Premier forage pour l’interconnexion électrique France-Espagne
Attendue depuis une trentaine d’années, cette ligne souterraine devrait permettre d’accroître les échanges d’électricité entre les deux pays. Mais aussi de mieux intégrer les énergies renouvelables intermittentes produites de part et d’autre de la frontière.
Il s'appelle Alberas et s'apprête à perforer le massif des Albères pour réaliser la galerie technique de l'interconnexion électrique entre la France et l'Espagne. L'interconnexion, entièrement souterraine, s'étendra sur 65 kilomètres, entre Baixàs, à l'ouest de Perpignan (Pyrénées-Orientales), et Santa Llogaia, au sud de Figueras (Catalogne espagnole).
Installé près de la commune de La Jonquera, coté espagnol, le tunnelier travaillera de concert avec son homologue français, nommé "Canigou". A eux deux, ils creuseront un tunnel de 3,5 mètres de diamètre et de 8,5 kilomètres de long, sous la montagne.
La galerie, prévue pour être livrée à la mi-2013, accueillera les câbles de l'interconnexion pour une mise en service un an plus tard. Outre le tunnel sous les Albères, des tranchées couvertes seront creusées dès avril prochain de part et d'autre du massif.
"Nous utiliserons la technique du forage dirigé", explique Luis Pinos, responsable du chantier côté espagnol. Il s'agit de creuser sous les obstacles comme les cours d'eau, ou l'autoroute, très proche de la ligne : 32 forages sont prévus sur toute la longueur de l'interconnexion.
Du fait de son caractère souterrain et de sa longueur, la ligne sera en courant continu. Mais reliée à deux réseaux en courant alternatif. Pour assurer les échanges, les deux communes de Baixas et Santa Llogaia accueilleront chacune une station de conversion qui transformera le courant continu en courant alternatif et inversement.
"Il existe un réel besoin d'augmenter les capacités d'interconnexion entre la France et l'Espagne", souligne Yves Decoeur, directeur général d'Inelfe (la société mixte créée pour ce chantier par RTE en France et son homologue espagnol, REE). Notamment pour sécuriser l'approvisionnement en électricité lors des pics hivernaux, comme ceux de ces dernières semaines.
Mais il s'agit également de "valoriser l'utilisation de l'énergie produite par l'éolien ou le solaire de chaque côté des Pyrénées", explique Yves Decoeur. En Espagne, les énergies renouvelables représentent déjà plus du tiers de la production d'électricité (contre environ 13% en France). Les Espagnols sont obligés de temps à autre de déconnecter des éoliennes de leur réseau, car elles produisent trop de courant par rapport à la demande, les connexions existantes avec la France ne suffisant pas à écouler le trop-plein.
Après sa mise en fonctionnement, la ligne doit doubler la capacité d'interconnexion entre les deux pays : de 1400 mégawatts, les échanges d'électricité atteindront 2800 mégawatts.
Ce chantier représente un budget de 700 millions d'euros. L'Union européenne apporte 225 millions d'euros et la banque européenne d'investissement (BEI) a accordé à Inelfe un prêt de 350 millions d'euros. Cette interconnexion entre la France et l'Espagne a mis près de 30 ans à aboutir.
Le projet, en gestation depuis 1994, avait été paralysé au début des années 2000 en raison de la vive opposition des riverains à l'installation d'une ligne aérienne avec d'imposants pylônes. La future ligne souterraine pourrait bien faire des petits : un projet similaire entre la France et ltalie est dans les cartons.