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"L'hydrogène un solution d'avenir et qui le restera longtemps" [auteur inconnue]
l'Auto Journal, 15.6.1978 a écrit : La pile à combustible, l'auto de demain.
Regarder l'avenir, c'est voir les ressources pétrolières en diminution et un bilan qui s'annonce assez triste pour l'automobile de l'an 2000. Cette évidence doit être souvent répétée car les crédits de recherche ne brûlent pas par leur volume.
Un domaine toutefois fait exception la pile à combustible, et plus précisément la pile à hydrogène, célèbre jusqu'à présent pour ses utilisations spatiales. Son avenir se présentebien et ses avantages actuels sont déjà de première qualité : rendement élevé, fonctionnement silencieux et parfaitement non polluant.
Alors peut-on dire que la pile à hydrogène détrônera dans un avenir plus ou moins proche le moteur à essence ?. Peut-on penser que notre vieux moteur thermique en est à sa phase finale?. Yves Bréelle, ingénieur principal à l'institut Français du Pétrole fait le point pour l'Auto-Journal.
Aujourd'hui l'institut Français du Pétrole étudie la "faisabilité" c'est-à-dire les possibilités de cette pile, et sa tâche est de déterminer si oui ou non elle doit être développée après 1985.
Qu'est-ce qu'une pile à combustible ?. Yves Bréelle la compare simplement à une batterie d'accumulateurs qui fournit de l'électricité. Schématiquement, elle se compose d'un bac contenant une solution réactive, une anode et une cathode en nickel ou en platine, un comburant qui est l'air, et un carburant qui peut être l'hydrogène, l'hydrazine, le méthanol ou tout simplement du pétrole. La pile convertit l'énergie chimique due à la réaction combustible-carburant en électricité sans passer par l'intermédiaire de la chaleur comme c'est le cas du moteur thermique de nos voitures habituelles.
Se pose alors la question du combustible. Pourquoi choisir l'hydrogène plutôt qu'un hydrocarbure, un hydrazine ou du méthanol ?. Parce que pour des performances maximum c'est-à-dire une bonne vitesse de réaction dans la pile et un prix de revient décent, c'est-à-dire avec des catalyseurs en nickel et non en platine, seul l'hydrogène ou l'hydrazine conviennent, il faut en effet concilier performances et prix. Et lorsqu'on sait que le combustible pétrole ou méthanol exige des catalyseurs en platine-paladium, on ne peut décemment envisager la commercialisation de la pile à combustible.
Jugez ! Si on utilise du platine, il faut 10 grammes par kilowatt. Or une R 5 qui aurait besoin de 30 kilowatts exigerait 300 grammes de platine, ce qui au cours actuel du platine ferait une somme de 12 000 F uniquement en catalyseur. Et si on remplaçait le moteur des 3 000 000 de véhicules français vendus chaque année par une pile à combustible, il faudrait près de 1000 tonnes de platine. Etant donné que la production mondiale de ce métal ne dépasse pas 50 tonnes par an, on voit tout de suite que les hydrocarbures et le méthanol sont impensables et mal venus en automobile pour l'utilisation de la pile à combustible. D'où l'emploi de métaux moins nobles tels que le nickel que supporte l'hydrogène.
Une auto prototype
Il est tentant d'imaginer cette pile à la place d'un moteur traditionnel, de vouloir rouler à l'hydrogène. Le rendement de la pile est fort intéressant puisqu'il est de 50 %, celui d'un moteur thermique dépassant rarement 30 %. Quant à sa durée de vie, elle tourne actuellement autour de 1 000 heures ; on espère la monter à 40 000 heures à partir de 1990. En vérité, cette automobile existe à l'état de prototype ; les caractéristiques de sa pile sont les suivantes : carburant-hydrogène, comburant-oxygène, puissance massique 70 W/Kg. Ce dernier paramètre est fondamental car de lui dépendent la vitesse maximum et les accélérations. On pense porter commercialement ce chiffre à 150 W/Kg vers 1980-1985, à 350 W/Kg en l'an 2000.
Les essais montrent qu'une voiture équipée d'une pile hydrogène-air de valeur massique 150 W/Kg peut avoir des caractéristiques approchant celles d'un véhicule à essence ; les deux voitures ont une charge utile de 335 kg et leur vitesse maximum est de 110 km/h.
La voiture à essence effectue le 400 mètres départ arrêté en 23,1 secondes alors que la voiture équipée de la pile à hydrogène le parcourt en 26,1 secondes. La consommation est nettement favorable à la pile : 0,266 th/km contre 0,699 th/km pour le moteur à essence. En revanche, les différents poids et le volume du réservoir sont défavorables à la pile à hydrogène.
La pile à combustible possède des avantages incomparables : absence d'émissions d'oxyde d'azote, silence de fonctionnement, agrément de conduite, grande sécurité et prix acceptable. Celui-ci a été en effet chiffré : par rapport au prix actuel du super distribué en France (12 centimes/thermie hors taxes), le prix de l'hydrogène devrait vraisemblablement être légèrement supérieur. Mais les inconvénients existent. Par le nucléaire Il y a d'abord la production d'hydrogène. Pour approvisionner un grand nombre de véhicules, il faut passer par l'énergie nucléaire. C'est indispensable. L'idée est de faire fonctionner les futures centrales nucléaires de l'EDF 24 heures sur 24 et non pas à temps partiel.La nuit par exemple, à partir de l'électrolyse de l'eau, on s'occuperait à former de l'hydrogène. Si le programme de construction des centrales est respecté, on disposerait dès 1990 de quantités suffisantes destinées à l'automobile. On arriverait alors à un coût intéressant, de l'ordre de 25 centimes/thermie. Deuxième problème : la distribution de l'hydrogène. Aucune infrastructure n'existe. Au plan automobile, il est difficile de stocker ce précieux carburant sous forme de liquide, ce serait trop dangereux. Seule la solution de réservoirs comprimés à 40 kg et plus tard à 20 kg donnerait satisfaction. Il faut donc créer un réseau avec stations, lieu de stockage, acheminement. Une mise en place gigantesque. Par ailleurs, la pile à hydrogène est encore trop lourde et trop chère. L'institut Français du Pétrole étudie sa rentabilité en collaboration avec Renault. En 1975, le kW montait à 700 F dans le cas d'une voiture produite en série. Ce chiffre doit descendre à 300 F pour le marché autobus, et à 100-1 50 F si on veut rivaliser avec les Diesel. Ce niveau est déjà atteint mais la durée de vie de la pile auto n'est que de 1 000 heures ; le seuil de rentabilité est de 3 000 heures minimum. Les recherches sont prometteuses, mais l'hydrogène est encore loin de bousculer le vieux moteur thermique. L'I.F.P. s'est fixé 1985 pour dire si la pile à combustible aura une destinée automobile. Avec un peu de chance et des crédits supplémentaires. ces résultats pourraient avancer vers une heureuse issue.