Les navires liés à la Chine accostant aux États-Unis devront payer de nouveaux frais dans 180 jours
Engagée dans une bataille mondiale sur les droits de douane, la Maison Blanche a détaillé jeudi 17 avril comment seront appliqués des frais supplémentaires aux navires liés à la Chine touchant des ports américains. Des mesures spécifiques ont été prises pour les méthaniers et les rouliers.
Les États-Unis ont annoncé de nouveaux frais pour tous les navires liés à la Chine touchant les ports américains (ici le port de Baltimore, dans le Maryland. | ANNA MONEYMAKE/GETTY IMAGES VIA AFP
Thibaud TEILLARD, avec AFP. Publié le 18/04/2025 Le marin
Nouvel épisode de la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis. Les propriétaires et armateurs de navires fabriqués en Chine vont devoir payer de nouveaux frais lorsqu’ils accosteront dans les ports américains, mesure qui doit entrer en vigueur dans 180 jours (le 14 octobre) et dont les montants doivent augmenter progressivement jusqu’au 17 avril 2028. Seront également concernés les propriétaires et opérateurs chinois de navires non fabriqués en Chine, a précisé jeudi 17 avril le représentant au commerce de la Maison Blanche (USTR) Jamieson Greer dans un communiqué. La mesure avait été annoncée initialement comme plus stricte, avant d’être allégée ces derniers jours.
Ces frais seront facturés par visite aux États-Unis – et pas à chaque port américain visité – et un maximum de cinq fois par navire et par an. L’USTR a aussi prévu une tarification spécifique pour les navires fabriqués à l’étranger transportant des véhicules (dont a priori pas seulement construits en Chine, ce qui impactera aussi les chantiers coréens et japonais), qui doit aussi entrer en vigueur dans 180 jours. Et également des mesures pour ceux transportant du gaz naturel liquéfié (GNL).
L’USTR a pris aujourd’hui une mesure ciblée pour restaurer la construction navale américaine et pour réagir face aux actions, politiques et aux pratiques déraisonnables de la Chine pour dominer les secteurs maritimes, logistiques et de la construction navale , a relevé le communiqué.
L’ancien président Joe Biden avait confié en 2024 à l’USTR le soin d’enquêter pour mettre à jour les pratiques déloyales de la Chine dans les secteurs de la construction navale, du transport maritime et de la logistique . Cette enquête a été maintenue par son successeur Donald Trump, qui a également annoncé début mars la création d’un Bureau de la construction navale qui doit être rattaché à la Maison Blanche.
La construction navale américaine en berne
Dominante au sortir de la Seconde Guerre mondiale, l’industrie navale américaine a peu à peu reculé et ne représente plus que 0,1 % de la construction navale au niveau mondial, désormais dominée par l’Asie, avec la Chine qui construit près de la moitié des navires mis à l’eau, devant la Corée du Sud et le Japon. Les trois pays asiatiques représentent plus de 95 % des navires civils construits, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Cette annonce intervient en pleine guerre commerciale entre Washington et Pékin, à coups de droits de douane.
Les navires et le commerce maritime sont cruciaux pour la sécurité économique américaine et pour la circulation libre du commerce , a commenté Jamieson Greer, cité dans le communiqué de jeudi. Il a précisé que l’objectif était de renverser la domination chinoise, de régler les menaces pesant sur la chaîne d’approvisionnement des États-Unis et d’envoyer un message pour la demande en navires de fabrication américaine .
Les États-Unis prévoient donc, dans 180 jours, de faire payer aux navires fabriqués en Chine 18 dollars par tonne nette – ou 120 dollars par conteneur –, avec une hausse de cinq dollars par an pendant les trois années suivantes (jusqu’à 33 dollars le 17 avril 2028). La hausse sera proportionnelle pour la facturation par conteneur et atteindra, par exemple, 154 dollars la deuxième année et 250 dollars en 2028. Des exemptions s’appliqueront aux plus petits navires (moins de 4 000 EVP pour les porte-conteneurs et 55 000 tpl pour les autres) et à ceux arrivant sur lest (vides). Les voyages de moins de 2 000 milles nautiques sont exemptés, tout comme les navires appartenant à des entreprises américaines exerçant certaines activités d’exportation spécialisées, ainsi que ceux participant à des programmes de subventions administrés par l’administration maritime américaine.
L’influence chinoise dans le viseur
Concernant les navires détenus ou opérés par des Chinois mais non fabriqués en Chine, l’USTR a prévu 50 dollars par tonne nette avec une hausse annuelle de 30 dollars supplémentaires pendant les trois années suivantes. Par ailleurs, pour inciter à la fabrication aux États-Unis de navires de transport de véhicules, tous ceux sortis de chantiers navals non américains devront payer à partir de 150 dollars par « car equivalent unit » (CEU). Cette mesure doit aussi commencer dans 180 jours.
Et, pour stimuler la fabrication américaine de navires de transport de GNL, les méthaniers, des restrictions non précisées vont être mises en place dans trois ans sur ceux de fabrication étrangère. Elles augmenteront graduellement pendant 22 ans , a précisé l’USTR. L’USTR exige que 1 % des volumes de GNL exportés en 2030 soit sur des navires construits aux États-Unis pour atteindre 15 % en 2047.
Mais si l’opérateur, ou le propriétaire, d’un navire lié à la Chine peut prouver une commande pour un navire équivalent fabriqué aux États-Unis, les frais et restrictions seront suspendus pour trois ans maximum .
Après les grands armateurs mondiaux, les fédérations américaines d’une trentaine de secteurs d’activités avaient fait part en mars de leurs inquiétudes sur les risques de telles mesures sur les prix des produits importés. Certes, ces mesures profiteront à l’industrie navale américaine mais de nombreux secteurs seront touchés, et dans plusieurs cas très fortement , avaient-elles relevé, citant notamment le secteur agricole, des services des différents secteurs industriels, sans pour autant chiffrer l’impact.