J'ai assité vendredi dernier à une conférence très intéressante donnée par le professeur T. Melis, chercheur en enzymologie végétale de l'université de Berkeley, en Californie (je dois dire que Berkeley n'abrite pas que des bourrins, et que cette université peut s'enorgueillir d'une presque cinquantaine de prix Nobel).
Ces braves gens ont réussi à provoquer l'activation d'un processus photosynthétique naturel, connu depuis 60 ans mais jamais contraint au fonctionnement, qui consiste (pour les initiés, désolé

En résumé, la réaction globale est 2H2O + 2 photons (PSII et PSI) -> O2 + 2H2.
Le problème jusqu'ici insoluble est que les gènes de codage de la Fe-hydrogénase et la Fe-hydrogénase elle-même sont inactivés par l'oxygène issu de la photosynthèse au PSII.
Par contre, il existe un autre phénomène, qui est adverse pour la cellule photosynthétique, mais qui se retourne ici en faveur des chercheurs: l'oxygène produit par la photosynthèse au PSII peut oxyder et inactiver définitivement le pigment photosynthétique. La cellule s'en défend en remplaçant régulièrement les complexes protéinique du PSII.
Le génie de l'équipe de Berkeley a été de se dire que si c'est l'oxygène généré au PSII qui inhibe l'hydrogénase, pourquoi ne pas faire baisser le taux d'oxygène en limitant ou stoppant la remplacement des complexes du PSII?
C'est ce qu'il ont fait, en privant la cellule de sulphates, car il s'avère que le remplacement du complexe PSII est très gourmand en cystéine, un acide aminé soufré synthétisé dans la cellule. Plus de sulphate, plus de cystéine, plus de complexe PSII.
Et ce qu'il ont observé est presque magique: quelques heures après le scellement d'un flacon de culture d'algues unicellulaires, exposé à la lumière et en milieu désulphaté, le taux d'oxygène descend jusqu'à l'anaérobie dans le milieu, mais les algues continuent à respirer!
La raison en est qu'un cycle nouveau s'est activé, qui consiste pour les algues à utiliser immédiatement l'oxygène libéré au PSII pour leur respiration, en consommant en même temps leurs réserves d'amidon.
Autre phénomène magique: l'absence d'oxygène dans le noyau permet l'expression de la Fe-hydrogénase, et une partie non négligeable des électrons en phase de haute énergie issus de la chaîne photosynthétique se retrouvent combinés aux protons pour former de l'hydrogène.
Après seulement quelques heures, le flacon se remplit de petites bulles qui sont de l'hydrogène pur. Il ne reste "plus" qu'à récolter et traiter cet hydrogène.
La culture continue tant que les algues trouvent dans le milieu des réserves de nourriture, et tant que tous les PSII ne sont pas oxydés et inactifs. L'hydrogène est produit tant que le ratio photosynthèse/respiration reste <1.
Pour pallier à l'inconvénient du premier système qu'il ont testé (priver les algues de sulphates, ce qui veut dire laisser une "bouffée" de sulphate entrer de temps en temps pour permettre aux algues de régénérer leurs PSII, ce qui entraîne un chute de production d'hydrogène, puis une latence de 15 heures environ avant de recommencer à produire), ils ont sélectionné une souche d'algue ayant une pompe à sulphate déficiente. Cette souche est viable, et produit naturellement de l'hydrogène dans un milieu contenant du sulphate, car il en diffuse toujours assez pour permettre le remplacement partiel de complexe PSII, mais pas assez pour faire remonter le rapport PS/respiration au dessus de 1.
Avec cette souche, il semble (résultat préliminaire) qu'il suffise d'eau, d'amidon (ou un précurseur: l'acétate) et de lumière pour produire de l'hydrogène, plus d'autres matières organiques potentiellement utiles, comme des huiles, des vitamines, des protéines.
En clair: pourquoi se casser la nénette à réinventer ce que la nature sait faire depuis trois milliards d'années? Peut-être aurons-nous bientôt tous sur le toit de notre maison un gros boudin transparent rempli d'une eau verte à souhait, et duquel sortira l'hydrogène de nos besoins en électricité et en chaleur.
Pour le stockage, il y a diverses solution, dont les hydrures métallique (voir ici, par exemple: http://www.oleocene.org/phpBB2/viewtopic.php?t=2194).
Brieuclef