par alain2908 » il y a 58 minutes
Article terrible sur les consequences de la guerre.
Y a un petit coté damnation de Faust : une fois que tu as vendu ton ame, il est trop tard pour revenir en arriere.
Récit. Blessures auto-infligées et corruption : ces soldats russes prêts à tout pour fuir le front
Meduza
Traduit du Russe
Réservé aux abonnés Lecture 11 min. Publié le 29 juin 2025 à 05h00
Dans une armée russe où les contrats sont prolongés indéfiniment, de plus en plus de soldats cherchent à quitter le front en Ukraine. Blessures auto-infligées, certificats médicaux falsifiés, pots-de-vin : l’enquête du média en exil russe “Meduza” sur un système parallèle bien rodé, où fuir la guerre peut coûter jusqu’à plusieurs millions de roubles.
Fin mai 2024, le kontraktnik [soldat engagé sous contrat] Nikolaï (nom changé) est déployé à Kourdioumivka, un village du Donbass passé sous contrôle russe. La mission de son groupe d’assaut : rejoindre une unité d’un autre bataillon russe en poste depuis six mois près de la ligne de front, en vue des positions ukrainiennes. Par petites étapes, de sous-sol en sous-sol, sous l’œil constant des drones ukrainiens, l’unité de Nikolaï arrive au parc industriel du village où, comme l’a assuré le commandement, les forces russes ont un point d’appui.
Russie-Ukraine : une décennie de conflit.
Ce “point d’appui” s’avère être l’intérieur d’une conduite souterraine de 1,5 mètre de diamètre, probablement destinée à l’évacuation des eaux usées. “Quand je me suis retrouvé dans ce tuyau, j’ai été horrifié, raconte Nikolaï. Ce n’étaient plus des hommes, c’étaient des squelettes émaciés, crasseux, épuisés. Ils survivaient comme à l’âge de pierre : ils buvaient l’eau saumâtre qui coulait dans la canalisation, ils y infusaient des mégots pour faire du ‘thé’. Parfois, ils arrivaient à faire un saut rapide dans le champ voisin pour voler du grain. Le café qu’on avait apporté, ils le mangeaient à la cuillère. L’ersatz de sucre, ils l’engloutissaient par paquets entiers.”
Photo d’un soldat russe à un poste d’artillerie, dans la région de Koursk en Russie, le 2 décembre 2024.
Impossible d’acheminer des vivres ou d’effectuer une rotation de personnel : les drones ukrainiens planent en permanence, les fortifications des Ukrainiens sont “si proches qu’on les entend parler”, raconte Nikolaï. Son unité se retrouve vite piégée elle aussi. Dès la première tentative de sortie, les soldats se prennent un tir de mortier, Nikolaï est blessé, son camarade est tué.
“C’était la première fois que je voyais la mort… Quand on s’est repliés dans notre canalisation, j’ai vu que nos sacs avaient été pillés. Aucun de ces crevards ne pensait qu’on allait revenir.”
Fuir à tout prix
Des éclats de mortier se sont logés sous son omoplate. Très vite, ses bras s’engourdissent. La nuit, leur abri est attaqué par un gaz non identifié, Nikolaï “perd presque la vue”. Une heure plus tard, un [drone ukrainien lourd] “Baba Yaga” largue des mines antichars sur leur position. “L’onde de choc dans le tunnel a été tellement violente qu’on a été projetés en l’air”, se souvient le kontraktnik.
Le matin, il pleut, l’abri est inondé. “On nous avait dit que par mauvais temps les drones ne pouvaient pas voler, explique Nikolaï. Alors j’ai foncé dehors, sans mon fusil, les bras ballants comme des loques.” Mais le ciel se dégage. Un drone les repère. Les soldats se précipitent dans un sous-sol abandonné mais l’engin kamikaze les rattrape, explose. Ils se retrouvent emmurés. “On est restés en vie seulement parce que les Ukrainiens ont laissé tomber. Ils ont pensé qu’on n’en sortirait jamais.” Le groupe parvient pourtant à se dégager et sort des décombres.
À l’hôpital, Nikolaï apprend que son bras gauche est gravement atteint et pourrait ne plus jamais fonctionner. Mais l’armée refuse de le libérer : “Ta main droite, elle marche encore plus ou moins, c’est bon, tu peux encore servir”, tel est l’argument des officiers.
C’est là que Nikolaï commence à penser à fuir. Une blessure suffisamment grave pourrait lui garantir le retour en Russie.
“J’ai d’abord pensé à une grenade : tu te planques derrière un mur, tu sors seulement la jambe pour ne pas y passer tout entier, tu fais bien attention, tu lances la grenade…”
Un camarade se joint à lui, mais le projet est jugé trop risqué. Nikolaï décide alors de bricoler un projectile à fragmentation : une douille de Kalachnikov calibre 5,45 remplie de poudre et de bouts de clous rouillés qu’il découpe à la tenaille.
Se tirer dans les jambes avec le copain, c’est terrifiant, mais “moins terrifiant que de rester là-bas”. La grenade crible son mollet. “Je remonte le pantalon, je vois du sang, la jambe qui spasme, des bosses partout. En plus, ça s’est infecté. Mais, au moins, je pouvais être évacué en Russie, se souvient Nikolaï. Maintenant j’ai douze éclats dans la jambe.” Pour que leur compagnie ne pose pas de questions sur l’origine des blessures, Nikolaï et son camarade jettent une grenade dans leur propre abri puis indiquent par radio qu’un drone ukrainien les a pris pour cible.
“Quitter le front, ce n’est vraiment pas facile”
Mais personne n’est dupe. “Les gens ne sont pas idiots : un tir à bout portant laisse des traces de poudre sur la peau.” Les deux kontraktniki tentent alors un arrangement avec l’équipe médicale qui les évacue vers l’infirmerie de campagne.
“Ils ont des contacts dans les hôpitaux, ils font leurs propres deals avec les docteurs. Dans l’ambulance, on leur a dit tel quel : ‘C’est une mutilation volontaire, il faut qu’on trouve une solution.’”
L’équipe médicale leur remonte d’abord les bretelles : ils auraient dû décrire les événements exacts dès le départ. Puis l’ambulance s’arrête devant un distributeur, Nikolaï et son partenaire retirent 300 000 roubles chacun [environ 3 200 euros], le bakchich change de main, et ensuite c’est sans accroc : à l’hôpital, “le docteur n’a pas fait de clins d’œil, il nous a examinés comme il faut, il a palpé, il a fait des radios”. Pourtant, Nikolaï n’est pas renvoyé en Russie là non plus, on le transfère dans une unité médicale dans la région de Louhansk [dans l’est de l’Ukraine]. Son camarade, lui, repart en première ligne peu après.
À LIRE AUSSI : Guerre en Ukraine. Éviter la mobilisation, déserter, disparaître : ces Russes qui ne veulent pas combattre
“Quitter le front, ce n’est vraiment pas facile, confie Nikolaï. Comme ils manquent de soldats, ils ne laissent partir que les cas les plus graves.”
Il ne se décourage pas pour autant. Il sonde le terrain, crée des contacts. “On m’a dit d’aller voir un certain chirurgien en civil qui fréquentait parfois la base médicale. Lui, d’abord, il a fait l’innocent, il a sûrement cru que c’était une provocation. Mais j’ai tenu bon, je suis allé voir ses amis, ils lui ont parlé en mon nom. Il a voulu 800 000 roubles [environ 8 600 euros]. Quinze jours plus tard, j’ai reçu une notification d’expertise médico-militaire. Et l’expertise, je devais la faire en Russie, pas dans un hôpital de campagne à Louhansk. Je n’ai jamais su le nom du chirurgien.”
À LIRE AUSSI : Guerre en Ukraine. Des ex-prisonniers échangés par la Russie renvoyés directement sur le front
Mais, en Russie, on tente encore de le renvoyer au front. C’est grâce au collectif Idite lesom [littéralement “Prenez la forêt”, expression équivalente à “Dégagez d’ici”] que le kontraktnik parvient finalement à fuir le pays. Actuellement, Nikolaï boite encore et n’arrive toujours pas à bien se servir de son bras gauche.
Au total, il aura versé 1,1 million de roubles en pots-de-vin [environ 12 000 euros] pour s’extirper de la guerre.
“Code 300”
Depuis le décret de Vladimir Poutine de septembre 2022, tout contrat militaire reste valable tant que la mobilisation partielle est en vigueur. De nombreux soldats, désespérés, préfèrent s’infliger des blessures ou corrompre médecins et officiers pour pouvoir fuir le champ de bataille.
Le moyen le plus courant : passer par le personnel médical. “Certains soldats transmettent un ‘Code 300’ [blessé au combat, demande d’évacuation] à la radio, puis, selon un arrangement préalable, les médecins leur injectent des anesthésiants, incisent la jambe et y introduisent un petit éclat de grenade qui sera visible à la radiographie. Prix de l’opération : 300 000 roubles [environ 3 200 euros].”
Des soldats russes actionnant une pièce d’artillerie dans la région de Koursk, en Russie, le 2 décembre 2024.
On peut aussi se faire réformer en cours de mission si un nouveau diagnostic permet de détecter une pathologie que le comité d’aptitude avait manquée lors de la décision originale. Comme nous l’a confirmé le groupe de défense des droits humains Pervaïa Linia [“Première ligne”], actif auprès des soldats russes, “ces maladies passées inaperçues remontent souvent pendant le service, par exemple quand une maladie chronique entre dans une phase aiguë”.
“Une bonne voie de sortie”
Faute de diagnostic possible reste la corruption. Moyennant récompense, des médecins proposent tout simplement de falsifier des certificats d’inaptitude. L’habitante de la Bouriatie [république de la Fédération de Russie située dans la partie sud de la Sibérie orientale] Nadejda Nizovkina, membre d’une association de défense des droits humains spécialisée dans les affaires de l’armée, parle d’une bonne dizaine de cas où l’on a “dépisté” des maladies nouvelles ou découvert dans des pathologies préexistantes une forme invalidante. “Les familles des soldats payent pour que leurs fils ‘contractent’ l’hépatite virale”, raconte l’activiste.
À LIRE AUSSI : Reportage. Dans la ville russe de Riazan, on pleure les soldats morts mais on soutient Poutine
Mais, avec la pénurie d’effectifs au champ de bataille, se faire réformer pour inaptitude médicale devient toujours plus difficile, même si l’intéressé est prêt à débourser “des sommes faramineuses”, nous dit Nikolaï.
“Jusqu’au début 2024, un cas psychiatrique ou une hépatite, c’était encore une bonne issue. Ça coûtait 1,5 à 2 millions de roubles [entre 16 000 et 22 000 euros]. Et puis ils ont resserré les boulons, maintenant ils vérifient tous les diagnostics.”
Pour des sommes encore plus élevées, allant de 200 000 roubles à 3 millions, on peut même “être exfiltré d’une base militaire et transporté n’importe où dans le monde”, dit Ilia Choumanov, ex-directeur de Transparency International Russia [branche russe de l’ONG luttant contre la corruption], qui a étudié de près ce type de transactions.
À LIRE AUSSI : Guerre en Ukraine. L’armée russe augmente encore ses effectifs “pour éviter une nouvelle mobilisation”
Le racket commence dès l’arrivée des conscrits au centre de tri. Les réseaux sont partout. Ainsi, selon le juriste du Mouvement des réfractaires conscients [une organisation qui aide et conseille les conscrits russes] Artiom Klyga et la militante des droits humains Nadejda Nizovkina, pour éviter d’être affecté à une unité d’assaut, on peut graisser la patte à des “acheteurs” qui font le plein d’hommes pour compléter leurs unités.
Pour Daria Berg, directrice du service assistance et évacuation au sein de [l’organisation] Idite lesom, un faux “billet blanc” [certificat d’exemption] reste la prestation la plus demandée pour échapper au service.
Avant l’invasion russe à grande échelle, un “billet blanc” se vendait entre 90 000 et 250 000 roubles [environ 980 à 2 700 euros] en province. À Moscou, selon les ONG et le tabloïd russe Baza, un parcours médical “bien balisé” permettant d’obtenir les bons diagnostics d’inaptitude pouvait coûter de 200 000 à 450 000 roubles [environ 2 100 à 4 800 euros].
Le désespoir des citoyens
Mais avec l’intensification de la guerre, surtout après l’annonce de la mobilisation en septembre 2022, les prix ont triplé… voire décuplé, raconte Ilia Choumanov : “Début 2023, une catégorie G [inaptitude temporaire] se vendait sur le dark web pour un million de roubles ou plus [soit 10 700 euros].” Un livret attestant d’un service militaire accompli, c’est-à-dire rendant le citoyen inéligible à une nouvelle mobilisation, pouvait atteindre 2 à 3 millions [environ 21 000 à 32 000 euros].
Dès l’automne 2022, le dark web est submergé d’offres illégales : on “vous affranchit de l’esclavage militaire”, on a “les bons contacts dans les bureaux de conscription”, on peut “faire valider une pathologie intéressante pour votre livret”. Les marchands de dispenses font leur promotion :
“Vous tenez à la vie ? Nous avons la solution. Trembler au fond de votre faux domicile, partir à pied en Mongolie, traverser le Béring à la nage avec un copain, c’est fini. Nous sommes là pour vous.”
Pour la catégorie “inaptitude partielle”, l’offre la plus chère recensée par Meduza sur les forums du dark web s’élève à 7 millions de roubles [environ 75 000 euros]. Les prestataires expliquent les détails : “Il faut être domicilié dans une ville précise, se rendre quatre à cinq fois au bureau de conscription, passer par l’hôpital. Chaque rendez-vous est communiqué une semaine à l’avance. Ensuite, on vous remet le livret.”
La flambée des prix ne s’explique pas uniquement par le désespoir des citoyens (“les gens ne voyaient tout simplement pas d’autre moyen”, souligne Daria Berg), mais aussi par le durcissement des contrôles médicaux et une surveillance renforcée des médecins chargés de filtrer les conscrits.
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Depuis le début de l’offensive, l’offre a non seulement renchéri, mais elle s’est également diversifiée, observe Ilia Choumanov. Le marché noir s’est adapté avec brio à la nouvelle réalité militaire. “Dans le cas de la catégorie D [inaptitude pour des raisons médicales], la mobilisation a même engendré tout un secteur de services, précise Artiom Klyga à Meduza. Les gens voulaient acquérir non plus des livrets militaires, mais des certificats médicaux leur permettant de passer en catégorie D.”
Un parc commémoratif, à Koursk, en Russie, le 14 août 2024, où un cimetière de soldats tués pendant la Seconde Guerre mondiale accueille désormais certains soldats ayant péri lors de la guerre en Ukraine.
Un autre type de service, apparu à l’automne 2022 : se faire embaucher dans une entreprise bénéficiant d’une brogne [littéralement “réservation”], une exemption institutionnelle. Contre un pot-de-vin pouvant atteindre 2 millions de roubles [environ 21 000 euros], certains réussissaient à intégrer des structures comme [l’Agence de protection aérienne des forêts] Avialessookhrana ou l’usine de locomotives d’Oulan-Oudé, raconte Nadejda Nizovkina.
Mais, à présent, cette filière a “partiellement perdu en pertinence”, explique le groupe Première ligne, à cause de l’entrée en vigueur en mars 2025 de nouvelles règles concernant les exemptions professionnelles.
Feindre des maladies
En parallèle des livrets militaires tout prêts, le réseau social Telegram et le dark web offrent des documents permettant d’obtenir un report ou une exemption : faux diagnostic, arrêt maladie trafiqué ou suivi médical complet, livrable au moins en partie par coursier en mains propres. Parmi les offres recensées :
– “Création d’un dossier médical” pouvant conduire à une “inaptitude temporaire” : 350 dollars [environ 300 euros]
– “Certificat de séropositivité VIH, avec code QR et inscription au registre des personnes infectées” : entre 33 000 et 125 000 roubles [environ 350 à 1 300 euros]
– Attestation d’hépatite virale (le vendeur recommande de “préférer l’hépatite C, de type chronique ; la B risque de déboucher seulement sur une inaptitude en temps de paix”) : entre 150 et 300 dollars [entre 140 à 280 euros].
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Certains prestataires vont jusqu’à proposer des interventions chirurgicales fictives raconte un interlocuteur de Meduza qui se présente comme “consultant rétribué spécialisé en évasion militaire”. Il aide ses clients à feindre des maladies. Selon lui, une opération abdominale peut être simulée sans grande difficulté.
“Une chirurgie de l’œsophage, par exemple, va vous donner droit à un sursis très long. Si le chirurgien accepte de prendre le risque, il fait une simple incision, puis il suture. Cela suffit pour éviter la mobilisation pendant un bon moment. On peut aussi se faire ‘retirer’ une vésicule biliaire, des calculs, une hernie inguinale… C’est simple, on dessine la hernie sur le schéma, on note dans le compte rendu opératoire qu’on l’a enlevée, on laisse une cicatrice, et vous repartez avec un certificat.”
Par ailleurs, ce même consultant dit être en mesure de créer un “tableau clinique crédible” pour des troubles psychiques :
“Si un client est visiblement en parfaite santé, on choisit un diagnostic approprié : trouble de l’adaptation, anxiété, dépression. On lui fabrique un historique, on ajoute des fausses consultations, une thérapie médicamenteuse. On lui explique les symptômes, on le prépare à répondre aux psychiatres, à déjouer leurs pièges. Les docteurs jouent souvent sur la peur : ils te disent par exemple ‘Tu vas te retrouver dans un asile avec tous les criminels’, et ils observent ta réaction. C’est là qu’il ne faut surtout pas flancher.”
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Mais 90 % de ces offres sont des escroqueries, affirme Ilia Choumanov. L’un des vendeurs que nous avons pu contacter confirme :
“Ce sont des arnaqueurs qui profitent de la terreur des gens”.
Quand un appelé reçoit sa convocation, il panique, il est prêt à débourser n’importe quelle somme. D’abord on lui demande un virement de 200 000 roubles [2 196 euros] d’acompte et les copies de ses papiers. La confiance s’installe, mais ensuite les délais s’allongent… “Ne vous inquiétez pas, on est là pour vous, juste un petit contretemps…” Et puis le grand classique : “Le coursier était déjà dans le métro, il allait tout vous apporter, mais il a été interpellé lors d’un contrôle. Il faut renvoyer de l’argent pour le faire relâcher.”
Lilia Yapparova
Source de l’article
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La Méduse est un site d’informations russophone basé en Lettonie, fondé en octobre 2014 par l’ex-rédactrice en chef du site russe Lenta.ru, Galina Timtchenko. Après son éviction par l’actionnaire de Lenta.ru, en mars 2014, elle s’expatrie, avec une partie de son équipe, estimant qu’elle ne peut plus exercer son métier librement en Russie. “Nous sommes pour la liberté de la diffusion de l’information…Nous méprisons la propagande et préférons au journalisme d’opinions, le journalisme de faits”, tels sont les principes mis en avant par le titre.
Article terrible sur les consequences de la guerre.
Y a un petit coté damnation de Faust : une fois que tu as vendu ton ame, il est trop tard pour revenir en arriere.
Récit. Blessures auto-infligées et corruption : ces soldats russes prêts à tout pour fuir le front
Meduza
Traduit du Russe
Réservé aux abonnés Lecture 11 min. Publié le 29 juin 2025 à 05h00
Dans une armée russe où les contrats sont prolongés indéfiniment, de plus en plus de soldats cherchent à quitter le front en Ukraine. Blessures auto-infligées, certificats médicaux falsifiés, pots-de-vin : l’enquête du média en exil russe “Meduza” sur un système parallèle bien rodé, où fuir la guerre peut coûter jusqu’à plusieurs millions de roubles.
Fin mai 2024, le kontraktnik [soldat engagé sous contrat] Nikolaï (nom changé) est déployé à Kourdioumivka, un village du Donbass passé sous contrôle russe. La mission de son groupe d’assaut : rejoindre une unité d’un autre bataillon russe en poste depuis six mois près de la ligne de front, en vue des positions ukrainiennes. Par petites étapes, de sous-sol en sous-sol, sous l’œil constant des drones ukrainiens, l’unité de Nikolaï arrive au parc industriel du village où, comme l’a assuré le commandement, les forces russes ont un point d’appui.
Russie-Ukraine : une décennie de conflit.
Ce “point d’appui” s’avère être l’intérieur d’une conduite souterraine de 1,5 mètre de diamètre, probablement destinée à l’évacuation des eaux usées. “Quand je me suis retrouvé dans ce tuyau, j’ai été horrifié, raconte Nikolaï. Ce n’étaient plus des hommes, c’étaient des squelettes émaciés, crasseux, épuisés. Ils survivaient comme à l’âge de pierre : ils buvaient l’eau saumâtre qui coulait dans la canalisation, ils y infusaient des mégots pour faire du ‘thé’. Parfois, ils arrivaient à faire un saut rapide dans le champ voisin pour voler du grain. Le café qu’on avait apporté, ils le mangeaient à la cuillère. L’ersatz de sucre, ils l’engloutissaient par paquets entiers.”
Photo d’un soldat russe à un poste d’artillerie, dans la région de Koursk en Russie, le 2 décembre 2024.
Impossible d’acheminer des vivres ou d’effectuer une rotation de personnel : les drones ukrainiens planent en permanence, les fortifications des Ukrainiens sont “si proches qu’on les entend parler”, raconte Nikolaï. Son unité se retrouve vite piégée elle aussi. Dès la première tentative de sortie, les soldats se prennent un tir de mortier, Nikolaï est blessé, son camarade est tué.
“C’était la première fois que je voyais la mort… Quand on s’est repliés dans notre canalisation, j’ai vu que nos sacs avaient été pillés. Aucun de ces crevards ne pensait qu’on allait revenir.”
Fuir à tout prix
Des éclats de mortier se sont logés sous son omoplate. Très vite, ses bras s’engourdissent. La nuit, leur abri est attaqué par un gaz non identifié, Nikolaï “perd presque la vue”. Une heure plus tard, un [drone ukrainien lourd] “Baba Yaga” largue des mines antichars sur leur position. “L’onde de choc dans le tunnel a été tellement violente qu’on a été projetés en l’air”, se souvient le kontraktnik.
Le matin, il pleut, l’abri est inondé. “On nous avait dit que par mauvais temps les drones ne pouvaient pas voler, explique Nikolaï. Alors j’ai foncé dehors, sans mon fusil, les bras ballants comme des loques.” Mais le ciel se dégage. Un drone les repère. Les soldats se précipitent dans un sous-sol abandonné mais l’engin kamikaze les rattrape, explose. Ils se retrouvent emmurés. “On est restés en vie seulement parce que les Ukrainiens ont laissé tomber. Ils ont pensé qu’on n’en sortirait jamais.” Le groupe parvient pourtant à se dégager et sort des décombres.
À l’hôpital, Nikolaï apprend que son bras gauche est gravement atteint et pourrait ne plus jamais fonctionner. Mais l’armée refuse de le libérer : “Ta main droite, elle marche encore plus ou moins, c’est bon, tu peux encore servir”, tel est l’argument des officiers.
C’est là que Nikolaï commence à penser à fuir. Une blessure suffisamment grave pourrait lui garantir le retour en Russie.
“J’ai d’abord pensé à une grenade : tu te planques derrière un mur, tu sors seulement la jambe pour ne pas y passer tout entier, tu fais bien attention, tu lances la grenade…”
Un camarade se joint à lui, mais le projet est jugé trop risqué. Nikolaï décide alors de bricoler un projectile à fragmentation : une douille de Kalachnikov calibre 5,45 remplie de poudre et de bouts de clous rouillés qu’il découpe à la tenaille.
Se tirer dans les jambes avec le copain, c’est terrifiant, mais “moins terrifiant que de rester là-bas”. La grenade crible son mollet. “Je remonte le pantalon, je vois du sang, la jambe qui spasme, des bosses partout. En plus, ça s’est infecté. Mais, au moins, je pouvais être évacué en Russie, se souvient Nikolaï. Maintenant j’ai douze éclats dans la jambe.” Pour que leur compagnie ne pose pas de questions sur l’origine des blessures, Nikolaï et son camarade jettent une grenade dans leur propre abri puis indiquent par radio qu’un drone ukrainien les a pris pour cible.
“Quitter le front, ce n’est vraiment pas facile”
Mais personne n’est dupe. “Les gens ne sont pas idiots : un tir à bout portant laisse des traces de poudre sur la peau.” Les deux kontraktniki tentent alors un arrangement avec l’équipe médicale qui les évacue vers l’infirmerie de campagne.
“Ils ont des contacts dans les hôpitaux, ils font leurs propres deals avec les docteurs. Dans l’ambulance, on leur a dit tel quel : ‘C’est une mutilation volontaire, il faut qu’on trouve une solution.’”
L’équipe médicale leur remonte d’abord les bretelles : ils auraient dû décrire les événements exacts dès le départ. Puis l’ambulance s’arrête devant un distributeur, Nikolaï et son partenaire retirent 300 000 roubles chacun [environ 3 200 euros], le bakchich change de main, et ensuite c’est sans accroc : à l’hôpital, “le docteur n’a pas fait de clins d’œil, il nous a examinés comme il faut, il a palpé, il a fait des radios”. Pourtant, Nikolaï n’est pas renvoyé en Russie là non plus, on le transfère dans une unité médicale dans la région de Louhansk [dans l’est de l’Ukraine]. Son camarade, lui, repart en première ligne peu après.
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“Quitter le front, ce n’est vraiment pas facile, confie Nikolaï. Comme ils manquent de soldats, ils ne laissent partir que les cas les plus graves.”
Il ne se décourage pas pour autant. Il sonde le terrain, crée des contacts. “On m’a dit d’aller voir un certain chirurgien en civil qui fréquentait parfois la base médicale. Lui, d’abord, il a fait l’innocent, il a sûrement cru que c’était une provocation. Mais j’ai tenu bon, je suis allé voir ses amis, ils lui ont parlé en mon nom. Il a voulu 800 000 roubles [environ 8 600 euros]. Quinze jours plus tard, j’ai reçu une notification d’expertise médico-militaire. Et l’expertise, je devais la faire en Russie, pas dans un hôpital de campagne à Louhansk. Je n’ai jamais su le nom du chirurgien.”
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Mais, en Russie, on tente encore de le renvoyer au front. C’est grâce au collectif Idite lesom [littéralement “Prenez la forêt”, expression équivalente à “Dégagez d’ici”] que le kontraktnik parvient finalement à fuir le pays. Actuellement, Nikolaï boite encore et n’arrive toujours pas à bien se servir de son bras gauche.
Au total, il aura versé 1,1 million de roubles en pots-de-vin [environ 12 000 euros] pour s’extirper de la guerre.
“Code 300”
Depuis le décret de Vladimir Poutine de septembre 2022, tout contrat militaire reste valable tant que la mobilisation partielle est en vigueur. De nombreux soldats, désespérés, préfèrent s’infliger des blessures ou corrompre médecins et officiers pour pouvoir fuir le champ de bataille.
Le moyen le plus courant : passer par le personnel médical. “Certains soldats transmettent un ‘Code 300’ [blessé au combat, demande d’évacuation] à la radio, puis, selon un arrangement préalable, les médecins leur injectent des anesthésiants, incisent la jambe et y introduisent un petit éclat de grenade qui sera visible à la radiographie. Prix de l’opération : 300 000 roubles [environ 3 200 euros].”
Des soldats russes actionnant une pièce d’artillerie dans la région de Koursk, en Russie, le 2 décembre 2024.
On peut aussi se faire réformer en cours de mission si un nouveau diagnostic permet de détecter une pathologie que le comité d’aptitude avait manquée lors de la décision originale. Comme nous l’a confirmé le groupe de défense des droits humains Pervaïa Linia [“Première ligne”], actif auprès des soldats russes, “ces maladies passées inaperçues remontent souvent pendant le service, par exemple quand une maladie chronique entre dans une phase aiguë”.
“Une bonne voie de sortie”
Faute de diagnostic possible reste la corruption. Moyennant récompense, des médecins proposent tout simplement de falsifier des certificats d’inaptitude. L’habitante de la Bouriatie [république de la Fédération de Russie située dans la partie sud de la Sibérie orientale] Nadejda Nizovkina, membre d’une association de défense des droits humains spécialisée dans les affaires de l’armée, parle d’une bonne dizaine de cas où l’on a “dépisté” des maladies nouvelles ou découvert dans des pathologies préexistantes une forme invalidante. “Les familles des soldats payent pour que leurs fils ‘contractent’ l’hépatite virale”, raconte l’activiste.
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Mais, avec la pénurie d’effectifs au champ de bataille, se faire réformer pour inaptitude médicale devient toujours plus difficile, même si l’intéressé est prêt à débourser “des sommes faramineuses”, nous dit Nikolaï.
“Jusqu’au début 2024, un cas psychiatrique ou une hépatite, c’était encore une bonne issue. Ça coûtait 1,5 à 2 millions de roubles [entre 16 000 et 22 000 euros]. Et puis ils ont resserré les boulons, maintenant ils vérifient tous les diagnostics.”
Pour des sommes encore plus élevées, allant de 200 000 roubles à 3 millions, on peut même “être exfiltré d’une base militaire et transporté n’importe où dans le monde”, dit Ilia Choumanov, ex-directeur de Transparency International Russia [branche russe de l’ONG luttant contre la corruption], qui a étudié de près ce type de transactions.
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Le racket commence dès l’arrivée des conscrits au centre de tri. Les réseaux sont partout. Ainsi, selon le juriste du Mouvement des réfractaires conscients [une organisation qui aide et conseille les conscrits russes] Artiom Klyga et la militante des droits humains Nadejda Nizovkina, pour éviter d’être affecté à une unité d’assaut, on peut graisser la patte à des “acheteurs” qui font le plein d’hommes pour compléter leurs unités.
Pour Daria Berg, directrice du service assistance et évacuation au sein de [l’organisation] Idite lesom, un faux “billet blanc” [certificat d’exemption] reste la prestation la plus demandée pour échapper au service.
Avant l’invasion russe à grande échelle, un “billet blanc” se vendait entre 90 000 et 250 000 roubles [environ 980 à 2 700 euros] en province. À Moscou, selon les ONG et le tabloïd russe Baza, un parcours médical “bien balisé” permettant d’obtenir les bons diagnostics d’inaptitude pouvait coûter de 200 000 à 450 000 roubles [environ 2 100 à 4 800 euros].
Le désespoir des citoyens
Mais avec l’intensification de la guerre, surtout après l’annonce de la mobilisation en septembre 2022, les prix ont triplé… voire décuplé, raconte Ilia Choumanov : “Début 2023, une catégorie G [inaptitude temporaire] se vendait sur le dark web pour un million de roubles ou plus [soit 10 700 euros].” Un livret attestant d’un service militaire accompli, c’est-à-dire rendant le citoyen inéligible à une nouvelle mobilisation, pouvait atteindre 2 à 3 millions [environ 21 000 à 32 000 euros].
Dès l’automne 2022, le dark web est submergé d’offres illégales : on “vous affranchit de l’esclavage militaire”, on a “les bons contacts dans les bureaux de conscription”, on peut “faire valider une pathologie intéressante pour votre livret”. Les marchands de dispenses font leur promotion :
“Vous tenez à la vie ? Nous avons la solution. Trembler au fond de votre faux domicile, partir à pied en Mongolie, traverser le Béring à la nage avec un copain, c’est fini. Nous sommes là pour vous.”
Pour la catégorie “inaptitude partielle”, l’offre la plus chère recensée par Meduza sur les forums du dark web s’élève à 7 millions de roubles [environ 75 000 euros]. Les prestataires expliquent les détails : “Il faut être domicilié dans une ville précise, se rendre quatre à cinq fois au bureau de conscription, passer par l’hôpital. Chaque rendez-vous est communiqué une semaine à l’avance. Ensuite, on vous remet le livret.”
La flambée des prix ne s’explique pas uniquement par le désespoir des citoyens (“les gens ne voyaient tout simplement pas d’autre moyen”, souligne Daria Berg), mais aussi par le durcissement des contrôles médicaux et une surveillance renforcée des médecins chargés de filtrer les conscrits.
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Depuis le début de l’offensive, l’offre a non seulement renchéri, mais elle s’est également diversifiée, observe Ilia Choumanov. Le marché noir s’est adapté avec brio à la nouvelle réalité militaire. “Dans le cas de la catégorie D [inaptitude pour des raisons médicales], la mobilisation a même engendré tout un secteur de services, précise Artiom Klyga à Meduza. Les gens voulaient acquérir non plus des livrets militaires, mais des certificats médicaux leur permettant de passer en catégorie D.”
Un parc commémoratif, à Koursk, en Russie, le 14 août 2024, où un cimetière de soldats tués pendant la Seconde Guerre mondiale accueille désormais certains soldats ayant péri lors de la guerre en Ukraine.
Un autre type de service, apparu à l’automne 2022 : se faire embaucher dans une entreprise bénéficiant d’une brogne [littéralement “réservation”], une exemption institutionnelle. Contre un pot-de-vin pouvant atteindre 2 millions de roubles [environ 21 000 euros], certains réussissaient à intégrer des structures comme [l’Agence de protection aérienne des forêts] Avialessookhrana ou l’usine de locomotives d’Oulan-Oudé, raconte Nadejda Nizovkina.
Mais, à présent, cette filière a “partiellement perdu en pertinence”, explique le groupe Première ligne, à cause de l’entrée en vigueur en mars 2025 de nouvelles règles concernant les exemptions professionnelles.
Feindre des maladies
En parallèle des livrets militaires tout prêts, le réseau social Telegram et le dark web offrent des documents permettant d’obtenir un report ou une exemption : faux diagnostic, arrêt maladie trafiqué ou suivi médical complet, livrable au moins en partie par coursier en mains propres. Parmi les offres recensées :
– “Création d’un dossier médical” pouvant conduire à une “inaptitude temporaire” : 350 dollars [environ 300 euros]
– “Certificat de séropositivité VIH, avec code QR et inscription au registre des personnes infectées” : entre 33 000 et 125 000 roubles [environ 350 à 1 300 euros]
– Attestation d’hépatite virale (le vendeur recommande de “préférer l’hépatite C, de type chronique ; la B risque de déboucher seulement sur une inaptitude en temps de paix”) : entre 150 et 300 dollars [entre 140 à 280 euros].
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Certains prestataires vont jusqu’à proposer des interventions chirurgicales fictives raconte un interlocuteur de Meduza qui se présente comme “consultant rétribué spécialisé en évasion militaire”. Il aide ses clients à feindre des maladies. Selon lui, une opération abdominale peut être simulée sans grande difficulté.
“Une chirurgie de l’œsophage, par exemple, va vous donner droit à un sursis très long. Si le chirurgien accepte de prendre le risque, il fait une simple incision, puis il suture. Cela suffit pour éviter la mobilisation pendant un bon moment. On peut aussi se faire ‘retirer’ une vésicule biliaire, des calculs, une hernie inguinale… C’est simple, on dessine la hernie sur le schéma, on note dans le compte rendu opératoire qu’on l’a enlevée, on laisse une cicatrice, et vous repartez avec un certificat.”
Par ailleurs, ce même consultant dit être en mesure de créer un “tableau clinique crédible” pour des troubles psychiques :
“Si un client est visiblement en parfaite santé, on choisit un diagnostic approprié : trouble de l’adaptation, anxiété, dépression. On lui fabrique un historique, on ajoute des fausses consultations, une thérapie médicamenteuse. On lui explique les symptômes, on le prépare à répondre aux psychiatres, à déjouer leurs pièges. Les docteurs jouent souvent sur la peur : ils te disent par exemple ‘Tu vas te retrouver dans un asile avec tous les criminels’, et ils observent ta réaction. C’est là qu’il ne faut surtout pas flancher.”
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Mais 90 % de ces offres sont des escroqueries, affirme Ilia Choumanov. L’un des vendeurs que nous avons pu contacter confirme :
“Ce sont des arnaqueurs qui profitent de la terreur des gens”.
Quand un appelé reçoit sa convocation, il panique, il est prêt à débourser n’importe quelle somme. D’abord on lui demande un virement de 200 000 roubles [2 196 euros] d’acompte et les copies de ses papiers. La confiance s’installe, mais ensuite les délais s’allongent… “Ne vous inquiétez pas, on est là pour vous, juste un petit contretemps…” Et puis le grand classique : “Le coursier était déjà dans le métro, il allait tout vous apporter, mais il a été interpellé lors d’un contrôle. Il faut renvoyer de l’argent pour le faire relâcher.”
Lilia Yapparova
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