GillesH38 a écrit :
je ne dis pas que ça ne sert à rien, je dis que ça ne modifie pas fondamentalement le problème, en ordre de grandeur, nuance.
Par exemple si ton niveau de vie (mesuré par absolument ce que tu veux) passe de 100 à 30, et que tu te bats pour gagner 20 %, tu passes seulement de 100 à 36.
OK. Je suis d'accord avec toi sur le fait que ca va baisser. Mais simplement, je ne suis pas d'accord avec tes ordres de grandeur.
Je discute plus bas les ordres de grandeur sur le chauffage et le transport de proximite'. Il me semble que tu sous-estimes tres fortement la marge de manoeuvre existante selon les techniques utilisees et l'optimisation mise en oeuvre.
Tu dis souvent : "on fera comme au moyen-age ou dans les pays pauvres". Sauf qu'au moyen-age ou dans les pays pauvres, la demarche scientifique et la volonte' d'optimisation sont peu presentes, voire inexistantes dans la population. A vrai dire, chez la majorite' des Francais aussi, la demarche scientifique est inexistante. Neanmoins, ca fait quand meme une grande difference entre moins de 1% de la population qui a une comprehension de la demarche scientifique, et si y'a 10% de gens qui l'ont et qui peuvent la partager avec leurs proches.
C'est un point cle'. Si 5 ou 10% d'une population peut acquerir un savoir, ce savoir peut exister, il est vivant et se transmet, et toute la population peut avoir un acces direct a une "ressource humaine" qui peut les aider. Si on tombe a moins de 1%, ce savoir s'eteint, sauf a faire de l'hyperspecialisation dans un enorme systeme, comme c'est le cas dans les universite's aujourd'hui. D'ailleurs, le savoir le plus pointu des universite's d'aujourd'hui est sans doute condamne' a disparaitre. Mais le savoir scientifique de base n'est pas specialement reserve' a une petite elite. Il peut tout a fait etre compris par les 5 ou 10% ayant le plus de gout pour les sciences dans chaque village, qui discutent entre eux et transmettent ce savoir vers les autres.
Parlons concretement. Prenons le chauffage. Le rendement historique, c'est entre 5 a 10% (feu ouvert 3 pierres, expose' au vent) et 15% (cheminee ouverte, a l'interieur d'une maison). Avec un bon choix de materiaux (capacite' calorifique), insert, systeme d'alimentation en air bien pense', on varie selon le niveau technique entre 20-30 % et 80%. Enfin pour un poele de masse, on varie entre 50-60% et plus de 90% de rendement selon la qualite' de conception. Les alternatives peuvent etre faites par des techniques simples et des materiaux qui ont existe' historiquement avant l'apparition des fossiles.
Quel est le rendement que tu estimes atteignable sans fossile, qu'on pourra tenir sur le long terme ? Tu parles d'une fourchette de 10 ou 20% d'amelioration si on a une approche volontariste par rapport a une approche naive. C'est a dire qu'on ne pourrait guere depasser les 18% de rendement pour le chauffage. Qu'est ce qui te semble si horriblement technique ou complique' dans le feu pour qu'on ne puisse pas appliquer les ameliorations simples envisagees ci-dessus ?
Idem pour l'isolation. Les toits en chaume existent depuis tres longtemps. Mais les gens n'avaient pas l'idee qu'on pouvait faire une couche pierre + une couche chaume + un enduit terre sur les murs lateraux. Ca divise la conso energetique necessaire par 2 ou 3. C'est donc un gain de plusieurs centaines de % par des techniques materielles elementaires qui ne demandent que de la comprehension scientifique assez basique : comprehension du principe de conservation de l'energie, flux d'energie qui suit le gradient de temperature, mesure du coefficient de conductivite' thermique des materiaux disponibles, et sandwichs de materiaux pour atteindre les proprietes voulues et faire un tout coherent, notamment pour la gestion de l'hygrometrie.
Mais meme si cette comprehension scientifique est basique et facile a mettre en oeuvre, il faut beaucoup de travail pour la transmettre. J'essayais il y a quelques jours d'expliquer a mon frere, pourtant tres rationel, qu'une grosse chaudiere ne consommait pas davantage qu'une petite, que seule comptait le rendement et la quantite' d'energie qui passait a travers les murs exterieurs. Tres difficile pour moi de le convaincre. Il fait l'analogie trompeuse avec une voiture: une grosse chaudiere, ca consomme de l'energie dans le fonctionnement. Il raisonnait egalement en comptant le nombre de fois ou la chaudiere se mettait en route en reflechissant a la temperature de declanchement dans la piece, sans prendre en compte les transferts d'energie entre les pieces. Ces arguments sont en fait tres convaincants si on s'en tient au point de vue intuitif, pas faciles de comprendre qu'ils sont faux tant qu'on n'a pas le cadre theorique necessaire ( appliquer le principe de la conservation de l'energie en definissant bien les limites du systeme auquel on l'applique).
Ajuster la valeur numérique de la productivité ne change en rien l'essentiel du probleme, qui est encore une fois le fait de retrouver une société limitée par les ressources, avec tout ce que ça implique de crises inévitables et récurrentes.
Il faut que tu fasses l'experience. Essaie de te passer le plus possible de fossiles. Par exemple, pas de transport en commun ni de voiture. Et compare entre un velo et la marche a pied. Tu verras que l'optimisation n'est pas un changement anecdotique. D'un cote', tu mets presque toute la journee pour faire 20 kilometres aller-retour. De l'autre, ca te prend une grosse heure (et sans doute 30-40 minutes en voiture + le travail pour payer l'entretien de la voiture).
Encore une fois, notre difference d'analyse vient des ordres de grandeur. Pour moi, l'ecart le plus grand vient du fait qu'on emploie une reponse appropriee ou pas. Il n'y a que pour les transports longs ou' je partage ton analyse, on ne peut guere ameliorer par une mise en oeuvre appropriee des techniques. Mais pour les choses de base (nourriture, chauffage, transport de proximite', livres), on peut tout a fait ne perdre qu'une petite partie du confort d'aujourd'hui si on s'y prend bien.