par energy_isere » 24 juil. 2018, 08:04
Trop lourds, trop longs : l’incroyable bourde des sous-marins espagnols
À cause d’une bête erreur de calcul, le sous-marin espagnol S-80 pouvait plonger mais ne pouvait pas flotter. Les ingénieurs ont décidé de le rallonger de 10 m, pour améliorer sa flottabilité. Problème, la base du port de Carthagène est désormais trop courte pour l’accueillir… Depuis dix ans, les erreurs, les retards et les surcoûts s’accumulent, pour ce projet à 4 milliards d’euros.
23 juillet 2018
ACCIDENT INDUSTRIEL
Trop lourds, trop longs : l’incroyable bourde des sous-marins espagnols
PAR FABRICE BERNAY
À cause d’une bête erreur de calcul, le sous-marin espagnol S-80 pouvait plonger mais ne pouvait pas flotter. Les ingénieurs ont décidé de le rallonger de 10 m, pour améliorer sa flottabilité. Problème, la base du port de Carthagène est désormais trop courte pour l’accueillir… Depuis dix ans, les erreurs, les retards et les surcoûts s’accumulent, pour ce projet à 4 milliards d’euros.
Les Espagnols de Navantia n’en finissent pas d’accumuler les déboires dans la conception de leur nouvelle classe de sous-marins d’attaque S-80. La dernière en date va leur coûter 16 millions d’euros supplémentaires : le port de Carthagène, au sud-est du pays, censé les accueillir, est trop petit. Ou plutôt, le sous-marin est trop long… la conséquence d’une bête erreur de calcul, rapportée par le quotidien espagnol El Pais.
Un déboire de plus qui doit bien faire sourire les ingénieurs de DCNS (Naval Group) : le groupe industriel français avait fustigé l’attitude du groupe espagnol Navantia, il y a dix ans. Depuis les années 1990, les deux groupes étaient en partenariat pour la conception des sous-marins de type Scorpène… jusqu’à ce que Navantia fasse « un enfant dans le dos » au groupe français. En 2008, les Espagnols se retirent brusquement du projet Scorpène (en gardant le savoir accumulé), pour réaliser, en collaboration avec les Américains, la classe S-80. Cette dernière sera en concurrence directe, sur les marchés internationaux, avec les Scorpène… désormais 100 % français, après une négociation devant la Cour arbitrale internationale, pour consommer le divorce.
Trop lourd de 100 tonnes
La marine espagnole avait commandé, en 2003, 4 sous-marins de type S-80 au chantier naval Navantia, pour remplacer sa flotte d’Agosta vieillissants. Un projet alors estimé à 2 milliards d’euros. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu pour les Espagnols : en 2013, on découvre que le S-80, dont la construction est déjà bien avancée, est trop lourd… de 100 tonnes. Un surpoids qui entraîne un grave problème de flottabilité et qui pourrait l’empêcher de remonter à la surface.
Selon un officiel, interrogé par l’agence de presse américaine AP, « quelqu’un avait placé une virgule après la mauvaise décimale et personne n’avait pris la peine de vérifier les calculs ».
Penaud, le ministère de la Défense espagnol fait appel (moyennant 14 millions d’euros) aux Américains d’Electric Boat pour trouver une solution. Verdict : il faut rallonger le bateau, pour améliorer sa flottabilité. Au lieu des 71 m de long pour 2 200 tonnes, le sous-marin passe à 81 m, pour 3 100 tonnes. Mais cela coince encore : le dock de Carthagène (où les sous-marins sont construits), a été conçu pour accueillir des vaisseaux… jusqu’à 78 m. Il va donc falloir, entre autres, allonger le port, moyennant 16 millions d’euros.
La facture s’envole
L’ironie de l’histoire ne s’arrête pas là : les modifications n’ont pas pu être appliquées au premier des quatre modèles. Le S-81 (Isaac Peral) était déjà trop avancé dans sa construction, il ne sera modifié qu’une fois livré. Le système de propulsion AIP, qui permet au sous-marin de rester sous l’eau pendant deux semaines, risque de ne pas pouvoir faire avancer un navire plus lourd de 50 %, et ne sera de toute façon livré qu’en 2026, sur le troisième modèle.
Entre les changements de conception et les retards, au total, le coût des quatre sous-marins devrait se monter à 4 milliards d’euros. Soit le double du prix initial, et le double du prix de ses concurrents sur le marché international (comme le Type 214 allemand). Initialement, la livraison du premier modèle était prévue pour 2014… Navantia espère désormais une livraison échelonnée entre 2022 et 2027.
A la radio espagnole, la ministre de la Défense Margarita Robles a admis qu’il y avait eu « des déficiences sur le projet » S-80.
Pour boire le calice jusqu’à la lie, les Espagnols risquent d’avoir à demander un coup de main à DCNS (Naval Group), comme le rapporte El Confidencial : les retards accumulés devraient prolonger la durée de service des sous-marins actuellement en circulation : les trois vieux Agosta, datant des années 1980. Pour les moderniser, il va donc falloir faire appel aux Français… dont les Scorpène se vendent déjà à l’international (6 en Inde, 4 au Brésil et 2 au Chili et à la Malaisie).
https://www.ouest-france.fr/leditiondus ... 672/page/7
[quote][b]Trop lourds, trop longs : l’incroyable bourde des sous-marins espagnols
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À cause d’une bête erreur de calcul, le sous-marin espagnol S-80 pouvait plonger mais ne pouvait pas flotter. Les ingénieurs ont décidé de le rallonger de 10 m, pour améliorer sa flottabilité. Problème, la base du port de Carthagène est désormais trop courte pour l’accueillir… Depuis dix ans, les erreurs, les retards et les surcoûts s’accumulent, pour ce projet à 4 milliards d’euros.
23 juillet 2018
ACCIDENT INDUSTRIEL
Trop lourds, trop longs : l’incroyable bourde des sous-marins espagnols
PAR FABRICE BERNAY
À cause d’une bête erreur de calcul, le sous-marin espagnol S-80 pouvait plonger mais ne pouvait pas flotter. Les ingénieurs ont décidé de le rallonger de 10 m, pour améliorer sa flottabilité. Problème, la base du port de Carthagène est désormais trop courte pour l’accueillir… Depuis dix ans, les erreurs, les retards et les surcoûts s’accumulent, pour ce projet à 4 milliards d’euros.
Les Espagnols de Navantia n’en finissent pas d’accumuler les déboires dans la conception de leur nouvelle classe de sous-marins d’attaque S-80. La dernière en date va leur coûter 16 millions d’euros supplémentaires : le port de Carthagène, au sud-est du pays, censé les accueillir, est trop petit. Ou plutôt, le sous-marin est trop long… la conséquence d’une bête erreur de calcul, rapportée par le quotidien espagnol El Pais.
Un déboire de plus qui doit bien faire sourire les ingénieurs de DCNS (Naval Group) : le groupe industriel français avait fustigé l’attitude du groupe espagnol Navantia, il y a dix ans. Depuis les années 1990, les deux groupes étaient en partenariat pour la conception des sous-marins de type Scorpène… jusqu’à ce que Navantia fasse « un enfant dans le dos » au groupe français. En 2008, les Espagnols se retirent brusquement du projet Scorpène (en gardant le savoir accumulé), pour réaliser, en collaboration avec les Américains, la classe S-80. Cette dernière sera en concurrence directe, sur les marchés internationaux, avec les Scorpène… désormais 100 % français, après une négociation devant la Cour arbitrale internationale, pour consommer le divorce.
Trop lourd de 100 tonnes
La marine espagnole avait commandé, en 2003, 4 sous-marins de type S-80 au chantier naval Navantia, pour remplacer sa flotte d’Agosta vieillissants. Un projet alors estimé à 2 milliards d’euros. Mais tout ne s’est pas passé comme prévu pour les Espagnols : en 2013, on découvre que le S-80, dont la construction est déjà bien avancée, est trop lourd… de 100 tonnes. Un surpoids qui entraîne un grave problème de flottabilité et qui pourrait l’empêcher de remonter à la surface.
Selon un officiel, interrogé par l’agence de presse américaine AP, « quelqu’un avait placé une virgule après la mauvaise décimale et personne n’avait pris la peine de vérifier les calculs ».
Penaud, le ministère de la Défense espagnol fait appel (moyennant 14 millions d’euros) aux Américains d’Electric Boat pour trouver une solution. Verdict : il faut rallonger le bateau, pour améliorer sa flottabilité. Au lieu des 71 m de long pour 2 200 tonnes, le sous-marin passe à 81 m, pour 3 100 tonnes. Mais cela coince encore : le dock de Carthagène (où les sous-marins sont construits), a été conçu pour accueillir des vaisseaux… jusqu’à 78 m. Il va donc falloir, entre autres, allonger le port, moyennant 16 millions d’euros.
La facture s’envole
L’ironie de l’histoire ne s’arrête pas là : les modifications n’ont pas pu être appliquées au premier des quatre modèles. Le S-81 (Isaac Peral) était déjà trop avancé dans sa construction, il ne sera modifié qu’une fois livré. Le système de propulsion AIP, qui permet au sous-marin de rester sous l’eau pendant deux semaines, risque de ne pas pouvoir faire avancer un navire plus lourd de 50 %, et ne sera de toute façon livré qu’en 2026, sur le troisième modèle.
Entre les changements de conception et les retards, au total, le coût des quatre sous-marins devrait se monter à 4 milliards d’euros. Soit le double du prix initial, et le double du prix de ses concurrents sur le marché international (comme le Type 214 allemand). Initialement, la livraison du premier modèle était prévue pour 2014… Navantia espère désormais une livraison échelonnée entre 2022 et 2027.
A la radio espagnole, la ministre de la Défense Margarita Robles a admis qu’il y avait eu « des déficiences sur le projet » S-80.
Pour boire le calice jusqu’à la lie, les Espagnols risquent d’avoir à demander un coup de main à DCNS (Naval Group), comme le rapporte El Confidencial : les retards accumulés devraient prolonger la durée de service des sous-marins actuellement en circulation : les trois vieux Agosta, datant des années 1980. Pour les moderniser, il va donc falloir faire appel aux Français… dont les Scorpène se vendent déjà à l’international (6 en Inde, 4 au Brésil et 2 au Chili et à la Malaisie).
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