Bassin permien : le sol s’affaisse dangereusement dans le plus important champ d'hydrocarbures des États-Unis
Article de Nastasia Michaels 29 avril 2024 Geo
À cheval entre le Texas et le Nouveau-Mexique, le Bassin permien est le principal champ d'exploitation d'hydrocarbures des États-Unis. Une analyse de données satellites par le Wall Street Journal révèle que le sol de cette région s’est affaissé de près de 30 centimètres dans certaines zones de pompage.
Paysage "mité" par l'exploitation d'hydrocarbures non conventionnels, à Iraan, Comté de Pecos au Texas, dans le Bassin permien.
Si le pétrole est le sang des États-Unis, alors son cœur battant n'est autre que le Bassin permien, dont le nom fait référence à l’étage géologique qui renferme la ressource. Situé à cheval sur deux États du sud (Texas et Nouveau-Mexique), ce territoire vaste comme 40 % de la France métropolitaine (220 000 kilomètres carrés) représente en effet le quart de la production nationale d'or noir.
Après une première phase d’exploitation des hydrocarbures conventionnels à l’âge industriel, la région qui a vu prospérer la dynastie Bush s’est tournée dans les années 2010 vers le pétrole et le gaz de schiste, dits "non conventionnels", dont l’extraction nécessite de fracturer la roche à l’aide de fluides sous pression (fracturation hydraulique).
En analysant des données satellites, nos confrères du Wall Street Journal (28 avril 2024) révèlent que dans une zone importante du Bassin permien où la production de pétrole a atteint près de trois millions de barils par jour, le sol s'est affaissé de 28 centimètres depuis 2015. À l’inverse, la terre s'est soulevée au niveau des puits où sont déversées les eaux usées de l'industrie, formant ainsi d'inquiétants "plis".
3,4 milliards de barils d'eaux usées
"Les hydrocarbures non conventionnels se caractérisent par une durée d’exploitation courte, obligeant à forer toujours plus loin, quitte à fragiliser le sous-sol de régions entières", écrivait déjà en 2022 Laurent Carroué, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, directeur de Recherche à l’Institut français de géopolitique – université Paris VIII (Le boom des hydrocarbures non conventionnels dans le Bassin permien, GeoConfluences).
La profondeur des puits peut aller de quelques centaines de mètres à 3 000 m de profondeur, sachant que pour un puits horizontal, en raison de la nature de la roche, on compte une trentaine d'opérations de fracturation par kilomètre de longueur de tube. Chacune de ces opérations consomme en moyenne 300 m3 d’eau, 30 tonnes de sable et 0,5 % d’additifs chimiques, détaillait le chercheur français.
Une fois utilisée, l'eau est ensuite séparée de l'hydrocarbure. Reste alors à s'en débarrasser… En 2013, au moment de l'essor du schiste, les entreprises du Bassin permien ont rejeté environ 382 millions de barils d'eau, selon la société d'analyse B3 Insight citée par le Wall Street Journal (WSJ). L'année dernière, elles ont injecté environ 3,4 milliards de barils d'eau dans des puits d'évacuation, soit à peu près la quantité d'eau consommée par la ville de New York en cinq mois environ, compare l'article.
Multiplication des séismes
Si une partie des puits se situe à environ un mile (1,6 km) sous la surface, ce qui est "pratique et relativement bon marché", les entreprises ont également injecté une plus petite partie de l'eau usée à des profondeurs d'environ trois miles (4,8 km), ce qui leur permet d'en déverser davantage sans affecter les forages ultérieurs. "Mais il y a un hic, souligne le WSJ. L'eau peut provoquer le glissement de failles profondément enracinées, créant ainsi des séismes."
En conséquence, le nombre de tremblements de terre d'une magnitude supérieure à 2,5 dans le Bassin permien est passé de 42 en 2017 à 671 en 2022 (B3 Insight cité par WSJ). Fin 2022, un séisme de magnitude 5,4 dans le comté de Reeves, au Texas, a notamment provoqué des secousses ressenties jusqu'à Dallas, à plus de 700 kilomètres.
Outre les séismes, les habitants et les scientifiques craignent de plus en plus que les eaux usées ne migrent vers les "puits vieillissants et non obturés qui jonchent le Bassin permien par milliers" et ne "contaminent les réserves d'eau potable". Les fluides pourraient également remonter à la surface, polluant alors les terres des ranchs. Une requête à ce sujet doit être examinée par l'Agence fédérale pour la protection de l'environnement.