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Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 27 avr. 2008, 11:19
par Lansing
Je vous propose cet article de Frédéric Lordon sur ContreInfo, c'est un plaidoyer pour une refondation totale de la finance internationale.
C'est un peu technique mais suffisamment clair pour que tout le monde puisse comprendre. Je souscris totalement à ces propos en restant conscient du coté utopiste de la démarche, il faut bien commencer par quelque chose.
C'est passionnant mais un peu long, alors pour vous inciter à faire l'effort de le lire je vous met ici quelques morceaux choisis.
Bonne lecture.
Patrick
Par Frédéric Lordon, 23 avril 2008 sur ContreInfo a écrit :...

Le trader touchera donc le profit dérivé de la hausse tant qu’il y a hausse, mais n’enregistrera aucun des effets de la baisse - simplement son bonus sera-t-il nul quand celle-ci se produira. Il est donc de ce fait incité à méconnaître le risque contracté pour privilégier la rentabilité courante qui alimente son bonus courant... puisque, si risque il y a, il ne sera manifeste qu’« après ». Il résulte de cette asymétrie des incitations une sous-appréciation notoire du risque - en d’autres termes il y a de puissants intérêts derrière ce que Hyman Minsky appelait justement « l’aveuglement au désastre ».
La première proposition vise donc à rétablir la symétrie d’incitation en rendant la rémunération des traders pleinement algébrique - c’est-à-dire susceptible de valeurs négatives ! Les pertes issues de la matérialisation des risques antérieurement contractés ne doivent plus seulement annuler les bonus mais les rendre négatifs. Les traders auraient ainsi à rembourser sur leurs gains passés les pertes présentes et dans les mêmes proportions.

...

On objectera sans doute que, dans ces conditions, les traders les plus « compétents » prendront le chemin de l’exil sous l’effet de la concurrence des offres salariales de la part des banques qui ne seraient pas soumises à l’obligation de la rémunération algébrique. Surtout, qu’on ne les retienne pas ! L’utilité sociale de ces soi-disant « cerveaux » demeure des plus discutables.

...

La dynamique des acquis sociaux semble avoir changé de camp. Tout ce que le travail a gagné est devenu contestable, tout ce que le capital obtient est décrété irréversible.

...

Jusqu’au début des années 90, les banques... ont fait leur métier de banquier : elles ont accordé des crédits, puis les ont conservés sur leurs livres jusqu’à l’échéance ; et il faudrait une certaine audace pour affirmer qu’elles s’en sont mal portées. Nous nous proposons de leur faire faire ce minime saut en arrière et de renoncer à nous convaincre que rien ne serait plus possible si on les privait de l’outil de la titrisation.

...

Bien loin des aimables bluettes de certains manuels d’économie financière qui nous laissent croire que la valeur usuelle des leviers tourne entre 2 et 5, on rappellera que la banque Bear Stearns était leviérisée à 35 et le Hedge Fund Carlyle Capital Group à 32... avant de faire faillite l’une et l’autre.

...

Le dépôt de marge sur les marchés organisés instaure donc, mais artificiellement puisqu’elle n’est pas requise en principe, une obligation de mise de fond préalable. Mais cette obligation est d’une telle minceur en proportion des positions prises, qu’elle définit de fait des leviers faramineux. Ainsi, par exemple, un apport de 1000 dollars permet-il de prendre une position de 375.000 dollars sur le marché des futures de l’indice S&P500 ! Ce levier lié à l’organisation particulière des marchés dérivés vient donc se superposer au levier d’endettement proprement dit (voir proposition 3) - un opérateur pourrait en effet très bien avoir emprunté 900 des 1000 dollars requis pour le dépôt de marge et s’être engagé sur les 375.000 dollars de futures avec... juste 100 dollars en poche ! On ne s’étonnera donc pas que Bear Stearns avec 8 milliards de dollars de capitaux propres se soit retrouvé engagée, tous produits dérivés confondus, à hauteur de... 13.400 milliards de dollars !

...

Parce que les exigences de fonds propres sur les produits dérivés sont ridicules, et que la leviérisation s’y élève au carré (leviérisation « de marché » x leviérisation « d’endettement ») ces marchés font régner un risque de contrepartie insupportable.

...

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 27 avr. 2008, 15:41
par LeLama
J'ai beaucoup aimé ce papier également. Pas mal d'infos. Au milieu de l'article, on trouve un point qui me semble important. La libéralisation du marché bancaire date du milieu des années 80. Vu les crises qui se sont multipliées depuis (ltcm, bulle internet, asie, argentine, subprime...), on pourrait en fait revenir a la situation des annees 80 avec un encadrement plus strict du crédit et de la création monetaire, qui permettait d'alimenter l'economie en monnaie avec moins d'instabilité.

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 27 avr. 2008, 17:40
par Lansing
Plusieurs économistes un peu plus clairvoyants que les autres sont pour ce retour en arrière.
En ce qui me concerne je ne suis pas très optimiste, beaucoup trop de d'intérêts sont en jeu dans cette affaire, quels sont les politiciens qui auront le cran de se mettre ces gens à dos ? Certainement pas ceux qui naviguent sur le même bateau...


Patrick

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 27 avr. 2008, 20:46
par Turanil
Lansing a écrit :En ce qui me concerne je ne suis pas très optimiste, beaucoup trop de d'intérêts sont en jeu dans cette affaire, quels sont les politiciens qui auront le cran de se mettre ces gens à dos ?
C'est aussi ce que je pense. De nos jours c'est pas l'intérêt de la société qui prime, c'est celui d'une petite minorité de gros intérêts personnels. Les politiciens sont là pour faire avaler la pilule à coup de mensonges et désinformation.

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 27 avr. 2008, 21:28
par kercoz
Pourquoi s'en feraient-ils? Personne ne les remet en cause !
Il semble même que, vu le peu de réactions de la société civile, ils vont se voir dépénaliser de leur propres règlements .
On va raquer pour eux d'une façon ou d'une autre. Ils n'y croyaient même plus !
En 29, les états les ont laisser tomber , je crois bien. Il me semble que tirer la chasse de temps en temps serait du sanitaire.

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 27 avr. 2008, 21:43
par mrlargo
tu veux dire salutaire ??

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 27 avr. 2008, 21:58
par kercoz
Au moins ça évacuerait les éléments les plus "plombés" . S'il n'y a pas de sanction, la prédation va s'accroitre , les prises de risques aussi .

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 04 mai 2008, 00:15
par peaknik
Les pertes issues de la matérialisation des risques antérieurement contractés ne doivent plus seulement annuler les bonus mais les rendre négatifs. Les traders auraient ainsi à rembourser sur leurs gains passés les pertes présentes et dans les mêmes proportions.
Sur le papier ca peut paraitre juste et sympathique. mais le systeme d'interresement negatif fera exploser le risque de crack. En phase de baisse le trader aura interet a couper ses position au plus vite et de maniere pas necessairement rationnelle.
la perspective de devoir rembourser ses gains de l'annee precedente en cas de baisse des marches ne rend pas prudent, elle rend fou.

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 19 juil. 2009, 13:41
par loup romain
Lansing a écrit :Je vous propose cet article de Frédéric Lordon sur ContreInfo, c'est un plaidoyer pour une refondation totale de la finance internationale.
C'est un peu technique mais suffisamment clair pour que tout le monde puisse comprendre. Je souscris totalement à ces propos en restant conscient du coté utopiste de la démarche, il faut bien commencer par quelque chose.
C'est passionnant mais un peu long, alors pour vous inciter à faire l'effort de le lire je vous met ici quelques morceaux choisis.
Bonne lecture.
Patrick
Par Frédéric Lordon, 23 avril 2008 sur ContreInfo a écrit :...

Le trader touchera donc le profit dérivé de la hausse tant qu’il y a hausse, mais n’enregistrera aucun des effets de la baisse - simplement son bonus sera-t-il nul quand celle-ci se produira. Il est donc de ce fait incité à méconnaître le risque contracté pour privilégier la rentabilité courante qui alimente son bonus courant... puisque, si risque il y a, il ne sera manifeste qu’« après ». Il résulte de cette asymétrie des incitations une sous-appréciation notoire du risque - en d’autres termes il y a de puissants intérêts derrière ce que Hyman Minsky appelait justement « l’aveuglement au désastre ».
La première proposition vise donc à rétablir la symétrie d’incitation en rendant la rémunération des traders pleinement algébrique - c’est-à-dire susceptible de valeurs négatives ! Les pertes issues de la matérialisation des risques antérieurement contractés ne doivent plus seulement annuler les bonus mais les rendre négatifs. Les traders auraient ainsi à rembourser sur leurs gains passés les pertes présentes et dans les mêmes proportions.

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On objectera sans doute que, dans ces conditions, les traders les plus « compétents » prendront le chemin de l’exil sous l’effet de la concurrence des offres salariales de la part des banques qui ne seraient pas soumises à l’obligation de la rémunération algébrique. Surtout, qu’on ne les retienne pas ! L’utilité sociale de ces soi-disant « cerveaux » demeure des plus discutables.

...

La dynamique des acquis sociaux semble avoir changé de camp. Tout ce que le travail a gagné est devenu contestable, tout ce que le capital obtient est décrété irréversible.

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Jusqu’au début des années 90, les banques... ont fait leur métier de banquier : elles ont accordé des crédits, puis les ont conservés sur leurs livres jusqu’à l’échéance ; et il faudrait une certaine audace pour affirmer qu’elles s’en sont mal portées. Nous nous proposons de leur faire faire ce minime saut en arrière et de renoncer à nous convaincre que rien ne serait plus possible si on les privait de l’outil de la titrisation.

...

Bien loin des aimables bluettes de certains manuels d’économie financière qui nous laissent croire que la valeur usuelle des leviers tourne entre 2 et 5, on rappellera que la banque Bear Stearns était leviérisée à 35 et le Hedge Fund Carlyle Capital Group à 32... avant de faire faillite l’une et l’autre.

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Le dépôt de marge sur les marchés organisés instaure donc, mais artificiellement puisqu’elle n’est pas requise en principe, une obligation de mise de fond préalable. Mais cette obligation est d’une telle minceur en proportion des positions prises, qu’elle définit de fait des leviers faramineux. Ainsi, par exemple, un apport de 1000 dollars permet-il de prendre une position de 375.000 dollars sur le marché des futures de l’indice S&P500 ! Ce levier lié à l’organisation particulière des marchés dérivés vient donc se superposer au levier d’endettement proprement dit (voir proposition 3) - un opérateur pourrait en effet très bien avoir emprunté 900 des 1000 dollars requis pour le dépôt de marge et s’être engagé sur les 375.000 dollars de futures avec... juste 100 dollars en poche ! On ne s’étonnera donc pas que Bear Stearns avec 8 milliards de dollars de capitaux propres se soit retrouvé engagée, tous produits dérivés confondus, à hauteur de... 13.400 milliards de dollars !

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Parce que les exigences de fonds propres sur les produits dérivés sont ridicules, et que la leviérisation s’y élève au carré (leviérisation « de marché » x leviérisation « d’endettement ») ces marchés font régner un risque de contrepartie insupportable.

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Et la disparition de la monnaie (qu'elle soit papier, pièces, virtuelle ou matérielle comme le sucre ou le sel) qui provoque l'accumulation et donc les bulles.....
Il y a pensé ???

Ce n'est pas en mettant une rustine sur un bateau pneumatique bien percé qu'on le sauve longtemps !

Re: Neuf propositions pour en finir avec les crises financières

Publié : 19 juil. 2009, 17:48
par Lansing
On peut aussi supprimer l'homme, ça résoudra tout.
Sérieusement, on essaie d'analyser des propositions réalistes, même utopiques. Couler le bateau est une solution, l'inconvénient est que tout le monde se noie.

Patrick