C'est un peu technique mais suffisamment clair pour que tout le monde puisse comprendre. Je souscris totalement à ces propos en restant conscient du coté utopiste de la démarche, il faut bien commencer par quelque chose.
C'est passionnant mais un peu long, alors pour vous inciter à faire l'effort de le lire je vous met ici quelques morceaux choisis.
Bonne lecture.
Patrick
Par Frédéric Lordon, 23 avril 2008 sur ContreInfo a écrit :...
Le trader touchera donc le profit dérivé de la hausse tant qu’il y a hausse, mais n’enregistrera aucun des effets de la baisse - simplement son bonus sera-t-il nul quand celle-ci se produira. Il est donc de ce fait incité à méconnaître le risque contracté pour privilégier la rentabilité courante qui alimente son bonus courant... puisque, si risque il y a, il ne sera manifeste qu’« après ». Il résulte de cette asymétrie des incitations une sous-appréciation notoire du risque - en d’autres termes il y a de puissants intérêts derrière ce que Hyman Minsky appelait justement « l’aveuglement au désastre ».
La première proposition vise donc à rétablir la symétrie d’incitation en rendant la rémunération des traders pleinement algébrique - c’est-à-dire susceptible de valeurs négatives ! Les pertes issues de la matérialisation des risques antérieurement contractés ne doivent plus seulement annuler les bonus mais les rendre négatifs. Les traders auraient ainsi à rembourser sur leurs gains passés les pertes présentes et dans les mêmes proportions.
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On objectera sans doute que, dans ces conditions, les traders les plus « compétents » prendront le chemin de l’exil sous l’effet de la concurrence des offres salariales de la part des banques qui ne seraient pas soumises à l’obligation de la rémunération algébrique. Surtout, qu’on ne les retienne pas ! L’utilité sociale de ces soi-disant « cerveaux » demeure des plus discutables.
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La dynamique des acquis sociaux semble avoir changé de camp. Tout ce que le travail a gagné est devenu contestable, tout ce que le capital obtient est décrété irréversible.
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Jusqu’au début des années 90, les banques... ont fait leur métier de banquier : elles ont accordé des crédits, puis les ont conservés sur leurs livres jusqu’à l’échéance ; et il faudrait une certaine audace pour affirmer qu’elles s’en sont mal portées. Nous nous proposons de leur faire faire ce minime saut en arrière et de renoncer à nous convaincre que rien ne serait plus possible si on les privait de l’outil de la titrisation.
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Bien loin des aimables bluettes de certains manuels d’économie financière qui nous laissent croire que la valeur usuelle des leviers tourne entre 2 et 5, on rappellera que la banque Bear Stearns était leviérisée à 35 et le Hedge Fund Carlyle Capital Group à 32... avant de faire faillite l’une et l’autre.
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Le dépôt de marge sur les marchés organisés instaure donc, mais artificiellement puisqu’elle n’est pas requise en principe, une obligation de mise de fond préalable. Mais cette obligation est d’une telle minceur en proportion des positions prises, qu’elle définit de fait des leviers faramineux. Ainsi, par exemple, un apport de 1000 dollars permet-il de prendre une position de 375.000 dollars sur le marché des futures de l’indice S&P500 ! Ce levier lié à l’organisation particulière des marchés dérivés vient donc se superposer au levier d’endettement proprement dit (voir proposition 3) - un opérateur pourrait en effet très bien avoir emprunté 900 des 1000 dollars requis pour le dépôt de marge et s’être engagé sur les 375.000 dollars de futures avec... juste 100 dollars en poche ! On ne s’étonnera donc pas que Bear Stearns avec 8 milliards de dollars de capitaux propres se soit retrouvé engagée, tous produits dérivés confondus, à hauteur de... 13.400 milliards de dollars !
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Parce que les exigences de fonds propres sur les produits dérivés sont ridicules, et que la leviérisation s’y élève au carré (leviérisation « de marché » x leviérisation « d’endettement ») ces marchés font régner un risque de contrepartie insupportable.
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