Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Discussions traitant de l'impact du pic pétrolier sur l'économie.

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Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Alter Egaux » 29 sept. 2008, 10:43

Je laisse pour l'instant le point d'interrogation, mais un nouveau Bretton Woods est demandé par de très nombreux hommes politiques et économiques, pour sauver ce qui peut être sauver de ce nouveau "1929", et pour me semble t il redistribuer les cartes.

Rappelons quelques points importants de l'accord de Bretton Woods :

Le principal instigateur de ces accords a été John Maynard Keynes (doit le Keynésianisme à opposer au néolibéralisme actuel, ce dernier ayant encore péché par orgueil), mais aussi Harry Dexter White et notre grand Pierre Mendès France.

Création de :
- la Banque mondiale (BIRD)
- le Fonds monétaire international (FMI)
- Un troisième organisme aurait du être créé et chargé du commerce international, mais ne voit le jour qu'en 1995 avec la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC aujourd'hui), après les cycles de négociations du General agreement on tariffs and trade (GATT).

Mais la décision principale qui résulte de ces accords est l'abandon de l'étalon-or, adopté avant la première guerre mondiale, au profit de l'étalon change-or ou Gold Exchange Standard. Le nouveau système donne une place prépondérante au dollar, et les autres monnaies voient leur cours indexé sur lui. Les réserves des Banques Centrales doivent alors être constituées de devises et non plus d'or.
Enfin, le Gold Exchange Standard ne put pas survivre aux diverses crises économiques qui ont secoué l'économie mondiale depuis les années 1950. Ce qui donne la consécration de l'hégémonie du dollar.

La situation est bien différente : les accords de Bretton Woods sont survenus à la suite de la crise de 1929 et de l’hégémonie américaine (suite à l'effondrement du vieil continent pour 2 nd guerre mondiale), les États-Unis décident d'organiser en 1944 une conférence dont le but est de créer un système monétaire capable de soutenir la reconstruction, avec des vus anti-communistes (prè guerre froide).
Alors que la conférence de Bretton Woods se réunissait, les avantages relatifs de l’économie américaine apparaissaient évidents et prépondérants : en 1945 les États-Unis produisaient :
- la moitié du charbon,
- les deux tiers du pétrole
- la moitié de l’électricité au niveau mondial.

Dans L'or et la crise du dollar (1960), Robert Triffin note que le système de Bretton Woods induit que les États-Unis aient une balance des paiements déficitaire afin d'alimenter le monde en moyens de paiements internationaux. Toutefois, ce phénomène a un autre effet : il contribue à un affaiblissement progressif de la confiance des étrangers dans le dollar. Ainsi, les besoins importants de l'économie mondiale en une devise fiable, le dollar, contribuent paradoxalement à la perte de confiance en la fiabilité de cette monnaie.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Accords_de_Bretton_Woods

Bref, les Accords de Bretton Woods ne sont pas des mauvais accords en soit, mais la dérive du système mondial a accentué la suprématie du dollar dû à l'hégémonie situationnelle des USA de 1944, alors que la gestion du pays a été calamiteuse ses dernière décennies, débouchant sur cette nouvelle crise financière, à un niveau sans précédent car mondialisée.

Aujourd'hui, le situation est :
- effondrement du secteur financier et bancaire (en passant par les assurances immobilières),
- perte de confiance au dollar,
- endettement des USA intenable vis à vis de ses pays créanciers (Chine, Russie, Japon, fonds souverains, ...),
- contamination de la crise aux banques européennes (Belgique, GB,...)
- Niveau de vie et modèle de vie intenable aux USA,
- Crise énergétique (Peak Oil imminent) et explosion des prix des matières premières,
- Transition énergétique très mal orientée dans la plupart des pays occidentaux et pays en voie de développement,
- Réchauffement climatique anthropique obligeant un virage à 180° si on veut "maitriser" quelques choses dans les prochaines décennies,
- etc...

On peut résumer en 1 mot : catastrophique !

Un nouveau Bretton Woods semble dont imminent en octobre ou novembre, suite à la défaite de l'idéologie néolibéral du "laisser faire", un fois de plus et ceci, malgré les nombreuses leçons de l'histoire. Les nationalisation des banques et des dettes ni suffiront pas, vu l'endettement déjà très fort de nombreux états.

De plus, nous ne pouvons plus rester dans le cadre ouaté des puissances dominantes de 1945. Il semble évident de dire que les USA, par exemple, n'ont plus les moyens de leur ambition. Si la Chine les lache, c'en est fini du dollar. Mais la Chine ne va pas continuer à éponger sans demander de réelle contrepartie. Il me semble que l'hégémonie du dollar est maintenant très fortement compromise. Sur le Net, on parle déjà de la chute définitive du dollar début octobre, semaine prochaine, ou du moins d'un événement structurant et monumental.
Les gouvernements du monde passent nuit blanche sur nuit blanche les WE, et il semble de les négociations vont bon train, bien plus loin que la goutte d'eau du plan de sauvegarde US décidé ses derniers jours.

Dans ce cadre, j'aimerai avoir l'aide de quelques contributeurs économistes, comme notre AHJ, entre autres, mais aussi nos perspicaces géopolitologues (attention les chevilles).

Quels sont les perspectives ?
Le dollar va t il être abandonné pour une autre monnaie, et dans ce cas, laquelle ?
Que serait un nouveau Bretton Woods ?
Quels Etats vont demander la part du gâteau ? Et quels sont leurs principales cartes ?
Les USA peuvent ils tenir sans un accord avant l'Election de novembre ?
Et le Peak Oil, va t il s'inviter en plein milieu de la réunion, bien entendu, au meilleur moment ? Et les pays producteurs de l’or noir, n’est ce pas là l’occasion de trouver une protection économique et politique qui ne se représentera pas 2 fois ?
Etape n°1 : Les africains nomment le pétrole : la "merde" du diable.
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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Alter Egaux » 29 sept. 2008, 11:15

Pierre, je veux bien lister avec toi les échecs historiques retentissants de l'idéologie néolibéral, mais je ne pense pas que cela soit maintenant très intéressant : même sur libéraux.org, on a perdu son cerveau de temps disponible pour pouvoir reconnaitre ses erreurs de diagnostic (Monsieur purge à fait long feu).
Par contre, Oleocene est probablement le forum qui a le plus anticipé la crise actuelle, et les causes, nous les connaissons tous :
- répartition du capital en désavantage de la production (merci les subprime),
- financiarisation de l'économie et donc explosion beaucoup plus forte de la bulle financière,
- explosion des prix des ressources naturelles (et pour le plus important, du pétrole),
- modèle états-unien intenable devant l'humanité et devant ses créanciers,
- aveuglement des élites politiques et économiques dû à l'absence total de contradiction dans les mass médias (nous n'avons rien appris du programme du CNR !), payé grassement par une oligarchie grasse et parvenue,
- pensée unique néolibéral archi dominante,
- etc...

Certes, nombre d'entre nous sommes surpris par la violence de l'effondrement, comme l'on peut être surpris par la chute libre d'un building, mais n'a vous nous pas déjà réfléchi à cette catastrophe régulièrement repris sur les fils d'oleocene ?

Les libéraux nous disent aujourd'hui : "cette purge est nécessaire". Il faut arrêter de prendre les gens pour des cons : le système néolibéral a encore failli, et c'est pire que jamais, personne ne peut dire le contraire. Les USA n'ont même plus le temps d'élire le prochain président, c'est dire !

Bref, la terre est ronde (et non plate), les ressources finies, le modèle de développement est pourri, l'idéologie dominante absurde, et l'économie des pays riches rentre dans une profonde récession. Oui, le fascisme est à nos portes européennes vu l'élection de ce WE.

Bon, maintenant, on devient des gens responsables, et on discute des solutions possibles, entre démocrates. Et s'il faut passer par une alliance à la CNR, on passera par là. Car il nous fera nous garder de nos voisins fachos, ou de nos néolibéraux vexés au point de nous enfoncer encore plus.

Bref, de la perceptive, la crise est là, comment on s’en sort ?
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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par AJH » 29 sept. 2008, 11:22

Salut Alter Egaux

Il faudrait être devin pour répondre avec quelque chance de ne pas se planter, mais je pense néanmoins qu'un "nouvel ordre mondial" (je préfère l'appeller ainsi que nouveau B.W.) devrait s'inspirer de la Charte de la Havane que les USA n'ont jamais voulu signer
(pour la lire en entier : http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/havana_f.pdf )

mais perso, je leur conseillerais de mettre en application l'écosociétalisme ;)
Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée ( Victor Hugo )
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Signez la pétition " POUR QUE L'ARGENT NOUS SERVE, AU LIEU DE NOUS ASSERVIR ! "

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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Alter Egaux » 29 sept. 2008, 11:36

AJH a écrit :la Charte de la Havane que les USA
Oui, on voit déjà ceux qui ont planché sur le sujet, Charte bien entendu connu des keynésiens. Peux tu, si tu as le temps, nous en donner les principes fondamentaux en quelques lignes, dans la perspective de ressources naturelles rares et chères ?

Un autre lien sur la Charte de la Havane :
http://dsedh.free.fr/emissions_passees.htm
Emission 150 du 3 Octobre 2006...
La transcription : http://dsedh.free.fr/transcriptions/Nikonoff150.htm

Pierre, je ne dis pas que néo libéralisme n'est pas impropre à celui passé, mais que le but était le même : "plus de boursicotage et plus d'argent dans des produits financiers pourris".
Dernière modification par Alter Egaux le 29 sept. 2008, 11:38, modifié 1 fois.
Etape n°1 : Les africains nomment le pétrole : la "merde" du diable.
Etape n°2 : Restons cool, le PO arrive...
Etape n°3 : "Mais à cet endroit, en ce moment, l'humanité, c'est nous, que cela nous plaise ou non", Samuel Beckett

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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Jean-Luc » 29 sept. 2008, 11:37

la charte de la Havane et l'écosocialisme, tu veux leur faire avoir une crise cardiaque ou quoi ? :-D

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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Rahan » 29 sept. 2008, 12:37

Alter Egaux a écrit :
Bref, la terre est ronde (et non plate), les ressources finies, le modèle de développement est pourri, l'idéologie dominante absurde, et l'économie des pays riches rentre dans une profonde récession. Oui, le fascisme est à nos portes européennes vu l'élection de ce WE.
Ca fait plusieurs fois que je lis ce genre de choses à propos d'un risque fasciste... N'étant pas spécialiste j'ai du mal à saisir le rapport avec la crise financière.

Pourrais-tu expliquer ton point de vue à ce sujet ? Et qui sont ces potentiels fascistes (en France et à l'étranger) ?

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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par AJH » 29 sept. 2008, 12:50

Alter Egaux a écrit :
AJH a écrit :la Charte de la Havane que les USA
Oui, on voit déjà ceux qui ont planché sur le sujet, Charte bien entendu connu des keynésiens. Peux tu, si tu as le temps, nous en donner les principes fondamentaux en quelques lignes, dans la perspective de ressources naturelles rares et chères ?

Un autre lien sur la Charte de la Havane :
http://dsedh.free.fr/emissions_passees.htm
Emission 150 du 3 Octobre 2006...
La transcription : http://dsedh.free.fr/transcriptions/Nikonoff150.htm

Pierre, je ne dis pas que néo libéralisme n'est pas impropre à celui passé, mais que le but était le même : "plus de boursicotage et plus d'argent dans des produits financiers pourris".

Nikonoff l'a très bien fait, je ne puis que recopier son analyse sur les grands points (ci dessous)...
Dans le cadre de ressources de plus en plus rares (et chères), il y aurait sans doute quelques points à rajouter aux articles existants ... on pourrait effectivement en parler sur ce forum, mais il serait intéressant que quelques uns aient lu cette Charte d'abord ou au moins ce qui suit (Nikonoff).

La Charte de La Havane est probablement le premier texte international à évoquer le développement

La question des liens entre commerce et développement a été évoquée pour la première fois à la Conférence de La Havane par les pays d'Amérique latine. Plus tard, l'accession à l'indépendance des pays en développement d'Afrique et d'Asie, à la suite de la Conférence de Bandung de 1955, a relancé une dynamique mondiale visant à créer un système commercial international qui favorise le développement économique et social. C'est pour réaliser cet objectif que la Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) a été créée en 1964. La Charte de La Havane propose une approche qui se situe aux antipodes des conceptions actuelles du commerce international. Pour elle ce commerce ne peut avoir qu’un seul objet : le développement de chaque pays considéré individuellement, dans un cadre de relations internationales fondées sur la coopération et non sur la concurrence.

La Charte de La Havane ne sépare pas le commerce international et emploi

La Conférence de La Havane a tenté de traiter une question essentielle : l’articulation entre le commerce et l'emploi. C’est pourquoi elle s’intitulait « Conférence internationale sur le commerce et l'emploi ». A l’époque, tout le monde croyait au plein emploi. Aujourd'hui, cet objectif a non seulement été abandonné, mais le chômage est devenu la « variable d’ajustement » de l’économie.
On ne trouvera jamais, d’ailleurs, dans la littérature de l’OMC, l’objectif du plein emploi comme raison du commerce international. L’article 1 de la Charte de La Havane, qui en fixe l’objet, est particulièrement clair : « Atteindre les objectifs fixés par la Charte des Nations Unies, particulièrement le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les conditions de progrès et de développement. »
On croit rêver !
L’article 2 précise que « les Etats membres reconnaissent qu'il n'est pas uniquement de leur intérêt national de prévenir le chômage et le sous-emploi … mais que la prévention du chômage et du sous-emploi est également une condition nécessaire pour … le développement des échanges internationaux, et, par conséquent, pour assurer le bien-être de tous les autres pays. »
Ainsi « les Etats membres reconnaissent que, si la prévention du chômage et du sous-emploi dépend, au premier chef, de mesures intérieures, prises individuellement par chaque pays, ces mesures devraient être complétées par une action concertée, entreprise sous les auspices du Conseil économique et social des Nations Unies et avec la collaboration des organisations intergouvernementales qualifiées... »
A quand une réunion sur le plein emploi organisée par l’OMC ?

Un principe fondamental : celui de l’équilibre de la balance des paiements

Ce principe est le plus important de la Charte de La Havane et lui donne sa charpente. Il signifie qu’aucun pays ne doit être en situation structurelle d’excédent ou de déficit de sa balance des paiements. Autrement dit, pour simplifier, dans les échanges commerciaux bilatéraux entre pays, c’est la règle « je t’achète autant que tu m’achètes » qui doit prévaloir.
La balance des paiements retrace l’ensemble des relations entre les agents économiques résidents et les non-résidents (activités sur le territoire national d'une durée inférieure à un an ou agents économiques à l'étranger). Elle mesure l’ensemble des échanges économiques : flux de marchandises, de services et de capitaux.
Pour chaque flux, il y a une opération « réelle » et une opération monétaire. Si j’achète des voitures anglaises, ces voitures (flux réels) entrent en France et des capitaux (flux monétaires) en sortent pour effectuer le paiement. L’importation est inscrite au débit (sortie) de la balance commerciale alors qu’une exportation est inscrite au crédit (entrée). Quand on importe, il y a une baisse des avoirs de réserve (sorties de devises) ; quand on exporte, il y a une augmentation des avoirs de réserve (entrées de devises).
On confond souvent balance des paiements et balance commerciale. La balance commerciale correspond seulement aux flux de biens (la balance des services retraçant les flux de services).
Ce qu’il y a de radicalement nouveau dans la Charte de La Havane par rapport à la situation actuelle, c’est la recherche de l’équilibre de la balance des paiements comme principe général.
Ainsi l’article 3 énonce-t-il que « les Etats membres chercheront à éviter les mesures qui auraient pour effet de mettre en difficulté la balance des paiements d'autres pays. » Autrement dit, la « priorité aux exportations », qui est le mot d’ordre général de tous les pays, et particulièrement de la France depuis l’alignement de 1982-1983 sur les politiques néolibérales, ne saurait être une politique acceptable pour l’OIC. En effet, cette « priorité aux exportations » affiche clairement son ambition : créer chez soi un excédent structurel de la balance des paiements. Comme on n’exporte pas sur la lune et qu’il faut bien que d’autres pays achètent ce qui est exporté, il est créé chez eux un déficit structurel. Une telle situation, par définition, ne peut que déséquilibrer le commerce international et en faire un lieu d’affrontement au lieu d’en faire un outil de coopération.
C’est pourquoi l’article 4 de la Charte de La Havane parle du « rétablissement de l'équilibre interne de la balance des paiements » comme d’un objectif fondamental de l’OIC.
L’article 6 envisage ainsi des « mesures de protection en faveur des Etats membres exposés à une pression inflationniste ou déflationniste extérieure. » Même chose pour l’article 21 qui détaille les « restrictions destinées à protéger la balance des paiements ». Par « restrictions » il faut entendre la méthode des contingents, les licences ou les permis d'importation sans fixation de contingents. Tout Etat membre de l’OIC pourra, par exemple, en vue de sauvegarder sa position financière extérieure et sa balance des paiements, « restreindre le volume ou la valeur des marchandises dont il autorise l'importation ». C’est parfaitement logique : pour rééquilibrer une balance des paiements déficitaire, l’un des moyens principaux est la limitation des importations. Bien entendu ces mesures protectionnistes sont encadrées par la Charte de La Havane et ne sont autorisées que dans les cas suivants :
- pour s'opposer à la menace imminente d'une « baisse importante de ses réserves monétaires ou pour mettre fin à cette baisse » ;
- pour augmenter ses réserves monétaires « suivant un taux d'accroissement raisonnable, dans le cas où elles seraient très basses. »
Ces mesures, en outre, doivent faire l’objet d’une gestion collective et solidaire au sein de l’OIC. L'Etat membre qui applique des restrictions « les atténuera progressivement jusqu'à suppression complète, au fur et à mesure que sa position financière extérieure s'améliorera ». Cette disposition n’est d’ailleurs pas interprétée dans la Charte de La Havane comme obligeant un Etat membre concerné à atténuer ou à supprimer ces restrictions si cela devait créer une situation qui justifierait de nouvelles restrictions.
De la même manière la Charte de La Havane indique que ses Etats membres doivent reconnaître mutuellement les politiques nationales qu’ils mènent à propos « de la réalisation et du maintien du plein emploi productif », du « développement des ressources industrielles et des autres ressources économiques », de l' « élévation des niveaux de productivité ». Chaque Etat doit donc « considérer que la demande de devises étrangères au titre des importations et des autres paiements courants » peut consommer une part importante des ressources d’un autre Etat pour se procurer des devises étrangères « au point d'exercer sur ses réserves monétaires une pression justifiant l'établissement ou le maintien de restrictions ». Dès lors chaque Etat est invité à accepter des mesures protectionnistes venant des pays concernés.
Celles-ci seront le résultat d’une négociation et non d’une décision unilatérale. Dès lors, tout Etat membre qui envisage d’appliquer des restrictions à ses importations devra, avant de les établir (ou si les circonstances ne permettent pas une consultation préalable, immédiatement après les avoir établies), « entrer en consultation avec l’OIC sur la nature des difficultés qu'il éprouve dans sa balance des paiements, sur les autres correctifs qui peuvent s'offrir à lui ainsi que sur la répercussion possible de ces mesures sur l'économie des autres Etats membres. »
Inversement, tout Etat membre qui considère qu'un autre Etat membre applique des restrictions d'une manière incompatible avec ses propres intérêts, « pourra soumettre la question à l’OIC pour discussion. L'Etat membre qui applique ces restrictions participera à la discussion. Si, au vu des faits avancés par l'Etat membre qui a recours à cette procédure, il apparaît à l’OIC que le commerce de cet Etat membre subit un préjudice, elle présentera ses observations aux parties en vue de parvenir à un règlement de l'affaire satisfaisant pour les parties et pour l'Organisation. Si la question ne peut être réglée et si l'Organisation décide que les restrictions sont appliquées d'une manière incompatible, l'Organisation recommandera la suppression ou la modification de ces restrictions. Si les restrictions ne sont pas supprimées ou modifiées dans les soixante jours, conformément à la recommandation de l'Organisation, celle-ci pourra autoriser un ou plusieurs autres Etat membres à suspendre à l'égard de l'Etat membre qui applique les restrictions, tels engagements ou concessions résultant de la présente Charte ou de son application qu'elle spécifiera. »
Contrairement à une idée reçue, des mesures protectionnistes ne sont pas synonymes de relations conflictuelles entre Etats. Ni de créatrices d’une dynamique de repli du commerce international, aboutissant peu à peu à des formes d’autarcie. Le contenu de la Charte de La Havane montre que le protectionnisme ne peut fonctionner qu’à condition d’être universaliste.

Des normes de travail équitables

L’article 7 de la Charte prévoit que « les Etats membres reconnaissent que les mesures relatives à l'emploi doivent pleinement tenir compte des droits qui sont reconnus aux travailleurs par des déclarations, des conventions et des accords intergouvernementaux. Ils reconnaissent que tous les pays ont un intérêt commun à la réalisation et au maintien de normes équitables de travail en rapport avec la productivité de la main-d'oeuvre et, de ce fait, aux conditions de rémunération et de travail meilleures que cette productivité rend possibles. Les Etats membres reconnaissent que l'existence de conditions de travail non équitables, particulièrement dans les secteurs de la production travaillant pour l'exportation, crée des difficultés aux échanges internationaux. En conséquence, chaque Etat membre prendra toutes les mesures appropriées et pratiquement réalisables en vue de faire disparaître ces conditions sur son territoire. »
Cet article prévoit aussi que « les Etats membres qui font également partie de l'Organisation internationale du travail collaboreront avec cette Organisation, afin de mettre cet engagement à exécution » et que l'Organisation internationale du commerce « consultera l'Organisation internationale du travail et collaborera avec elle. »
Nous sommes à des années-lumière des conceptions et pratiques de l’OMC ! Avec cet article, les « maquilladoras » et autres « zones économiques spéciales » dans lesquelles les travailleurs et le plus souvent les travailleuses sont surexploités ne pourraient exister. Le dumping social serait interdit. Au lieu de l’hypocrite « clause sociale » que certains gouvernements – et même des syndicalistes ! – arborent pour masquer leurs renoncements, la Charte de La Havane permettrait de combattre efficacement le dumping social.

La coopération économique remplace la concurrence

Dans son article 10, la Charte de La Havane traite de la coopération en vue du développement économique et de la reconstruction nécessaires de l’après-guerre : « les Etats membres coopéreront entre eux, avec le Conseil économique et social des Nations Unies, avec l’OIT, ainsi qu'avec les autres organisations intergouvernementales compétentes, en vue de faciliter et de favoriser le développement industriel et le développement économique général ainsi que la reconstruction des pays dont l'économie a été dévastée par la guerre. »
Cet article conserve une parfaite actualité et serait valable, plus que jamais, dans la période actuelle. La mondialisation néolibérale, en effet, a ravagé certains pays comme aurait pu le faire une guerre… Il n’est donc pas extravaguant de parler de « reconstruction », même si pour la plupart des pays pauvres il convient de parler de « construction ».

Le contrôle des mouvements de capitaux

L’article 12 a un côté irréel quand on le compare à la réalité actuelle de la globalisation financière. Selon cet article, en effet, un Etat membre de l’OIC a le droit :
- de prendre toutes mesures appropriées de sauvegarde nécessaires pour assurer que les investissements étrangers « ne serviront pas de base à une ingérence dans ses affaires intérieures ou sa politique nationale » ;
- de déterminer s'il « autorisera, à l'avenir, les investissements étrangers, et dans quelle mesure et à quelles conditions il les autorisera » ;
- de prescrire et d'appliquer « des conditions équitables en ce qui concerne la propriété des investissements existants et à venir ».
Avec la Charte de La Havane, chaque Etat peut donc contrôler, en toute légalité, certains des mouvements de capitaux ! Qu’il s’agisse d’investissements de portefeuille ou d’investissements directs étrangers, la Charte de La Havane donne les outils juridiques pour s’opposer aux offres publiques d’achats (OPA), fusions et acquisitions transfrontalières ou à la pénétration du capital des entreprises cotées par les fonds de placement américains.

Les aides de l’Etat sont autorisées

Selon la théorie du libre-échange, tous les obstacles au développement du commerce doivent être supprimés. Parmi ces derniers se trouve évidemment l’Etat, notamment par les subventions qu’il peut accorder à l’économie.
Prenant le contre-pied exact de cette théorie, l’article 13 de la Charte précise que « les Etats membres reconnaissent que, pour faciliter l'établissement, le développement ou la reconstruction de certaines branches d'activité industrielle ou agricole, il peut être nécessaire de faire appel à une aide spéciale de l'Etat et que, dans certaines circonstances, l'octroi de cette aide sous la forme de mesures de protection est justifié. »
Là encore nous croyons rêver tellement le formatage des esprits, après plus de vingt ans de néolibéralisme, a fait douter de cette évidence. L’article 14 explique que « tout Etat membre pourra maintenir une mesure de protection non discriminatoire affectant les importations qu'il aura prise en vue de la création, du développement ou de la reconstruction de telle ou telle branche d'activité industrielle ou agricole ».
Prenons un exemple pour illustrer la portée considérable de cet article. Aujourd’hui, les pays africains les plus pauvres ne disposent pas d’une industrie pharmaceutique. Avec le libre-échange, n’ayant aucun avantage compétitif en ce domaine, ils sont voués éternellement à l’importation de médicaments et de matériel médical. Ajoutons que parallèlement le libre-échange de la main d’œuvre se traduit par des départs massifs de médecins africains vers les pays occidentaux ! Avec la Charte de La Havane, ces pays pourraient réduire leurs importations de médicaments, progressivement, au fur et à mesure qu’ils constituent leur propre industrie pharmaceutique…

Des accords préférentiels sont possibles

La plupart du temps, le bilatéralisme tel qu’il se développe aujourd’hui en marge du système de l’OMC va bien plus loin, en matière de libre-échangisme, que les accords de l’OMC. Le bilatéralisme, en tant que principe, n’est cependant pas en cause. Tout dépend de son contenu. La Charte de La Havane prévoyait ce cas de figure, dans un cadre coopératif.
Son article 15 énonce en effet que « les Etats membres reconnaissent que des circonstances spéciales, notamment le besoin de développement économique ou de reconstruction, peuvent justifier la conclusion de nouveaux accords préférentiels entre deux ou plusieurs pays, en considération des programmes de développement économique ou de reconstruction d'un ou de plusieurs d'entre eux. »

Autorisation de subventions

L’affaire des subventions américaines et européennes à leurs exportations agricoles, rendant leurs prix souvent inférieurs aux productions locales des pays pauvres, a suscité une réprobation mondiale justifiée. C’est la raison pour laquelle nombreux sont ceux, particulièrement au sein de la mouvance altermondialiste, qui demandent la suppression de ces subventions. Il ne faudrait toutefois pas considérer que toute subvention à un secteur économique est mauvaise en soi. Dans certaines circonstances de telles subventions sont indispensables. C’est ce qu’explique l’article 18 de la Charte : « les dispositions du présent article n'interdiront pas l'attribution aux seuls producteurs nationaux de subventions, y compris les subventions provenant du produit des taxes ou impositions intérieures … et les subventions dans la forme d'achat de produits nationaux par les pouvoirs publics ou pour leur compte. Les Etats membres reconnaissent que le contrôle des prix intérieurs par fixation de maxima … peut avoir des effets préjudiciables pour les intérêts des Etats membres qui fournissent des produits importés. En conséquence, les Etats membres qui appliquent de telles mesures prendront en considération les intérêts des Etats membres exportateurs en vue d'éviter ces effets préjudiciables, dans toute la mesure où il sera possible de le faire. »
L’article 25 apporte des précisions : si un Etat membre accorde ou maintient une subvention quelconque, y compris toute forme de protection des revenus ou de soutien des prix, qui a directement ou indirectement pour effet soit de maintenir ou d'accroître ses exportations d'un produit, soit de réduire les importations d'un produit sur son territoire ou d'empêcher une augmentation des importations d'un produit, « cet Etat membre fera connaître par écrit à l’OIC la portée et la nature de cette subvention, les effets qu'il en attend sur le volume du ou des produits affectés qu'il importe ou exporte ainsi que les circonstances qui rendent la subvention nécessaire ». Parallèlement, dans tous le cas où un Etat membre estimerait qu'une telle subvention porte ou menace de porter un préjudice sérieux à ses intérêts, des négociations s’ouvriront entre les Etats concernés « pour étudier la possibilité de limiter la subvention. »
En clair, chaque Etat est fondé – et autorisé – à subventionner des secteurs économiques en vue de stabiliser les prix et les revenus des producteurs.

Interdiction du dumping

Le dumping, fiscal ou social, a pour but de « conquérir » des parts de marché en proposant, dans un pays et pour un même produit, des prix plus bas que ceux en vigueur.
L’article 26 de la Charte interdit formellement ce genre de pratique : « aucun Etat membre n'accordera directement ou indirectement de subvention à l'exportation d'un produit quelconque, n'établira ni ne maintiendra d'autre système, lorsque cette subvention ou ce système aurait pour résultat la vente de ce produit à l'exportation à un prix inférieur au prix comparable demandé pour le produit similaire aux acheteurs du marché intérieur ».
Au moins c’est clair ! Si de telles mesures avaient été appliquées nous n’aurions pas assisté à la disparition presque complète de secteurs économiques comme le textile, la chaussure, l’ameublement…

Possibilités de « restrictions quantitatives »

La Charte prévoit déjà la possibilité de « restrictions quantitatives » dans le but d’équilibrer la balance des paiements d’un pays qui en aurait besoin. L’article 20 reprend cette idée, mais pour d’autres raisons que la recherche de l’équilibre de la balance des paiements. Après avoir indiqué qu’il fallait les éliminer, il les définit ainsi : « prohibitions ou restrictions à l'importation d'un produit du territoire d'un autre Etat membre, à l'exportation ou à la vente pour l'exportation d'un produit destiné au territoire d'un autre Etat membre, autres que des droits de douane, des taxes ou autres redevances, que l'application en soit faite au moyen de contingents, de licences d'importation ou d'exportation ou de tout autre procédé ».
Un pays peut avoir recours à des restrictions quantitatives dans les circonstances suivantes :
- pendant la durée nécessaire pour prévenir une « pénurie grave de produits alimentaires ou d'autres produits essentiels pour l'Etat membre exportateur ou pour remédier à cette pénurie » ;
- concernant les produits de l'agriculture ou des pêcheries, « quand elles sont nécessaires à l'application de mesures gouvernementales ayant effectivement pour résultat : de restreindre la quantité du produit national similaire qui peut être mise en vente ou produite ou, s'il n'y a pas de production nationale substantielle du produit similaire, celle d'un produit national de l'agriculture ou des pêcheries auquel le produit importé peut être directement substitué » ;
- de résorber un excédent temporaire du produit national similaire ou, s'il n'y a pas de production nationale substantielle du produit similaire, d'un produit national de l'agriculture ou des pêcheries auquel le produit importé peut être directement substitué, « en mettant cet excédent à la disposition de certains groupes de consommateurs du pays, à titre gratuit, ou à des prix inférieurs au cours du marché » ;
- de restreindre la quantité qui peut être produite de tout produit d'origine animale dont la production dépend directement, en totalité ou pour la majeure partie, du produit importé, « lorsque la production nationale de ce dernier est relativement négligeable ».
En ce qui concerne les restrictions à l'importation, elles sont autorisées si elles frappent « l'importation de produits qui ne peuvent être fournis par la production nationale que pendant une partie de l'année ».
Au total, « tout Etat membre qui se propose d'établir des restrictions à l'importation d'un produit devra, afin d'éviter de porter préjudice sans nécessité aux intérêts des pays exportateurs, en aviser par écrit, aussi longtemps que possible à l'avance, l’OIC et les Etats membres intéressés de façon substantielle à la fourniture de ce produit, avant l'entrée en vigueur des restrictions ».
Autrement dit, les réalités sociales et économiques concrètes peuvent impliquer des séquences de politiques protectionnistes négociées collectivement.

Les produits de base ne sont pas considérés comme des marchandises banales

Pour les militants altermondialistes, les « produits de base » (blé, riz, mil…) ne peuvent être considérés comme des marchandises ordinaires, négociables sur des marchés ordinaires. C’est pourquoi l’article 27 de la Charte de La Havane fait des « produits de base » une catégorie particulière. Il considère qu’un « système destiné à stabiliser soit le prix intérieur d'un produit de base soit la recette brute des producteurs nationaux d'un produit de ce genre, indépendamment des mouvements des prix à l'exportation, qui a parfois pour résultat la vente de ce produit à l'exportation à un prix inférieur au prix comparable demandé pour un produit similaire aux acheteurs du marché intérieur, ne sera pas considéré comme une forme de subvention à l'exportation ».
Il faut également mentionner l’article 28 qui stipule que « tout Etat membre qui accorde, sous une forme quelconque, une subvention ayant directement ou indirectement pour effet de maintenir ou d'accroître ses exportations d'un produit de base, n'administrera pas cette subvention de façon à conserver ou à se procurer une part du commerce mondial de ce produit supérieure à la part équitable qui lui revient. »
Incroyable ! La « conquête » de parts de marché est réprouvée par la Charte de La Havane !
Enfin, conformément aux dispositions de l'article 25, « l'Etat membre qui accorde cette subvention en fera connaître sans retard à l’OIC la portée et la nature, ainsi que les effets qu'il en attend sur le volume de ses exportations du produit et les circonstances qui rendent la subvention nécessaire. L'Etat membre entrera sans retard en consultation avec tout autre Etat membre qui estimera que la subvention porte ou menace de porter un préjudice sérieux à ses intérêts. Si ces consultations n'aboutissent pas à un accord dans un délai raisonnable, l’OIC établira ce qui constitue une part équitable du commerce mondial de ce produit ; l'Etat membre qui accorde la subvention se conformera à cette décision. »
En prenant cette décision « l’OIC tiendra compte de tout facteur qui a pu ou qui peut influer sur le commerce mondial de ce produit ; elle prendra particulièrement en considération les points suivants :
- la part de l'Etat membre dans le commerce mondial du produit en question « pendant une période représentative antérieure » ;
- le fait que la part de l'Etat membre dans le commerce mondial de ce produit est si faible que la subvention n'exercera vraisemblablement qu'une « influence négligeable » sur ce commerce ;
- l'importance que présente le commerce extérieur de ce produit pour l'économie de l'Etat membre qui accorde la subvention et pour celle des Etats membres affectés de façon substantielle par cette subvention ;
- l'intérêt qu'il y a à faciliter l'accroissement progressif de la production destinée à l'exportation dans les régions qui peuvent approvisionner le marché mondial en ce produit de la façon la plus efficace et la plus économique et par conséquent à limiter les subventions et les autres mesures qui rendent cet accroissement difficile.


Finalement, l’actualité de la Charte de La Havane reste intacte. Sortie de l’oubli, son contenu peut alimenter les débats – ou plutôt les lancer – sur ce qui reste probablement le plus étrange tabou qui frappe les économistes comme les responsables politiques. Dans ce débat, la prochaine étape devra porter sur les initiatives devant être prises par les Etats, individuellement et en petits groupes.

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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Alter Egaux » 29 sept. 2008, 13:40

Rahan a écrit :
Alter Egaux a écrit :
Bref, la terre est ronde (et non plate), les ressources finies, le modèle de développement est pourri, l'idéologie dominante absurde, et l'économie des pays riches rentre dans une profonde récession. Oui, le fascisme est à nos portes européennes vu l'élection de ce WE.
Ca fait plusieurs fois que je lis ce genre de choses à propos d'un risque fasciste... N'étant pas spécialiste j'ai du mal à saisir le rapport avec la crise financière.
Pourrais-tu expliquer ton point de vue à ce sujet ? Et qui sont ces potentiels fascistes (en France et à l'étranger) ?
Ce n'est pas le sujet, mais il est communément admis en Europe que les crises économiques des années 20 ont entrainé l'élection ou la prise de pouvoir de régimes fascistes, en Espagne, Au Portugal, en Italie et en Allemagne. La France a été "épargnée" par un sursaut républicain via le Front populaire de 1936, mais pas très longtemps : le régime de Vichy a montré son activisme dans la "solution finale", en anticipant même les demandes de l'occupant nazi.

Et je lis ceci :
L'extrême droite domine les élections autrichiennes de ce WE.

Il me semble indiscutable qu'en période de crise économique et de poussée du chomage, le populisme de certains hommes politiques attirent un peu plus le votant. Quoi qu'en dise Sarkozy, le FN qui est passé au second tour en 2002 n'est pas enterré, et les décus de la politique néolibérale de notre président risque de faire très mal.

Enfin, il faut noter qu'une composante communautariste gauchiste est en train de fusionner avec les idées frontistes, déjà discutée ici.
Et vu la naïveté politique de nos concitoyens, on peut se faire du soucis. La preuve ? Avoir voter pour un slogan "travailler plus pour gagner plus", alors que le président jeunement élu est allé fêter cela au Fouquet's avec les capitaines d'industrie et les mafieux corses.
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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Glycogène » 29 sept. 2008, 13:48

Jean-Luc a écrit :la charte de la Havane et l'écosocialisme, tu veux leur faire avoir une crise cardiaque ou quoi ? :-D
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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par FOWLER » 29 sept. 2008, 13:55

Plus généralement, je dirais qu'en période de crise (appauvrissement généralisé, désorganisation) la population recherche un avenir. Les partis d'extrème droite leur proposent systématiquement des responsables à éradiquer et de l'ordre : ça peut séduire les gens qui aiment pas trop se remettre en cause.
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Tout ça pour dire comment ils ne savent pas pourquoi.
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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Angelus68 » 29 sept. 2008, 14:00

C'est quand même malheureux de voir que la période de crise de 1929 et les horribles conséquences qu'elle a entrainer, comme la Seconde Guerre Mondiale semble juste avoir donner une leçon 50 ans, puis ça reviens.. c'est horrible de voir que en si peux de génération, les événements du passé soit aussi vite oublier.

Il y a bien un dicton qui dit que les erreurs du passé chez l'homme ne servent a rien pour construir l'avenir car il les refaits ?
Dernière modification par Angelus68 le 29 sept. 2008, 14:03, modifié 1 fois.
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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par nemo » 29 sept. 2008, 14:00

Mouais ça commence mal avec cette histoire de plein emploi. Plein emploi pour faire quoi?
Et on ne peut séparer le travail du contexte dans lequel il s'inscrit : je veux dire faire pousser du maïs pour nourrir des hommes, nourrir des animaux ou faire des agrocarburants n'a pas le même impact. On est toujours dans une perspective productionniste. Vive le sous-emplois des marchands d'armes et autre pollueurs.
De plus l'ensemble de ces mesures peut se résumer par éviter la compétition entre les nations. Mais pour parvenir à un effet de ce genre il faudra plus qu'une charte plein de bonnes intentions.
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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par AJH » 29 sept. 2008, 14:36

Le problème est que plein emploi (mais de combien d'heures de travail par an ?) ou non, il est impossible de donner à 7 milliards d'humains un niveau de vie décent ... même en partageant, même sans tenir compte de la raréfraction des ressources naturelles ... on n'est vraiment pas dans la merde !
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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par jml34 » 29 sept. 2008, 15:19

Tres interessant cette charte, ca fait plaisir de voir que des gens s'interessent aux problemes mondiaux, j'aimerais beaucoup voir ce que ca donne en pratique.
Dommage qu'elle sera pas mise en pratique au cours des prochains 10000 ans (au bas mot).
C'est pas ca que nos dirigeants vont faire pour patcher le systeme. Ils vont pondre un truc anti-grosses bulles-grosses faillites, qui tiendra peut-etre 5 ou 10 ans (le temps que la vigilance retombe), et pour le reste ca continuera sur les themes "toujours plus pour Moi" et "exploitons toujours plus les pauvres, dans la vie y'a les loups et les agneaux".
Desole de rester au niveau discussion de comptoir, Alter, mais je vois pas trop ce que la situation actuelle peut changer dans la mentalite dominante...
Pierre : c'est pas qu'elle n'est pas interessante, la Charte, c'est qu'il n'y a pas la force politique (revolutionnaire ?) pour l'imposer

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Re: Vers un nouveau Bretton Woods ? Perspectives...

Message par Pura Vida » 29 sept. 2008, 17:05

Nombreux sont les points très intéresantsdans cette Charte de la Havanne de 1948.

- 1948 - L'après guerre! On ferait bien de s'inspirer de cette élaboration de la Charte de la Havanne parce que les esprits avaient été tellement échaudés par les ravages de la guerre, qu'ils inclinaient vers la sagesse. Or, la sottise développée, et même cultivée, depuis environ 25 ans, et les renoncements intervenus risquent fort de nous conduire de nouveau à la guerre, l'inspiration directement ultra-libérale ayant conduit en aveugles les borgnes que nous ne voulons plus rester.

En lisant (pour moi relisant) ces articles tirés de cette Charte de la Havanne, on a aussi une réponse à Maurice Allais qui préconise une économie de bassins et d'écluses permettant aux pays et regions ayat des niveaux comparables d'échanger avec profit sans en subir les revers ravageurs comme cela se passe depuis au moins 25 ans. Soit, une génération entière et un peu plus! a été imprégnée par les dévergondages économiques et sociaux qui se sont installés et BANALISÉS dans de très nombreux cerveaux. Beaucoup de ces "cerveaux" cherchent, depuis très peu de temps, à se "recycler" dans le "bon sens"... sous la "pression des événements"... N'est-ce pas Monsieur le Président?... qui, par exemple il y a encore un an, prônait, avec d'autres, les prêts hupothécaires!.. Et tant d'autres encore... Il suffisait d'avoir de l' "audience" même si on justifiait les erreurs, tandis que l'on vous balayait d'un revers de la main méprisant sans vous permettre un minimum d'audience quand vous démontriez quels étaient les bons caps à suivre.

Ainsi, puisque l'on envisage d'autres "Bretton Woods", voici ci-dessous une excellente recension, circonstanciée, du Crédit Social, proche parent, ou cousin direct de l'Écosociétalisme, car tous deux, et quelques autres projets comparables, ont le MÊME DÉNOMINATEUR COMMUN: LA JUSTICE
.

* * * * * * * * *
(il est fait, ci-dessous, à la fin du texte, quelques référence au christianisme, ceux qui pensent que ces références seraient déplacées ici peuvent en faire abstraction s'ils le désirent, sans dommage à la compréhension claire du texte)

LA RÉFORME FINANCIÈRE DU CRÉDIT SOCIAL

Tout d'abord, définissons les mots «crédit social» : au lieu d'avoir un argent créé par les banques, à intérêt, un crédit bancaire, on aurait un argent créé sans dette par la société, un crédit social.

La première demande des créditistes, des Bérets Blancs du journal Vers Demain, c'est que le gouvernement souverain de chaque pays reprenne son droit de créer l'argent de la nation. Une fois cela chose faite, il sera possible d'appliquer les deux autres principes du Crédit Social : le dividende mensuel à chaque citoyen, et l'escompte périodique sur les prix, pour empêcher toute inflation.

Pour ceux qui abordent ce sujet pour la première fois, cette demande peut amener quelques questions. Nous citerons ici les plus fréquentes, en y apportant une courte réponse.

— Question : Vous dites que le gouvernement doit créer son argent. Mais ne le fait-il pas déjà, n'y a-t-il pas les billets de la Banque du Canada, pour le Canada, ou ceux de la Banque de France, pour la France ? Idem depuis l'euro par la Banque Centrale européenne ?

— Réponse : Si le gouvernement canadien fédéral créait son argent, comment se fait-il alors qu'il ait une dette de plus de 600 milliards de dollars ? La France au début de 2006, avait une dette publique de plus de 1100 milliards d'euros. La réalité, c'est que la monnaie ne vient en circulation que lorsque les banques font des prêts à intérêts à leurs clients: entreprises, particuliers, institutions publiques, gouvernements, tous, demandent des prêts bancaires. La monnaie fiduciare soit les billlets de banque et pièces de monnaie, ou «argent numéraire» représente moins de 10 pour cent de l'argent du pays ; l'autre sorte d'argent, représentant plus de 90 pour cent, est l'argent de chiffre créé par les banques, qu'on voit sur les chèques, les paiements par cartes bancaires, ou les comptes de banque.

— Question : Pourquoi voulez-vous que le gouvernement crée l'argent ? L'argent actuel des banques n'est-il pas bon ?

— Réponse : Les banques privées émettent l'argent à intérêt, sous forme de dette, ce qui crée des dettes impayables. Par exemple, supposons que la banque vous prête 100 $, à 6 pour cent d'intérêt. La banque crée 100 $, mais vous demande de rembourser 106 $. Vous pouvez rembourser 100 $, mais pas 106 $ : le 6 $ pour l'intérêt n'existe pas, puisque seule la banque a le droit de créer l'argent, et qu'elle n'a créé que 100 $, pas 106 $.

En fait, lorsque la banque vous accorde, un prêt, elle vous demande de rembourser de l'argent qui n'existe pas. Le seul moyen de rembourser 106 $ alors qu'il n'existe que 100 $, c'est d'emprunter aussi ce 6 $ à la banque, et votre problème n'est pas réglé, il n'a fait qu'empirer : vous devez maintenant 106 $ à la banque, à 6 pour cent d'intérêt, soit 112,36 $, et plus les années passent, plus les dettes s'accumulent, il n'y a aucun moyen de s'en sortir.

Certains emprunteurs, pris individuellement, peuvent réussir à rembourser à la banque leur prêt en entier, capital et intérêt, mais tous les emprunteurs, pris dans leur ensemble, ne le peuvent pas. Si certains réussissent à rembourser 106 $ alors qu'ils n'ont reçu que 100 $, c'est qu'ils ont pris le 6 $ qui manque sur l'argent mis en circulation par les emprunts des autres, ce qui rend encore plus difficile pour les autres de rembourser leurs propres emprunts. Pour que certains soient capables de rembourser leurs prêts,cela implique que d'autres ne peuvent remplir leurs engagements et, à terme, fassent faillite. Et ce n'est qu'une question de temps avant que tous les emprunteurs, sans exception, se retrouvent dans l'impossibilité de rembourser le banquier, et cela, quel que soit le taux d'intérêt exigé.

Certains diront que si on ne veut pas s'endetter, on n'a qu'à ne pas emprunter. Mais le fait est que si personne n'empruntait d'argent de la banque, il n'y aurait pas un sou en circulation. Et cet argent emprunté de la banque ne peut pas rester en circulation indéfiniment : il doit retourner à la banque lorsque le prêt vient à échéance… accompagné de l'intérêt, évidemment. Cela signifie que l'on veut simplement conserver la même quantité d'argent en circulation dans le pays, année après année, il faut accumuler des dettes impayables.

— Question : Cet argent émis par le gouvernement serait-il aussi bon que celui des banques ?

— Réponse : Bien sûr que le gouvernement a le droit, puisque c'est lui-même qui a donné ce droit aux banques. Que le gouvernement se refuse un privilège qu'il accorde lui-même aux banques, c'est le comble de l'imbécillité ! C'est d'ailleurs le premier devoir de chaque pays souverain d'émettre sa propre monnaie &emdash; c'est d'ailleurs saint Louis IX, roi de France, qui disait que le premier devoir d'un roi est de frapper l'argent lorsqu'il en manque pour la bonne vie économique de ses sujets ; mais tous les pays aujourd'hui ont injustement cédé ce droit à des compagnies privées, les banques commerciales. Le premier pays à avoir ainsi cédé à des compagnies privées son pouvoir de créer la monnaie fut la Grande-Bretagne, en 1694.

Indication primordiale: ce n'est pas le banquier qui donne à l'argent sa valeur, c'est la production d'un pays, d'un espace économique. Le banquier ne produit absolument rien, il ne fait que créer des chiffres, qui permettent au pays de faire usage de sa propre capacité de production, de sa propre richesse. Sans la production de tous les citoyens du pays, les chiffres du banquier ne valent absolument rien. S'agissant donc de mécanismes bancaires, et les compétences bancaires ne manquent pas, donc, le gouvernement peut très bien faire (voire sous-traiter) ce que fait le banquier, c'est à dire créer lui-même ces chiffres car ces chiffres représentent, de façon monétaire, la production de la société, sans passer par les banques, et sans s'endetter. Alors, pourquoi le gouvernement devrait-il payer de l'intérêt à un système bancaire privé pour l'usage de son propre argent, qu'il pourrait émettre lui-même sans passer par les banques, sans intérêt, sans dette ?

— Question : N'y a-t-il pas danger que le gouvernement abuse de ce pouvoir et émette trop d'argent, et que cela fasse de l'inflation ? N'est-il pas préférable de laisser ce pouvoir aux banquiers, afin de laisser ce pouvoir à l'abri des caprices des politiciens ?

— Réponse : L'argent émis par le gouvernement ne serait pas plus inflationniste que celui émis par les banques : que ce soit 100 $ émis par le gouvernement, ou 100 $ émis par les banques commerciales, ce seraient les mêmes chiffres, basés sur la même production du pays. La seule différence, c'est que le gouvernement n'aurait pas à s'endetter ni à payer de l'intérêt pour obtenir ces chiffres.

Au contraire, la première cause de l'inflation, c'est justement l'argent créé sous forme de dette par les banques : l'inflation, ça veut dire les prix qui augmentent. Or, l'obligation pour les compagnies, les entreprises et gouvernements, etc, qui empruntent est de ramener à la banque plus d'argent qu'il en est sorti oblige justement les entreprises à gonfler leurs prix, et les gouvernements à gonfler leurs taxes.

Chose tout à fait incroyable, le moyen qu'utilisent actuellement les gouverneurs des banques centrales pour combattre l'inflation est précisément ce qui la fait augmenter en pratique, soit hausser les taux d'intérêts ! Comme l'ont dit certains premiers ministres provinciaux au Canada, «c'est comme essayer d'éteindre un feu en l'arrosant d'essence.»

Mais il est bien évident que si le gouvernement fédéral (comme d'autres gouvernements dans le monde) se mettait à créer ou imprimer de l'argent n'importe comment, sans aucune limite, selon les caprices des hommes au pouvoir, et sans relation avec la production existante, on aurait de l'inflation, et l'argent perdrait sa valeur. Mais ce n'est pas du tout cela que les créditistes proposent.


— Comptabilité exacte —

Ce que les créditistes de Vers Demain proposent, lorsqu'ils parlent d'argent fait par le gouvernement, c'est que l'argent soit ramené à son rôle propre, qui est d'être un chiffre qui représente les produits, ce qui en fait est une simple comptabilité. Et puisque l'argent n'est qu'un système de comptabilité, il suffirait d'établir une comptabilité exacte.

Le gouvernement nommerait, par exemple, une commission de comptables, un organisme indépendant appelé «Office National de Crédit», qui serait chargé d'établir une comptabilité exacte : l'argent serait émis au rythme de la production, et retiré de la circulation au rythme de la consommation. On aurait ainsi un équilibre constant entre la capacité de produire et la capacité de payer, entre les prix et le pouvoir d'achat.


— Le dividende —

De plus, parce que les salaires ne suffisent pas pour acheter toute la production existante (Important: les salaires ne forment qu'une partie des coûts de production de n'importe quel article), l'Office National de Crédit distribuerait à chaque citoyen un dividende mensuel, une somme d'argent pour combler le pouvoir d'achat, et pour assurer à chacun une part des biens du pays. Ce dividende serait basé sur les deux plus grands facteurs de la production moderne, l'héritage des richesses naturelles et des inventions des générations passées, tous deux sont des dons gratuits de Dieu, qui appartiennent donc à tous. Ceux qui seraient employés dans la production recevraient encore leur salaire, mais tous, salariés comme non-salariés, recevraient le dividende. Précision: le fait d'émettre la monnaie basée sur la production est, en soi, un système auto-bloquant contre l'inflation, puisque c'est la production, et rien d'autre, qui est le socle, ou l'étalon, de l'émission monétaire.

Tous les membres d'une famille ; le père, la mère, et chacun des enfants recevraient chaque mois leur dividende, ou revenu garanti, qui assurerait au moins le minimum vital. Le revenu familial augmenterait ainsi automatiquement à la naissance d'un nouvel enfant, puisque la famille recevrait un chèque de dividende de plus, ce qui enlèverait un gros obstacle à la création de familles nombreuses. (Les créditistes proposent en plus que le gouvernement fournisse un revenu aux mères de famille qui restent à la maison pour élever leurs enfants, car même si ce travail n'est pas rémunéré actuellement, il représente une grande partie du Produit Intérieur Brut de la nation. Ce revenu aux mères de famille répondrait à la demande du Saint-Siège, qui émettait en 1983 un document intitulé la «Charte des Droits de la Famille», dont l'article 10 se lit comme suit : «Le travail de la mère au foyer doit être reconnu et respecté en raison de sa valeur pour la famille et la société.»)

La formule du dividende serait infiniment préférable que l'aide sociale, l'assurance-chômage et d'autres lois actuelles de sécurité sociale, car il ne serait pas pris dans les taxes à ceux qui travaillent, mais serait financé par de l'argent nouveau, créé par l'Office National de Crédit. Personne ne vivrait alors par les taxes payées par les contribuables ; car c'est un héritage dû à tous les citoyens du pays, qui sont pour ainsi dire tous co-actionnaires de la société, ou compagnie Canada Limitée (ou d'autres pays).

Et contrairement à l'aide sociale, ce dividende serait sans enquête, il ne pénaliserait donc pas ceux qui veulent travailler. Loin d'être une incitation à la paresse, il permettrait aux gens de s'occuper dans l'activité de leur choix, celle où ils ont des talents. D'ailleurs, si les gens arrêtaient de travailler, le dividende baisserait automatiquement, puisqu'il est basé sur la production existante. Sans ce revenu non lié à l'emploi, le progrès devient non plus un allié de l'homme, mais une malédiction, puisqu'en éliminant le besoin de labeur humain, il fait perdre aux travailleurs leur seule source de revenu.


— Financement des travaux publics —

Comment se ferait le financement des services et travaux publics avec un tel système d'argent social ? Chaque fois que la population désirerait un nouveau projet public, le gouvernement ne se demanderait pas : «A-t-on l'argent ?», mais : «A-t-on les matériaux, les travailleurs pour le réaliser ?» Si oui, l'Office National de Crédit créerait automatiquement l'argent nécessaire pour financer cette production nouvelle.

Supposons, par exemple, que la population désire un nouveau pont, dont la construction coûte 50 millions $. l'Office National de Crédit crée donc 50 millions $ sans intérêts pour financer la construction de ce pont. Et puisque tout argent nouveau doit être retiré de la circulation lors de la consommation, ainsi l'argent créé pour la construction du pont devra être retiré de la circulation lors de la "consommation" de ce pont.

De quelle manière un pont peut-il être «consommé» ? Par usure des matériaux ou dépréciation. Supposons que les ingénieurs qui ont construit ce pont prévoient qu'il durera 50 ans ; ce pont perdra donc un cinquantième de sa valeur à chaque année. Puisqu'il a coûté 50 millions $ à construire, il subira donc une dépréciation de 1 million $ par année. C'est donc un million de dollars qui devront être retirés de la circulation chaque année, pendant 50 ans. Au bout de 50 ans, le pont sera complètement payé, sans un sou d'intérêt ni de dette.

Est-ce que ce retrait d'argent se fera par les taxes ? Non, cela n'est nullement nécessaire, dit Douglas, le concepteur du système du Crédit Social. Il existe une autre méthode bien plus simple pour retirer cet argent de la circulation, celle de l'ajustement des prix (appelé aussi escompte compensé). Douglas disait à Londres, le 19 janvier 1938 :

«Le système de taxation, avec sa complexité, son caractère irritant, avec les centaines de personnes qu'il emploie, est un gaspillage complet de temps. Tous les résultats qu'il est supposé fournir pourraient être accomplis sans aucune comptabilité, par le simple mécanisme d'ajustement des prix.»


— L'ajustement des prix —

De quelle manière cet ajustement des prix fonctionnerait-il ? L'Office National de Crédit serait chargé de tenir une comptabilité exacte de l'actif et du passif de la nation, ce qui ne nécessiterait que deux colonnes : d'un côté, on inscrirait tout ce qui est produit dans le pays durant la période en question (l'actif), et de l'autre, tout ce qui est consommé (le passif). Le 1 million $ de dépréciation annuelle du pont, de l'exemple mentionné plus haut, serait donc inscrit dans la colonne «passif» ou «consommation», et ajouté à toutes les autres formes de consommation ou "disparition" de richesse durant l'année.

Douglas fait aussi remarquer que le vrai coût de la production, c'est la consommation. Dans l'exemple du pont, le prix comptable était de 50 millions $. Mais le prix réel du pont, c'est tout ce qu'il a fallu consommer pour le produire. S'il est impossible de déterminer pour un seul produit quel a été son prix réel, on peut, par contre, facilement savoir quel a été, durant une année, le prix réel de toute la production du pays : c'est tout ce qui a été consommé dans le pays durant la même période. Autrement dit, le total des factures payées par l'ensemble des producteurs (entreprises, PME, artisanat, professions libérales, particuliers, etc) durant la période en question) pour produire ce qu'ils ont produit.

Ainsi, si les comptes nationaux du Canada (ou du pays X ou Y) montrent que, dans une année, la production privée, la production de biens consommables, a été de 500 milliards $, et que pendant la même année, la consommation totale a été de 400 milliards $, cela veut dire que le Canada a été capable de produire pour une valeur de $500 milliards de produits et services, tout en ne dépensant, ou consommant, que pour une valeur de 400 milliards $. Autrement dit, cela démontre qu'il en a coûté réellement 400 milliards $ pour produire ce que la comptabilité des prix établit à 500 milliards $.

Le vrai prix de la production est donc de 400 milliards $. La population doit donc pouvoir obtenir le fruit de son travail, la production de 500 milliards $, en payant seulement 400 milliards $. Car il a été bien établi plus tôt que l'argent ne doit être retiré que selon la consommation : s'il s'est consommé pour 400 milliards $ de produits et services, on ne doit retirer de la circulation que 400 milliards $, ni plus ni moins.


— Escompte sur les prix —

Comment faire pour que les consommateurs canadiens puissent obtenir pour 500 milliards de produits et services tout en ne payant que 400 milliards $? C'est très simple, il suffit de baisser le prix de vente de tous les produits et services de 1/5, soit un escompte de 20 % : l'Office National de Crédit décrète donc un escompte de 20 % sur tous les prix de vente pendant le terme suivant. Par exemple, le client n'aura qu'à payer 400 $ pour un article étiqueté 500 $.

Mais s'il ne veut pas faire faillite, le marchand doit quand même récupérer 500 $ pour la vente de cet article, et non pas seulement 400 $, car ce prix de 500 $ inclut tous ses frais. C'est pourquoi on parle d'un escompte «compensé» : dans ce cas-ci, le marchand sera compensé par l'Office National de Crédit, qui lui enverra le 100 $ qui manque.

Pour chacune de ses ventes, le marchand n'aura qu'à présenter ses bordereaux de vente à l'Office National de Crédit, qui lui remboursera l'escompte accordé au client (précision, il y a d'autres procédés techniques, les choix ne manquent pas). Ainsi, personne n'est pénalisé : les consommateurs obtiennent les produits qui, sans cela, resteraient invendus, et les marchands récupèrent tous leurs frais. C'est autrement plus efficace et fécond qu'un service fiscal basé sur les taxes innombrables. L'État (qui est ici la simple extansion de la société) se trouve dans une position comparable au boulanger qui mange son propre pain au lieu de l'acheter bien plus cher chez un confrère.


— Inflation impossible —

Grâce à ce mécanisme de l'escompte sur les prix, toute inflation serait impossible : en effet, l'escompte fait baisser les prix. Et l'inflation, ce sont les prix qui montent. De plus, l'escompte sur les prix est exactement le contraire de la taxe de vente : au lieu de payer les produits plus cher par des taxes, les consommateurs les paient moins cher grâce à cet escompte. Et les commandes afflueraient vers l'industrie et les services, qui s'en plaindrait?. L'on voit bien que: La meilleure manière d'empêcher les prix de monter, c'est de les faire baisser! Ceci ne relève d'aucune utopie.

S'il n'était question dans le Crédit Social que d'imprimer de l'argent et rien d'autre, les craintes de l'inflation seraient justifiées, mais justement, le Crédit Social possède une technique pour faire face à tout danger d'inflation. Il existe trois principes de base dans le Crédit Social : 1. l'argent émis sans dette par le gouvernement, représentant de la société, selon la production, et retiré de la circulation selon la consommation ; 2. le dividende mensuel à tous les citoyens ; 3. l'escompte compensé. Les trois sont nécessaires ; c'est comme un trépied : enlevez un de ces trois principes, et le reste ne tient plus.

Toute cette technique du Crédit Social, telle qu'expliquée très brièvement ci-dessus, n'a qu'un but : financer la production des biens qui répondent aux besoins ; et financer la distribution de ces biens pour qu'ils atteignent les besoins. En examinant la circulation du crédit sous un tel système de Crédit Social, on s'apercevra que l'argent ne s'accumule en aucun temps, qu'il ne fait que suivre le mouvement de la richesse, entrant en circulation au rythme de la production, et prenant la voie du retour vers sa source (l'Office National de Crédit) au rythme de la consommation (lorsque les produits sont achetés chez le marchand). En tout temps, l'argent demeure un reflet exact de la réalité : de l'argent apparaît lorsqu'un nouveau produit apparaît, et cet argent disparaît lorsque le produit disparaît (est consommé).


— Les taxes et le Crédit Social —

Que deviendraient les taxes actuelles avec un tel système de Crédit Social ? Elles diminueraient de façon drastique, et la plupart disparaîtraient tout simplement. Le juste principe à observer, c'est que les gens ne paient que pour ce qu'ils consomment. La consommation de biens publics comme les ponts serait payée par l'ajustement des prix, comme on l'a vu plus haut. Par contre, il serait injuste de faire payer à la population de tout le pays des services qui ne sont offerts que dans une rue ou une municipalité, comme le service d'eau, d'égout ou de vidange ; ce sont ceux qui bénéficient de ces services qui auraient à payer la municipalité qui les fournit.

Par contre, les administrations ne traîneraient plus de dettes publiques impayables, et on n'aurait donc plus à payer pour le service de la dette (pour le gouvernement fédéral seulement, cela représente plus d'un tiers des taxes, et en France c'est 66%, soit 2/3 du PIB français, les intérêts de la dette, rien qu'en France, c'est à présent le deuxième budget de l'État après l'Éducation Nationale, mais AVANT la Défense Nationale!) Les lois de sécurité sociale, seraient avantageusement remplacées en système de Crédit Social.

Tout cela ouvre des horizons et possibilités insoupçonnés. Pour que ces possibilités deviennent réalité, il faut que tous connaissent le Crédit Social. Et pour cela, il faut que tous reçoivent Vers Demain.


— Christianisme appliqué —

Les membres du Mouvement de Vers Demain mettent beaucoup d'ardeur à faire connaître les principes financiers du Crédit Social, car selon eux, ces principes appliqueraient à merveille la doctrine sociale de l'Église catholique, surtout en ce qui concerne le droit de tous aux biens matériels. D'ailleurs, Clifford Hugh Douglas a déjà dit : Les banquiers contrôlent l'argent

L'argent devrait être un instrument de service, mais les banquiers, en s'en réservant le contrôle de la création, en ont fait un instrument de domination :

«Ce pouvoir est surtout considérable chez ceux qui, détenteurs et maîtres absolus de l'argent et du crédit, gouvernent le crédit et le dispensent selon leur bon plaisir. Par là, ils distribuent le sang à l'organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains, si bien que, sans leur consentement, nul ne peut plus respirer.» (Pie XI, encyclique Quadragesimo anno, 15 mai 1931.)

La création d'argent sous forme de dette par les banquiers est leur moyen d'imposer leur volonté sur les individus et de contrôler progressivement le monde :

«Parmi les actes et les attitudes contraires à la volonté de Dieu et au bien du prochain et les «structures» qu'ils introduisent, deux éléments paraissent aujourd'hui les plus caractéristiques : d'une part le désir exclusif du profit et, d'autre part, la soif du pouvoir dans le but d'imposer aux autres sa propre volonté.» (Jean-Paul II, encyclique Sollicitudo rei socialis, sur la question sociale, 30 décembre 1987, n. 37.)

Puisque l'argent est un instrument essentiellement social, la doctrine du Crédit Social propose que l'argent soit émis par la société, et non par des banquiers privés pour leur profit :

«Il y a certaines catégories de biens pour lesquelles on peut soutenir avec raison qu'ils doivent être réservés à la collectivité lorsqu'ils en viennent à conférer une puissance économique telle qu'elle ne peut, sans danger pour le bien public, être laissée entre les mains de personnes privées.» (Pie XI, encyclique Quadragesimo anno.)

On a lu précédemment que l'obligation de remettre au banquier de l'argent qu'il n'a pas créé entraîne des dettes impayables : En 1986, la Commission Pontificale Justice et Paix émettait un document intitulé «Une approche éthique de l'endettement international», qui disait, entre autres :

«Les pays débiteurs, en effet, se trouvent placés dans une sorte de cercle vicieux : ils sont condamnés, pour pouvoir rembourser leurs dettes, à transférer à l'extérieur, dans une mesure toujours plus grande, des ressources qui devraient être disponibles pour leur consommation et leurs investissements internes, donc pour leur développement.

«Le service de la dette ne peut être acquitté au prix d'une asphyxie de l'économie d'un pays et aucun gouvernement ne peut moralement exiger d'un peuple des privations incompatibles avec la dignité des personnes… S'inspirant de l'Évangile, d'autres comportements seraient à envisager, comme consentir des délais, remettre partiellement ou même totalement les dettes… En certains cas, les pays créanciers pourront convertir les prêts en dons.»

Jean-Paul II écrivait aussi dans son encyclique Centesimus annus (1er mai 1991, n. 35) : «Il n'est pas licite de demander et d'exiger un paiement quand cela reviendrait à imposer en fait des choix politiques de nature à pousser à la faim et au désespoir des populations entières. On ne saurait prétendre au paiement des dettes contractées si c'est au prix de sacrifices insupportables. Dans ce cas, il est nécessaire, comme du reste cela est en train d'être partiellement fait, de trouver des modalités d'allégement de report ou même d'extinction de la dette, compatibles avec le droit fondamental des peuples à leur subsistance et à leur progrès.»

Et plus récemment, dans sa lettre apostolique Tertio millenium advente, pour la célébration du jubilé de l'an 2000, le Saint-Père proposait, dans l'esprit des jubilés de l'Ancien Testament, l'effacement total de la dette internationale.


— Tous capitalistes —

Que tous soient réellement «capitalistes» (soient propriétaire d'un capital) et aient accès aux biens de la terre, cela serait rendu possible par le dividende du Crédit Social, qui appliquerait concrètement cet autre principe de base de la doctrine sociale de l'Église : les biens de la terre sont destinés à tous les hommes :

«Dieu a destiné la terre et tout ce qu'elle contient à l'usage de tous les hommes et de tous les peuples, en sorte que les biens de la création doivent équitablement affluer entre les mains de tous, selon les règles de la justice, inséparables de la charité.» (Concile Vatican II, Constitution Gaudium et Spes, n. 69.)

Le dividende du Crédit Social est basé sur deux choses : l'héritage des richesses naturelles et des inventions des générations précédentes :

«L'homme, par son travail, hérite d'un double patrimoine : il hérite d'une part de ce qui est donné à tous les hommes, sous forme de ressources naturelles et, d'autre part, de ce que tous les autres ont déjà élaboré à partir de ces ressources, en réalisant un ensemble d'instruments de travail toujours plus parfaits. Tout en travaillant, l'homme hérite du travail d'autrui.» (Jean-Paul II, encyclique Laborem exercens, sur le travail humain, 15 septembre 1981, n. 12.)


— Progrès et plein emploi sont inconciliables —

En 1850, alors que les manufactures venaient à peine d'apparaître, au tout début de la Révolution industrielle, l'homme accomplissait 20 % du travail, l'animal 50 %, et la machine 30 %. En 1900, l'homme accomplissait seulement 15 % du travail, l'animal 30 %, et la machine 55 %. En 1950, l'homme ne faisait que 6 % du travail, et les machines accomplissaient le reste &emdash; 94 %. Et nous n'avons encore rien vu, puisque nous entrons maintenant dans l'ère de l'ordinateur, l'équivalent d'une troisième révolution industrielle.

L'auteur américain Jeremy Rifkin a écrit récemment un livre intitulé La fin du travail (Editions La Découverte, Paris, 1996), un best-seller qui a été traduit dans neuf langues, dans lequel il explique ce que les créditistes répètent depuis plus de 70 ans : à cause du progrès, les machines remplaceront de plus en plus les travailleurs, et il y aura de moins en moins d'emplois disponibles.

Dans son livre, Rifkin cite une étude suisse selon laquelle «d'ici 30 ans, moins de 2 % de la main-d'œuvre suffira à produire la totalité des biens dont le monde a besoin.» Rifkin affirme que trois travailleurs sur quatre, des commis jusqu'aux chirurgiens, seront éventuellement remplacés par des machines guidées par ordinateur.

Les machines sont-elles une malédiction ou un bienfait pour l'homme ? Si le règlement qui limite la distribution d'un revenu seulement à ceux qui sont employés n'est pas changé, la société se dirige tout droit vers le chaos. Il serait tout simplement absurde et ridicule de taxer 2 % des travailleurs pour faire vivre 98 % de chômeurs ! Il faut absolument une source de revenu non liée à l'emploi &emdash; un dividende.

Mais si on veut persister à tenir tout le monde, hommes et femmes, employés dans la production, même si la production pour satisfaire les besoins de base est déjà toute faite, et cela, avec de moins en moins de labeur humain, alors il faut créer de nouveaux emplois complètement inutiles, et dans le but de justifier ces emplois, créer de nouveaux besoins artificiels, par une avalanche de publicité, pour que les gens achètent des produits dont ils n'ont pas réellement besoin. C'est ce qu'on appelle «la société de consommation», qui, en plus, n'a cure des gaspillages de l'énergie.

De même, on fabriquera des produits dans le but qu'ils durent le moins longtemps possible, dans le but d'en vendre plus, et faire plus d'argent, ce qui entraîne un gaspillage non nécessaire des ressources naturelles, de l'énergie, et la destruction de l'environnement. Aussi, on persistera à maintenir des travaux qui ne nécessitent aucun effort de créativité, qui ne demandent que des efforts mécaniques, qui pourraient facilement être faits uniquement par des machines, des travaux où l'employé n'a aucune chance de développer sa personnalité. Si l'homme n'est pas employé dans un travail salarié, il occupera ses temps libres à faire des activités libres, des activités de son choix. C'est justement dans ses temps libres que l'homme peut vraiment développer sa personnalité, développer les talents que Dieu lui a donnés et les utiliser à bon escient. Celui, ou ceux, qui ont trouvé leur créativité ont le rendement le meilleur, c'est bien connu; on-t-ils l'impression de vraiment "travailer"? De plus, c'est durant leurs temps libres que l'homme et la femme peuvent s'occuper de leurs devoirs familiaux, religieux et sociaux : élever leur famille.

Être libéré de la nécessité de travailler pour produire les biens essentiels à la vie ne signifie aucunement paresse. Cela signifie tout simplement que l'individu est alors en position de choisir l'activité qui l'intéresse. Sous un système de Crédit Social, il y aura une floraison d'activités créatrices. Par exemple, les grandes inventions, les plus grands chefs-d'oeuvre de l'art, ont été accomplis dans des temps libres. Comme le disait C. H. Douglas :

«La majorité des gens préfèrent être employés, mais dans des choses qu'ils aiment plutôt que dans des choses qu'ils n'aiment pas. Les propositions du Crédit Social ne visent aucunement à produire une nation de paresseux… Le Crédit Social permettrait aux gens de s'adonner aux travaux pour lesquels ils sont qualifiés. Un travail que vous faites bien est un travail que vous aimez, et un travail que vous aimez est un travail que vous faites bien.»

— La misère en face de l'abondance —

Dieu a mis sur la terre tout ce qu'il faut pour nourrir tout le monde et les hommes, par leur travail, leur créativité, leurs inventions peuvent y accéder . Mais à cause du manque d'argent, les produits ne peuvent plus joindre les gens qui ont faim : des montagnes de produits s'accumulent en face de millions qui meurent de faim. C'est le paradoxe de la misère en face de l'abondance, qui «représente en quelque sorte un gigantesque développement de la parabole biblique du riche qui festoie et du pauvre Lazare. L'ampleur du phénomène met en cause les structures et les mécanismes financiers, monétaires, productifs et commerciaux qui, appuyés sur des pressions politiques diverses, régissent l'économie mondiale ; ils s'avèrent incapables de résorber les injustices héritées du passé et de faire face aux défis urgents et aux exigences éthiques du présent… Nous sommes ici en face d'un drame dont l'ampleur ne peut laisser personne indifférent.» (Jean-Paul II, encyclique Redemptor hominis, n. 15.)


— Réforme du système financier —

Le Pape Jean-Paul II a maintes fois dénoncé la dictature de l'argent rare, et demandé une réforme des systèmes financiers et économiques, l'établissement d'un système économique au service de l'homme :

«Je tiens encore à aborder une question délicate et douloureuse. Je veux parler du tourment des responsables de plusieurs pays, qui ne savent plus comment faire face à l'angoissant problème de l'endettement… Une réforme structurelle du système financier mondial est sans nul doute une des initiatives les plus urgentes et nécessaires.» (Message à la 6e session de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement, Genève, 26 septembre 1985.)

«Il est nécessaire de dénoncer l'existence de mécanismes économiques, financiers et sociaux qui, bien que menés par la volonté des hommes, fonctionnent souvent d'une manière quasi automatique, rendant plus rigides les situations de richesse des uns et de pauvreté des autres.» (Encyclique Sollicitudo rei socialis, n. 16.)

Un autre qui était convaincu que le Crédit Social est le christianisme appliqué, et qu'il appliquerait à merveille l'enseignement de l'Eglise sur la justice sociale, c'est le Père Peter Coffey, docteur en philosophie et professeur au Collège de Maynooth, en Irlande. Voici ce qu'il écrivait à un jésuite canadien, le Père Richard, en mars 1932 :

«Les difficultés posées par vos questions ne peuvent être résolues que par la réforme du système financier du capitalisme, selon les lignes suggérées par le Major Douglas et l'école créditiste du crédit. C'est le système financier actuel qui est à la racine des maux du capitalisme. L'exactitude de l'analyse faite par Douglas n'a jamais été réfutée, et la réforme qu'il propose, avec sa fameuse formule d'ajustement des prix, est la seule réforme qui aille jusqu'à la racine du mal…»

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Quel soulagement quand on aura ça!

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