J"ai diné au restaurant avec les intervenants à un café des sciences sur les ressources en nodules polymétalliques. Une des intervenantes était géologue de formation spécialiste des fonds marins. A un moment, en parlant d'un collègue, elle se demande si il n'est pas "climatosceptique" (le collègue en question, lui même géologue à la retraite, était dans le public et avait posé des questions semblant mettre en doute les dangers de l'exploitation de ces nodules en particulier la pollution produite par la vase soulevée en raclant les fonds, qu'elle même semblait considérer assez problématique) . Je rebondis en disant que certaines de mes positions sur le climat peuvent être qualifiées par certains de climatosceptiques bien que je ne remette en cause aucun résultat scientifique, et en particulier pas l'origine anthropique du réchauffement, mais que je trouve que le débat climatique évacue la question centrale qui est pour moi le coût comparé du RC et celui de se passer de fossiles.
La conversation prend alors un tour que je connais bien pour l'avoir souvent vécu avec des collègues très concernés par le climat. Il s'avère que ces gens "très concernés" sont en général très ignorants des chiffres sur le climat, que je connais en général bien mieux qu'eux pour avoir pas mal creusé le sujet. En revanche, très curieusement, ils se rabattent sur une position de dire qu'il n'y a pas que les chiffres dans la vie, qu'ils agissent surtout en citoyens, et que tout ne peut pas se chiffrer. Je n'ai rien contre le fait de dire qu'il n''y a pas que les chiffres dans la vie, mais je leur fais remarquer que sans chiffres, c'est compliqué de prétendre qu'on a "scientifiquement prouvé" quoi que ce soit, et que du coup ils ne peuvent pas reprocher aux "climatosceptiques" de contredire la science alors que ça peut être simplement qu'ils n'ont pas le même avis qu'eux sur le sujet - avis qu'ils ne peuvent pas "prouver" si ils n'ont pas de chiffres à présenter.
Un exemple qui revient très souvent chez ces gens est (qu'elle m'a ressorti) est celui de la perte de biodiversité, qui serait un truc selon eux qu'on ne peut pas chiffrer mais qui justifierait à lui seul de lutter contre le RC . A mon avis l'argument est incorrect, car même si il n'y a pas de chiffrage direct en perte économique, on peut quand même chiffrer une "valeur" subjective en mesurant la quantité d'argent qu'on est prêt à mettre pour la sauver, mais ce n'est pas ce point qui m'a le plus interloqué. C'est le fait qu'elle me sorte tout de go que "60 % des espèces ont disparu". Bon j'avais pas tous les chiffres en tête mais je lui ai dit que je ne croyais pas du tout que 60 % des espèces ont disparu, qu'elle doit confondre avec la baisse des populations animales, c'est pas pareil. Bon elle a reconnu qu'elle n'était pas très sûre mais que c'était surement quand même très grave. Je lui ai quand même fait remarquer que le RC n'était pas la cause principale de ces disparitions qui avaient commencé même bien avant l'ère industrielle (cf disparition du loup et de l'ours en France avant qu'ils soient réintroduits ou reviennent d'eux même).
Bon du coup ça m'a donné envie de rechercher un peu plus de quoi on parlait, et je tombe sur cette nouvelle
"Les populations de vertébrés sauvages ont décliné de 73 % en cinquante ans"
https://www.lemonde.fr/planete/article/ ... _3244.html
L'article dit bien que ce ne sont pas les 3/4 des espèces qui ont disparu :
Calculé par la Société zoologique de Londres, l’IPV prend en compte un jeu de données qui s’accroît d’édition en édition : cette année, ce sont les informations portant sur quelque 35 000 populations de 5 495 espèces d’animaux qui ont été considérées. Cet indicateur, souvent mal compris, ne dit pas que près de trois quarts des espèces de vertébrés sauvages ont disparu en un demi-siècle, ni que toutes les populations étudiées diminuent (beaucoup progressent ou sont stables) : il indique que la taille moyenne des populations a chuté considérablement.
du coup comme j'aime bien comprendre de quoi on parle, je me suis demandé comment était calculé exactement cet indicateur "l'IPV" Indice planète vivante) - avec un peu de méfiance dès qu'on emploie ce genre de nom très "affectif" qui ne dit pas grand chose sur ce que ça mesure. Je ne sais pas ce que dit copilot mais voila ce que dit le wiki
https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_planète_vivante
C'est un indice composite1 construit sur les tendances observées chez un grand nombre de populations d'espèces de vertébrés du monde entier (les vertébrés sont parmi les mieux connus des taxons animaux2) ; il vise à mesurer les changements temporels d'état de la biodiversité dans le monde3. Il consiste dans la moyenne des taux de décroissance de la population de nombreuses espèces de vertébrés témoin, par rapport à celle de l'année 1970.
donc si je comprends bien on compte des populations (pas le nombre total d'individus de l'espèce mais celui de population géographiquement séparées, par exemple les chevreuils des alpes seront comptés sans doute à part de ceux des Pyrénées), on calcule leur taux de variation depuis 1970, et on fait la moyenne de ces taux sans pondérer par la population.
C'est quand même un peu curieux comme calcul, par exemple si on a une grosse population de 10 000 qui ne bouge pas (0 % de variation) et une petite population isolée de 100 animaux qui baisse de 80 % en passant à 20 animaux, on passe de 10 100 à 10 020 soit une baisse globale de 0,8 % , mais le calcul de l'IPV va afficher - 40 % (moyenne de 0 et de 80 %).
Ca peut vite faire apparaitre comme catastrophique une baisse qui est finalement anecdotique globalement même si localement des animaux ont disparu. En particulier le défaut me semble etre que le calcul n'est pas invariant par rapport au choix forcément subjectif des limites géographiques des "populations". D'autre part moyenner des pourcentages sur des quantités différentes c'est rarement très pertinent.
L'examen par zone géographique montre d'ailleurs que la baisse est très largement dominée par la zone "CaraIbes Amérique latine" qui affiche des taux de pertes moyens de l'ordre de 90%, alors que c'est bien moins visible en Europe
je ne sais pas la raison mais je suspecte que c'est lié à la déforestation amazonienne qui doit faire diminuer de nombreuses espèces locales mais encore une fois ça ne veut pas dire que 73 % des espèces ont disparu ni même que 73 % des animaux ont disparu. Et si c'est la déforestation qui est en cause, le RC n'a qu'un impact mineur sur cet indice (la disparition des fossiles aurait d'ailleurs sans doute plutot tendance à aggraver la pression sur la biomasse et donc aggraver le problème de la biodiversité).
C'est quand même un nouvel exemple pour moi que des scientifiques sans doute très compétents dans leur domaine peuvent dire un peu n'importe quoi sur le climat et avoir des idées très arrêtées sans savoir vraiment de quoi il parlent, ce qui relativise fortement la pertinence de l'argument du "consensus" scientifique.
J"ai diné au restaurant avec les intervenants à un café des sciences sur les ressources en nodules polymétalliques. Une des intervenantes était géologue de formation spécialiste des fonds marins. A un moment, en parlant d'un collègue, elle se demande si il n'est pas "climatosceptique" (le collègue en question, lui même géologue à la retraite, était dans le public et avait posé des questions semblant mettre en doute les dangers de l'exploitation de ces nodules en particulier la pollution produite par la vase soulevée en raclant les fonds, qu'elle même semblait considérer assez problématique) . Je rebondis en disant que certaines de mes positions sur le climat peuvent être qualifiées par certains de climatosceptiques bien que je ne remette en cause aucun résultat scientifique, et en particulier pas l'origine anthropique du réchauffement, mais que je trouve que le débat climatique évacue la question centrale qui est pour moi le coût comparé du RC et celui de se passer de fossiles.
La conversation prend alors un tour que je connais bien pour l'avoir souvent vécu avec des collègues très concernés par le climat. Il s'avère que ces gens "très concernés" sont en général très ignorants des chiffres sur le climat, que je connais en général bien mieux qu'eux pour avoir pas mal creusé le sujet. En revanche, très curieusement, ils se rabattent sur une position de dire qu'il n'y a pas que les chiffres dans la vie, qu'ils agissent surtout en citoyens, et que tout ne peut pas se chiffrer. Je n'ai rien contre le fait de dire qu'il n''y a pas que les chiffres dans la vie, mais je leur fais remarquer que sans chiffres, c'est compliqué de prétendre qu'on a "scientifiquement prouvé" quoi que ce soit, et que du coup ils ne peuvent pas reprocher aux "climatosceptiques" de contredire la science alors que ça peut être simplement qu'ils n'ont pas le même avis qu'eux sur le sujet - avis qu'ils ne peuvent pas "prouver" si ils n'ont pas de chiffres à présenter.
Un exemple qui revient très souvent chez ces gens est (qu'elle m'a ressorti) est celui de la perte de biodiversité, qui serait un truc selon eux qu'on ne peut pas chiffrer mais qui justifierait à lui seul de lutter contre le RC . A mon avis l'argument est incorrect, car même si il n'y a pas de chiffrage direct en perte économique, on peut quand même chiffrer une "valeur" subjective en mesurant la quantité d'argent qu'on est prêt à mettre pour la sauver, mais ce n'est pas ce point qui m'a le plus interloqué. C'est le fait qu'elle me sorte tout de go que "60 % des espèces ont disparu". Bon j'avais pas tous les chiffres en tête mais je lui ai dit que je ne croyais pas du tout que 60 % des espèces ont disparu, qu'elle doit confondre avec la baisse des populations animales, c'est pas pareil. Bon elle a reconnu qu'elle n'était pas très sûre mais que c'était surement quand même très grave. Je lui ai quand même fait remarquer que le RC n'était pas la cause principale de ces disparitions qui avaient commencé même bien avant l'ère industrielle (cf disparition du loup et de l'ours en France avant qu'ils soient réintroduits ou reviennent d'eux même).
Bon du coup ça m'a donné envie de rechercher un peu plus de quoi on parlait, et je tombe sur cette nouvelle
"Les populations de vertébrés sauvages ont décliné de 73 % en cinquante ans"
https://www.lemonde.fr/planete/article/2024/10/10/les-populations-de-vertebres-sauvages-ont-decline-de-73-en-cinquante-ans_6347752_3244.html
L'article dit bien que ce ne sont pas les 3/4 des espèces qui ont disparu :
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Calculé par la Société zoologique de Londres, l’IPV prend en compte un jeu de données qui s’accroît d’édition en édition : cette année, ce sont les informations portant sur quelque 35 000 populations de 5 495 espèces d’animaux qui ont été considérées. Cet indicateur, souvent mal compris, ne dit pas que près de trois quarts des espèces de vertébrés sauvages ont disparu en un demi-siècle, ni que toutes les populations étudiées diminuent (beaucoup progressent ou sont stables) : il indique que la taille moyenne des populations a chuté considérablement.
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du coup comme j'aime bien comprendre de quoi on parle, je me suis demandé comment était calculé exactement cet indicateur "l'IPV" Indice planète vivante) - avec un peu de méfiance dès qu'on emploie ce genre de nom très "affectif" qui ne dit pas grand chose sur ce que ça mesure. Je ne sais pas ce que dit copilot mais voila ce que dit le wiki
https://fr.wikipedia.org/wiki/Indice_planète_vivante
[quote]C'est un indice composite1 construit sur les tendances observées chez un grand nombre de populations d'espèces de vertébrés du monde entier (les vertébrés sont parmi les mieux connus des taxons animaux2) ; il vise à mesurer les changements temporels d'état de la biodiversité dans le monde3. Il consiste dans la moyenne des taux de décroissance de la population de nombreuses espèces de vertébrés témoin, par rapport à celle de l'année 1970.
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donc si je comprends bien on compte des populations (pas le nombre total d'individus de l'espèce mais celui de population géographiquement séparées, par exemple les chevreuils des alpes seront comptés sans doute à part de ceux des Pyrénées), on calcule leur taux de variation depuis 1970, et on fait la moyenne de ces taux sans pondérer par la population.
C'est quand même un peu curieux comme calcul, par exemple si on a une grosse population de 10 000 qui ne bouge pas (0 % de variation) et une petite population isolée de 100 animaux qui baisse de 80 % en passant à 20 animaux, on passe de 10 100 à 10 020 soit une baisse globale de 0,8 % , mais le calcul de l'IPV va afficher - 40 % (moyenne de 0 et de 80 %).
Ca peut vite faire apparaitre comme catastrophique une baisse qui est finalement anecdotique globalement même si localement des animaux ont disparu. En particulier le défaut me semble etre que le calcul n'est pas invariant par rapport au choix forcément subjectif des limites géographiques des "populations". D'autre part moyenner des pourcentages sur des quantités différentes c'est rarement très pertinent.
L'examen par zone géographique montre d'ailleurs que la baisse est très largement dominée par la zone "CaraIbes Amérique latine" qui affiche des taux de pertes moyens de l'ordre de 90%, alors que c'est bien moins visible en Europe
[img]https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/a/a4/1970-_Decline_in_species_populations_-_Living_Planet_Index.svg/1600px-1970-_Decline_in_species_populations_-_Living_Planet_Index.svg.png?20240713194931[/img]
je ne sais pas la raison mais je suspecte que c'est lié à la déforestation amazonienne qui doit faire diminuer de nombreuses espèces locales mais encore une fois ça ne veut pas dire que 73 % des espèces ont disparu ni même que 73 % des animaux ont disparu. Et si c'est la déforestation qui est en cause, le RC n'a qu'un impact mineur sur cet indice (la disparition des fossiles aurait d'ailleurs sans doute plutot tendance à aggraver la pression sur la biomasse et donc aggraver le problème de la biodiversité).
C'est quand même un nouvel exemple pour moi que des scientifiques sans doute très compétents dans leur domaine peuvent dire un peu n'importe quoi sur le climat et avoir des idées très arrêtées sans savoir vraiment de quoi il parlent, ce qui relativise fortement la pertinence de l'argument du "consensus" scientifique.