Compte-rendu du 30/10/2008 de Jean-Pierre Petit, à propos du colloque sur la MHD de septembre :
Jean-Pierre Petit a écrit :SECOND VOLET : MHD
On peut maintenant passer au colloque de Vilnius. Les photos sont sur le site, à la suite de ce message. J'ai pu faire un exposé oral, le thème retenu étant l'instabilité de Vélikhov. A cela se sont ajoutés deux « posters », l'un présentant « les secrets d'Aurora et le principe de l'annihilation des ondes de choc par la MHD » et l'autre « les principes de fonctionnement des aréodynes MHD discoïdaux, à induction ». Il y avait déjà des communications à des congrès internationaux et des notes aux Comptes Rendus à l'Académie des Sciences de Paris. Ces travaux s'étaleront maintenant dans les pages d'une revue de physique de haut niveau : « Acta Physica Polonica A », où figureront dans quelques mois tous les papiers du colloque.
Disons que c'était un peu le but de ma présence là-bas. Deux colloques en un mois : fatigant. Mais il fallait « marquer ces buts ». Je l'ai fait, au nom de l'association. Je rappellerai simplement qu'UFO-science est le seul groupe s'intéressant aux ovnis d'où émanent des travaux présentés dans des congrès ou publiés dans des revues à comité de lecture. Le reste se publie dans des… revues ufologiques, ou s'expose lors de « repas ufologiques ».
Les posters ont été photographiés sous toutes les coutures par les congressistes et de nombreuses questions ont été posées. Les photos montrent l'ampleur de ce colloque international, réunissant 500 participants. Je ne vous étonnerai pas en vous disant que la MHD est essentiellement à applications militaires. Personne, là-bas, ne s'en serait offusqué. J'ai pris un ou deux clichés suffisamment évocateurs.
Un des intervenants, un Américain, nous a présenté le fin du fin en matière d'armement individuel miniaturisé. Dans mon site vous avez sans doute vu les « systèmes à compression de flux magnétique », inventés par Sakharov dans les années cinquante (voir par exemple cet article, celui-là ou encore celui-ci. On crée un champ magnétique par une décharge de condensateurs, à l'intérieur d'un solénoïde. Puis « on comprime ce champ magnétique à l'aide d'un explosif ». Il en résulte de très fortes intensités (100 millions d'ampères obtenus dans les années cinquante par Sakharov) et des voltages également très élevés.
J'ai un scoop à vous révéler. Les Américain ont maintenant miniaturisé le système en utilisant comme point de départ des aimants permanents donnant des champs de plusieurs teslas. Un aimant permanent (comme par exemple ceux au néodyme) est un isolant. Ce matériau fritté n'est pas conducteur de l'électricité. Les Américains utilisent donc des barreaux en matériau fritté qui, lorsqu'ils sont soumis à une forte compression deviennent conducteurs. D'où un courant induit et de très fortes tensions.
Vous voyez donc le schéma des guerres du futur. L'électromagnétisme y jouera un rôle sans cesse croissant. Avant on utilisait des projectiles pour perforer l'enveloppe corporelles des êtres humains, détruire leurs organes vitaux, provoquer des hémorragies.
Inconvénient : ça salissait les tapis.
Maintenant on ne vous saignera plus à distance, on vous électrocutera. Ces balles à compression de flux engendrent déjà des tensions de 100.000 volts, jointes à des ampérages « léthaux ».
Fin de cette parenthèse.
A Vilnius j'étais fatigué, mal fichu. J'avais du mal à me déplacer, même avec une canne. J'ai fait ce que j'ai pu. Que pouvais-je attendre ce « contacts » ? Pas grand-chose. Des Russes m'ont fourni de la documentation concernant des interrupteurs modernes, sans mercure, capables de commuter des dizaines de milliers d'ampères, dont nous pourrions nous servir pour des expériences de MHD, en remplacement des vieux ignitrons pour locomotives, difficilement trouvables. Sur le plan technologique les informations étaient intéressantes.
Mais les Russes de la manip Angara (le Z-pinch russe) ne sont pas venus. Dommage. Les Russes ont toujours été et restent les seigneurs de la MHD. Les Américains ne font que courir derrière (avec, il est vrai, les bras chargés de dollars).
Il y avait des Chinois. Mais j'étais trop fatigué pour les entreprendre. Je vais terminer en citant une affaire assez croustillante. Le lendemain de mon arrivée je vais dans la grande salle où les congressistes prenaient leur repas. Je ne connaissais strictement personne. J'avise une table où deux types, la soixantaine, étaient assis. Il y avait une place libre. Je leur demande si je peux me joindre à eux.
- You're welcome
C'étaient... les deux Américains, qui étaient venus au colloque pour présenter l'état de la machine ZR (la Z machine « refurbished », c'est-à-dire aux performances accrues).
Une chance sur cent.
La conversation s'engage. Avec ma naïveté habituelle j'évoque mes contacts avec Gerold Yonas, inventeur de ce type de machine, à Sandia.
L'un des deux fronce les sourcils et me lance :
- Quand avez-vous rencontré Yonas ?
- Eh bien, en 1976, à Sandia, quand ces recherches débutaient.
Son voisin est interloqué et commente :
- Ah, à cette époque j'étais trop jeune.
- Quel âge avez-vous. Moi j'ai 71 ans
- Eh, c'est… un secret (…)….
Il est vrai qu'avec dix ans de plus qu'eux j'avais l'air d'en avoir dix de moins. La conversation qui suit est surréaliste. L'un s'appelle Maurice Keith Matzen et l'autre George R. McKee. Ils se disent : « ce Français a l'air de tomber de la Lune ». Je récupère des regards hostiles. Je suis aussi trop curieux. Ils ont des regards affolés quand je leur demande s'ils ont fait des essais avec des cages coaxiales, tronconiques, pour obtenir un effet de charge creuse.
Keith Matzen devant la Z-machine
Puis je les questionne sur les températures obtenues. Réponse :
- Ces 3 milliards et demi de degrés ? Hum, ce brave Malcom Haines a mal interprété les spectres.
- Comment cela !?!
- Oui, c'est un Israélien, Yitzhak Maron, qui a montré cela. Haines s'est emmêlé les pinceaux en analysant l'élargissement des raies. Disons que l'erreur commise par Haines est d'un bon ordre de grandeur (…). Il n'est plus question de milliards de degrés. ? Ces centaines de millions, tout au plus (…)
- Vous m'étonnez. Haines est une pointure en physique des plasmas et en spectroscopie, un vieux routier de ces disciplines, que j'ai bien connu. Il est directeur du département de physique des plasmas dans son université. Je le vois mal faisant des erreurs grossières de ce genre. Ça a été publié ?
- Non, on ne l'a pas publié, eu égard pour Haines (…)
Le déjeuner s'achève. Plus tard McKee revient vers moi, plus aimable, souriant. Je suis convaincu qu'il a téléphoné à Sandia où Yonas a du lui dire « Petit, attention, c'est loin d'être un bleu ». Il demande à photocopier les textes de mes trois communications, ce que nous faisons au secrétariat. Les photos des posters ont du déjà partir aux US et les yanks y ont découverts des choses qu'ils aimeraient garder, disons, dans leurs tiroirs, comme le schéma des entrées d'air « MHD-controlled », etc.
McKee m'entraîne vers un ordinateur permettant d'envoyer et de recevoir des mails. Il en compose un, devant moi, à l'adresse de l'Israélien où il lui demande de répondre en expliquant les erreurs commises par Haines. Et il se tourne vers moi en disant :
- Vous voyez…
Bon. On attend la réponse de Maron, qui arrive le lendemain. Je questionne McKee :
- Alors, Ytziak Moron vous a répondu ?
- Oui..... mais nous préférons ne pas publier ce genre de chose pour le moment (…)
- Bon, mais vous allez pouvoir me montrer le mail de Moron.
- C'est-à-dire… il nous a répondu par téléphone (…)
McKee entreprend alors de développer des arguments que je démonte les uns après les autres. Rien ne tient debout dans ce qu'il me sort.
- Si ce que vous dites est vrai, alors ça contredit l'équation de Bennet…
Surclassé, McKee me dit avec un air de chien battu :
- Le mieux serait peut-être que vous passiez un coup de téléphone à Haines.
Il ajoute que sur la machine ZR « 30 % des travaux ont un caractère militaire, et 70 % des aspects purement civils ». Je rétorque :
- Je sais en tout cas une chose. Mathias Bavay, un garçon assez brillant, avait fait sa thèse à Gramat (NB : les types de Gramat ne sont pas venus à Vilnius. Il n'y avait que deux subalternes, venant du CEA). Comme il ne trouvait aucun débouché à Gramat, Bavay a répondu à l'invitation de Yonas et a rejoint l'équipe de Deeney, autour de la Z-machine. Mais en 2006 Yonas lui a dit « Mon petit Bavay, après les résultats que nous avons obtenus ici je dois vous dire que vous ne pourrez plus approcher le saint des saints. Les aspects militaires feront que ce cœur de la machine ne pourra plus être accessible pour des non-Américains. Vous feriez mieux de rentrer en Europe ». Ce qu'il a fait. Il est en Suisse où il fait du ski et des calculs de simulation sur les avalanches.
Recherches civiles, mes fesses !
Le lendemain les Yanks font leur présentation de ZR, uniquement sur le plan technique. Belles photos. Une piscine à bain d'huile entoure la ceinture de diélectrique-eau. Je découvre le montage grâce auquel les Américains ont pu obtenir des glaces sous haute pression. Surprise : la compression n'est pas centripète mais centrifuge (donc beaucoup moins intense). Le courant est amené par une tige centrale, massive, puis redescend par un liner à fil, une « cage à serins ». La pression magnétique chasse alors les tiges vers l'extérieur et c'est là qu'on dispose le matériau à comprimer. Ça na plus rien à voir avec le montage décrit en 2006. De toute évidence c'est un écran de fumée, des manips destinées à amuser la galerie.
Dans ce colloque, peu ou pas de théoriciens. Une majorité de gars axés sur la grosse ingénierie, les railguns, les laser militaires, etc. Mégavolts, méga-ampères, centaines ou même milliers de térawatts à gogo.
Je décide de mettre les pieds dans le plat, après l'exposé. M'adressant à Matzen, debout devant la salle :
- Je voudrais évoquer une conversation que nous avons eue dans les jours précédents, où vous avez remis en cause les valeurs de températures obtenues par Malcom Haines dans l'article publié dans Physical Review en avril 2006 et qui faisait état de 3,7 milliards de degrés. Vous m'avez dit qu'il s'était trompé dans son analyse des spectres et qu'un Israélien, Ytziak Maron, avait montré tout cela. Cela me parait être une question importante, à tirer au clair devant ces 500 participants réunis ici, qui sont sûrement aussi curieux que moi. Avez-vous, oui ou non atteint ces températures de plusieurs milliards de degrés ?
Le conférencier devient blême, esquisse un sourire gêné.
- This is a good question.....
S'ensuit un silence pesant, que le chairman aura la charité de briser. L'américain va se rasseoir. Un type du CEA :
- Ben vous, alors !
Mon exposé tombera le lendemain. Son aspect purement théorique, avec un fil conducteur papier-crayon, intéresse l'assistance. Répondant à une question, je conclus :
- Vous savez, vous êtes tous ici axés sur les Z-pinches et dans ces plasmas la température des ions excède celle des électrons. De deux ordres de grandeur pour les Z-machines, si on en croit les travaux de Haines (sourires. On se tourne vers la table où figurait l'équipe américaine, qui a préféré sécher la séance). N'espérez pas que vos « codes machines » fassent preuve d'intelligence à votre place. On n'a jamais vu à ce jour un ordinateur devenir spontanément intelligent. Je vous le dis : dans cette physique entièrement nouvelle, vous allez devoir vous servir de vos neurones.
Fin de l'exposé. Un participant demande :
- Quelle compagnie représentez vous ?
- Aucune. Nous sommes trois retraités, pionniers de la MHD française et à 71 ans je suis le plus jeune. Les deux autres ont 75 ans. Aidés par quelques jeunes nous tentons de remonter une activité de MHD dans des locaux privés avec l'argent collecté par la vente d'un livre.
La stupéfaction se lit sur les visages.
Quand je sors un congressiste me dit :
- Comment se fait-il qu'un type de votre classe en soit réduit à cela ?
Je trouve inutile de répondre à cette question. Finalement, la seule différence avec le colloque de Moscou, en 83, c'est que cette fois je peux prendre des repas normaux dans la salle. A Moscou j'avais du vivre la journée en mangeant les viennoiseries dont j'emplissais mon sac, au petit déjeuner de l'Hôtel National, en libre service. Il n'était pas possible de trouver un restaurant ou même une simple gargote à proximité, et le menu de l'hôtel n'était pas dans mon budget. Sale souvenir. Mais quant au reste, à Vilnius je me sens toujours « le clodo de la bande ».
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