par energy_isere » 25 janv. 2024, 09:52
Comment la Turquie tire profit des sanctions contre la Russie
En se muant en plateforme de transit pour les exportations parallèles vers la Russie, en y exportant ses propres biens et en accroissant sa présence économique sur place, la Turquie a tourné les sanctions contre Moscou à son avantage.
Par Killian Cogan Publié le 25 janv. 2024 lesechos
Les sanctions économiques adoptées par le bloc occidental et le Japon à l'encontre de la Russie à la suite de son invasion de l'Ukraine en février en 2022 ont créé une myriade d'opportunités pour nombre de pays alliés de Moscou, ou non-alignés. Parmi eux, la Chine, Hong Kong, les Emirats arabes unis, les républiques du Caucase et d'Asie centrale mais aussi la Turquie .
Ce membre de l'Otan, qui a condamné l'agression russe de l'Ukraine tout en refusant de participer au programme des sanctions , est l'un de ceux qui exploitent le mieux le contexte d'embargo. En témoigne l'évolution de ses exportations vers la Russie : d'une valeur de 6 milliards de dollars en 2021, elles totalisaient près de 11 milliards de dollars en 2023, soit une hausse de 83,3 % sur deux ans.
Derrière ces chiffres, il s'agit en grande partie de biens occidentaux que la Turquie importe avant de réexporter vers la Russie, servant ainsi de plateforme de transit. Une marchandise expédiée par le biais de sociétés locales, fondées notamment par des Russes. Selon l'Union turque des chambres et d'échange de marchandises (TOBB), entre février 2022 et août 2023, près de 2000 sociétés ont été établies par des hommes d'affaires russes dans le pays, dont la plupart sont enregistrées sous le label « commerce de gros non spécialisé ».
Biens à double usage
Autant dire que ce circuit parallèle, autorisé par les autorités russes dans un contexte d'effondrement des chaînes d'approvisionnement traditionnelles , constitue une aubaine pour ses intermédiaires turcs : logisticiens, compagnies de transport, douanes et négociants. Si certains des biens réexportés en Russie sont anodins - vêtements, alimentation, cosmétiques, etc. -, d'autres, à double usage, tombent sous le coup des sanctions tant ils peuvent servir à la fabrication de matériel militaire.
C'est le cas des véhicules, des pièces détachées ou encore des appareils électroménagers et des téléphones portables, dont les composantes peuvent être récupérées et exploitées par le complexe militaro-industriel russe . Or, une flopée de sociétés turques ont été créées dans la foulée de l'invasion de l'Ukraine afin de réexporter ces marchandises cruciales à la machine de guerre russe. Au cours des deux dernières années, plusieurs dizaines de millions de dollars de machinerie, de composants électroniques, tels des semi-conducteurs produits aux Etats-Unis ou en Europe, ont transité de la sorte via la Turquie.
De quoi attiser le courroux des chancelleries occidentales. A la suite des pressions et avertissements insistants de Washington et de Bruxelles quant au contournement des sanctions, en mars 2023, les autorités turques se sont résignées à contrôler et à restreindre le passage de biens sanctionnés vers la Russie. Pendant un temps.
Sanctions du bloc occidental
« D'un coup, la Turquie a brusquement bloqué le transit des marchandises sanctionnées, ce qui a provoqué la panique sur le marché logistique russe », confesse Katerina Zabrodkina, une consultante russe dans le secteur automobile installée à Bichkek, au Kirghizstan, et qui fournit notamment ses services auprès de clients européens. « Cela a causé un retard d'une dizaine de jours dans l'expédition des cargaisons, et les logisticiens russes ont dû négocier séparément la délivrance d'une déclaration de douane pour chaque cargaison, fournir beaucoup de documents et persuader les Turcs de répondre à leurs demandes. Mais très vite, les livraisons ont repris », pointe-t-elle.
Au grand dam, encore une fois, du bloc occidental. « Malheureusement, au cours des dix-huit à vingt-quatre derniers mois, nous avons constaté que la réexportation via la Turquie des composants à double usage a été multipliée par six », s'est agacé le secrétaire adjoint au Trésor américain Brian Nelson, lors d'une visite à Ankara fin novembre. En tout, l'Office of Foreign Assets Control (OFAC), l'organisme rattaché au Trésor américain chargé de l'application des sanctions, a placé près d'une trentaine de sociétés et trois individus turcs sur sa liste noire.
Parmi eux, l'entreprise Azint Elektronik, un fournisseur électronique domicilié à Istanbul et épinglé en novembre pour avoir expédié des circuits intégrés occidentaux vers la Russie. Ou encore Berk Türken, un Turc accusé d'avoir, par le biais de ses sociétés, aidé les services de renseignements russes à acquérir des technologies pour le compte d'entités sanctionnées.
Peur des représailles
Depuis le 22 décembre, lorsque le président Joe Biden a signé un décret prévoyant de couper l'accès au système financier américain aux institutions financières accusées d'aider la Russie à contourner les sanctions, de nombreuses banques turques auraient rompu leurs correspondances avec leurs homologues russes par peur des représailles, selon le quotidien économique russe « Kommersant ». Désormais, la quasi-totalité d'entre elles rejetteraient les paiements en provenance de la Russie, suscitant l'inquiétude des exportateurs turcs.
Cité par « Kommersant », le président de l'association russe Financial Innovations Roman Prokhorov prévient qu'il sera toutefois possible « d'effectuer ces paiements par l'intermédiaire des pays amis du Caucase et d'Asie centrale » si ces problèmes devaient persister à l'avenir. En novembre dernier, le « Financial Times » a d'ailleurs révélé que la Turquie a déjà réexporté pour 158 millions de dollars de biens sanctionnés vers la Russie via ces pays au cours des neuf premiers mois de 2023.
Accroissement des explorations turques vers la Russie
Au-delà de servir de plateforme de transit de biens occidentaux - sanctionnés ou non -, la Turquie a accru les exportations de ses propres biens vers la Russie. « Entre janvier et juillet, nous avons augmenté nos exportations à destination de la Russie de 83 %, exportations qui ont atteint une valeur de plus de 183 millions de dollars », se réjouissait ainsi Mustafa Büyükegen, le président de la chambre d'industrie de la ville de Konya, en Anatolie centrale, à l'occasion d'une foire industrielle locale tenue en août dernier. « Nos industriels ont exporté en Russie des pièces détachées de véhicules à moteur, des pièces de machines, des chaudières, des produits en fer et en acier et des matières plastiques », a-t-il précisé, lui-même producteur d'engrais et de pesticides.
Si elles comprennent les biens réexportés, les données sectorielles des exportations turques vers la Russie demeurent révélatrices : selon l'Assemblée des exportateurs turcs (TIM), au cours de l'année 2023, les exportations turques de machinerie en Russie ont augmenté de 78,5 %. Aussi remarque-t-on les poussées des secteurs du prêt-à-porter et de la confection (+81,5), de la climatisation (+70,5) ou encore de la verrerie, du ciment et de la céramique (+48,8 %).
« A la suite de la guerre en Ukraine, beaucoup d'entreprises occidentales ont quitté la Russie, ce qui a créé un vide que nous, les marques turques, avons commencé à remplir », analyse Esra Kustemir, la PDG de Taç Mutfak Esyalari, un fabricant d'articles de cuisine installé dans la périphérie stambouliote. « Au cours des deux dernières années, nous avons augmenté nos exportations en Russie de plus de 50 %, et nous expédions également beaucoup de produits là-bas via les plateformes d'e-commerce » se targue-t-elle.
Ersatz russes de marques occidentales
S'il est toujours présent en Russie, son principal concurrent, le groupe français et géant mondial des équipements de cuisine SEB , a en effet fortement diminué ses activités sur place. « 1233 entreprises étrangères ont restreint leurs opérations locales et se préparent au départ », explique Andrii Onopriienko, un chercheur à la Kyiv School of Economics qui compile des données sur les opérations des firmes étrangères en Russie dans le cadre du projet « Leave Russia ». Parmi ces entreprises, près de 300 auraient plié bagage pour de bon.
Ces départs ont surtout favorisé l'apparition d'ersatz russes de marques occidentales, à l'instar de Starbucks devenu « Stars Coffee » et d'Ikea se muant en « Swed House », profitant de la sorte à des entrepreneurs et repreneurs locaux. Mais ils ont, dans une moindre mesure, aussi profité à des concurrents venus de Chine, d'Inde, des pays post-soviétiques et bien sûr de Turquie.
Ainsi, comme le révèle un classement de « Forbes Russia » des cinquante plus grosses entreprises étrangères établies dans le pays, celle ayant connu la plus forte croissance entre 2021 et 2022 n'est autre que le fabricant turc d'électroménager Arçelik, qui a gonflé ses revenus de près de 160 %. Et si la plupart des entreprises du classement étaient encore occidentales en 2022, quatre sociétés turques y ont fait leur apparition cette année-là. A l'image de la présence croissante des entreprises turques dans le pays.
Rachats d'actifs russes
« Comme les produits occidentaux continuent d'être vendus via les circuits parallèles, la position commerciale des entreprises turques demeure limitée », tempère Ivan Fediakov, le directeur du groupe d'études de marché INFOLine, basé à Dubaï, aux Emirats arabes unis. Reste que, parmi les onze nouvelles firmes étrangères s'étant installées en Russie en 2022, cinq étaient turques. L'année suivante, elles sont neuf sur un total de seize nouveaux entrants. Il s'agit pour la plupart de marques de prêt-à-porter et d'équipements domestiques.
Plusieurs groupes turcs ont aussi racheté les actifs russes de ces entreprises occidentales qui ont déjà quitté la Russie ou projettent de le faire. Comme Arçelik qui, en juin 2022, a repris les activités du fabricant américain d'électroménager Whirlpool pour la somme de 260 millions d'euros. Tel est également le cas du détaillant de chaussures FLO qui a acquis les enseignes locales de la marque américaine Reebok en mai 2022, ou encore du producteur de bière Anadolu Efes qui, après avoir fusionné avec le groupe brassicole belge AB InBev en Russie en 2018, est aujourd'hui en passe de reprendre l'intégralité de ses opérations sur place.
« Ils aiment les Turcs là-bas, et c'est un marché précieux avec une forte demande. Nos deux pays entretiennent de bonnes relations, c'est un avantage pour nous », résume, pragmatique, la fabricante d'ustensiles de cuisine Esra Kustemir.
https://www.lesechos.fr/monde/europe/co ... ie-2071294
[quote] [b][size=120]Comment la Turquie tire profit des sanctions contre la Russie [/size]
En se muant en plateforme de transit pour les exportations parallèles vers la Russie, en y exportant ses propres biens et en accroissant sa présence économique sur place, la Turquie a tourné les sanctions contre Moscou à son avantage.[/b]
Par Killian Cogan Publié le 25 janv. 2024 lesechos
Les sanctions économiques adoptées par le bloc occidental et le Japon à l'encontre de la Russie à la suite de son invasion de l'Ukraine en février en 2022 ont créé une myriade d'opportunités pour nombre de pays alliés de Moscou, ou non-alignés. Parmi eux, la Chine, Hong Kong, les Emirats arabes unis, les républiques du Caucase et d'Asie centrale mais aussi la Turquie .
Ce membre de l'Otan, qui a condamné l'agression russe de l'Ukraine tout en refusant de participer au programme des sanctions , est l'un de ceux qui exploitent le mieux le contexte d'embargo. [color=#FF0000]En témoigne l'évolution de ses exportations vers la Russie : d'une valeur de 6 milliards de dollars en 2021, elles totalisaient près de 11 milliards de dollars en 2023, soit une hausse de 83,3 % sur deux ans[/color].
Derrière ces chiffres, [b]il s'agit en grande partie de biens occidentaux que la Turquie importe avant de réexporter vers la Russie, servant ainsi de plateforme de transit.[/b] Une marchandise expédiée par le biais de sociétés locales, fondées notamment par des Russes. Selon l'Union turque des chambres et d'échange de marchandises (TOBB), entre février 2022 et août 2023, près de 2000 sociétés ont été établies par des hommes d'affaires russes dans le pays, dont la plupart sont enregistrées sous le label « commerce de gros non spécialisé ».
Biens à double usage
Autant dire que ce circuit parallèle, autorisé par les autorités russes dans un contexte d'effondrement des chaînes d'approvisionnement traditionnelles , constitue une aubaine pour ses intermédiaires turcs : logisticiens, compagnies de transport, douanes et négociants. Si certains des biens réexportés en Russie sont anodins - vêtements, alimentation, cosmétiques, etc. -, d'autres, à double usage, tombent sous le coup des sanctions tant ils peuvent servir à la fabrication de matériel militaire.
C'est le cas des véhicules, des pièces détachées ou encore des appareils électroménagers et des téléphones portables, dont les composantes peuvent être récupérées et exploitées par le complexe militaro-industriel russe . Or, une flopée de sociétés turques ont été créées dans la foulée de l'invasion de l'Ukraine afin de réexporter ces marchandises cruciales à la machine de guerre russe. Au cours des deux dernières années, plusieurs dizaines de millions de dollars de machinerie, de composants électroniques, tels des semi-conducteurs produits aux Etats-Unis ou en Europe, ont transité de la sorte via la Turquie.
De quoi attiser le courroux des chancelleries occidentales. A la suite des pressions et avertissements insistants de Washington et de Bruxelles quant au contournement des sanctions, en mars 2023, les autorités turques se sont résignées à contrôler et à restreindre le passage de biens sanctionnés vers la Russie. Pendant un temps.
Sanctions du bloc occidental
« D'un coup, la Turquie a brusquement bloqué le transit des marchandises sanctionnées, ce qui a provoqué la panique sur le marché logistique russe », confesse Katerina Zabrodkina, une consultante russe dans le secteur automobile installée à Bichkek, au Kirghizstan, et qui fournit notamment ses services auprès de clients européens. « Cela a causé un retard d'une dizaine de jours dans l'expédition des cargaisons, et les logisticiens russes ont dû négocier séparément la délivrance d'une déclaration de douane pour chaque cargaison, fournir beaucoup de documents et persuader les Turcs de répondre à leurs demandes. Mais très vite, les livraisons ont repris », pointe-t-elle.
Au grand dam, encore une fois, du bloc occidental. « Malheureusement, au cours des dix-huit à vingt-quatre derniers mois, nous avons constaté que la réexportation via la Turquie des composants à double usage a été multipliée par six », s'est agacé le secrétaire adjoint au Trésor américain Brian Nelson, lors d'une visite à Ankara fin novembre. En tout, l'Office of Foreign Assets Control (OFAC), l'organisme rattaché au Trésor américain chargé de l'application des sanctions, a placé près d'une trentaine de sociétés et trois individus turcs sur sa liste noire.
Parmi eux, l'entreprise Azint Elektronik, un fournisseur électronique domicilié à Istanbul et épinglé en novembre pour avoir expédié des circuits intégrés occidentaux vers la Russie. Ou encore Berk Türken, un Turc accusé d'avoir, par le biais de ses sociétés, aidé les services de renseignements russes à acquérir des technologies pour le compte d'entités sanctionnées.
Peur des représailles
Depuis le 22 décembre, lorsque le président Joe Biden a signé un décret prévoyant de couper l'accès au système financier américain aux institutions financières accusées d'aider la Russie à contourner les sanctions, de nombreuses banques turques auraient rompu leurs correspondances avec leurs homologues russes par peur des représailles, selon le quotidien économique russe « Kommersant ». Désormais, la quasi-totalité d'entre elles rejetteraient les paiements en provenance de la Russie, suscitant l'inquiétude des exportateurs turcs.
Cité par « Kommersant », le président de l'association russe Financial Innovations Roman Prokhorov prévient qu'il sera toutefois possible « d'effectuer ces paiements par l'intermédiaire des pays amis du Caucase et d'Asie centrale » si ces problèmes devaient persister à l'avenir. En novembre dernier, le « Financial Times » a d'ailleurs révélé que la Turquie a déjà réexporté pour 158 millions de dollars de biens sanctionnés vers la Russie via ces pays au cours des neuf premiers mois de 2023.
Accroissement des explorations turques vers la Russie
Au-delà de servir de plateforme de transit de biens occidentaux - sanctionnés ou non -, la Turquie a accru les exportations de ses propres biens vers la Russie. « Entre janvier et juillet, nous avons augmenté nos exportations à destination de la Russie de 83 %, exportations qui ont atteint une valeur de plus de 183 millions de dollars », se réjouissait ainsi Mustafa Büyükegen, le président de la chambre d'industrie de la ville de Konya, en Anatolie centrale, à l'occasion d'une foire industrielle locale tenue en août dernier. « Nos industriels ont exporté en Russie des pièces détachées de véhicules à moteur, des pièces de machines, des chaudières, des produits en fer et en acier et des matières plastiques », a-t-il précisé, lui-même producteur d'engrais et de pesticides.
Si elles comprennent les biens réexportés, les données sectorielles des exportations turques vers la Russie demeurent révélatrices : selon l'Assemblée des exportateurs turcs (TIM), au cours de l'année 2023, les exportations turques de machinerie en Russie ont augmenté de 78,5 %. Aussi remarque-t-on les poussées des secteurs du prêt-à-porter et de la confection (+81,5), de la climatisation (+70,5) ou encore de la verrerie, du ciment et de la céramique (+48,8 %).
« A la suite de la guerre en Ukraine, beaucoup d'entreprises occidentales ont quitté la Russie, ce qui a créé un vide que nous, les marques turques, avons commencé à remplir », analyse Esra Kustemir, la PDG de Taç Mutfak Esyalari, un fabricant d'articles de cuisine installé dans la périphérie stambouliote. « Au cours des deux dernières années, nous avons augmenté nos exportations en Russie de plus de 50 %, et nous expédions également beaucoup de produits là-bas via les plateformes d'e-commerce » se targue-t-elle.
Ersatz russes de marques occidentales
S'il est toujours présent en Russie, son principal concurrent, le groupe français et géant mondial des équipements de cuisine SEB , a en effet fortement diminué ses activités sur place. « 1233 entreprises étrangères ont restreint leurs opérations locales et se préparent au départ », explique Andrii Onopriienko, un chercheur à la Kyiv School of Economics qui compile des données sur les opérations des firmes étrangères en Russie dans le cadre du projet « Leave Russia ». Parmi ces entreprises, près de 300 auraient plié bagage pour de bon.
Ces départs ont surtout favorisé l'apparition d'ersatz russes de marques occidentales, à l'instar de Starbucks devenu « Stars Coffee » et d'Ikea se muant en « Swed House », profitant de la sorte à des entrepreneurs et repreneurs locaux. Mais ils ont, dans une moindre mesure, aussi profité à des concurrents venus de Chine, d'Inde, des pays post-soviétiques et bien sûr de Turquie.
Ainsi, comme le révèle un classement de « Forbes Russia » des cinquante plus grosses entreprises étrangères établies dans le pays, celle ayant connu la plus forte croissance entre 2021 et 2022 n'est autre que le fabricant turc d'électroménager Arçelik, qui a gonflé ses revenus de près de 160 %. Et si la plupart des entreprises du classement étaient encore occidentales en 2022, quatre sociétés turques y ont fait leur apparition cette année-là. A l'image de la présence croissante des entreprises turques dans le pays.
Rachats d'actifs russes
« Comme les produits occidentaux continuent d'être vendus via les circuits parallèles, la position commerciale des entreprises turques demeure limitée », tempère Ivan Fediakov, le directeur du groupe d'études de marché INFOLine, basé à Dubaï, aux Emirats arabes unis. Reste que, parmi les onze nouvelles firmes étrangères s'étant installées en Russie en 2022, cinq étaient turques. L'année suivante, elles sont neuf sur un total de seize nouveaux entrants. Il s'agit pour la plupart de marques de prêt-à-porter et d'équipements domestiques.
Plusieurs groupes turcs ont aussi racheté les actifs russes de ces entreprises occidentales qui ont déjà quitté la Russie ou projettent de le faire. Comme Arçelik qui, en juin 2022, a repris les activités du fabricant américain d'électroménager Whirlpool pour la somme de 260 millions d'euros. Tel est également le cas du détaillant de chaussures FLO qui a acquis les enseignes locales de la marque américaine Reebok en mai 2022, ou encore du producteur de bière Anadolu Efes qui, après avoir fusionné avec le groupe brassicole belge AB InBev en Russie en 2018, est aujourd'hui en passe de reprendre l'intégralité de ses opérations sur place.
« Ils aiment les Turcs là-bas, et c'est un marché précieux avec une forte demande. Nos deux pays entretiennent de bonnes relations, c'est un avantage pour nous », résume, pragmatique, la fabricante d'ustensiles de cuisine Esra Kustemir.
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