Petit compte rendu de la conférence de JM Jancovici à Loisy
Publié : 09 sept. 2005, 11:48
J'ai assisté hier soir pendant près de 4 heures à la conférence-débat (orientée "grand public") de Jean-Marc Jancovici (une petite photo...) sur le réchauffement climatique à Loisy en Meurthe et Moselle, à l'invitation de l'association PAVE ( http://perso.wanadoo.fr/pave ) , qui s’oppose notamment à la construction de l’autoroute A32, vieux serpent de mer Lorrain toujours pas enterré.
Il y avait environ 200 personnes, ce qui peut sembler beaucoup pour un petit village, mais c'est évidemment une goutte d'eau par rapport à la population lorraine. Les autres étaient sûrement devant la télé à regarder la pub pour les bagnoles ou pour de la bronzette à l'autre bout du monde. Et c'est une des constatations de Jancovici, ses conférences ne touchent qu'une minorité de personnes (de plus souvent déjà convaincues) et ne pèsent rien en face de l'information distribuée par les journaux télévisés. Il faut donc essayer de passer à la télé, même si ce n'est pas facile... A ce sujet, une anecdote révélatrice : à un journaliste d'une grande chaîne hertzienne qui lui demandait quelles mesures pouvaient être appliquées à titre individuel, il répond, parmi d'autres : "acheter une voiture plus petite". Réponse du journaliste "on n'a pas le droit de dire ça à la télé". No comment.
Concernant le constat "géologique" de la situation, un lecteur d'Oléocène n'aura pas appris grand chose. Jancovici fait simplement le même constat, citant sans s'avancer les dates probables du pic, dans 5 ou 20 ans, ajoutant que ça n'a que peu d'importance, l'essentiel étant le caractère certain du phénomène. Peu de développements par contre sur les conséquences prévisibles au niveau social, géopolitique, etc. Son raisonnement est, comme il l'a répété à plusieurs reprises, celui d'un ingénieur, qui se borne à constater que 2 et 2 font 4. Un rappel néanmoins d'une courbe déjà publiée et commentée sur ce forum, selon laquelle une hausse du chômage se produit avec un décalage d'eviron 3 ans après une hausse du prix du pétrole...
Les béotiens auront tout de même appris qu'il y a beaucoup plus de réserves de charbon que de pétrole (sauf en France où il ne reste plus ni l'un ni l'autre), et que la tentation sera hélas grande de remplacer le second par le premier le moment venu.
Sur les énergies alternatives, sont assassinées en quelques phrases et nombres :
- Les biocarburants (impossibles à produire en quantité suffisante, ils peuvent cependant être utilisés avec profit par les agriculteurs)
- L'éolien (si la consommation d'énergie augmente de 2% par an, et même si on augmente simultanément la production éolienne de 30% tous les ans, sa part ne décollera jamais de 1% des besoins)
- L'hydrogène (qui nécessite tant d'électricité à produire qu'il faudrait pour cela doubler le nombre de centrales nucléaires, et que de toute façon la production de platine nécessaire aux piles à combustible ne pourrait pas suivre).
Ne trouvent grâce à ses yeux que le bois, le solaire thermique, la géothermie, et... le nucléaire. Il y a eu à ce sujet une petite altercation verbale avec des militants anti-nucléaires. Le sujet est en effet sensible, puisqu'on trouve à Bure dans la Meuse toute proche, un site d'enfouissement de déchets. Par ailleurs, le fameux train qui achemine des déchets en provenance d'Allemagne traverse régulièrement la région, sa marche étant troublée par des militants, dont un a trouvé la mort dans des conditions dramatiques l'année dernière.
Même pour moi qui ne comprends pas comment on peut simplement envisager de léguer à nos descendants des déchets pourris qui resteront dangereux pendant une durée insensée, et qui ai accompagné mon père pour balancer des cailloux sur les CRS à Plogoff à la fin des années 70, le raisonnement de Jancovici se tient. Quand on est confronté à 2 maladies, que l'une (le réchauffement climatique) est mortelle à brève échéance, et que l'autre (le nucléaire) est plus théorique et permet même de retarder l'apparition de la première, le choix est vite fait. D'ailleurs même Yves Cochet (Jancovici a relu le manuscrit de son prochain bouquin) paraît-il ne parle plus du nucléaire, qui devient secondaire devant les problèmes annoncés. Imaginez la tronche d'un vieux catho auquel on apprend subitement que dieu n'existe pas... Les militants anti-nucléaires lui ont donc proposé d'entreposer les déchets dans son jardin, ce à quoi il a rétorqué que ça ne le dérangeait pas. Ils ont ensuite déplacé le débat sur le nombre de victimes "cachées " de Tchernobyl. Réponse sèche de Jancovici : il n'y a aucune preuve que Tchernobyl ait provoqué autant de cancers qu'on le dit, et quoi qu'il en soit, un Tchernobyl tous les 20 ans est de toute façon préférable à l'apocalypse qui résulterait du réchauffement de la planète. Là encore, je veux bien le croire, quand on voit qu'un "simple" été de canicule tue 15000 personnes en France, alors que des prévisions raisonnables d'élévation de la température feraient que l'été 2003 serait plutôt frais par rapport à la moyenne de ce qui nous attend dans 100 ans...
Car le thème principal était le réchauffement climatique, et là, ça fait carrément peur. Non seulement les émissions de CO2 augmentent, mais même si elles diminuaient (et elles diminueront de toute façon avec la fin des énergies fossiles) l'inertie du système fait que la température continuera tout de même à monter. Sans compter les risques d'"auto-emballement" du système, avec notamment la libération dans l'atmosphère sous l'effet de la température des hydrates de méthane contenus dans le permafrost et les fonds marin. On entend partout que la température pourrait monter de 5 degrés, mais à l'heure actuelle, il semble que les prévisionnistes se refusent à fixer une limite haute à la hausse possible...
Sur le "que peut-on faire", au niveau d'un simple particulier... Tout d'abord prendre conscience qu'il ne sera plus possible de continuer à vivre de la même manière que maintenant, et que dans le meilleur des cas il faudra baisser sa production de CO2 par habitant au niveau d'un indien, voire même moins.
Ensuite, il suffit de regarder les postes qui sont le plus consommateurs d'énergie, dans l'ordre :
- Le chauffage
- La bagnole
- Les courses à l'hypermarché (compte tenu de l'énergie nécessaire à fabriquer et transporter ce qu'on y achète)
Il faut agir en priorité sur ces 3 postes, et ne pas se focaliser sur des mesures plus anecdotiques comme les ampoules à faible consommation. Mieux vaut baisser le chauffage et mettre un pull, même si ça fait râler madame.
Si on monte au niveau politique, un leitmotiv : TAXER ! Progressivement, bien sûr, sans quoi le remède serait pire que le mal. Comme pour le tabac, toute information ou prévention semble vaine, seule une minorité consciente va s'automodérer, et la coercition est donc la seule solution. "Petit détail", ce message risque de conférer au politicien qui le prononcera le premier une impopularité définitive, et ce n'est pas à 2 ans des élections qu'on risque de l'entendre. (D'ailleurs, comme un fait exprès, j'ai entendu ce matin que notre cher ministre de l'économie exige des compagnies pétrolières qu'ils "rendent" aux pauvres automobilistes une partie des bénefs monstrueux qu'il se font sur leur dos, par exemple en baissant le prix des carburants. On n'est pas près d'y arriver !)
Petite réflexion personnelle de béotien après avoir assisté à cette conférence : la possibilité de produire un carburant à partir du charbon écarte pour moi une partie des risques de problèmes graves pronostiqués ici à brève échéance (Fin des transports, économie écroulée, famines...) . Connaissant la nature humaine et le libéralisme, Il n'y a strictement aucune illusion à se faire : le charbon va remplacer le pétrole, repoussant de quelques dizaines d'années l'apparition du problème. Tant mieux pour nous qui allons pouvoir continuer à rouler à 270 en Cayenne et bronzer à Tahiti ? Hum... C'est au contraire une catastrophe climatique phénoménale qui s'annonce, et que nous lèguerons à nos enfants...
Rappel du site de Jean Marc Jancovici : http://www.manicore.com
(et pour la pluralité de l'info, le site hostile à l'enfouissement des déchets nucléaires de Bure : http://www.stopbure.com )
Il y avait environ 200 personnes, ce qui peut sembler beaucoup pour un petit village, mais c'est évidemment une goutte d'eau par rapport à la population lorraine. Les autres étaient sûrement devant la télé à regarder la pub pour les bagnoles ou pour de la bronzette à l'autre bout du monde. Et c'est une des constatations de Jancovici, ses conférences ne touchent qu'une minorité de personnes (de plus souvent déjà convaincues) et ne pèsent rien en face de l'information distribuée par les journaux télévisés. Il faut donc essayer de passer à la télé, même si ce n'est pas facile... A ce sujet, une anecdote révélatrice : à un journaliste d'une grande chaîne hertzienne qui lui demandait quelles mesures pouvaient être appliquées à titre individuel, il répond, parmi d'autres : "acheter une voiture plus petite". Réponse du journaliste "on n'a pas le droit de dire ça à la télé". No comment.
Concernant le constat "géologique" de la situation, un lecteur d'Oléocène n'aura pas appris grand chose. Jancovici fait simplement le même constat, citant sans s'avancer les dates probables du pic, dans 5 ou 20 ans, ajoutant que ça n'a que peu d'importance, l'essentiel étant le caractère certain du phénomène. Peu de développements par contre sur les conséquences prévisibles au niveau social, géopolitique, etc. Son raisonnement est, comme il l'a répété à plusieurs reprises, celui d'un ingénieur, qui se borne à constater que 2 et 2 font 4. Un rappel néanmoins d'une courbe déjà publiée et commentée sur ce forum, selon laquelle une hausse du chômage se produit avec un décalage d'eviron 3 ans après une hausse du prix du pétrole...
Les béotiens auront tout de même appris qu'il y a beaucoup plus de réserves de charbon que de pétrole (sauf en France où il ne reste plus ni l'un ni l'autre), et que la tentation sera hélas grande de remplacer le second par le premier le moment venu.
Sur les énergies alternatives, sont assassinées en quelques phrases et nombres :
- Les biocarburants (impossibles à produire en quantité suffisante, ils peuvent cependant être utilisés avec profit par les agriculteurs)
- L'éolien (si la consommation d'énergie augmente de 2% par an, et même si on augmente simultanément la production éolienne de 30% tous les ans, sa part ne décollera jamais de 1% des besoins)
- L'hydrogène (qui nécessite tant d'électricité à produire qu'il faudrait pour cela doubler le nombre de centrales nucléaires, et que de toute façon la production de platine nécessaire aux piles à combustible ne pourrait pas suivre).
Ne trouvent grâce à ses yeux que le bois, le solaire thermique, la géothermie, et... le nucléaire. Il y a eu à ce sujet une petite altercation verbale avec des militants anti-nucléaires. Le sujet est en effet sensible, puisqu'on trouve à Bure dans la Meuse toute proche, un site d'enfouissement de déchets. Par ailleurs, le fameux train qui achemine des déchets en provenance d'Allemagne traverse régulièrement la région, sa marche étant troublée par des militants, dont un a trouvé la mort dans des conditions dramatiques l'année dernière.
Même pour moi qui ne comprends pas comment on peut simplement envisager de léguer à nos descendants des déchets pourris qui resteront dangereux pendant une durée insensée, et qui ai accompagné mon père pour balancer des cailloux sur les CRS à Plogoff à la fin des années 70, le raisonnement de Jancovici se tient. Quand on est confronté à 2 maladies, que l'une (le réchauffement climatique) est mortelle à brève échéance, et que l'autre (le nucléaire) est plus théorique et permet même de retarder l'apparition de la première, le choix est vite fait. D'ailleurs même Yves Cochet (Jancovici a relu le manuscrit de son prochain bouquin) paraît-il ne parle plus du nucléaire, qui devient secondaire devant les problèmes annoncés. Imaginez la tronche d'un vieux catho auquel on apprend subitement que dieu n'existe pas... Les militants anti-nucléaires lui ont donc proposé d'entreposer les déchets dans son jardin, ce à quoi il a rétorqué que ça ne le dérangeait pas. Ils ont ensuite déplacé le débat sur le nombre de victimes "cachées " de Tchernobyl. Réponse sèche de Jancovici : il n'y a aucune preuve que Tchernobyl ait provoqué autant de cancers qu'on le dit, et quoi qu'il en soit, un Tchernobyl tous les 20 ans est de toute façon préférable à l'apocalypse qui résulterait du réchauffement de la planète. Là encore, je veux bien le croire, quand on voit qu'un "simple" été de canicule tue 15000 personnes en France, alors que des prévisions raisonnables d'élévation de la température feraient que l'été 2003 serait plutôt frais par rapport à la moyenne de ce qui nous attend dans 100 ans...
Car le thème principal était le réchauffement climatique, et là, ça fait carrément peur. Non seulement les émissions de CO2 augmentent, mais même si elles diminuaient (et elles diminueront de toute façon avec la fin des énergies fossiles) l'inertie du système fait que la température continuera tout de même à monter. Sans compter les risques d'"auto-emballement" du système, avec notamment la libération dans l'atmosphère sous l'effet de la température des hydrates de méthane contenus dans le permafrost et les fonds marin. On entend partout que la température pourrait monter de 5 degrés, mais à l'heure actuelle, il semble que les prévisionnistes se refusent à fixer une limite haute à la hausse possible...
Sur le "que peut-on faire", au niveau d'un simple particulier... Tout d'abord prendre conscience qu'il ne sera plus possible de continuer à vivre de la même manière que maintenant, et que dans le meilleur des cas il faudra baisser sa production de CO2 par habitant au niveau d'un indien, voire même moins.
Ensuite, il suffit de regarder les postes qui sont le plus consommateurs d'énergie, dans l'ordre :
- Le chauffage
- La bagnole
- Les courses à l'hypermarché (compte tenu de l'énergie nécessaire à fabriquer et transporter ce qu'on y achète)
Il faut agir en priorité sur ces 3 postes, et ne pas se focaliser sur des mesures plus anecdotiques comme les ampoules à faible consommation. Mieux vaut baisser le chauffage et mettre un pull, même si ça fait râler madame.
Si on monte au niveau politique, un leitmotiv : TAXER ! Progressivement, bien sûr, sans quoi le remède serait pire que le mal. Comme pour le tabac, toute information ou prévention semble vaine, seule une minorité consciente va s'automodérer, et la coercition est donc la seule solution. "Petit détail", ce message risque de conférer au politicien qui le prononcera le premier une impopularité définitive, et ce n'est pas à 2 ans des élections qu'on risque de l'entendre. (D'ailleurs, comme un fait exprès, j'ai entendu ce matin que notre cher ministre de l'économie exige des compagnies pétrolières qu'ils "rendent" aux pauvres automobilistes une partie des bénefs monstrueux qu'il se font sur leur dos, par exemple en baissant le prix des carburants. On n'est pas près d'y arriver !)
Petite réflexion personnelle de béotien après avoir assisté à cette conférence : la possibilité de produire un carburant à partir du charbon écarte pour moi une partie des risques de problèmes graves pronostiqués ici à brève échéance (Fin des transports, économie écroulée, famines...) . Connaissant la nature humaine et le libéralisme, Il n'y a strictement aucune illusion à se faire : le charbon va remplacer le pétrole, repoussant de quelques dizaines d'années l'apparition du problème. Tant mieux pour nous qui allons pouvoir continuer à rouler à 270 en Cayenne et bronzer à Tahiti ? Hum... C'est au contraire une catastrophe climatique phénoménale qui s'annonce, et que nous lèguerons à nos enfants...
Rappel du site de Jean Marc Jancovici : http://www.manicore.com
(et pour la pluralité de l'info, le site hostile à l'enfouissement des déchets nucléaires de Bure : http://www.stopbure.com )