par energy_isere » 03 avr. 2010, 11:58
La renaissance d'un Superphénix
02.04.10 Le Monde
La filière des réacteurs nucléaires à neutrons rapides n'a pas laissé de radieux souvenirs. Illustrée, en France, par le surgénérateur Superphénix (en cours de démantèlement), elle reste associée à un retentissant fiasco technologique. Même si le petit surgénérateur de démonstration Phénix (arrêté en septembre 2009) a, en dépit d'incidents à répétition, rempli vaille que vaille sa mission de recherche. Cette filière effectue pourtant son retour, avec les réacteurs de quatrième génération dont le déploiement industriel est prévu à l'horizon 2040. Cinq des six systèmes étudiés dans le cadre du Forum international Génération IV de recherche sur l'énergie nucléaire font appel aux neutrons rapides.
La France s'est fixé pour objectif d'être la première à posséder un tel réacteur. Le CEA (désormais Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), associé à EDF, Areva et bientôt sans doute GDF-Suez, concentre ses efforts de recherche et développement sur un système refroidi au sodium. Avec comme échéance la mise en service, en 2020, d'un prototype baptisé Astrid, pour Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration.
Les neutrons rapides présentent deux grands avantages, décrivent Christophe Béhar, directeur de l'énergie nucléaire au CEA, et François Gauché, chef du programme des réacteurs de quatrième génération. D'abord, ils exploitent beaucoup mieux la ressource combustible. Les réacteurs actuels ne consomment que l'uranium fissile (U 235), dont le minerai naturel recèle seulement 0,7 %. Il faut enrichir ce minerai, par de coûteux traitements, pour que le combustible contienne entre 3 % et 5 % de matière fissile. Dans un surgénérateur, l'uranium non fissile (U 238) peut être utilisé en totalité, les neutrons rapides le transformant en plutonium (PU 239) qui, lui, se prête aux réactions de fission.
De surcroît, alors que les réacteurs classiques ne peuvent recycler qu'une seule fois le plutonium extrait des combustibles usés (ce que fait aujourd'hui EDF dans 22 de ses 58 tranches nucléaires), les systèmes à neutrons rapides, eux, peuvent être alimentés en permanence par du plutonium issu du retraitement. Avec cette technique, calcule le CEA, les stocks français d'uranium provenant des opérations d'enrichissement et de retraitement, soit 250 000 tonnes, suffiraient pour assurer une production électronucléaire à son niveau actuel pendant cinq mille ans.
Brûler les déchets radioactifs
La seconde vertu des neutrons rapides est de pouvoir "brûler" une partie des résidus nucléaires les plus radiotoxiques. Les combustibles usés sortis des coeurs des réacteurs actuels sont composés d'uranium (95 %), de plutonium (1 %), ainsi que de produits de fission et d'actinides mineurs (4 %). Une partie de l'uranium et le plutonium sont recyclés en nouveau combustible, tandis que les produits de fission et les actinides mineurs sont coulés dans des matrices de verre, entreposées à La Hague (Manche), dans l'attente d'un éventuel enfouissement.
Or, les actinides mineurs (américium, neptunium, curium) sont des déchets à haute activité et à vie longue. Si l'on parvenait à les éliminer, la radiotoxicité du combustible usé retomberait au niveau de celle de l'uranium naturel au bout de 300 ans, au lieu de 250 000 ans. En laboratoire, des procédés existent pour isoler ces radioéléments et les "transmuter" en éléments à durée de vie plus courte, en les bombardant de neutrons rapides. Mais il reste à valider - et à chiffrer - cette méthode à une échelle industrielle.
Ce sera l'une des missions d'Astrid, dont la construction pourrait commencer en 2017, à Marcoule (Gard). Il s'agira d'un gros prototype, de 600 mégawatts (MW), suffisamment puissant pour que sa technologie puisse être extrapolée à un réacteur de 1 500 MW, conçu pour fonctionner soixante ans. Sur le milliard d'euros alloué au nucléaire par l'emprunt national, 650 millions seront consacrés à la phase d'étude.
"Nous allons utiliser l'expérience de Phénix et de Superphénix, en améliorant la sûreté", promet le CEA. Le sodium ayant la fâcheuse propriété de réagir spontanément avec l'eau et de s'enflammer au contact de l'air, des échangeurs de chaleur à gaz sont envisagés, ou des générateurs de vapeur à double paroi. Et un nouveau coeur est à l'étude, pour éviter une fusion en cas de baisse du niveau de sodium.
Des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium existent déjà en Russie et au Japon. D'autres sont en construction en Chine, en Inde et en Russie. Mais aucun, estime le CEA, ne répond aux exigences de sûreté de la quatrième génération.
http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... _3244.html
[quote] [b] La renaissance d'un Superphénix[/b]
02.04.10 Le Monde
La filière des réacteurs nucléaires à neutrons rapides n'a pas laissé de radieux souvenirs. Illustrée, en France, par le surgénérateur Superphénix (en cours de démantèlement), elle reste associée à un retentissant fiasco technologique. Même si le petit surgénérateur de démonstration Phénix (arrêté en septembre 2009) a, en dépit d'incidents à répétition, rempli vaille que vaille sa mission de recherche. Cette filière effectue pourtant son retour, avec les réacteurs de quatrième génération dont le déploiement industriel est prévu à l'horizon 2040. Cinq des six systèmes étudiés dans le cadre du Forum international Génération IV de recherche sur l'énergie nucléaire font appel aux neutrons rapides.
La France s'est fixé pour objectif d'être la première à posséder un tel réacteur. Le CEA (désormais Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), associé à EDF, Areva et bientôt sans doute GDF-Suez, concentre ses efforts de recherche et développement sur un système refroidi au sodium. Avec comme échéance la mise en service, en 2020, d'un prototype baptisé [color=#FF0000]Astrid[/color], pour Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration.
Les neutrons rapides présentent deux grands avantages, décrivent Christophe Béhar, directeur de l'énergie nucléaire au CEA, et François Gauché, chef du programme des réacteurs de quatrième génération. D'abord, ils exploitent beaucoup mieux la ressource combustible. Les réacteurs actuels ne consomment que l'uranium fissile (U 235), dont le minerai naturel recèle seulement 0,7 %. Il faut enrichir ce minerai, par de coûteux traitements, pour que le combustible contienne entre 3 % et 5 % de matière fissile. Dans un surgénérateur, l'uranium non fissile (U 238) peut être utilisé en totalité, les neutrons rapides le transformant en plutonium (PU 239) qui, lui, se prête aux réactions de fission.
De surcroît, alors que les réacteurs classiques ne peuvent recycler qu'une seule fois le plutonium extrait des combustibles usés (ce que fait aujourd'hui EDF dans 22 de ses 58 tranches nucléaires), les systèmes à neutrons rapides, eux, peuvent être alimentés en permanence par du plutonium issu du retraitement. Avec cette technique, calcule le CEA, les stocks français d'uranium provenant des opérations d'enrichissement et de retraitement, soit 250 000 tonnes, suffiraient pour assurer une production électronucléaire à son niveau actuel pendant cinq mille ans.
Brûler les déchets radioactifs
La seconde vertu des neutrons rapides est de pouvoir "brûler" une partie des résidus nucléaires les plus radiotoxiques. Les combustibles usés sortis des coeurs des réacteurs actuels sont composés d'uranium (95 %), de plutonium (1 %), ainsi que de produits de fission et d'actinides mineurs (4 %). Une partie de l'uranium et le plutonium sont recyclés en nouveau combustible, tandis que les produits de fission et les actinides mineurs sont coulés dans des matrices de verre, entreposées à La Hague (Manche), dans l'attente d'un éventuel enfouissement.
Or, les actinides mineurs (américium, neptunium, curium) sont des déchets à haute activité et à vie longue. Si l'on parvenait à les éliminer, la radiotoxicité du combustible usé retomberait au niveau de celle de l'uranium naturel au bout de 300 ans, au lieu de 250 000 ans. En laboratoire, des procédés existent pour isoler ces radioéléments et les "transmuter" en éléments à durée de vie plus courte, en les bombardant de neutrons rapides. Mais il reste à valider - et à chiffrer - cette méthode à une échelle industrielle.
[color=#FF0000] Ce sera l'une des missions d'Astrid, dont la construction pourrait commencer en 2017, à Marcoule (Gard). Il s'agira d'un gros prototype, de 600 mégawatts (MW), suffisamment puissant pour que sa technologie puisse être extrapolée à un réacteur de 1 500 MW, conçu pour fonctionner soixante ans. Sur le milliard d'euros alloué au nucléaire par l'emprunt national, 650 millions seront consacrés à la phase d'étude.[/color]
"Nous allons utiliser l'expérience de Phénix et de Superphénix, en améliorant la sûreté", promet le CEA. Le sodium ayant la fâcheuse propriété de réagir spontanément avec l'eau et de s'enflammer au contact de l'air, des échangeurs de chaleur à gaz sont envisagés, ou des générateurs de vapeur à double paroi. Et un nouveau coeur est à l'étude, pour éviter une fusion en cas de baisse du niveau de sodium.
Des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium existent déjà en Russie et au Japon. D'autres sont en construction en Chine, en Inde et en Russie. Mais aucun, estime le CEA, ne répond aux exigences de sûreté de la quatrième génération.
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http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/04/02/la-renaissance-d-un-superphenix_1327979_3244.html