécuriser des emplois », souligne Pascal Peduzzi. Cela fait d’ailleurs partie des recommandations du rapport 2022 du PNUE Sand and Sustainability: 10 Strategic Recommendations to Avert a Crisis, qui invite les pays à mieux surveiller l’utilisation du sable et les lieux d’extraction.
Les enjeux sont clairs. Prenons l’exemple de l’extraction de sable en Indonésie, souvent effectuée de manière illégale. Elle a mis en péril une centaine d’îles indonésiennes. « Cette opération a eu d’importantes répercussions sur l’environnement, observe Damien Pham Van Bang, dont l’érosion côtière et une perte de biodiversité. » Ces régions sont également plus exposées aux inondations et risquent de voir leur nappe phréatique contaminée par l’eau salée, ce qui ruine l’approvisionnement en eau potable.
Pourrait-on se passer du sable ? Des chercheurs planchent sur diverses solutions, notamment la valorisation des déchets. Dans un rapport publié au mois d’avril, un groupe de scientifiques de l’Université de Genève et de l’Université du Queensland a examiné s’il était possible de récupérer les déchets miniers d’une exploitation de fer du Brésil pour en extraire du sable. « Cette mine de fer doit entreposer des dizaines de milliers de tonnes de résidus par année. En étudiant l’aspect physicochimique de ces résidus, on s’est aperçu qu’ils étaient en grande partie composés de sable », décrit Pascal Peduzzi, qui a participé à la rédaction de ce rapport.
Pour transformer les résidus en « sable minerai », ou ore-sand, on doit passer par une série d’étapes (flottaison, séparation, filtration). La forme de ces grains est à mi-chemin entre ceux du sable concassé et ceux du sable marin, ce qui permet une intégration dans l’industrie de la construction. « C’est très intéressant autant du point de vue économique que sur le plan écologique. On peut même purifier davantage ces matériaux pour atteindre une haute qualité de sable et en faire du verre », ajoute M. Peduzzi.
Cendre et sciure
Pourrait-on élargir cette stratégie à d’autres mines ? De quoi faire d’une pierre deux coups : d’après les estimations, l’industrie minière rejetterait de 30 à 60 milliards de tonnes de déchets miniers par année. Il faut toutefois effectuer une analyse physicochimique de chaque site, car le potentiel dépend du minerai extrait.
Parmi les autres avenues possibles pour remplacer le sable, Pascal Peduzzi nomme les cendres résiduelles de la combustion des déchets ainsi que la sciure de bois, qui pourrait entrer dans la composition d’un béton léger qui flotte sur l’eau. « Ce sont par contre des solutions à petite échelle », souligne-t-il.
Au Québec, Louis-César Pasquier, professeur à l’INRS qui se spécialise dans les technologies de captage du CO2, a effectué des travaux pour réutiliser les résidus de construction et ceux de démolition du béton. « Le sable peut être extrait de ces matériaux avec des méthodes de séparation physique. On évite ainsi d’aller chercher cette ressource en milieu naturel », dit-il.
Dans tous les cas, le spectre d’une pénurie mondiale de sable représente un éventail de pistes à explorer, d’après Damien Pham Van Bang. « Cela doit nous encourager à nous diriger vers le recyclage, la réutilisation de matériaux ou la recherche d’autres matériaux. Il faut revisiter nos pratiques afin de les adapter et de les rendre plus respectueuses de l’environnement », plaide-t-il. Si les plus grandes tours de ce monde sont considérées comme des chefs-d’œuvre architecturaux, il les voit sans conteste comme un symbole de la pollution mondiale et de notre consommation effrénée de sable.
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[quote] [b][size=110]Le cas du Québec[/size][/b]
Le Québec est privilégié : en plus de posséder un vaste territoire et plusieurs montagnes, il est naturellement pourvu d’étendues de sable. « La province bénéficie de grandes accumulations de sable, notamment dans les vallées des Laurentides et aux alentours de Québec et du Saguenay−Lac-Saint-Jean, explique Patrick Lajeunesse, de l’Université Laval. Il y a très longtemps, plusieurs lacs se sont formés pendant la fonte des glaces. Lorsque ces lacs se sont vidés, ils ont laissé derrière eux des amoncellements de sable qui se retrouvent un peu partout, sans nécessairement être près des rivières. »
Le fleuve Saint-Laurent fournit aussi une quantité considérable de sable. Il transporterait environ quatre millions de tonnes de sable par an, d’après Damien Pham Van Bang, de l’INRS. Cependant, de grands ouvrages comme les barrages, les ports ou les centrales électriques, situés près d’importants cours d’eau, contribuent à raréfier l’apport en sable. « Cela crée une interruption du flux sédimentaire allant de la montagne vers le littoral. Il y a moins de sédiments qui iront se déposer dans les cours d’eau », explique le chercheur.
Le Québec peut également compter sur des carrières où les roches sont concassées et broyées pour s’approvisionner en sable de construction.
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https://www.quebecscience.qc.ca/environnement/sable-ressource-precieuse-surexploitee/