Mer de Chine méridionale : Pékin se rapproche du stratégique atoll de Sabina sous contrôle philippin
Chassées par des navires de garde-côtes chinois, les Philippines ont échoué lundi 26 août à ravitailler leur patrouilleur mouillant autour de l’atoll Sabina. Situé dans la ZEE de Manille, il est au centre des convoitises de Pékin, comme la plupart des îles de la mer de Chine méridionale.
Le BRP « Cape Engano » (à droite) croise un navire chinois (à l’arrière-plan) lors d’une mission de ravitaillement sur l’atoll disputé de Sabina, lundi 26 août. Face à la pression de la marine chinoise, les marins philippins ont dû rebrousser chemin. | JAM STA ROSA/AFP
Publié le 30/08/2024 Le marin
Depuis avril, le patrouilleur BRP Teresa Magbanua mouille dans les eaux de l’atoll Sabina, en mer de Chine méridionale, pour affirmer les revendications de Manille face à Pékin et empêcher la Chine d’en prendre le contrôle. Mais les marins stationnés à bord de ce navire manquent cruellement de vivres, que la mission humanitaire menée lundi 30 août par les deux bateaux philippins avait pour but de livrer.
es journalistes de l’AFP à bord de l’un d’eux ont observé les navires des garde-côtes chinois prendre en chasse les bateaux philippins pendant deux heures, avant de les encercler. Quarante navires chinois se trouvant sur leur route, les garde-côtes philippins ont été contraints de faire demi-tour, sans avoir pu livrer de nourriture aux marins du Teresa Magbanua.
Pékin revendique une grande partie des îles et récifs de la mer de Chine méridionale, y compris des eaux et des îles proches des côtes de plusieurs pays voisins, et a ignoré la décision d’un tribunal international à la Haye en 2016, jugeant cette affirmation dénuée de tout fondement juridique.
Des navires chinois et philippins sont entrés en collision à deux reprises ce mois-ci près de l’atoll Sabina, situé à 140 km à l’ouest de l’île philippine de Palawan et à environ 1 200 km de l’île de Hainan, terre chinoise la plus proche qui abrite des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins.
Face à face
L’atoll Sabina est situé à 60 kilomètres à l’est de Second Thomas, où un chaland de débarquement philippin échoué volontairement il y a vingt-cinq ans, le BRP Sierra Madre, sert de poste avancé militaire.
Si nous perdons l’atoll Escoda, la Chine pourra facilement […] empêcher l’opération de réapprovisionnement que nous avons l’intention de mener sur l’atoll d’Ayungin, car elle pourra nous bloquer des deux côtés , a expliqué à l’AFP le contre-amiral Jay Tarriela, un porte-parole des garde-côtes philippins, en employant les noms philippins des atolls Sabina et Second Thomas.
À terme, l’objectif de Pékin est d’aller jusqu’à l’atoll Sabina, en grignotant la zone économique exclusive des Philippines et en normalisant peu à peu sa présence et son contrôle, selon les analystes. La découverte, début 2024, d’amas de coraux broyés sur l’atoll Sabina fait craindre à Manille que Pékin n’envisage d’y construire un autre avant-poste militaire.
Contrôle des eaux de Palawan
Situé à seulement 140 km de l’île philippine de Palawan, l’emplacement de l’atoll Sabina est particulièrement stratégique. Si la Chine y accède, ce n’est qu’une question de temps avant qu’elle ne puisse, non pas envahir Palawan, mais exploiter des ressources dans cette zone , estime Andrea Wong, chercheuse à l’Institut pour les affaires indo-pacifiques en Nouvelle-Zélande.
Cette situation n’est pas sans rappeler celle de 2012, lorsque Pékin a pris le contrôle du haut-fond de Scarborough, un anneau de récifs situé à 240 km de l’île philippine principale de Luzon, après un affrontement avec la marine philippine. Nous n’avons pas pu revenir en arrière dès que nous avons quitté Bajo de Masinloc , relate le contre-amiral Jay Tarriela, en utilisant le nom philippin du haut-fond. Le commandant des garde-côtes philippins a été très clair : nous ne retirerons pas nos forces pour permettre à la Chine d’occuper de façon permanente [Sabina].
Le Vietnam navigue entre deux eaux
Vendredi 30 août, les Philippines et le Vietnam, également concerné par les ambitions chinoises, ont envoyé un signal fort en convenant de renforcer leur coopération en matière de défense et de sécurité maritime, a indiqué l’AFP. Les deux nations avaient déjà réalisé des exercices navals pour la première fois début août.
Les ministres ont exprimé leur soutien inaltérable au renforcement de la coopération en matière de défense et de sécurité à travers une interaction continue et des engagements à tous les niveaux , a déclaré le département philippin de la Défense dans un communiqué. Les deux nations ont l’intention de signer un accord de coopération en matière de défense avant la fin de l’année, a déclaré Gilberto Teodoro, ministre de la Défense philippin, après avoir signé des lettres d’intention avec son homologue Phan Van Giang sur le renforcement des engagements en matière de riposte et de médecine militaires.
Elles sont également convenues de résoudre leurs différends de manière pacifique et en accord avec le droit international. Les deux parties s’accordent sur la nécessité du maintien de la paix, de la stabilité, de la sécurité et de la liberté de navigation et de survol dans la Mer de l’Est, également connue sous le nom de mer de Chine méridionale ou mer des Philippines occidentales , a déclaré Phan Van Giang lors d’une conférence de presse commune.
Le Vietnam se positionne cependant de manière moins affirmée contre la Chine. Il doit trouver un équilibre délicat, s’opposant aux actions de Pékin qu’il considère comme des atteintes à sa souveraineté, tout en maintenant des relations étroites avec ce voisin de taille forgées au fil des décennies par les partis communistes au pouvoir. Le Vietnam et la Chine ont d’ailleurs conduit jeudi 29 août leur troisième patrouille commune de l’année dans le nord du golfe du Tonkin.