Les débats étant ouverts au public et pas seulement aux militants, je me suis invité à une table ronde autour des questions d’énergie, animé par Yves Cochet. Etaient présents, en autre : Noël Mamère, Dominique Voynet, Yann Wehrling et quelques élus locaux. Bien qu’étant arrivé assez en retard, je dois dire que cela m’a donné un assez bonne aperçu de la façon dont ce parti politique voyait le pic pétrolier.
Dans leur ensemble, les Verts connaissent le problème de la déplétion et son imminence mais ont peur d’annoncer la vérité dans leurs discours publics. Y .Cochet a été excellent, comme à son habitude, mais n’est manifestement pas suivi sur la gravité de la situation. « Nous ne pouvons pas rater notre rendez-vous avec l’Histoire » a-t-il déclaré. Il voulait dire par là qu’après 2007, tout sera joué et qu’il sera trop tard si les écologistes veulent donner une orientation radicale à la société. Tout le débat a tourné autour de la présidentielle parce que le parti a conscience qu’il joue là quitte ou double. Vu l’ampleur qu’aura prise la crise énergétique à ce moment-là, vu l’absence de programme du PS et l’absence de réponse à droite, les principaux leaders des Verts estiment que leur candidat a des chances sérieuses d’être au second tour, voire de l’emporter.
Toujours Cochet : « Cela fait 30 ans que nous annonçons que nous allons dans le mur, que notre modèle de société n’est pas soutenable et maintenant que nos prophéties sont en train de se réaliser, nous risquons de manquer de réalisme, d’être dépassés ». Car lorsqu’il a évoqué le rationnement probablement nécessaire du pétrole et de l’essence d’ici 2007, le mot a fait l’effet d’une douche froide parmi ses collègues. Certain en sont encore à penser qu’il « faut enchanter la vie » pour gagner l’élection, Mamère a estimé qu’il fallait donner de l’espoir et non parler du cimetière, Voynet qu’on ne devait pas oublier les plus défavorisés qui souffrirons de la pénurie d’énergie. Un autre a parlé du développement nécessaire de l’hydrogène pour remplacer le pétrole, faisant par là la preuve que le « mythe H2 » est également très fort chez dans leurs rangs.
Cochet a alors repris la parole, très agacé : « On va se faire griller ! ». Il a tendu un papier à l’auditoire : « Regardez attentivement ce rapport, c’est celui de l’AIE ( agence internationale de l’énergie ), il préconise la limitation de la vitesse sur autoroute à 100 km/h. Pas 115, vous entendez, 100 km/h ! ». Il prend un autre document : « le gouvernement de Tony Blair est en train de préparer une loi sur le rationnement, on va se faire dépasser je vous dis, ridiculisé si on ne prend pas les devants ». Le sujet a été abordé notamment dans la lettre de l’ASPO du mois d’août.
Noël Mamère a parlé un moment de la décroissance soutenable sans vraiment paraître enthousiaste. Plus tard, il a même parlé de croissance conviviale sans exactement la définir. Il a semblé d’accord avec Cochet sur la dérive vers des états autoritaires en cas de crise énergétique aigûe. Son voisin a enchaîné sur la nouvelle société qui s’annonce, basée sur la sobriété mais aussi sur des valeurs relationnelles plus fortes, que c’est le message d’espoir qu’il faut faire passer.
Visiblement, Cochet était très isolé et se voyait souvent reprocher son radicalisme, sa vision trop sombre de l’avenir. Il a fréquemment été coupé parce qu’il dépassait son temps de parole. Il a conclut nerveusement : « Mais Il EST TROP TARD. Quand quant bien même on vaudrait y changer quelque-chose, on ne pourrait pas l’empêcher. Jamais on a connu ça dans l’Histoire, c’est un changement de monde, je vous parle de la fin du capitalisme bon sang ! ».
J’avais envie de faire une intervention, mais étant arrivé en retard, il ne restait plus de temps pour des questions supplémentaires.
Après la conférence de presse, j’ai demandé un entretien privé avec Cochet par l’intermédiaire d’une connaissance des Verts. Je lui ai parlé du site Oleocene. Il m’a dit qu’il connaissait bien et appréciait beaucoup qu’il y ait une traduction de la lettre de l’ASPO, ainsi que la reprise de ses propres articles. Je lui ai alors dit que les Verts avait tout intérêt à dire la vérité aux gens parce que la société civile commençait a être au courant du problème, qu’il y avait de plus en plus de personnes qui faisaient des sites, des conférences ou écrivaient des articles. J’ai fait largement notre promo en parlant du forum et du haut niveau intellectuel de certains posts et propositions. J’avais envie de lui parler du sociétalisme ( clin d’œil à AJH s’il me lit

Je me suis ensuite retrouvé à déjeuner à la même table que Cochet, Mamère et Wehrling. Comme j’étais en face de Mamère, très occupé par une interview téléphonique, j’ai surtout échangé avec des élus régionaux. J’ai pu constaté combien Cochet avait raison. Mon discours sur l’idée d’un marché des quotas de carburants ( calquée sur le protocole de Kyoto ) qui diminuerait pour compenser la déplétion en a étonné plus d’un. Personne n’y avait pensé …
Un conseil ; si vous vous sentez l’envie de vous engagez en politique, c’est le moment ou jamais. Avec ce que vous savez du pic, vous serez très écouté ! En plus, les Verts semblent manquer désespérément de bras face à l’ampleur de la tâche.
La conclusion que je tire de tout cela est qu’il y a encore du travail d’explication à faire chez les Verts. Cochet semble quelqu’un d’abordable, c’est l’inverse du politicien arriviste. Une élue m’a expliqué qu’il a longtemps rechigné à se mettre en avant, que c’est plus un scientifique que quelqu’un qui a envie de faire une carrière politique ascendante. C’est parce qu’il n’y a personne d’autre de plus compétent que lui qu’il a décidé ‘d’aller au charbon’. Je pense qu’il ne se défilera pas si on lui demande d’être candidat en 2007 et honnêtement, j’espère que sera lui. Avec José Bové, il est le seul politique compétent capable d’appréhender la crise dans son ensemble et de proposer une transition sans trop de casse…