par energy_isere » 07 mai 2024, 09:55
Ukraine : la Russie envoie ses travailleurs au front... et manque de bras pour le pétrole et le gaz
Article de Marie Lombard 7 mai 2024
Pour alimenter son effort de guerre, la Russie affecte sa force de travail au front. Une situation qui dépeuple le secteur des énergies fossiles, pourtant indispensable à l'économie de la Fédération.
Les chiffres s’égrainent, impitoyables. Depuis le début du conflit en Ukraine, quelque 150 000 soldats russes ont été tués, selon les dernières estimations communiquées par le ministre français des Affaires étrangères dans l'édition européenne du journal russe indépendant Novaya Gazeta, vendredi 3 mai. De son côté, Volodymyr Zelensky avançait en février le nombre de 180 000 Russes morts dans les combats.
Dans sa quête de nouveaux territoires dans l’Est de l’Ukraine, Russie dépense les soldats sans compter, et s’appuie sur ses conscrits pour combler les trous. Ce printemps, quelque 147 000 jeunes hommes âgés de 18 à 30 ans doivent rejoindre l’armée. Ils seront poussés à contractualiser par d’alléchantes propositions financières : dans un pays où 11% de la population vivait en 2021 sous le seuil de pauvreté selon Statista, la prime d’engagement forfaitaire nationale de 195 000 attire un public en difficulté financière.
L'armée ou le pétrole
Toutefois les campagnes de recrutements poussives de Moscou blessent, par ricochet, son économie largement tournée vers les énergies fossiles. Selon les analyses de Bloomberg, les entreprises énergétiques, qui offrent traditionnellement des salaires plus élevés que les autres branches de l’industrie, font face à des difficultés de recrutement, se retrouvant en concurrence avec l'armée russe et les fabricants d'armes pour recruter des travailleurs.
Ainsi le secteur pétrolier et gazier russe manque d'environ 40 000 employés cette année, selon les estimations de Kasatkin Consulting, basé à Moscou. Les offres d’emploi en ligne dans le secteur ont augmenté de 24 % par rapport à 2023, explique Bloomberg, qui a recoupé les données de la principale plateforme de recrutement russe hh.ru.
"La concurrence avec les salaires des forces armées et du complexe militaro-industriel a certainement eu un impact sur la disponibilité de la main-d'œuvre pour l'industrie pétrolière et gazière russe", conclut Dmitry Kasatkin, associé de la société Kasatkin Consulting. "Ce secteur a des postes vacants pour des électriciens, des chauffeurs, des mécaniciens, des soudeurs, des machinistes, des ouvriers, des directeurs des ventes, des ingénieurs concepteurs, des vendeurs", renchérit Anna Osipova, responsable des communications externes régionales chez hh.ru.
C’est sans compter le vide laissé par les travailleurs immigrés, aux abonnés absents depuis le début des hostilités en 2022 : en 2023, l'afflux net officiel de migrants étrangers dans le pays s'est élevé à près de 110 000 personnes, à peine un quart du niveau de 2021.
Et la guerre en Ukraine arrive au sommet de la pile des problématiques qui ont grignoté la part des actifs dans la population russe ces dernières décennies. Ainsi, retrace Bloomberg, les bouleversements économique de 1990, suite à l’éclatement de l’URSS, ont fait chuter le taux de natalité, et la barre ne s’est pas redressée depuis. Entre 2007 et la fin de l'année 2021, la population active de la Russie a diminué de 5,8 millions de personnes. Il faut ajouter à cela les 750 000 décès liés au Covid entre 2020 et 2022, à en croire les données du Service fédéral des statistiques.
Alors les industries gazières et pétrolières sont toutes voiles dehors pour palier au manque de main d’oeuvre, à grand renfort d’avantages en nature. Selon les offres d'emploi publiées sur le site hh.ru, un travailleur de terrain effectuant des rotations mensuelles quelque part en Sibérie ou dans l'Arctique peut s'attendre à des "repas chauds trois fois par jour" et à des visites médicales régulières prises en charge par l'employeur.
Certains employeurs proposent également des incitations qui rappelle celles de l'ère soviétique, telles que des "cadeaux de nouvel an pour les enfants" et des voyages dans des centres de villégiature, d'après des annonces récentes sur le site. D'autres entreprises ont mis en place une politique de cooptation "amenez votre ami et soyez payé", offrant entre 50 et 100 dollars par nouvel employé.
Une économie au chevet de la guerre
Pour l’économie russe, tout ralentissement serait dommageable : l'industrie des hydrocarbures représente 27 % du PIB de la Russie et leurs ventes à l'étranger représentent environ 57 % des exportations totales du pays, a indiqué en décembre 2023 Alexandre Novak, le vice-premier ministre russe chargé de l'énergie. Les recettes pétrolières et gazières de Moscou en avril devraient presque doubler cette année par rapport à 2023 pour atteindre 14 milliards de dollars grâce à la hausse des prix, selon les calculs de Reuters.
Le pays, pourtant sous le coups de multiples sanctions, continue d’exporter le brut de l’Oural et le gaz, grâce à sa grandissante flotte noire, et à ses nouveaux partenaires privilégiés, l’Inde et la Chine. "En peu de temps, la Chine a remplacé l'Union européenne en tant que premier acheteur d'énergie et fournisseur de biens de la Russie, donnant à cette dernière à la fois des liquidités et les produits manufacturés dont elle a besoin pour survivre", notaient les analystes Yanmei Xie et Thomas Gatley dans une note pour la société d'études économiques Gavekal en février, que nous rapportions dans la foulée.
De surcroît, le pays peut se targuer d’une rapide adaptation à la chute des exportations de gaz vers l’Union européenne : en quelques mois, la Russie a redirigé ses forces vers le gaz naturel liquéfié. Les livraisons vers le vieux continent ont augmenté de 11 % entre 2021 et 2023, selon l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA). Pour l’instant, l’Occident peine à étouffer les torchères russes.
https://www.msn.com/fr-fr/finance/other ... 6e1a&ei=69
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Article de Marie Lombard 7 mai 2024
[b]Pour alimenter son effort de guerre, la Russie affecte sa force de travail au front. Une situation qui dépeuple le secteur des énergies fossiles, pourtant indispensable à l'économie de la Fédération.[/b]
Les chiffres s’égrainent, impitoyables. Depuis le début du conflit en Ukraine, quelque 150 000 soldats russes ont été tués, selon les dernières estimations communiquées par le ministre français des Affaires étrangères dans l'édition européenne du journal russe indépendant Novaya Gazeta, vendredi 3 mai. De son côté, Volodymyr Zelensky avançait en février le nombre de 180 000 Russes morts dans les combats.
Dans sa quête de nouveaux territoires dans l’Est de l’Ukraine, Russie dépense les soldats sans compter, et s’appuie sur ses conscrits pour combler les trous. Ce printemps, quelque 147 000 jeunes hommes âgés de 18 à 30 ans doivent rejoindre l’armée. Ils seront poussés à contractualiser par d’alléchantes propositions financières : dans un pays où 11% de la population vivait en 2021 sous le seuil de pauvreté selon Statista, la prime d’engagement forfaitaire nationale de 195 000 attire un public en difficulté financière.
[b]L'armée ou le pétrole[/b]
Toutefois les campagnes de recrutements poussives de Moscou blessent, par ricochet, son économie largement tournée vers les énergies fossiles. Selon les analyses de Bloomberg, les entreprises énergétiques, qui offrent traditionnellement des salaires plus élevés que les autres branches de l’industrie, font face à des difficultés de recrutement, se retrouvant en concurrence avec l'armée russe et les fabricants d'armes pour recruter des travailleurs.
Ainsi le secteur pétrolier et gazier russe manque d'environ 40 000 employés cette année, selon les estimations de Kasatkin Consulting, basé à Moscou. Les offres d’emploi en ligne dans le secteur ont augmenté de 24 % par rapport à 2023, explique Bloomberg, qui a recoupé les données de la principale plateforme de recrutement russe hh.ru.
"La concurrence avec les salaires des forces armées et du complexe militaro-industriel a certainement eu un impact sur la disponibilité de la main-d'œuvre pour l'industrie pétrolière et gazière russe", conclut Dmitry Kasatkin, associé de la société Kasatkin Consulting. "Ce secteur a des postes vacants pour des électriciens, des chauffeurs, des mécaniciens, des soudeurs, des machinistes, des ouvriers, des directeurs des ventes, des ingénieurs concepteurs, des vendeurs", renchérit Anna Osipova, responsable des communications externes régionales chez hh.ru.
C’est sans compter le vide laissé par les travailleurs immigrés, aux abonnés absents depuis le début des hostilités en 2022 : en 2023, l'afflux net officiel de migrants étrangers dans le pays s'est élevé à près de 110 000 personnes, à peine un quart du niveau de 2021.
Et la guerre en Ukraine arrive au sommet de la pile des problématiques qui ont grignoté la part des actifs dans la population russe ces dernières décennies. Ainsi, retrace Bloomberg, les bouleversements économique de 1990, suite à l’éclatement de l’URSS, ont fait chuter le taux de natalité, et la barre ne s’est pas redressée depuis. Entre 2007 et la fin de l'année 2021, la population active de la Russie a diminué de 5,8 millions de personnes. Il faut ajouter à cela les 750 000 décès liés au Covid entre 2020 et 2022, à en croire les données du Service fédéral des statistiques.
Alors les industries gazières et pétrolières sont toutes voiles dehors pour palier au manque de main d’oeuvre, à grand renfort d’avantages en nature. Selon les offres d'emploi publiées sur le site hh.ru, un travailleur de terrain effectuant des rotations mensuelles quelque part en Sibérie ou dans l'Arctique peut s'attendre à des "repas chauds trois fois par jour" et à des visites médicales régulières prises en charge par l'employeur.
Certains employeurs proposent également des incitations qui rappelle celles de l'ère soviétique, telles que des "cadeaux de nouvel an pour les enfants" et des voyages dans des centres de villégiature, d'après des annonces récentes sur le site. D'autres entreprises ont mis en place une politique de cooptation "amenez votre ami et soyez payé", offrant entre 50 et 100 dollars par nouvel employé.
Une économie au chevet de la guerre
Pour l’économie russe, tout ralentissement serait dommageable : l'industrie des hydrocarbures représente 27 % du PIB de la Russie et leurs ventes à l'étranger représentent environ 57 % des exportations totales du pays, a indiqué en décembre 2023 Alexandre Novak, le vice-premier ministre russe chargé de l'énergie. Les recettes pétrolières et gazières de Moscou en avril devraient presque doubler cette année par rapport à 2023 pour atteindre 14 milliards de dollars grâce à la hausse des prix, selon les calculs de Reuters.
Le pays, pourtant sous le coups de multiples sanctions, continue d’exporter le brut de l’Oural et le gaz, grâce à sa grandissante flotte noire, et à ses nouveaux partenaires privilégiés, l’Inde et la Chine. "En peu de temps, la Chine a remplacé l'Union européenne en tant que premier acheteur d'énergie et fournisseur de biens de la Russie, donnant à cette dernière à la fois des liquidités et les produits manufacturés dont elle a besoin pour survivre", notaient les analystes Yanmei Xie et Thomas Gatley dans une note pour la société d'études économiques Gavekal en février, que nous rapportions dans la foulée.
De surcroît, le pays peut se targuer d’une rapide adaptation à la chute des exportations de gaz vers l’Union européenne : en quelques mois, la Russie a redirigé ses forces vers le gaz naturel liquéfié. Les livraisons vers le vieux continent ont augmenté de 11 % entre 2021 et 2023, selon l'Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA). Pour l’instant, l’Occident peine à étouffer les torchères russes.
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https://www.msn.com/fr-fr/finance/other/ukraine-la-russie-envoie-ses-travailleurs-au-front-et-manque-de-bras-pour-le-p%C3%A9trole-et-le-gaz/ar-BB1lWycw?ocid=msedgntp&pc=DCTS&cvid=d399c78874ce4a51ba537179b6436e1a&ei=69