par energy_isere » 28 oct. 2023, 20:47
Georges Besse II : des performances de pointe pour l’enrichissement de l’uranium
Publié le 23 octobre 2023
L’usine Georges Besse II réalise l’enrichissement de l’uranium pour le compte de différents clients à travers le monde. L’usine produit 7,5 MUTS 1 d’uranium enrichi et demain cette production pourrait être portée à 11 MUTS grâce au projet d’extension de l’usine.
L’usine d’enrichissement Georges Besse II se situe sur le site d’Orano Tricastin, à cheval sur les départements de la Drôme et du Vaucluse. Composée en réalité de deux bâtiments, l’un au sud et l’autre au nord du site Orano, l’usine s’étend sur 650 hectares. En comparaison, la cinquantaine d’hectares de la centrale nucléaire voisine semble tenir dans un mouchoir de poche. La plateforme industrielle comprend aussi d’autres installations comme l’usine Philippe Coste, qui transforme le tétrafluorure d’uranium (UF4) en hexafluorure d’uranium (UF6), des ateliers liés à la chimie de l’uranium et l’atelier de réception, expédition et contrôle des conteneurs d’hexafluorure d’uranium nommé RECII. De la diffusion gazeuse à la centrifugation L’immense site héberge également l’ancienne usine d’enrichissement George Besse première du nom, également appelée Eurodif, que George Besse II est venue progressivement remplacer jusqu’à son arrêt définitif en juin 2012. Les performances du nouvel outil industriel dont s’est doté Orano s’apprécient d’autant plus lorsque l’on connaît mieux sa grande sœur. Eurodif, bien que performante, était gourmande en eau et en électricité. En service de 1978 à 2012, l’usine nécessitait une consommation électrique équivalente à la production de trois des quatre réacteurs de la centrale nucléaire voisine. L’évolution du procédé d’enrichissement, en passant de la diffusion gazeuse à la centrifugation, a permis d’abaisser de 98% la consommation d’énergie, ce qui représente aujourd’hui environ 5 % de la production d’un seul réacteur ! De même, les besoins en eau ont drastiquement diminué. Le refroidissement de l’installation est assuré par un circuit fermé qui, une fois rempli, n’a plus besoin de l’eau du Rhône. Ainsi, le site ne compte plus de tours aéroréfrigérantes en fonctionnement alors qu’Eurodif nécessitait pour son refroidissement deux tours et 26 millions de m3 d’eau par an. Pour autant, Eurodif reste une usine impressionnante, inoubliable.
Un outil industriel exceptionnel
George Besses II, dont le secret technologique est bien gardé, est l’une des quatre entreprises dans le monde capables d’enrichir l’uranium pour les centrales nucléaires : le Chinois CNNC, le Russe Rosatom, le Français Orano et l’Anglo-hollando-allemand Urenco. La technologie des centrifugeuses utilisée par Orano est détenue avec Urenco au sein d’une coentreprise, Enrichment Technology Company (ETC), qui en détient les clés. Ainsi la France est l’un des rares pays à disposer de telles capacités sur son territoire. Si l’outil est donc exceptionnel par sa rareté et sa haute technicité, il l’est aussi par ses performances : il fonctionne à production nominale, tous les jours, toute l’année et à toute heure. Les équipes de conduites se relaient pour surveiller l’installation de nuit comme de jour. Tout a été pensé pour rendre ces machines robustes et elles disposent même chacune de leur propre plot antisismique.
Au cœur de l’usine
Kevin Longuet, le chef d’installation, nous accueille dans l’usine nord comptant six halls d’enrichissement contre huit pour l’usine sud et rappelle le principe de la centrifugation. L’idée, finalement assez simple, consiste à séparer l’uranium 235 de l’uranium 238 en faisant tourner de l’uranium dans une centrifugeuse, ou plutôt de l’hexafluorure d’uranium (UF6) sous forme gazeuse. Les atomes les plus lourds sont repoussés vers l’extérieur de la centrifugeuse, l’un des flux gazeux sortant appauvri en uranium fissile (le 235) de la centrifugeuse et l’autre enrichi. Ensuite, « le processus se répète dans une autre centrifugeuse puis une autre… C’est ce qu’on appelle une cascade de centrifugeuses», explique Kevin Longuet. « En soi, le processus d’enrichissement est possible avec une seule centrifugeuse, mais cela prendrait beaucoup plus de temps et ce ne serait pas viable économiquement », précise-t-il encore. Au premier étage du bâtiment, des opérateurs scrutent les écrans pour veiller à la bonne marche des opérations. Cette salle permet également la formation des opérateurs à divers scénarios. Sur le chemin qui mène à la travée servant à alimenter les centrifugeuses, de nombreuses tuyauteries assurent l’acheminement de l’UF6. L’accès aux centrifugeuses est uniquement réservé aux employés d’ETC pour des raisons de secret industriel. On ne peut ni les voir ni même les entendre ! « Sur l’installation, les processus comprennent des opérations situées entre –25 °C et une soixantaine de degrés », nous explique le chef d’installation avant de nous ouvrir la voie vers la travée colorée où l’UF6 est purifié et envoyé vers les centrifugeuses. La travée se compose de stations étanches d’accueil des emballages, de différentes couleurs. Les vertes alimentent les centrifugeuses en UF6 naturel. Les rouges permettent de conditionner l’UF6 enrichi dans un emballage spécifique. Les jaunes conditionnent l’UF6 appauvri. Le long de cette travée colorée se déplace une grande et lente machine automatisée remplaçant les opérations de manutention. En fin de travée, les rails s’arrêtent soudainement comme s’ils attendaient d’aller plus loin. L’objet, précisément, du projet d’extension de l’usine (voir encadré).
L’uranium enrichi sur le départ
L’atelier de réception, expédition et contrôle des conteneurs d’hexafluorure d’uranium (REC II) permet d’ajuster le pourcentage d’enrichissement au besoin du client. Celui-ci varie en effet en fonction des exploitants, mais aussi en fonction de la position des assemblages de combustible au sein d’un même cœur. Le process comprend également, via un travail d’échantillonnage, de contrôler la qualité de la matière. Le dispositif de transport, chargement et déchargement est entièrement automatisé. Ainsi, ce n’est pas moins de 7,5 MUTS qui sont produits annuellement à Georges Besse II, ce qui correspond à la consommation électrique bas carbone de 90 millions de foyers, soit la somme de la consommation des foyers français, allemands et britanniques2 . Le montant d’investissements nécessaires à l’augmentation des capacités de Georges Besse II est estimé entre 1,3 et 1,7 milliard d’euros. Ce projet d’extension de l’usine d’enrichissement sur le site du Tricastin doit être entériné par le Conseil d’administration d’Orano d’ici à la fin de l’année 2023.
https://www.sfen.org/rgn/georges-besse- ... -luranium/
[quote][b][size=120] Georges Besse II : des performances de pointe pour l’enrichissement de l’uranium[/size][/b]
Publié le 23 octobre 2023
L’usine Georges Besse II réalise l’enrichissement de l’uranium pour le compte de différents clients à travers le monde. L’usine produit 7,5 MUTS 1 d’uranium enrichi et demain cette production pourrait être portée à 11 MUTS grâce au projet d’extension de l’usine.
L’usine d’enrichissement Georges Besse II se situe sur le site d’Orano Tricastin, à cheval sur les départements de la Drôme et du Vaucluse. Composée en réalité de deux bâtiments, l’un au sud et l’autre au nord du site Orano, l’usine s’étend sur 650 hectares. En comparaison, la cinquantaine d’hectares de la centrale nucléaire voisine semble tenir dans un mouchoir de poche. La plateforme industrielle comprend aussi d’autres installations comme l’usine Philippe Coste, qui transforme le tétrafluorure d’uranium (UF4) en hexafluorure d’uranium (UF6), des ateliers liés à la chimie de l’uranium et l’atelier de réception, expédition et contrôle des conteneurs d’hexafluorure d’uranium nommé RECII. De la diffusion gazeuse à la centrifugation L’immense site héberge également l’ancienne usine d’enrichissement George Besse première du nom, également appelée Eurodif, que George Besse II est venue progressivement remplacer jusqu’à son arrêt définitif en juin 2012. Les performances du nouvel outil industriel dont s’est doté Orano s’apprécient d’autant plus lorsque l’on connaît mieux sa grande sœur. Eurodif, bien que performante, était gourmande en eau et en électricité. En service de 1978 à 2012, l’usine nécessitait une consommation électrique équivalente à la production de trois des quatre réacteurs de la centrale nucléaire voisine. L’évolution du procédé d’enrichissement, en passant de la diffusion gazeuse à la centrifugation, a permis d’abaisser de 98% la consommation d’énergie, ce qui représente aujourd’hui environ 5 % de la production d’un seul réacteur ! De même, les besoins en eau ont drastiquement diminué. Le refroidissement de l’installation est assuré par un circuit fermé qui, une fois rempli, n’a plus besoin de l’eau du Rhône. Ainsi, le site ne compte plus de tours aéroréfrigérantes en fonctionnement alors qu’Eurodif nécessitait pour son refroidissement deux tours et 26 millions de m3 d’eau par an. Pour autant, Eurodif reste une usine impressionnante, inoubliable.
Un outil industriel exceptionnel
George Besses II, dont le secret technologique est bien gardé, est l’une des quatre entreprises dans le monde capables d’enrichir l’uranium pour les centrales nucléaires : le Chinois CNNC, le Russe Rosatom, le Français Orano et l’Anglo-hollando-allemand Urenco. La technologie des centrifugeuses utilisée par Orano est détenue avec Urenco au sein d’une coentreprise, Enrichment Technology Company (ETC), qui en détient les clés. Ainsi la France est l’un des rares pays à disposer de telles capacités sur son territoire. Si l’outil est donc exceptionnel par sa rareté et sa haute technicité, il l’est aussi par ses performances : il fonctionne à production nominale, tous les jours, toute l’année et à toute heure. Les équipes de conduites se relaient pour surveiller l’installation de nuit comme de jour. Tout a été pensé pour rendre ces machines robustes et elles disposent même chacune de leur propre plot antisismique.
Au cœur de l’usine
Kevin Longuet, le chef d’installation, nous accueille dans l’usine nord comptant six halls d’enrichissement contre huit pour l’usine sud et rappelle le principe de la centrifugation. L’idée, finalement assez simple, consiste à séparer l’uranium 235 de l’uranium 238 en faisant tourner de l’uranium dans une centrifugeuse, ou plutôt de l’hexafluorure d’uranium (UF6) sous forme gazeuse. Les atomes les plus lourds sont repoussés vers l’extérieur de la centrifugeuse, l’un des flux gazeux sortant appauvri en uranium fissile (le 235) de la centrifugeuse et l’autre enrichi. Ensuite, « le processus se répète dans une autre centrifugeuse puis une autre… C’est ce qu’on appelle une cascade de centrifugeuses», explique Kevin Longuet. « En soi, le processus d’enrichissement est possible avec une seule centrifugeuse, mais cela prendrait beaucoup plus de temps et ce ne serait pas viable économiquement », précise-t-il encore. Au premier étage du bâtiment, des opérateurs scrutent les écrans pour veiller à la bonne marche des opérations. Cette salle permet également la formation des opérateurs à divers scénarios. Sur le chemin qui mène à la travée servant à alimenter les centrifugeuses, de nombreuses tuyauteries assurent l’acheminement de l’UF6. L’accès aux centrifugeuses est uniquement réservé aux employés d’ETC pour des raisons de secret industriel. On ne peut ni les voir ni même les entendre ! « Sur l’installation, les processus comprennent des opérations situées entre –25 °C et une soixantaine de degrés », nous explique le chef d’installation avant de nous ouvrir la voie vers la travée colorée où l’UF6 est purifié et envoyé vers les centrifugeuses. La travée se compose de stations étanches d’accueil des emballages, de différentes couleurs. Les vertes alimentent les centrifugeuses en UF6 naturel. Les rouges permettent de conditionner l’UF6 enrichi dans un emballage spécifique. Les jaunes conditionnent l’UF6 appauvri. Le long de cette travée colorée se déplace une grande et lente machine automatisée remplaçant les opérations de manutention. En fin de travée, les rails s’arrêtent soudainement comme s’ils attendaient d’aller plus loin. L’objet, précisément, du projet d’extension de l’usine (voir encadré).
L’uranium enrichi sur le départ
L’atelier de réception, expédition et contrôle des conteneurs d’hexafluorure d’uranium (REC II) permet d’ajuster le pourcentage d’enrichissement au besoin du client. Celui-ci varie en effet en fonction des exploitants, mais aussi en fonction de la position des assemblages de combustible au sein d’un même cœur. Le process comprend également, via un travail d’échantillonnage, de contrôler la qualité de la matière. Le dispositif de transport, chargement et déchargement est entièrement automatisé. Ainsi, ce n’est pas moins de 7,5 MUTS qui sont produits annuellement à Georges Besse II, ce qui correspond à la consommation électrique bas carbone de 90 millions de foyers, soit la somme de la consommation des foyers français, allemands et britanniques2 . Le montant d’investissements nécessaires à l’augmentation des capacités de Georges Besse II est estimé entre 1,3 et 1,7 milliard d’euros. Ce projet d’extension de l’usine d’enrichissement sur le site du Tricastin doit être entériné par le Conseil d’administration d’Orano d’ici à la fin de l’année 2023.
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https://www.sfen.org/rgn/georges-besse-ii-des-performances-de-pointe-pour-lenrichissement-de-luranium/