Fusion nucléaire : Hiper le faux frère d'Iter
Les physiciens européens proposent l'étude d'un réacteur à fusion allumé par laser et inspiré par la bombe H. Ces recherches concurrencent Iter mais partent avec du retard.
L'Europe est en passe de devenir le paradis de la fusion nucléaire. Après le futur démonstrateur Iter et le laser Mégajoule français, des physiciens européens préparent un projet ambitieux sur le même sujet, baptisé avec un certain culot « Hiper » (High Power Laser Energy Research). Emmenées par les Britanniques qui souhaitent accueillir ce faux frère d'Iter à domicile, 22 institutions de 9 pays ont proposé à Bruxelles de financer dans le 7e programme-cadre un réacteur à fusion pour produire de l'énergie. Il s'agit plus exactement d'étudier l'allumage par laser d'une réaction de fusion nucléaire. L'objectif ultime des chercheurs britanniques est de proposer une alternative à Iter. Le réacteur international qui sera construit à Cadarache, en Provence, mise également sur la réaction de fusion mais suivant la filière « magnétique ». Hiper veut défricher la voie du confinement inertiel, une approche moins évidente sur le papier pour produire de la chaleur et donc de l'électricité.
Rappelons d'abord que la fusion de deux noyaux légers (deutérium et de tritium par exemple) produit bien plus d'énergie nucléaire que la réaction de fission de l'uranium qui chauffe nos centrales actuelles. Cette équation se réalise toutefois à une difficile condition : il faut « persuader » les deux noyaux de se rapprocher, ce qu'ils détestent. Le mariage se fait donc au prix élevé de gigantesques températures en millions de degrés et de fortes densités. Seul le coeur des étoiles répond naturellement à ces conditions.
Une roue de secours
Sur terre, les chercheurs ont trouvé deux voies pour y parvenir. Les réacteurs du type Iter recréent dans leur tore (grand aimant en forme d'anneau) un champ magnétique qui chauffe et confine le mélange deutérium tritium. Plusieurs démonstrateurs ont réussi à entretenir ainsi une réaction de fusion en chaîne quelques secondes, mais aucun n'a prouvé sa viabilité industrielle.Iter devraréaliser huit minutes de fonctionnement, avec un rendement positif. La deuxième voie est, hélas, validée depuis longtemps par les bombes H. Cette voie de confinement inertiel soumet une bille de combustible à une violente compression, synonyme de densité et température. Dans les bombes H, elle est provoquée par une bombe A à fission.
Les chercheurs ont longtemps étudié le moyen de domestiquer cette énergie de fusion capricieuse. En laboratoire, ils ont imaginé trois méthodes pour allumer la fusion par confinement inertiel de microbilles. La plus avancée actuellement consiste à concentrer des dizaines de faisceaux laser très puissants sur une capsule en or. La lumière produit alors un violent rayonnement X, qui comprime en un millième de milliardième de seconde la microbille à des densités mille fois supérieures à celle des solides, provoquant la fusion du combustible. D'autres expériences moins abouties utilisent un bombardement d'ions lourds ou des arcs électriques. Les Français (laser Mégajoule) et les Américains (National Ignition Facility) sont les seuls à construire actuellement deux machines à lasers de ce type. Leur objectif est militaire puisque les expériences de fusion serviront à valider ces prochaines décennies les codes de simulation des explosions nucléaires. Ces programmes de plus de 2 milliards d'euros doivent compenser l'arrêt des essais nucléaires. En France, le CEA, qui exploitera le laser Mégajoule, a prévu d'ouvrir épisodiquement l'installation aux chercheurs civils pour des études en astrophysique par exemple. Mais son plan de charge prévoit peu d'expériences sur la génération d'énergie. Hiper offrirait donc un autre laser de puissance pour les recherches civiles. La production d'énergie sera sa priorité en ouvrant une porte de sortie au cas où Iter n'atteindrait pas ses objectifs. Ce type de réacteur offre pour avantage une grande sûreté de fonctionnement, puisque la fusion peut être arrêtée à tout moment. La quantité de matière nucléaire utilisée promet d'être faible, les déchets aussi. La puissance du dispositif offrirait également plus de souplesse qu'Iter, la cadence des tirs pouvant s'adapter aux besoins en électricité. Christine Labaune, directrice de l'Institut des lasers et plasmas (CEA, CNRS, Polytechnique, Bordeaux-I) indique que les Américains ont déjà un important programme sur le sujet. Les Japonais pourraient aussi faire des démonstrations d'ici quelques années.
40 faisceaux laser
Le confinement inertiel avec allumage laser part pourtant avec de nombreux obstacles. L'exploitation de la source de chaleur est complexe, puisque la fusion du combustible n'a pas lieu en continu comme dans le tore d'Iter mais par explosions intermittentes. Par analogie, Iter fonctionne comme un réacteur d'avion, tandis qu'Hiper fait penser à un moteur à explosion. Encore faut-il concevoir des lasers assez fiables et réactifs pour pouvoir rallumer une réaction toutes les dixièmes de seconde comme le prévoient les promoteurs du projet. Hiper se différenciera toutefois du concept Mégajoule par une technique dite d'« allumage rapide ». Ce système ajoute à la compression laser une autre source d'allumage avec un laser à impulsion courte de l'ordre de la picoseconde (millième de milliardième). Il devrait offrir un gain de 50 à 100 fois plus élevé que le concept type LMJ. Les chercheurs espèrent ainsi qu'en juillet 270 kilojoules d'énergie dans les lasers, on récupère une énergie de fusion 15 fois supérieure. Le contrôle de cette fusion explosive va exiger des recherches très fondamentales comme le comportement ultrarelativiste des particules en jeu. La violence du confinement inertiel pose aussi des questions d'ingénierie. D'après un spécialiste du plasma, l'explosion d'une microbille détruit tout dans un rayon de 1 mètre. La récupération des bouffées de chaleur dégagées par la fusion pour chauffer de l'eau et la turbiner n'est pas triviale non plus. Une première phase de trois ans d'étude à partir de 2008 précéderait la préparation de l'installation qui s'achèverait à la fin de la décennie suivante. D'après les premières esquisses, l'installation comprendrait 40 faisceaux laser. Comme pour Iter, beaucoup de chercheurs doutent de l'intérêt industriel du système, mais les spécialistes des lasers, des matériaux, des plasmas ou de l'énergie rêvent déjà des nombreuses recherches fondamentales que le projet pourrait financer, s'il est accepté par la Commission européenne. Bruxelles a déjà validé le concept en l'inscrivant à la liste des infrastructures de recherche prioritaires. Reste à trouver les moyens. Son coût est évalué à moins de 800 millions d'euros... un cinquième d'Iter ! Mais ce serait encore une manne de plus pour la physique au détriment de disciplines moins bien dotées. Réponse en juillet.
HIPER, un projet roue de secours à ITER ?
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HIPER, un projet roue de secours à ITER ?
Scoop dans Les Echos de ce jour :
Dernière modification par energy_isere le 15 mai 2007, 14:09, modifié 1 fois.
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Re: HIPER, un projet roue de secours à ITER ?
on peut lire aussi dans techno-science.net un article sur le laser à fusion et le confinement inertiel : http://www.techno-science.net/?onglet=news&news=1746
dont la fin de l' article est :
dont la fin de l' article est :
Pour franchir le pas critique entre l'allumage et un réacteur de démonstration, HiPER sera mis au point afin de réaliser des très hauts gains d'énergie. Cela consiste, d'une part, en un laser à longue pulsation avec une énergie de 200 kilojoules qui compressera la capsule et d'autre part en un laser à courte pulsation de 70 kilojoules qui la chauffera. Si Hutchinson et ses collègues réussissent à persuader les conseils de recherche européens, la construction devrait démarrer à la fin de cette décennie. En revanche, aucun pays n'a été proposé en vue d'accueillir le laser, le Royaume-Uni est un éventuel candidat.
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c'est pas mal que d'autres projets voient le jour. On peut toujours discuter de la pertinence de ces propjets (ITER, etc) mais c'est pas mal, ca demontre qu'on ne veut pas forcement placer tous les oeufs dans le meme panier. J'espere qu'on verra d'autres projets voir le jour. Peut-etre qqchose base sur le Z-pinch qui sait ? 

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Hum,nelson62 a écrit :Le confinement inertiel: ça n'a pas un rapport avec la Z-machine?
Ms c'est juste une question...
la Z-machine est aussi en confinement inertiel, mais la compression de la matiére n' est pas provoquée par un (des) laser(s) mais par une décharge de courant electrique monumentale et trés brève, c'est à dire de maniére ELECTROMAGNETIQUE.
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Re: HIPER, un projet roue de secours à ITER ?
Scoop éventé.energy_isere a écrit :Scoop dans Les Echos de ce jour :
Les physiciens européens proposent l'étude d'un réacteur à fusion allumé par laser et inspiré par la bombe H. Ces recherches concurrencent Iter mais partent avec du retard.
J'ai déjà vu des articles prometteurs sur ce sujet dans les années 60,70. Cette technologie est donc toujours prometteuse

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Re: HIPER, un projet roue de secours à ITER ?
ca ressort :
Le projet HIPER, en route vers la fusion
(src : BBC, Cordis, HIPER-laser)
Le 6 octobre dernier a été lancée l'étude de faisabilité du projet HIPER, qui vise à créer la fusion nucléaire en utilisant un laser de la taille d'un stade de football.
Le projet HIPER, (High power laser for energy research), est mené par 26 institutions de 10 pays. Il s'agit d'un projet de fusion alternatif, ou plutôt présenté comme complémentaire au projet ITER actuellement mené à Cadarache, en France. Si les deux projets visent le même objectif, à savoir reproduire sur Terre la réaction de fusion que l'on observe dans le soleil, ils suivent deux méthodes différentes.
La fusion se produit lorsque Deutérium et Tritium, deux formes d'hydrogène, fusionnent pour créer un atome d'hélium tout en dégageant un importante quantité d'énergie.
Alors qu'ITER tente d'enfermer le combustible dans un espace restreint, par le biais d'un champ magnétique ou électrique, HIPER cherche à provoquer la réaction par un laser à impulsion. Celui-ci compresserait le deutérium ou le tritium jusqu'à une densité de 30 fois supérieure à celle du plomb. Une seconde impulsion devrait augmenter la température de la pastille compressée à plus de 100 millions de degrés celsius. Dans ces conditions, les noyaux d'hydrogène fusionnent pour former de l'hélium. Selon la théorie, une petite quantité de masse serait alors perdue, et une colossale quantité d'énergie libérée.
HIPER tentera de provoquer le phénomène de fusion en utilisant un laser colossal, de la taille d'un stade de football. Deux grands lasers sont actuellement en cours d'achèvement en Californie et en France (Bordeaux).
La phase de recherche lancée la semaine dernière entend parvenir à la "preuve de principe" de la fusion par laser. HIPER devra aussi et surtout prouver que le processus pourra générer davantage d'énergie qu'il n'en nécessite pour le déclencher.
Si tout se passe bien, l'étude de faisabilité sera suivie d'une période de prototypage, avant que soit menée la construction d'une unité de démonstration d'ici la fin de la décennie prochaine. Les délais sont similaires à ceux de la centrale de Cadarache, en France.
"Il offre la sécurité énergétique parce que son carburant provient de l'eau de mer, c'est propre et sûr", explique à la BBC le professeur Mike Dunne, chef du projet. "Aussi l'enjeu est-il énorme et nous pensons que nous avons besoin d'autant d'approches différentes que possible pour faire de cet objectif une réalité"
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Re: HIPER, un projet roue de secours à ITER ?
Les journalistes et la technologie, c'est toujours un grand moment.energy_isere a écrit :ca ressort :
un laser de la taille d'un stade de football.
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Re: HIPER, un projet roue de secours à ITER ?
""". Les réacteurs du type Iter recréent dans leur tore (grand aimant en forme d'anneau) un champ magnétique qui chauffe et confine le mélange deutérium tritium."""
A l'époque ou je bossais là dessus , le champ magnetique (generatrice Rioux), ne serevait qu'au confinement:
Le truc est tellement chaud que rien ne peut le contenir sauf un champ magnétique (lévitation). Donc super courant pour super champ magn.
A l'époque ou je bossais là dessus , le champ magnetique (generatrice Rioux), ne serevait qu'au confinement:
Le truc est tellement chaud que rien ne peut le contenir sauf un champ magnétique (lévitation). Donc super courant pour super champ magn.
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Re: HIPER, un projet roue de secours à ITER ?
http://www.lefigaro.fr/sciences/2010/10 ... leaire.phpLe Laser Mégajoule va simuler l'arme nucléaire
L'installation, qui ne sera opérationnelle qu'en 2014, a été inaugurée, jeudi près de Bordeaux, par Nicolas Sarkozy.
Nicolas Sarkozy a inauguré, jeudi près de Bordeaux, le site du futur Laser Mégajoule, l'une des pièces essentielles du programme Simulation lancé en 1996 après l'arrêt des essais nucléaires sur les atolls de Mururoa et Fangataufa décidé par Jacques Chirac. Accompagné de Valérie Pécresse, ministre de la Recherche, le président de la République a visité l'imposant bâtiment de 300 mètres de long qui accueillera fin 2014, sur le site du Barp, les premières expériences de fusion nucléaire par «confinement inertiel».
L'objectif de ce projet pharaonique, dont le coût s'élève à 6 milliards d'euros (dont la moitié pour le Laser Mégajoule), consiste à garantir la fiabilité et la sûreté à long terme des armes nucléaires françaises en reproduisant par le calcul leurs différentes phases de fonctionnement avec un degré de précision suffisant pour éviter de procéder à des tirs réels.
Pièce maîtresse du dispositif, le Laser Mégajoule servira à valider expérimentalement les modèles physiques et les codes de calcul élaborés dans des ordinateurs surpuissants comme le Tera 100 de Bull, installé sur le site du Commissariat à l'énergie atomique (CEA), à Bruyères-le-Châtel (Essonne), et qui est capable d'effectuer pas moins de 100 000 milliards d'opérations à la seconde !
«Pour cela, l'installation va simuler l'explosion d'une bombe thermonucléaire en produisant des réactions de fusion sur une échelle très réduite, de quelques millimètres», précise au Figaro, François Geleznikoff, le directeur des armes nucléaires au CEA.
Pas moins de 176 faisceaux laser d'une puissance phénoménale convergeront vers une minuscule bille, contenant un mélange ultradense de deutérium et de tritium (isotopes radioactifs de l'hydrogène), installée au cœur d'une sphère d'aluminium et de béton boré mesurant 10 mètres de diamètre et pesant la bagatelle de 140 tonnes. De quoi obtenir pendant un temps extrêmement bref, de l'ordre du milliardième de seconde, une température suffisamment élevée (jusqu'à 100 millions de degrés Celsius!) pour faire fusionner les noyaux de deutérium et de tritium et libérer, en vertu de la célèbre formule d'Einstein E = mc2, une énergie phénoménale. La même qui fait briller le soleil et les étoiles. Et qui peut générer les dégâts que l'on sait…
Des applications civiles
Mais ce concept de fusion par confinement inertiel, différent de la fusion par confinement magnétique explorée dans le cadre du projet Iter, pourra aussi avoir des applications civiles (production d'énergie, recherche en astrophysique). C'est tout l'enjeu de l'installation Petal (Petawatt Aquitaine Laser) qui sera prochainement couplée au Laser Mégajoule et qui servira de prototype au projet européen Hiper visant à obtenir de l'électricité avec ce procédé de fusion. Le tout sans émettre de gaz à effet de serre et en ne générant que de faibles quantités de déchets. Mais le défi s'annonce très ambitieux: pour produire de l'énergie en continu, scientifiques et ingénieurs doivent en effet trouver le moyen de parvenir à «éclairer» le mélange deutérium-tritium plusieurs milliers de fois par seconde sur des durées très longues…
Dans cette course à la fusion contrôlée, les États-Unis ont pris une longueur d'avance puisque leur installation, la National Ignition Facility, basée à Livermore (Californie), est déjà quasiment opérationnelle. Les premières réactions de fusion devraient être obtenues cet automne. La France peut toutefois s'enorgueillir d'être, avec son puissant allié, le seul pays au monde à maîtriser ces techniques d'un intérêt vital sur le plan stratégique et scientifique mais aussi économique. Plusieurs dizaines de PME high-tech et d'industriels français (EADS, Thales, Sagem, Bouygues, Saint-Gobain…) ont en effet participé à la réalisation du Laser Mégajoule, qui devrait employer à terme plus de 1000 salariés, pour la plupart hautement qualifiés.