[Tribune] Le flou budgétaire du plan hydrogène freine la filière
Usine Nouvelle le 08/05/2019
Le gouvernement français a lancé, en juin 2018, le plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique. Moins d’un an plus tard, l’Ademe a sélectionné onze projets qui ont vont recevoir un soutien pour mettre en œuvre cette vision ambitieuse. Mais selon Jannis Burger, consultant senior énergie chez Colombus Consulting, la filière a besoin de plus de visibilité sur le soutien financier dans le temps.
Le projet de bus articulés hydrogène de la Communauté d’Agglomération de Pau-Pyrénées parmi les 11 labellisés par l'Ademe de l'appel à projets "Écosystèmes de mobilité hydrogène". © mairie de Pau/DR
Depuis le lancement du plan hydrogène il y a près d’un an par Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, la France maintient son cap. En effet, l’Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) vient de finaliser sa sélection pour le premier appel à projets « mobilité hydrogène » (ouvert aux candidatures d’octobre 2018 à janvier 2019). Ainsi, 11 projets ont été sélectionnés, sur 24 projets proposés, pour un potentiel investissement global de 475 millions d’euros selon l’agence.
MOBILITÉ HYDROGÈNE : UN BUDGET SUFFISANT POUR FAIRE LE PLEIN ?
Malgré cet intérêt pour l’hydrogène, le premier appel à projets de l’Ademe a également été accompagné d’une incertitude autour des budgets. Lors du lancement en juin 2018, le gouvernement déclarait que 100 millions d’euros seraient mis à disposition dès 2019 pour le déploiement du Plan Hydrogène, en indiquant même l’intention éventuelle de renouveler ce budget tous les ans. Or, si un budget de 761 millions d’euros a été accordé à l’Ademepour 2019, celui-ci ne comportait que 30 millions d’euros pour un fonds dédié à la qualité de l’air et à la mobilité – un fonds que l’hydrogène devra donc partager avec d’autres sujets.
Ainsi, les résultats du premier appel à projets « mobilité » étaient attendus avec d’autant plus d’impatience, non seulement en termes de budget alloué mais aussi en termes des projets de véhicules à hydrogène lancés. En effet, un rythme soutenu est nécessaire afin d’atteindre l’objectif du Plan Hulot de voir 5000 véhicules utilitaires légers, 200 véhicules lourds roulant à l’hydrogène et 100 stations alimentées en hydrogène local d’ici 2023, puis de multiplier ces chiffres au moins par 4 d’ici 2028. Entre-temps, un nouvel appel à projet, pour l’hydrogène bas carbone dans le secteur industriel, a été lancé fin février. A cette occasion, l’Ademe indiquait également qu’elle disposera pour cela d’un budget maximal de 50 M€ – une certaine surprise positive par rapport à son budget annoncé.
Concernant la mobilité hydrogène, l’Ademe n’a pas indiqué son budget maximal de soutien pour le deuxième appel à projet qui vient d’être lancé. Même lorsqu’elle a annoncé, ce vendredi 3 mai, les 11 projets gagnants du premier appel à projets de la mobilité hydrogène, elle n’a pas précisé quelle sera sa propre participation financière. De surcroît, le deuxième appel à projet pour la mobilité hydrogène restant ouvert du 3 mai au 18 octobre 2019, il remplace de ce fait le planning initialement annoncé (deuxième appel à projet en mai 2019, troisième appel en novembre 2019), sans que les implications financières de ce changement n’aient été précisées. Ainsi, ces différentes incertitudes budgétaires et organisationnelles pourraient représenter un frein pour les acteurs de la mobilité hydrogène.
Il reste donc à savoir si ces appels à projets pourront, malgré les incertitudes au démarrage, ranimer la flamme de l’ambition du plan hydrogène en ce qui concerne la création de toute une filière de la mobilité hydrogène bas carbone en France.
HYDROGÈNE INDUSTRIEL BAS CARBONE : BESOIN D’ACCÉLÉRATION
En plus de cet enjeu de la mobilité, le Plan Hydrogène vise un taux d’hydrogène décarboné de 10% au sein de la consommation industrielle de l’hydrogène d’ici 2023, et entre 20 et 40% d’ici 2028. Cet objectif ambitieux nécessite la construction d’un cadre réglementaire clair et pérenne, pour que les industriels puissent adapter leur approvisionnement, en passant d’une production carbonée de l’hydrogène à des solutions sans émission de CO2. Aussi, ce futur cadre réglementaire français doit s’intégrer avec le système européen de garanties d’origine pour l’hydrogène bas carbone, qui est encore en construction actuellement. En attendant la finalisation de ces encadrements réglementaires, les industriels seront moins incités à investir dans l’hydrogène – une attente qui ne devra pourtant pas se prolonger trop longtemps, afin de doter le secteur de suffisamment de temps pour préparer les décisions d’investissements nécessaires pour atteindre la cible de 10% d’ici 2023.
Ainsi, la France se lance bel et bien sur sa course en faveur de l’hydrogène bas carbone. Toujours est-il que les efforts réglementaires et budgétaires doivent se poursuivre encore davantage et surtout donner une meilleure visibilité aux industriels afin de s’assurer de réaliser les objectifs du Plan Hydrogène français et ainsi de contribuer à la Stratégie Nationale Bas Carbone du gouvernement.
Jannis Burger, consultant senior énergie chez Colombus Consulting