mrlargo a écrit :AJH, les taux d'emprunts des particuliers et des entreprises sont quand même bien corrélés un peu aux taux directeurs, même si c'est de manière indirecte ?
Le résultat est bien le même en terme d'augmentation du coût "moyen" du crédit non ?
Tout à fait, mais comme tu l'écris justement, c'est d'une manière indirecte...
Pour mieux faire comprendre, voici la "colle" qu'on nous avait posé ... j'espère que ca éclaircira totalement la question, mais ce n'est quand même pas évident à expliquer à un gosse de 4 ans...
J'ai une question que je voudrais vous soumettre, parce que je n'arrive pas à la résoudre par moi-même, vous pourrez certainement m'éclairer. La voici (vous me corrigerez si j'écris des âneries): quand une banque émet un crédit de 1000 euros, elle doit compter sur une partie de ce prêt qui ne sera pas rentable, car elle devra se procurer cette partie auprès de la BCE, et devra donc en payer le prix (au taux directeur, environ 4% pour le moment). Sur 1000 Euros, elle devra donc compter sur environ 167 Euros (150 Euros pour couvrir les besoins en espèces (environ 15%)+ 17 Euros de réserve obligatoire (2% du reste, soit 850 euros)) qui lui coûteront, par an: 167 Euros * 0, 04 = 6,68 Euros.
A côté de cela, sur les 1000 Euros du prêt, elle pourra toucher les intérêts que le client lui remboursera. Le taux que pratiquent les banques est toujours relativement semblable au taux directeur de la BCE, un peu plus élevé (disons ici 5,00%). Sur les 1000 Euros, elle peut donc espérer gagner 1000 * 0,05 = 50 Euros. Bénéfice de l'opération: 50 Euros - 6,68 Euros = 43,32 Euros !
Voici donc ma question: comment se fait-il donc que les taux des banques restent si près du taux directeur de la BCE ? En effet, en pratiquant un taux de 1%, la banque pourrait encore gagner 10 Euros, pour un coût de 6,68 Euros, et donc faire un bénéfice. Le marché ne devrait-t-il pas jouer et faire en sorte que la concurrence entre banques fasse que les taux baissent ? Quel est donc le mécanisme que je ne comprends pas ?
J'avoue que j'avais eu du mal a faire une réponse précise et argumentée... c'est Gabriel Galand qui nous a "sauvé"
La « colle » trouve son ressort dans le fait qu’on isole un acte particulier d’une banque particulière, alors que le marché financier est global.
D’abord, d’un point de vue global, les ressources de monnaie pour alimenter la demande de crédit ne se limitent pas au mécanisme de création monétaire avec refinancement à la BC. La plus grosse partie (plus de 80% si je me souviens bien) est constituée par l’épargne des agents. Par conséquent, en même temps que le crédit de 1000 euros qui lui coûte 7 euros et qui lui rapporte 50 euros, il fait 4000 autres euros de crédit qui lui coûtent beaucoup plus cher. S’il peut s’approvisionner sur le marché interbancaire, qui est à peine au-dessus du taux de refinancement, ils lui coûteront 4%. S’il s’approvisionne chez l’épargnant, il faudra donner plus. Mais supposons 4%. Alors on a le résumé suivant
1000 euros coûtent 7 euros et rapportent 50 euros
4000 euros coûtent 160 euros et rapportent 200 euros
Total : coût 167 euros, recette 250 euros, bénéfice 83 euros soit 50% de marge brute.
Une marge brute de 50% n’est pas gigantesque étant donné qu’il faut ensuite imputer tous les frais de l’entreprise.
Ensuite, on pourrait dire comme toi qu’une banque n’est pas forcée de rentrer dans le schéma commun. Elle peut se spécialiser dans les prêts refinancés par le circuit le moins cher et s’abstenir de payer plus cher de l’argent qu’elle peut avoir à bon compte. Mais que se passerait-il alors ?
1) Pour que le schéma fonctionne, il faut qu’elle soit une banque de dépôt, pour pouvoir créer sa monnaie.
2) Si elle ne collecte pas d’épargne, ses clients vont placer leur épargne ailleurs. Lorsque je fais un chèque vers une autre banque, ceci se traduit par une créance de cette autre banque envers la mienne.
3) Quand on fait un emprunt, c’est souvent pour le dépenser. Ceci se traduit aussi par des « fuites » vers les autres banques.
On a souvent remarqué que les banques avaient avantage à grossir pour diminuer les fuites de vers les autres banques et assurer le plus grand marché possible à leur propre monnaie.
Tout ceci pour dire qu’une banque de dépôt qui ne jouerait pas le jeu moyen se trouverait rapidement endettée vis-à-vis des autres banques et devrait avoir ainsi des frais de refinancement qui n’ont pas été comptés dans le schéma de base.
Autrement dit encore, tant que mon crédit de 1000 euros reste sur mon compte, il n’a coûté que 7 euros à ma banque. Mais si je fais un chèque de 1000 euros vers une autre banque, ma banque doit immédiatement trouver 1000 euros à verser à l’autre banque.
En conclusion, la monnaie créée par une banque ne reste quasi-gratuite que si cette monnaie reste sa propre monnaie. C’est pourquoi en général on ne peut raisonner qu’en moyenne et alors prendre l’ensemble des crédits, y compris ceux financés par l’épargne.
Espérant avoir un peu éclairé le débats,"
.
J'ajoute seulement que je suis globalement d'accord avec cette explication très intéressante de G.G. sauf - peut être - sur un point qui n'enlève rien à sa convaincante démonstration...: d'après Dominique Plihon les crédits "ex nihilo" des banques sont un peu supérieurs aux crédits sur épargne préalable, mais d'un autre coté les frais bancaires (salaires inclus) sont de l'ordre de 2% des intérêts perçus...