Bonjour,
the_oliver_2000 a écrit :pragma tic a écrit :Mais ce qui me fait beaucoup rigoler, dans tes projections, Gilles, c'est que tu sembles poser comme allant de soi que les sociétés humaines encaisseront sans broncher ce niveau de déplétion de 2 à 3% par an, autrement dit qu'elles s'adapteront et continueront à "fonctionner" (c'est à dire : extraire et utiliser le pétrole).
Car moi, nul en physique, mais un peu connaisseur du fonctionnement humain et sociétal, cela me parait hautement improbable.
Il faudrait en dire plus, pourquoi improbable ? Je pense que nos sociétés continueront à fonctionner, mais avec beaucoup de casse, principalement chez les plus pauvres bien sûr

Quand je dis ça je pense plus aux pays pauvres qu'aux pauvres des pays riches.
Bonjour,
Je ne crois pas disposer de plus d’informations que ce forum n’en recèle pour tenter de répondre à cette question, sauf peut-être dans des secteurs un peu pointus du comportement humain qui seraient fastidieux à développer ici.
Je me sens en revanche, étant familiarisé avec le domaine des sciences humaines, plus à l’aise pour évaluer la pertinence des différentes informations qu’on y trouve au regard de cette question de l’adaptation de l’espèce humaine à la déplétion énergétique qu’une personne non familiarisée avec les « logiques » de ce domaine.
Je répète que ce que je mets en doute dans le modèle « lent et durable » de déplétion proposé par GillesH38, ce n’est pas le principe d’une déplétion énergétique lente, mais la capacité des sociétés humaines à s’adapter à celle-ci, car il me parait qu’une déplétion énergétique, même relativement faible, si elle est durable, entraînera des troubles importants au sein des sociétés humaines.
Des troubles peut-être de nature à affecter l’exploitation des énergies fossiles et fissiles, et donc à augmenter artificiellement le taux de déplétion énergétique « naturel ». Avec pour effet de générer des troubles de plus grande ampleur, qui eux-mêmes accéléreront l’augmentation du taux de déplétion, avec pour effets de nouveaux troubles … bref, un cercle vicieux, de nature à nous faire passer très rapidement d’un point d’équilibre « A » que nous connaissons actuellement dans l’exploitation des énergies fossiles, à un nouveau point d’équilibre « B » que je crains dépourvu d’énergies fossiles ou fissiles.
Sur la méthode, je récuse le principe de modéliser le fonctionnement de nos sociétés en vue d’y appliquer des projections tentant d’expliquer l’avenir ; on est pas capable de modéliser correctement le fonctionnement de la décision humaine, alors celui des sociétés …
Je me fais comme tout le monde mes scénarios d’avenir, mais n’y apporte pas plus de crédit qu’à ceux d’autrui.
Pour prendre position sur cette question, je préfère m’appuyer sur des principes généraux validés des sciences sociales, la plupart exprimés sur ce forum, qui lorsqu’ils sont correctement ordonnés et interprétés me semblent très inquiétants pour notre avenir.
Le premier que j’évoquerai, c’est celui qui constate qu’une espèce se développe ou se raréfie en relation directe avec les ressources dont elle peut bénéficier de la part de son environnement.
L’Homme n’a pas dérogé à ce principe, (même si une partie de sa population a franchi une « transition démographique »), de sorte que la population mondiale qui a profité et continue de bénéficier de toutes les avancées de la connaissance continue de s’accroître.
Bien que je ne sois pas connaisseur en cette matière, il me semble peu douteux que les énergies en général, et le pétrole en particulier, ont grandement contribué à permettre cet accroissement, en permettant entre autre l’accès à de « nouvelles ressources », par exemple, par le transport ou par l’augmentation des productions agricoles dues aux engrais.
Il me semble également que la connaissance a durant une période progressé plus vite que la croissance de la population, permettant l’instauration de « marges », mais j’ai l’impression que le rapport s’est inversé, que ces marges diminuent, de sorte que la croissance actuelle de la population dépend de plus en plus de la qualité des récoltes agricoles, aléatoires par nature, et que cet état de fait traduit clairement une diminution de ces « marges ».
La question qui se pose donc d’après moi, est celle de l’adaptation de la démographie humaine à la diminution des ressources résultant de la déplétion énergétique.
Car la décroissance « naturelle » d’une population, comme choix conscient d’adaptation, pour moi, ça n’existe pas …
Je n’ignore pas qu’une faible partie de la population mondiale consomme exagérément au regard de ses besoins physiologiques, mais la solution d’une meilleure répartition me paraît marginale pour plusieurs raisons.
J’estime donc que la déplétion énergétique aura pour effet de créer des tensions, par mise en concurrence des individus dans l’accès aux ressources de subsistance, (en premier lieu, l’alimentation).
Certains prédisent, et c’est plausible, que les régions pauvres de la planète seront prioritairement touchées, je ne crois cependant pas que les régions « riches » seront pour autant à l’abri, car je crois que des produits en provenance de certains de ces pays participent à la « richesse » des autres : le pétrole et l’uranium, par exemple … De sorte que si les capacités d’exportation de ces pays se trouvaient affectées par des troubles sociaux, cela affecterait directement les pays qui bénéficiaient de ces exportations.
Je ne vais pas m’étendre sur l’interdépendance de nos sociétés humaines, les chiffres du commerce extérieur sont publics.
Voici donc où se situent fondamentalement mes craintes, car je ne vois actuellement d’autre solution pour échapper aux mécanismes décrits ci-dessus qu’une découverte énergétique de nature à prendre le relais des énergies fossiles, or une telle découverte devient de plus en plus improbable au fur et à mesure que le délai qui nous sépare de cette échéance diminue.
Un autre élément physique intervient dans le mécanisme de l’adaptation humaine ; la capacité à mettre en œuvre une « appropriation collective d’une stratégie de réponse ».
En clair, un pouvoir fort, capable de mettre en œuvre une stratégie collective, ou l’absence d’un tel pouvoir. (Pointé par Jared Diamond dans « effondrement » et relevé par Pat43 sur le fil concerné d’Oléocène).
Le fait que la menace concerne l’économie mondiale, et que celle-ci ne dispose d’aucun « dirigeant » est du même niveau de menace que les mécanismes basiques rappelés ci-dessus ; cela signifie concrètement que c’est à tous les niveaux d’organisation humains (continents, pays, régions, villes …) qu’interviendra la mise en concurrence dans l’accès aux ressources de subsistance … De quoi autoriser un grand nombre de scénarios prédictifs, hélas tous plus effrayants les uns que les autres …
Un mot sur un élément psychologique de l’adaptation ; être conscient, ça compte ! Car ça permet de se préparer matériellement et d’augmenter la durée d’adaptation mentale par anticipation. Hélas : il est manifeste que l’Homme a fait le pari qu’il trouverait une énergie de substitution avant la déplétion fossile, et qu’il n’ait tout simplement pas pensé qu’il puisse perdre ce pari. Le rappel à la réalité sera d’autant plus retardé qu’il sera déplaisant en ce qu’il rappellera à l’Homme sa condition humaine, à lui qui était si près des dieux !
Et je vise ici autant les gens qui se refusent à admettre une quelconque déplétion énergétique, que ceux qui ont bien intégré sa survenue mais semblent peu enclins à en évaluer les conséquences, allant jusqu’à railler ceux qui se préparent à d’éventuels troubles, dont la survenue me paraît hautement probable !
Je précise enfin que j’ai été très surpris de voir évoquer sur ce fil un lien entre la vitesse de développement d’une espèce et sa vitesse d’extinction. Si un tel lien existe, il ne me semble pouvoir intervenir que très marginalement, car bien que n’étant pas connaisseur de ce domaine précis, il me paraît clair que ces vitesses sont avant tout dépendantes des fluctuation de l’environnement de l’espèce en question, lesquelles sont totalement aléatoires !
Cela pour préciser que non seulement une catastrophe importante me semble possible, dès le tout début d’une réelle déplétion énergétique, mais également que celle-ci pourrait se dérouler dans un laps de temps très court.
Et au regard des inerties en jeu à une telle échelle, je crois qu’il n’est hélas plus temps que de mettre les casques …
Pour moi dont le métier a longtemps été de tenter de rapprocher les humains et la réalité, j’incite à lire sans retenue Rammstein et Geispe …
Car même s’il n’y a rien de sûr dans mes craintes, le bon sens consiste pour moi à s’en prémunir dans la limite du possible, car je suis de ceux qui seront heureux même s'ils se sont préparés pour rien si l’avenir me dément. Je ne veux en aucun cas faire partie de ceux qui regretteront leur impréparation si l’avenir me donne raison.
Inciter à ne pas se préparer, dès lors que l’on est conscient d’une menace, me semble une conduite légère si l’on est pas en possession d’éléments invalidant à coup sûr cette menace.