par energy_isere » 11 juin 2020, 21:51
Eco-conception, réemploi, recyclage... Trois pistes pour améliorer l'empreinte environnementale des produits électroniques
MYRTILLE DELAMARCHE Usine Nouvelle 11/06/2020
S’il reste compliqué de verdir la chaîne d’approvisionnement en métaux des appareils électroniques, leur réemploi et leur recyclage progressent en France.
Il y a plus d’or dans une tonne de déchets électroniques que dans une tonne de minerai extrait des meilleurs gisements. Entre 2017 et 2019, le Japon a produit 5 000 médailles d’or, d’argent et de bronze à partir de 72 000 tonnes de déchets électroniques pour les jeux Olympiques d’été Tokyo 2020 (qui se dérouleront en 2021, pour cause de pandémie de Covid-19). La France prévoit de faire de même pour Paris 2024.
Ce recyclage symbolique est l’un des leviers censés inciter les Français à sortir de leurs tiroirs les 54 à 113 millions de téléphones portables qui s’y trouvent, selon un rapport réalisé par Sofies et Bio Innovation Service pour un collectif réunissant autour de l’Afnum – le syndicat des industries du numérique –, Samsung, les éco-organismes Ecologic et ESR, les entreprises du réemploi et la Fédération française des télécoms.
Le grand potentiel du réemploi
Plus des deux tiers de ces appareils en hibernation sont fonctionnels. Ils intéressent les filières du réemploi. "Passer de deux à quatre ans d’usage améliore de 50 % le bilan environnemental d’une tablette ou d’un ordinateur", a calculé l’Ademe, l’Agence de la transition écologique. C’est le credo d’EasyCash, qui a annoncé le 20 mai un partenariat avec Cdiscount dans les jeux vidéo et accessoires de gaming reconditionnés, et d’acteurs de l’économie sociale et solidaire comme les Ateliers du Bocage, une structure du réseau Emmaüs. "Le marché du réemploi pourrait tripler en trois ans, à 300 milliards d’euros, et les emplois directs être multipliés par sept, soit plus de 700 000 travailleurs", affirme Benoît Varin, le cofondateur de Recommerce, qui souligne en outre les "3,6 milliards de tonnes de CO2 évité."
"Plus on dématérialise, plus on utilise de matières"
Ceux qui ne peuvent être réparés sont recyclés, pour récupérer une partie des 40 minéraux – aluminium de la coque, cuivre des câbles, étain des soudures, indium des écrans, tantale des condensateurs… – du millier de composants d’un smartphone. "Paradoxalement, plus on dématérialise, plus on utilise de matières. Plus on miniaturise les composants, plus on alourdit leur impact sur l’environnement", résume l’Ademe.
À défaut de pouvoir tout séparer, Morphosis a produit l’an passé 11 000 tonnes de métaux industriels et précieux à partir de déchets électroniques, affirme Serge Kimbel, son PDG. Cette entreprise de Tourville-les-Ifs (Seine-Maritime), qui a emménagé sur l’ancien site Bénédictine-Bacardi, broie, sépare, fond et affine à 99,9 % par attaques chimiques successives les métaux de valeur (argent, platinoïdes, cuivre, étain…) des cartes et petits appareils électroniques. Les plastiques, des copolymères complexes (acrylonitrile, butadiène, styrène, éthylène-acétate de vinyle…) et largement bromés pour résister à l’échauffement, sont difficiles à valoriser. Serge Kimbel, lui, "sent évoluer la demande industrielle vers des approvisionnements plus locaux, en métaux issus de l’économie circulaire plutôt que des mines. Mais pas au point de les payer plus cher". Pour y répondre, il vient de créer WeeeCycling, qui va plus loin que Morphosis en proposant aux industriels des sels métalliques (oxydes, nitrates) issus de la mine urbaine ou recyclés en boucle à partir de chutes, parfois jusque chez leurs sous-traitants en Chine. Ce, pour des secteurs aussi exigeants que l’énergie (batteries lithium-ion, piles à hydrogène), la galvanoplastie pour l’aéronautique et la pharmacie. Ses premiers clients devraient se dévoiler en fin d’année.
Verdir à la source
Pour fabriquer un appareil électronique, il faut extraire de 50 à 350 fois son poids en minerais : 800 kg pour un ordinateur, 500 kg pour une box internet… La consommation d’eau, elle, passe de plus de 2 millions de litres pour 1 kilo de métal stratégique miné à 37 litres dans le procédé de WeeeCycle. Inquiet de son image, critiqué pour ses batteries collées, soupçonné d’obsolescence programmée, Apple vante sa stratégie de recyclage en boucle. L’effet wahou de ses robots démonteurs d’iPhone, Liam en 2016 puis Daisy depuis 2018, masque mal leur faible participation aux approvisionnements de la marque à la pomme. Malgré une capacité de démontage de 1,2 million d’iPhone par an – dont elle peut extraire 15 grammes d’aluminium par unité, 10 g de cuivre, 8 g de cobalt, 0,3 gramme de terres rares et 0,011 g d’or -, Daisy s’ennuie. Au point qu’Apple envisage de la nourrir de batteries électriques. En septembre, le groupe a annoncé incorporer 100 % de terres rares recyclées dans le moteur du bouton haptique de l’iPhone 11, qui provoque le ressenti d’un bouton sur la dalle tactile. Ce composant concentre certes un quart des terres rares de l’appareil, mais ce recyclage provient de résidus de production, non de produits en fin de vie. Apple revendique aussi 100 % d’approvisionnements en énergies renouvelables et se fournit chez Elysis, le consortium de production d’aluminium bas-carbone de Rio Tinto et Alcoa.
Chez Samsung, les appareils électriques et électroniques récupérés à travers le programme Re+ sont broyés avant tri du cuivre, de l’aluminium et des plastiques dont Samsung espère réutiliser 500 000 tonnes d’ici à 2030.
Orange recourt à plusieurs prestataires pour recycler ses produits renvoyés au service après-vente. Certains sont reconditionnés par Ingram Micro Services à Montauban (Tarn-et-Garonne) et SagemCom à Dinan (Côtes-d’Armor), d’autres sont confiés à Ecosystem.
À ces géants, les consommateurs les plus militants préfèrent des constructeurs de smartphones plus low-tech, mais durables. Le pionnier Fairphone a fait des émules, tel le Shiftphone allemand qui incorpore des condensateurs en céramique plutôt qu’au tantale tiré du coltan, emblématique des minerais de sang en République démocratique du Congo. D’autres se concentrent sur la durabilité, comme Teracube qui garantit ses smartphones quatre ans. Dans le Fairphone 3, l’objectif 2022 est que les filières équitables que contrôle l’entreprise néerlandaise couvrent 40 % des besoins pour huit matériaux (or, cobalt, tungstène, lithium, néodyme, cuivre, plastique et étain), contre quatre dans les modèles précédents. Un objectif pas si modeste, qui impose de convaincre avec un faible poids commercial des centaines de sous-traitants situés pour la plupart en Asie.
https://www.usinenouvelle.com/editorial ... es.N972561
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MYRTILLE DELAMARCHE Usine Nouvelle 11/06/2020
[b] S’il reste compliqué de verdir la chaîne d’approvisionnement en métaux des appareils électroniques, leur réemploi et leur recyclage progressent en France.[/b]
Il y a plus d’or dans une tonne de déchets électroniques que dans une tonne de minerai extrait des meilleurs gisements. Entre 2017 et 2019, le Japon a produit 5 000 médailles d’or, d’argent et de bronze à partir de 72 000 tonnes de déchets électroniques pour les jeux Olympiques d’été Tokyo 2020 (qui se dérouleront en 2021, pour cause de pandémie de Covid-19). La France prévoit de faire de même pour Paris 2024.
Ce recyclage symbolique est l’un des leviers censés inciter les Français à sortir de leurs tiroirs les 54 à 113 millions de téléphones portables qui s’y trouvent, selon un rapport réalisé par Sofies et Bio Innovation Service pour un collectif réunissant autour de l’Afnum – le syndicat des industries du numérique –, Samsung, les éco-organismes Ecologic et ESR, les entreprises du réemploi et la Fédération française des télécoms.
[b]Le grand potentiel du réemploi[/b]
Plus des deux tiers de ces appareils en hibernation sont fonctionnels. Ils intéressent les filières du réemploi. "Passer de deux à quatre ans d’usage améliore de 50 % le bilan environnemental d’une tablette ou d’un ordinateur", a calculé l’Ademe, l’Agence de la transition écologique. C’est le credo d’EasyCash, qui a annoncé le 20 mai un partenariat avec Cdiscount dans les jeux vidéo et accessoires de gaming reconditionnés, et d’acteurs de l’économie sociale et solidaire comme les Ateliers du Bocage, une structure du réseau Emmaüs. "Le marché du réemploi pourrait tripler en trois ans, à 300 milliards d’euros, et les emplois directs être multipliés par sept, soit plus de 700 000 travailleurs", affirme Benoît Varin, le cofondateur de Recommerce, qui souligne en outre les "3,6 milliards de tonnes de CO2 évité."
[b]"Plus on dématérialise, plus on utilise de matières"[/b]
Ceux qui ne peuvent être réparés sont recyclés, pour récupérer une partie des 40 minéraux – aluminium de la coque, cuivre des câbles, étain des soudures, indium des écrans, tantale des condensateurs… – du millier de composants d’un smartphone. "Paradoxalement, plus on dématérialise, plus on utilise de matières. Plus on miniaturise les composants, plus on alourdit leur impact sur l’environnement", résume l’Ademe.
À défaut de pouvoir tout séparer, Morphosis a produit l’an passé 11 000 tonnes de métaux industriels et précieux à partir de déchets électroniques, affirme Serge Kimbel, son PDG. Cette entreprise de Tourville-les-Ifs (Seine-Maritime), qui a emménagé sur l’ancien site Bénédictine-Bacardi, broie, sépare, fond et affine à 99,9 % par attaques chimiques successives les métaux de valeur (argent, platinoïdes, cuivre, étain…) des cartes et petits appareils électroniques. Les plastiques, des copolymères complexes (acrylonitrile, butadiène, styrène, éthylène-acétate de vinyle…) et largement bromés pour résister à l’échauffement, sont difficiles à valoriser. Serge Kimbel, lui, "sent évoluer la demande industrielle vers des approvisionnements plus locaux, en métaux issus de l’économie circulaire plutôt que des mines. Mais pas au point de les payer plus cher". Pour y répondre, il vient de créer WeeeCycling, qui va plus loin que Morphosis en proposant aux industriels des sels métalliques (oxydes, nitrates) issus de la mine urbaine ou recyclés en boucle à partir de chutes, parfois jusque chez leurs sous-traitants en Chine. Ce, pour des secteurs aussi exigeants que l’énergie (batteries lithium-ion, piles à hydrogène), la galvanoplastie pour l’aéronautique et la pharmacie. Ses premiers clients devraient se dévoiler en fin d’année.
[b]Verdir à la source[/b]
Pour fabriquer un appareil électronique, il faut extraire de 50 à 350 fois son poids en minerais : 800 kg pour un ordinateur, 500 kg pour une box internet… La consommation d’eau, elle, passe de plus de 2 millions de litres pour 1 kilo de métal stratégique miné à 37 litres dans le procédé de WeeeCycle. Inquiet de son image, critiqué pour ses batteries collées, soupçonné d’obsolescence programmée, Apple vante sa stratégie de recyclage en boucle. L’effet wahou de ses robots démonteurs d’iPhone, Liam en 2016 puis Daisy depuis 2018, masque mal leur faible participation aux approvisionnements de la marque à la pomme. Malgré une capacité de démontage de 1,2 million d’iPhone par an – dont elle peut extraire 15 grammes d’aluminium par unité, 10 g de cuivre, 8 g de cobalt, 0,3 gramme de terres rares et 0,011 g d’or -, Daisy s’ennuie. Au point qu’Apple envisage de la nourrir de batteries électriques. En septembre, le groupe a annoncé incorporer 100 % de terres rares recyclées dans le moteur du bouton haptique de l’iPhone 11, qui provoque le ressenti d’un bouton sur la dalle tactile. Ce composant concentre certes un quart des terres rares de l’appareil, mais ce recyclage provient de résidus de production, non de produits en fin de vie. Apple revendique aussi 100 % d’approvisionnements en énergies renouvelables et se fournit chez Elysis, le consortium de production d’aluminium bas-carbone de Rio Tinto et Alcoa.
Chez Samsung, les appareils électriques et électroniques récupérés à travers le programme Re+ sont broyés avant tri du cuivre, de l’aluminium et des plastiques dont Samsung espère réutiliser 500 000 tonnes d’ici à 2030.
Orange recourt à plusieurs prestataires pour recycler ses produits renvoyés au service après-vente. Certains sont reconditionnés par Ingram Micro Services à Montauban (Tarn-et-Garonne) et SagemCom à Dinan (Côtes-d’Armor), d’autres sont confiés à Ecosystem.
À ces géants, les consommateurs les plus militants préfèrent des constructeurs de smartphones plus low-tech, mais durables. Le pionnier Fairphone a fait des émules, tel le Shiftphone allemand qui incorpore des condensateurs en céramique plutôt qu’au tantale tiré du coltan, emblématique des minerais de sang en République démocratique du Congo. D’autres se concentrent sur la durabilité, comme Teracube qui garantit ses smartphones quatre ans. Dans le Fairphone 3, l’objectif 2022 est que les filières équitables que contrôle l’entreprise néerlandaise couvrent 40 % des besoins pour huit matériaux (or, cobalt, tungstène, lithium, néodyme, cuivre, plastique et étain), contre quatre dans les modèles précédents. Un objectif pas si modeste, qui impose de convaincre avec un faible poids commercial des centaines de sous-traitants situés pour la plupart en Asie.
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