La Russie

Impact de la déplétion sur la géopolitique présente, passée et à venir.

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lionstone
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Message par lionstone » 31 déc. 2005, 10:22

les Etats-Unis exigent beaucoup de leurs "alliés", mais ne renvoient jamais l'ascenseur, les ukrainiens vont goûter à la "désillusion orange".
Cela sonne de plus en plus comme une évidence. Combien de temps encore avant que les yeux du monde s’ouvrent sur l’ogre américain?
C’est curieux comme une ressource comme le gaz, beaucoup plus abondante que le pétrole, devient soudain une ressource stratégique.
Il y a 6 mois j’en aurais ri, aujourd’hui je ne m’étonne plus de rien. Je me demande où on va et à quelle vitesse.
Il faut maintenant que l'Ukraine assume ses choix...
La dictature des marchés après celle des soviets…….
La Russie estime que le contrat à long terme qui la lie à l'Ukraine revient à subventionner celle-ci en lui livrant du gaz à des prix très inférieurs à ceux du marché mondial. L'Ukraine rétorque que la nouvelle tarification qu'entend lui imposer Gazprom dépasse ses moyens et propose un prix de 70 à 80 dollars pour 1.000 m3.
La Russie assure environ 25% des besoins en gaz de l'Europe occidentale et la quasi-totalité du gaz qu'elle lui livre transite par l'Ukraine. Les chiffres varient toutefois considérablement selon les pays. En 2003, l'Allemagne a acheté 39% de son gaz à la Russie. Mais la proportion était de 65% pour l'Autriche, 68% pour la Hongrie, 65% pour la Pologne et 79% pour la République tchèque.
Ce conflit illustre les tensions sous-jacentes entre Moscou et Kiev, nées de la "révolution orange" ukrainienne de novembre 2004, qui a porté au pouvoir Iouchtchenko en écartant le candidat soutenu par le Kremlin.
Lors d'un entretien télévisé, Iouchtchenko a dit espérer que ses bonnes relations avec Poutine permettraient de parvenir à un compromis.
"Je ne veux tout simplement pas croire que cela résulte de pressions de la part de la Russie. Cela revient clairement à nous humilier en tant que partenaire des négociations", a-t-il ajouté.
"INACCEPTABLE", DIT IOUCHTCHENKO
Iouchtchenko a fait le lien entre le dossier du gaz et la campagne pour les élections législatives ukrainiennes de mars prochain. Mais il a aussi souligné le fait que la Russie modulait ses tarifs gaziers à la tête du client, faisant payer 120 dollars aux pays baltes et 110 dollars aux ex-républiques soviétiques du Caucase alors qu'elle ne facture que 47 dollars à la Biélorussie, pro-russe.
"Un prix de 230 dollars est inacceptable, non pas parce qu'il est élevé mais parce qu'il n'a aucune justification économique", a-t-il dit.
Dernière modification par lionstone le 31 déc. 2005, 11:16, modifié 2 fois.
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Message par GOLD » 31 déc. 2005, 10:34

mehdiclean a écrit :La Russie a parfaitement raison !
les anciens pays de l'est se jettent dans les bras des américains, qui se précipitent pour créer de nouvelles bases et encercler toujours plus la Russie, et il faudrait en plus qu'elle regarde ça, sans rien faire... ??
Faudrait plutot que les americains encerclent, voire envaillissent totalement le s puits de petroles du moyens orient, tant de petroles au mains des perses et des arabes , quel horreur :shock:
Il faut maintenant que l'Ukraine assume ses choix... :-D
On fait l'ukraine assume ces choix du passé. Le gaz etait gratuit a l'epoque sovietique, d'ou surconsommation. Maintenant les batiments n'ont pas changé contrairement à l'histoire et le cours du gaz.

L'ukraine paie son gaz à 1/5eme du cours mondial, americains ou pas, il faut bien que l'ukraine paye son gaz comme tout le monde.
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Message par GOLD » 31 déc. 2005, 10:43

lionstone a écrit :
les Etats-Unis exigent beaucoup de leurs "alliés", mais ne renvoient jamais l'ascenseur, les ukrainiens vont goûter à la "désillusion orange".
Cela sone de plus en plus comme une évidence. Combien de temps encore avant que les yeux du monde s’ouvre sur l’ogre américain ?
C’est curieux comme une ressource comme le gaz, beaucoup plus abondante que le pétrole, devient soudain une ressource stratégique.
Il y a 6 mois j’en aurais ri, aujourd’hui je ne m’étonne plus de rien. Je me demande où on va et à quelle vitesse.
Il faut maintenant que l'Ukraine assume ses choix...
La dictature des marchés après celle des soviets…….
Le marché s'adapte aux circonstances, le gaz suit le cours du petrole avec retard, je vois pas où est la dictature du marché

Ce forum dit qu'il faut assumer un petrole (ou autres energie) cher, et nombreux sont ceux qui versent une larme rouge sur l'augmentation du tarif :-({|=
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Message par MadMax » 31 déc. 2005, 21:33

Vladimir Poutine accepte de geler le prix du gaz naturel pour l'Ukraine pendant 3 mois

Le président russe Vladimir Poutine a ordonné samedi au géant gazier Gazprom de fournir l'Ukraine en gaz naturel au prix actuel pendant les 3 premiers mois de 2006, si Kiev accepte immédiatement la hausse du prix demandé après cette période.

M. Poutine a souligné, dans une intervention télévisée, que Gazprom devrait alimenter l'Ukraine en gaz naturel au prix actuel si Kiev signe un accord samedi acceptant une hausse des prix à partir du deuxième trimestre. "S'il n'y a pas de réponse claire, nous considérerons que notre proposition a été rejetée", a-t-il affirmé.

"Tous les problèmes peuvent être résolus par une approche de marché, et, par conséquent, par un prix que l'Ukraine peut se permettre", a déclaré un peu plus tard sur TV5 le président ukrainien Viktor Iouchtchenko, sans fournir plus de précisions.

Le cabinet du président ukrainien a précisé que dans un entretien téléphonique avec M. Poutine plus tôt dans la journée, M. Iouchtchenko avait souligné qu'il était "extrêmement important que les parties s'abstiennent de pressions politiques ou économiques". "Je crois que nous parviendrons à un compromis", a-t-il déclaré.

Valentin Mondrïevski, un porte-parole du gouvernement ukrainien, est également resté vague, affirmant que des pourparlers étaient en cours avec Gazprom. "Les 2 parties devront négocier les prix exacts", a-t-il dit, selon les agences de presse Interfax et ITAR-Tass.

Gazprom, qui fournit un tiers du gaz naturel livré à l'Ukraine, menace de cesser ses exportations vers ce pays le 1er janvier si Kiev n'accepte pas de payer 230 dollars (195 euros) les 1.000 mètres cube de gaz, soit plus de 4 fois le prix actuel, qui est de 50 dollars (42 euros). AP
Les puissants se sont passé le mot pour faire de mars "le mois de tous les dangers". :?

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Message par energy_isere » 01 janv. 2006, 12:03

MadMax, revirement pendant la nuit :

http://www.boursorama.com/international ... ws=3157575
Gaz: l'Ukraine rejette la proposition de la Russie, selon Gazprom

Confusion autour du prix du gaz entre la Russie et l'Ukraine. Quelques heures après l'annonce d'un accord côté ukrainien, le géant gazier russe Gazprom a annoncé tôt dimanche matin que Kiev avait rejeté la dernière proposition de Moscou, ouvrant ainsi la voie à un arrêt de l'approvisionnement en gaz de l'Ukraine dès dimanche.

"Il y a 40 minutes, nous avons reçu une réponse officielle du côté ukrainien", a déclaré tôt dimanche matin le porte-parole de Gazprom, Sergei Kupriyanov, précisant que sa société avait envoyé à son équivalent ukrainien un contrat signé reprenant la proposition de Vladimir Poutine. La réponse était: "Nous ne pouvons pas signer, c'est tout", a-t-il ajouté.

Samedi, le président russe Vladimir Poutine avait ordonné à Gazprom de fournir l'Ukraine en gaz naturel au prix actuel pendant les trois premiers mois de 2006, si Kiev acceptait immédiatement la hausse du prix demandé après cette période. Il avait souligné que sa proposition n'était valable que jusqu'à samedi minuit et que l'approvisionnement serait ensuite coupé.

Engagé dans un bras de fer avec Gazprom, Kiev rejette les nouveaux tarifs du géant gazier russe, qui fournit un tiers du gaz naturel livré à l'Ukraine et qui exige que Kiev paie en 2006 230 dollars (195 euros) les 1.000 mètres cube de gaz, soit plus de quatre fois le prix actuel, qui est de 50 dollars (42 euros).

Le président ukrainien Viktor Iouchtchenko a affirmé vendredi soir qu'il n'accepterait pas de payer plus de 80 dollars (68 euros) les mille mètres cube de gaz.

Cette annonce de Gazprom suit une journée de samedi marquée par une certaine confusion née de versions contradictoires. Samedi soir, la chaîne de télévision ukrainienne TV5 a relayé un communiqué de Naftogaz, la compagnie gazière ukrainienne, affirmant que "les directions de Naftogaz et de Gazprom s'étaient entendues par téléphone pour laisser inchangés les prix du gaz pour le premier trimestre 2006". AP

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Sylvain
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Message par Sylvain » 01 janv. 2006, 12:24

Les menaces russes ont été mises en application. C'est la première utilisation de l'arme énergétique par la Russie.
Étant donnée l'importance de l'événement, je vous invite à poursuivre sur le fil spécifique ouvert par Schlumpf : MOSCOU COUPE LE GAZ À L'UKRAINE 1/1/2006
Merci ;)

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Message par MadMax » 01 janv. 2006, 16:40

A la tête du G 8, Moscou rêve de grandeur

Le sommet des 8 se déroulera l'été prochain à Saint-Pétersbourg sous la présidence de Vladimir Poutine

Irina de Chikoff
[31 décembre 2005]


JUSQU'AU DERNIER coup de minuit, ils se seront fait peur. Les Russes ne peuvent s'en empêcher. A la fois par superstition et goût du drame. Parce qu'ils savent aussi que la perspective de voir Moscou prendre, le 1er janvier, la présidence du G 8 pour toute l'année 2006 fait grimacer en Occident. On y parle déjà de «parodie», voire de «sinistre farce». Depuis des semaines, quelques Cassandres prévoyaient le pire. Le conflit qui oppose Moscou à Kiev sur les tarifs du gaz russe ne survient pas au moment le plus opportun. La démission, pas plus tard que mardi, du dernier des Mohicans libéraux, Andreï Illarionov, de son poste de conseiller économique du Kremlin a également donné le frisson aux prophètes du malheur. Et si, au dernier moment, un troisième incident de parcours allait briser le rêve ?


Au Kremlin, le chef de l'Etat n'est pas inquiet. Vladimir Poutine s'apprête même à savourer sa victoire. Il sait qu'il est trop tard pour changer de cap. Ni l'Ukraine, ni aucun trublion ne peuvent plus nuire à la Russie. Nul ne parviendra à lui ôter le plaisir de jouer à l'Amphitryon en organisant au mois de juin prochain le sommet des 8 pays les plus développés de la planète. La réunion aura lieu à Saint-Pétersbourg dans le Palais Constantin de Strelna.


Seul obstacle au bonheur absolu, la Russie n'est toujours pas intégrée aux réunions des ministres des Finances et des dirigeants des banques centrales. Pour tout ce qui concerne les affaires économiques globales, la politique monétaire et le commerce mondial, le club reste un G 7. La Russie n'y est conviée que comme observateur. Ce qui enrage le Kremlin. «VVP», comme on surnomme Poutine, compte profiter de sa présidence pour renverser cet ultime obstacle en se faisant reconnaître comme le «centre énergétique du monde».

Confirmer son rôle de puissance mondiale


Après l'effondrement de l'URSS, la Russie a eu le droit au début à un strapontin aux côtés de l'élite mondiale du G 7, mais, en 1994 à Naples, Boris Eltsine s'est installé dans un fauteuil, et en 1998 le G 8 a été entériné. Le groupe, informel, sans secrétariat et sans règlement sinon tacite, est présidé à tour de rôle par un de ses membres. La Russie succède à la Grande-Bretagne, car Gerhard Schröder, tandis qu'il était encore chancelier, avait cédé sa place à Vladimir Poutine. L'essentiel de la présidence consiste à organiser le sommet annuel du club et ses réunions ministérielles en définissant des priorités.


Celles du chef de l'Etat russe sont centrées sur la «sécurité énergétique», mais il compte aussi mettre en avant la politique migratoire, la lutte contre le terrorisme, l'aide aux pays pauvres et plus particulièrement aux Etats d'Asie centrale qui faisaient partie de l'Union soviétique. Mais, par-delà les sujets qui seront débattus entre «grands», ce qui importe le plus à la Russie, c'est de confirmer son statut de puissance mondiale et de retrouver le rôle international qu'elle estime être le sien. Qu'elle n'aurait jamais dû perdre.


Les critiques sur le manque de démocratie, la guerre en Tchétchénie, la «verticale du pouvoir», la centralisation, l'absence de liberté de la presse, la nouvelle loi sur les ONG ? Broutilles ! Président du Comité parlementaire en charge des affaires étrangères, Constantin Kossatchev balaye d'un geste hautain tous les reproches. Ils sont, selon lui, le fait de «politiciens isolés, marginaux». Et n'ont aucune influence sur les chefs des Etats membres du G 8 ou leur gouvernement. Aux Etats-Unis, un lobby a bien essayé de mettre des bâtons dans les roues de la «telega» (1) russe. En vain. On ne rejette pas un pays qui fournit la moitié du gaz et un tiers du pétrole consommés par l'Union européenne.


Dans la nuit de samedi à dimanche, lorsque sonneront les 12 coups de minuit, pour le Kremlin, c'est «l'heure de la Russie» qui va résonner. Le temps de sa gloire.

(1) La telega est une charrette russe à quatre roues.

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Message par MadMax » 02 janv. 2006, 17:18

L'Express du 28/06/2004
Hélène Blanc



«Les mafias russes menacent l'Europe»

propos recueillis par Sylvaine Pasquier

Il y a des signes qui ne trompent pas, mais que certains de nos experts refusent de voir, trop occupés qu'ils sont à encenser Vladimir Poutine. Politologue et criminologue au CNRS, Hélène Blanc lance un cri d'alarme: des ex-Soviétiques douteux, Russes en tête, ont entrepris d'infiltrer les économies et les milieux politiques des Etats de l'Union européenne, dont la France. Qui sont-ils, quels intérêts occultes représentent-ils? Directrice de la revue Transitions et Sociétés, elle travaille depuis 20 ans avec la politologue russe Renata Lesnik sur l'URSS et la Russie réelles, où mafias, oligarques, pouvoir et services secrets s'entremêlent. Avec KGB Connexion (Hors commerce), elle déroule le fil rouge qui relie entre eux les bouleversements décisifs du dernier quart de siècle - lesquels n'ont rien de fortuit. Ils ont été au contraire conçus et mis en œuvre. A présent, face à cette Russie, l'Europe est en première ligne

Vous avez récemment fait une révélation stupéfiante: des affairistes russes ont proposé à un candidat à la présidentielle de 2002 - François Bayrou - de financer sa campagne. Y aurait-il une tentative d'infiltration des milieux politiques français?

Le jour où François Bayrou m'a raconté cette tentative, j'étais précisément en train d'alerter l'un de nos parlementaires sur les agissements de ces affairistes russes qui cherchent à corrompre nos élites politiques et intellectuelles, à investir les médias et la fonction publique. Pourquoi le président de l'UDF serait-il le seul à avoir été approché? Bien sûr, il a refusé l'offre, ce qui est tout à son honneur. «Cela m'a alerté, a-t-il précisé, sur certaines influences qui pourraient exister sans que nul ne s'en rende compte», a-t-il reconnu. Si d'autres ont accepté, ils ne vont pas s'en vanter. Mieux vaut ne pas compter sur la réglementation relative au financement des partis et des campagnes. Si les dépenses des candidats sont en effet épluchées, il est rare, et François Bayrou l'admet lui-même, qu'il y ait un contrôle sur l'origine des fonds reçus. De surcroît, ces généreux donateurs ne sont pas stupides: l'argent sera transféré, via une banque européenne, non pas de Moscou mais de Monaco, du Luxembourg, d'Autriche, voire de Malte ou encore de Chypre, où sont enregistrées 4 000 sociétés russes...

L'argent russe pénètre le tissu économique français, grâce à des acquisitions d'entreprises

Est-ce un phénomène récent?

Auparavant, la France était plutôt l'une de leurs bases de repli, un lieu de villégiature où l'on peut s'offrir des bijoux coûteux, des vêtements de grands couturiers, des hôtels particuliers à Paris ou ailleurs. Vers 1999-2000, 600 luxueuses propriétés de la Côte d'Azur étaient déjà achetées par des Russes fortunés ou des ex-Soviétiques. Les acquéreurs étaient d'abord des amis de Boris Eltsine; ensuite, des proches de Vladimir Poutine. C'est la seule différence notable. Ainsi le banquier et sénateur Sergueï Pougachev, 41 ans, probablement l'un des financiers de campagne du chef de l'Etat russe, s'est offert pour environ 8 millions d'euros un château, deux villas et un chalet dans l'arrière-pays niçois. Depuis quelque temps, la situation a changé. Les opérations de mécénat - financement du Festival d'Avignon ou du film russe au Festival de Cannes - leur permettent de prendre pied dans les milieux culturels. L'argent russe pénètre aussi le tissu économique français, grâce à des prises de participation ou à des acquisitions d'entreprises. Pour la seule année 1997, les Douanes recensaient 400 PME-PMI «captives» en Ile-de-France. A la tête, pendant 10 ans, de la section financière du parquet de Paris, la magistrate Anne-José Fulgéras constatait, à la fin des années 1990, que 50% des affaires qu'elle avait à instruire impliquaient des capitaux russes douteux. Selon les Renseignements généraux, en 1994, plus de 10 milliards de dollars de provenance russe ont été investis en France. En 1998, on passe à 40 milliards de dollars. Combien aujourd'hui? Et il ne s'agit là que des transferts légaux détectés par la Banque de France. Mais quel est le montant des capitaux clandestins introduits à des fins de blanchiment?

La France est-elle une cible privilégiée?

L'Union européenne dans son ensemble est concernée. Des «contrats», autrement dit des meurtres commandités, tel celui du 13 février 2004 à Neuilly - des tueurs ont abattu un Russe de deux balles dans la tête - ont également eu lieu sur le territoire de tous les Etats membres. Le rapport 2001 d'Interpol estime que, après le terrorisme, l'infiltration par des affairistes douteux venus du froid, ex-soviétiques et surtout russes, est le second fléau qui menace l'Union. Un danger largement occulté. Ces individus fragilisent nos démocraties. Leur force repose en grande partie sur notre faiblesse et notre aveuglement. Je suis convaincue qu'en plus du pouvoir économique et financier ils veulent également, ici, le même pouvoir politique qu'ils détiennent déjà en Russie. De source bien informée, je sais que des élus ont été approchés dans d'autres pays d'Europe.

Des fonds russes ont déjà financé la campagne de Rolandas Paksas, ex-président de Lituanie destitué en avril dernier…

Précisément. Les ex-pays communistes désormais membres de l'Union ont une expérience qui peut nous apporter beaucoup en la matière. Bien involontairement, certains sont utilisés par la criminalité soviéto-russe pour investir l'Union européenne.

A qui a-t-on affaire exactement?

Difficile de dire avec certitude s'il s'agit de parrains, d'oligarques, d'agents sous couvertures diverses, ou d'éléments «guébo-mafieux», c'est-à-dire liés à la fois aux réseaux criminels et aux services secrets. Depuis que Vladimir Poutine s'est s'installé au Kremlin, le FSB (ex-KGB) revient en force, et il contrôle les rouages du pouvoir et de l'Etat. Ce qui n'empêche pas certains spécialistes français de nous présenter la Russie comme une grande démocratie!

Existe-t-il une continuité entre l'ex-URSS et la Russie de Poutine?

Pour la saisir, il faut revenir en arrière. Jusqu'au début des années 1980, les choses étaient à peu près claires: le Parti communiste de l'Union soviétique (PCUS) dirigeait l'URSS, parti-Etat ou Etat-parti, dont le KGB était le bras armé, instrument de répression, de renseignement, d'espionnage. En novembre 1982, Youri Andropov, patron du KGB depuis quinze ans et membre du Politburo, prend la succession de Leonid Brejnev. Cet événement aura une portée considérable, car il officialise la victoire du KGB sur le Parti communiste, auquel il arrache le pouvoir. Parce que le nouveau chef de l'URSS porte des jeans, les Occidentaux s'empressent de voir en lui un «libéral» - alors qu'Andropov avait pris une part active à l'écrasement de l'insurrection hongroise en 1956 et du Printemps de Prague en 1968. Menant une répression impitoyable contre les dissidents, c'est lui qui a inventé de les «traiter» en asile psychiatrique. Au reste, il a fait du KGB le premier service d'espionnage au monde. Sans nul doute l'un des hommes les mieux informés d'URSS, Andropov sera assez lucide pour établir le constat officiel de la faillite du «soviétisme». Et reconnaître l'ampleur de la corruption. Gangrené à tous les niveaux, le Parti était devenu une véritable mafia. Sans illusions sur l'état réel de l'industrie et de l'agriculture, Andropov savait qu'il n'était plus possible de continuer ainsi. Il fallait un changement radical. C'est ainsi qu'il a jeté les bases de la perestroïka, dont l'Occident attribuera à tort la paternité à Gorbatchev.

Autrement dit, la perestroïka a été conçue au sein même du KGB!

Exactement. Andropov va placer ses fidèles au Politburo, à commencer par Mikhaïl Gorbatchev, son disciple, qui se chargera plus tard de vendre, avec le succès que l'on sait, la perestroïka à l'Ouest. Les événements majeurs qui vont se succéder jusqu'à l'avènement officiel de l'ex-KGB à la tête de la Russie (en la personne de Vladimir Poutine) ont été soigneusement programmés. Tous portent en filigrane la signature du KGB. En suivant ce fil rouge, on pénètre au cœur même de l'histoire interne soviéto-russe, sans rapport avec la version officielle, façonnée à l'usage des Occidentaux. Malgré des dérapages, cette opération a été une brillante réussite.

Pourquoi les tentatives de putsch?

La première, en 1991, a été organisée pour remettre sur les rails une perestroïka qui s'emballait. La seconde, en 1993, a servi de coup d'arrêt. Entre-temps, on s'est débarrassé de Gorbatchev, devenu encombrant. Pour rassurer à l'intérieur comme à l'extérieur, on a dissous le PCUS, le KGB - qui renaîtra, restructuré, sous d'autres noms. Ainsi Eltsine a-t-il obtenu un afflux de crédits internationaux, plus considérable encore que Gorbatchev. L'erreur des Occidentaux a été de ne pas contrôler l'utilisation de ces fonds. Mais je n'exclus pas que d'aucuns aient délibérément choisi de neutraliser la Russie par le chaos et la corruption. A la fin des années Eltsine ce pays n'était plus qu'une sorte de république bananière, isolée sur la scène internationale et criminalisée jusqu'au plus haut niveau de l'Etat.

Avec quelles conséquences?

Dans la faillite généralisée, l'ex-KGB restait la seule armature indéfectible du système encore en place. Sous Eltsine, le crime organisé soviéto-russe, cantonné auparavant à l'intérieur des frontières, s'est lancé à la conquête du monde. Désormais, il est présent dans au moins 40 pays - données officielles du sommet anticriminalité de Sofia, en 1998. Le Canada, qui se croyait indemne, a saisi sur son territoire en 1999 une énorme cargaison d'alcool frelaté, acheminée par des mafieux russes. Deux familles ont fait fortune à une vitesse record dans ce monde chaotique: les parrains d'une part, en toute illégalité; les oligarques d'autre part, à la limite de la légalité. Les uns et les autres ont eu la brillante idée d'arroser le pouvoir politique pour acheter la protection de l'Etat. Marginal à l'origine, le crime organisé s'est peu à peu institutionnalisé. Il y a trente ans, ce n'était que des bandes locales, de petites mafias. Aujourd'hui, formés pour la plupart dans les meilleures universités d'Europe ou des Etats-Unis, ses chefs sont de grands patrons qui dirigent de véritables lobbys criminels. Ils emploient des juristes de haut niveau, des scientifiques, des informaticiens de pointe. Ce sont eux, et non pas les Américains, qui ont inventé le piratage informatique. Il en a coûté 20 milliards de dollars à American Express dans les années 1990.

Quelle différence y a-t-il entre parrains et oligarques?

Les mafias ont émergé sous Khrouchtchev, durant la petite décennie de libéralisation qui a permis au milieu criminel de s'émanciper. Mais, sans conteste, elles ont connu leur apogée sous Gorbatchev, au point que l'un des grands parrains de Moscou suggéra en 1991 de lui édifier une «statue en or massif grandeur nature». Sanguinaires, prompts à «éliminer» tout obstacle gênant, travaillant avec de l'argent sale, les parrains sont la première génération de l' «Homo mafiosicus». Apparus à la faveur des privatisations truquées de 1993-1994, les oligarques forment la seconde. Sponsorisés au départ par l'ex-PCUS, ils travaillent avec de l'argent déjà blanchi, se soucient d'honorabilité, entretiennent des œuvres sociales, mais, en dépit des apparences, ils ont utilisé pratiquement les mêmes méthodes que les parrains. Des ponts ont pu exister entre les deux mondes. Les oligarques sont en nombre restreint. On connaît leur nom, leur carrière, leurs relations. A l'inverse, les parrains se comptent par milliers. Le plus souvent, on ignore leur identité. Ceux qu'ils emploient ne savent pas qui est le chef suprême. Les mafias sont des structures pyramidales dont le sommet se protège. En 1995, selon les estimations, elles contrôlaient entre 50 et 80% de l'économie et des ressources naturelles de la Russie.

Poutine s'appuie sur les services secrets, qui veulent maintenant leur part du gâteau, le pouvoir et l'argent

Que reste-t-il aux oligarques?

Le magazine Forbes a recensé, il y a peu, les plus grandes fortunes de Russie en 2004 - 36 milliardaires, dont les avoirs additionnés représentent 24% du PIB russe! Entre les parrains et les oligarques, vous voyez ce qui reste à l'économie officielle. Selon des études récentes, la Russie détient la palme mondiale de la corruption.

Peut-on dire, comme d'aucuns le prétendent, que Poutine combat ce phénomène?

Plutôt que la Russie et le peuple russe, il défend des intérêts corporatistes. Issu de l'ex-KGB, ancien patron du FSB, Poutine s'appuie sur les hommes, les méthodes, les réseaux des services secrets, les seuls, avec quelques militaires de haut rang, auxquels il se fie. Estimant avoir été lésés lors du grand partage de l'ère Eltsine, ces gens-là veulent maintenant leur part du gâteau, le pouvoir et l'argent. Tous les oligarques ont acquis leurs entreprises dans des conditions douteuses. En ce cas, pourquoi s'acharner sur Mikhaïl Khodorkovski, ex-patron de Ioukos, à présent en instance de jugement, sinon parce qu'il entretenait des ambitions politiques? Aujourd'hui, sauf Roman Abramovitch, principal actionnaire du pétrolier Sibneft, sous le coup d'un redressement fiscal, aucun n'est inquiété. On parle même d'un projet d'amnistie. Poutine ne fait rien pour combattre les parrains, un danger autrement plus redoutable. Pourtant, le FSB a des dossiers sur eux, sur leurs activités, les opérations auxquelles ils sont mêlés. Il lui faudrait à peine quelques heures pour opérer un coup de filet parmi les plus puissants. L'un d'eux l'a d'ailleurs reconnu. Il suffirait d'avoir la volonté politique d'agir. Si elle n'existe pas, conclut-il, c'est que «quelqu'un a sans doute besoin de nous». Lorsqu'il y a osmose entre le monde du crime et les «élites» politiques, lorsque des députés ou encore le président sont élus à l'aide de capitaux mafieux, la dépendance mutuelle cimente le statu quo.

Dans ce contexte, la dépendance de l'Union à l'égard du gaz et du pétrole russes est-elle préoccupante?

C'est un levier que Poutine ne se prive pas d'utiliser. Mais la Russie a cruellement besoin des investissements, des technologies et du savoir-faire de l'Europe. Par ailleurs, l'euro se cherche des alliés. Mais le droit des affaires ne saurait primer sur les droits de l'homme. Ce n'est pas rendre service à la Russie que de fermer les yeux sur la guerre en Tchétchénie, le verrouillage de la société, l'élimination des contre-pouvoirs, la resoviétisation opérée par Poutine et le sort des Russes eux-mêmes: 75% d'entre eux ne vivent pas, ils survivent. Malgré la croissance retrouvée, les inégalités s'aggravent. La mortalité dépassant de loin une faible natalité, le pays perd entre 750 000 et 1 million d'habitants par an. A entendre Poutine, s'il n'en comptait plus un jour que 100 millions, ce ne serait pas si grave. Trait typique des dirigeants soviétiques, Poutine n'a pas la moindre considération pour la vie du citoyen.

En est-on arrivé là parce que la Russie n'a pas procédé à la «décommunisation»?

Vladimir Boukovski, le dernier des grands dissidents russes, avait proposé à Boris Eltsine, après le putsch de 1991, d'organiser le «Nuremberg du communisme» - non pas pour juger les responsables, tous disparus à présent, mais pour analyser le système, ses conséquences et ses crimes, de façon à aider les Russes à exorciser les démons du passé. A ses yeux, faute d'en passer par là, il ne serait pas possible de construire la démocratie. La période était favorable. Eltsine a hésité. Il aurait finalement renoncé, dit Boukovski, sous la pression des Occidentaux. Il est clair que Vladimir Poutine n'a pas renoncé au vieux rêve soviétique de dominer le monde, ou, à défaut, l'Europe. Non plus par les tanks et les missiles, mais par l'infiltration économique et financière - nouvelle arme de conquête tant du néo-impérialisme du Kremlin que du néocolonialisme mafieux. Face à cette menace, il nous appartient de réagir. La Russie est, certes, un partenaire, mais nous n'avons pas à nous laisser phagocyter par ces «guébo-mafieux» qui la tiennent en otage.

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Message par Rafa » 02 janv. 2006, 18:01

J'avais, par humour, parlé du retour de l'URSS; mais cet article semble sorti tout droit de la guerre froide; là ce n'est plus drôle.

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Message par MadMax » 03 janv. 2006, 17:00

Poutine agite l'arme de l'énergie dans son arrière-cour

La facture peut varier du simple au quadruple selon qu'un pays fait ou non allégeance au Kremlin.

Alain Barluet
[03 janvier 2006]



VLADIMIR POUTINE ne fait pas mystère de vouloir utiliser l'arme du gaz pour garder la main sur ce qu'il considère comme sa zone d'influence. Officiellement, les contrats passés par Gazprom – l'instrument énergético-diplomatique du Kremlin –, et les voisins de la Russie doivent désormais se conformer aux lois du marché et de plus aux arrangements pratiqués jadis au sein du bloc soviétique. Mais tous les pays de cet «étranger proche» sont loin d'être logés à la même enseigne par Moscou. Entre ceux qui font allégeance et ceux qui cherchent à s'émanciper, la facture peut varier du simple au quadruple.


Ainsi, un an après la «révolution orange», l'Ukraine du président Iouchtchenko se voit réclamer 220 à 230 dollars pour 1 000 m3 de gaz (contre 50 dollars actuellement). En revanche, la Biélorussie a obtenu le maintien d'un tarif préférentiel (47 dollars/1 000 m3) après avoir été contrainte en mars 2004 d'ouvrir son consortium Beltransgaz au russe Gazprom (nos éditions du 26 décembre 2005). Dans le même esprit, Moscou a mis au pas un autre allié indocile, le Turkménistan, en bloquant ses exportations gazières dont Gazprom, là encore, a fini par prendre le contrôle. Après les coupures imposées dimanche par Moscou, l'Ukraine comptait sur le gaz qu'elle importe du Turkménistan pour 50 dollars/1 000 m3. Mais hier, Gazprom a fermé le robinet du gaz turkmène à destination de Kiev.


Mise à l'amende


L'Ukraine n'est pas la seule à être visée. A des degrés divers, tous les pays de la CEI subissent l'arme des tarifs gaziers pratiqués par Moscou. Pour la Géorgie, engagée dans des réformes démocratiques et des relations privilégiées avec l'Occident, la note a été fixée à 160 dollars/1 000 m3 (contre 54 dollars à l'obéissante Arménie). La Moldavie, jugée peu compréhensive face au séparatisme russe en Transdnistrie et aspirant ouvertement à se rapprocher de l'Union européenne, est également mise à l'amende (160 dollars/1 000 m3). A moindre niveau, les 3 pays Baltes paient leur appartenance à l'Otan en écopant d'un tarif qui grimpera à 125 dollars/1 000 m3 cette année (contre 80 dollars actuellement).


Dans l'aire de l'ex-URSS, les velléités d'indépendance énergétique sont dorénavant payées au prix fort. L'Azerbaïdjan (110 dollars/1 000 m3), qui écorne le monopole russe dans le transport du gaz et du pétrole, est également dans le collimateur de Gazprom. De même pour le Kazakhstan qui a annoncé vouloir participer à l'approvisionnement du nouvel oléoduc BTC (Bakou-Tbilissi-Ceyhan) reliant la Caspienne à la mer Noire sans passer par la Russie.


Face aux velléités de contournement, Vladimir Poutine agite la carte de la «sécurité énergétique». En visite en Allemagne, en Turquie et au Japon, il a fait miroiter à ses interlocuteurs la perspective d'approvisionnements massifs susceptibles de réduire fortement leur dépendance vis-à-vis du Moyen-Orient. Le mois dernier, la Russie a engagé la construction du gazoduc nord-européen (5 milliards de dollars) qui la reliera à l'Allemagne, en contournant les pays Baltes, la Pologne... et l'Ukraine.

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Message par MadMax » 03 janv. 2006, 17:20

RUSSIE - Poutine organise le capitalisme d'Etat

En pleine "guerre du gaz" russo-ukrainienne, Moscou inaugure sa première présidence du G8. Mais l'évolution de l'économie russe, où les entreprises d'Etat se comportent en prédateurs, soulève de nombreuses critiques.



Les monopoles d'Etat se renforcent

"Il y a un an encore, rien ne présageait l'expansion massive de l'Etat russe dans l'industrie. La vente aux enchères de Iouganskneftgaz, le principal actif du secteur extraction de loukos, réalisée en décembre 2004, paraissait isolée, conséquence inévitable de la guerre menée contre l'oligarque en disgrâce Mikhaïl Khodorkovski. En fait, ce fut précisément le début de la plus importante vague de nationalisations de l'industrie russe depuis la révolution d'Octobre", note le journal libéral moscovite Kommersant.

Vedomosti constate pour sa part qu'"en 2005 l'appétit des compagnies d'Etat n'a fait que croître". Et le quotidien financier moscovite de citer une collection de sociétés tombées dans l'escarcelle de l'Etat russe : Sibneft, le troisième pétrolier russe, a été repris par le monopole gazier d'Etat Gazprom ; le constructeur automobile AvtoVaz, avalé par Rosoboronexport, monopole d'Etat d'exportation d'armement ; RAO SEU Russie, monopole public d'électricité, a pris le contrôle du constructeur Silovyé Machiny ; et la Vnechtorgbank, banque d'Etat du commerce extérieur, s'est emparée de la banque pétersbourgeoise Promstroïbank.




"Les compagnies d'Etat sont devenues de plus en plus nombreuses", titre Vedomosti. "Au total, d'après le site Mergers.ru, les compagnies d'Etat ont dépensé 17,4 milliards de dollars dans des opérations d'acquisition en 2005, soit 31 % du volume total du marché." Et, d'après les experts interrogés par Vedomosti, cette tendance se poursuivra en 2006.

L'évolution politique et économique de la Russie fait d'autant plus débat que s'ouvre la présidence russe du groupe des huit nations industrialisées les plus riches (G8). "Avec l'accession de Vladimir Poutine à la présidence du G8, la Russie postsoviétique a atteint un nouveau stade de reconnaissance et de prestige en tant qu'Etat démocratique. Cette reconnaissance n'est pas méritée. Au lieu d'être démocratique ou en voie de démocratisation, la Russie s'enfonce chaque jour un peu plus dans l'autoritarisme et le non-droit", écrit le Wall Street Journal dans une contribution éditoriale. Un constat qui devrait intéresser les autres membres du G8.

Dans la presse internationale, les critiques se font de plus de plus pressantes avec la "guerre du gaz" actuelle entre la Russie et l'Ukraine, qui inquiète les pays européens, dont les approvisionnements énergétiques sont affectés. Kiev dénonce l'arme du gaz russe, qui viserait à punir l'Ukraine pour son indépendance politique symbolisée par la "révolution orange".

Une des rares voix discordantes, Mary Dejevsky, chroniqueuse de The Independent, estime de son côté que, "lorsque l'Ukraine a choisi de suivre sa propre voie, en décembre 2004, l'une des premières responsabilités des nouveaux dirigeants ukrainiens aurait dû être de dire clairement que les relations avec la Russie changeraient. Il était irréaliste de s'attendre à ce que la réduction de 75 % accordée par Moscou sur le prix du marché mondial du gaz allait durer, alors que les autres termes de l'alliance – officiels ou officieux – étaient annulés."

Pour Mary Dejevsky, les condamnations occidentales de la Russie sont illégitimes dans la mesure où elles reflètent une politique ambivalente : 2 poids, 2 mesures. Elle souligne d'ailleurs que la candidature de la Russie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) est notamment conditionnée à l'alignement des tarifs énergétiques intérieurs russes sur les prix mondiaux…

Reste que la démission du conseiller économique du président Poutine, Andreï Illarionov, le 27 décembre dernier, porte un coup cinglant à l'image de la Russie postsoviétique, particulièrement au moment où Moscou accède à la présidence annuelle tournante du G8. Illarionov, 44 ans, était une figure à part. "Au cours de la dernière décennie, il a joué un rôle unique en Russie : celui d'un économiste libéral qui a façonné la politique tout en critiquant ouvertement le gouvernement russe", note Time.

Lors d'une conférence de presse de fin d'année, Illarionov a dressé un bilan négatif de l'économie russe en 2005. Selon lui, cette année écoulée a été "celle des corporations. Les intérêts des compagnies d'Etat sont supérieurs à la rationalité économique et aux intérêts de la population du pays", fustige-t-il. Ce qui prévaut aujourd'hui en Russie "n'est ni une idéologie communiste, ni une idéologie socialiste, ni une idéologie libérale", résume Vremia Novostieï.

Illarionov s'explique dans une interview accordée au magazine américain Time : "Nous voyons émerger des entreprises qui ont le statut de sociétés publiques et qui appartiennent effectivement à l'Etat. Mais la façon dont elles agissent n'a rien à voir avec les intérêts de l'Etat. Au contraire." Illarionov cite l'exemple du pétrolier Rosneft, dont la prochaine introduction en Bourse pourrait rapporter des dizaines de millions de dollars. "Mais pas un seul dollar ne sera versé au budget national. Ce n'est pas une privatisation, c'est une introduction en Bourse réalisée par une compagnie d'Etat." En bref, "nous assistons à une agression de la part de groupes dirigés par l'Etat contre toutes activités privées susceptibles de générer des bénéfices juteux". Sans liberté politique et économique, la Russie d'aujourd'hui a évolué en Etat corporatiste.

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Message par MadMax » 06 janv. 2006, 19:14

Un point intéressant évoqué dans l'émission "C dans l'air" sur France 5 ce soir : de nombreux pays de l'est ont payé leur "dette énergétique" envers la Russie en vendant/donnant/bradant des équipements énergétiques (centrales électriques, gazoducs...).

A qui le tour ?
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Message par epe » 07 janv. 2006, 16:38

Poutine : après le gaz, le pétrole et le charbon

.... et après l'Ukraine... la Roumanie et la Bulgarie

Après s'être attaque aux prix du gaz fournis par la Russie à l'Ukraine , Poutine déploie désormais son plan stratégique sur le charbon, l'aluminium et le pétrole.

En effet, le président russe a appelé vendredi, à la création d'un consortium international pour la mise en valeur des mines de charbon de la Sibérie orientale tandis que le projet d'oléoduc reliant la Sibérie au Pacifique rentre désormais dans sa phase concrète.

Sur la plan diplomatique, c'est au tour de la Roumanie et la Bulgarie de se voir confrontées à la problématique tarifaire.

On est droit se demander jusqu'où ira notre nouveau “gas-devil” ...qui s'est par ailleurs étonné vendredi de la tonalité des propos de la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, au sujet du différend gazier russo-ukrainien.

I – Charbon : proposition de création d'un consortium international

Le président russe a appelé vendredi, à la création d'un consortium international contrôlé par l'État pour exploiter les mines de charbon de la Sibérie orientale : "cela doit permettre d'attirer des technologies avancées et des capitaux tout en contrôlant cette ressource prometteuse", selon lui.

"Rien que les réserves découvertes sont largement supérieures aux besoins de la Iakoutie", la région d'extraction, a constaté le président, avant de souligner que leur mise en valeur nécessiterait des investissements aussi bien russes qu'étrangers.

Le gisement permettrait d'extraire anuellement d'ici 2010 jusqu'à 30 millions de tonnes de charbon.

II – Projet d'oléoduc reliant la Sibérie au Pacifique.

La réalisation concrète du projet d'oléoduc reliant la Sibérie au Pacifique doit débuter en été prochain. Les formalités relatives à la construction de la première tranche de l'oléoduc - entre Taïchet (région d'Irkoutsk) et Skovorodino (région du fleuve de l'Amour) - doivent prendre fin en avril prochain.

Poutine a tenu à souligner que le projet ne sera pas efficace tant que les gisements de la Sibérie orientale ne seront pas mis en valeur (d'où l'intérêt du consortium évoqué précédemment) et tant que ne seront pas réglés les problèmes sociaux de la région, ... mettant ainsi en balance les intérêts économiques des grandes puissances mondiales et les propres intérêts économiques russes, laissant même supposer qu'en cas de désaccord sur le montant des investissements étrangers sur les mines de charbon de Sibérie, d'éventuels troubles sociaux-politiques pourraient freiner l'avancée des travaux de l'oléoduc...sans évoquer néanmoins la manière selon laquelle ses troubles socio-politiques pourraient émerger ... ni l'éventuel facteur déclenchant ...

Le nouvel oléoduc est censé augmenter les exportations de pétrole russe vers les pays d'Asie-Pacifique fort dépendants du pétrole pour leur propre production industreille.

III – Diplomatie russe, aluminium et énergie hydraulique

La Kirghizie espère que la Russie contribuera largement au développement des sites industriels stratégiques du pays, a déclaré le ministre kirghize des Affaires étrangères,vendredi.

"Nous souhaitons que nos sites industriels stratégiques se développent avec la participation de la Russie, que le Kirghizstan valorise les secteurs tels que l'énergie, les mines et le tourisme", a-t-il indiqué.

Bichkek "salue l'intérêt des grandes compagnies russes" à investir dans la construction de centrales hydrauliques de Kambarata et celle d'une usine d'aluminium, a poursuivi le diplomate.

Rappelant que la Russie était "le premier partenaire commercial" de la Kirghizie, Alibek Djekchenkoulov a remercié les autorités de Moscou d'avoir affecté un terrain pour construire un centre culturel kirghize et d'avoir décidé d'inaugurer dans la capitale un monument au héros national kirghize Manas.

IV – Bulgarie : révision du contrat sur le transit du gaz

La Bulgarie a rejeté vendredi les exigences de Gazprom sur les termes de révision du contrat sur le transit du gaz conclu en 1998 avec la compagnie d'Etat bulgare Bulgargaz, a annoncé le ministre bulgare de l'économie et de l'énergie.

"La partie russe a exigé que nous renégocions l'arrangement sur le paiement pour le transit du gaz russe par la Bulgarie vers la Turquie, la Grèce et la Macédoine. Aujourd'hui, nous répondrons que cette offre est inacceptable” car “il n'y a pas de clause rendant possible une révision dans notre contrat signé en 1998 et en vigueur jusqu'en 2010".

Deux contrats ont été signés en 1998 par Bulgargaz avec Gazprom et sa filiale pour l'exportation Gazexport, l'un pour des livraisons directes à la Bulgarie, l'autre pour la fourniture de gaz en échange du transit de ce combustible sur son territoire.

Aux termes du premier contrat, la Bulgarie paie 258 dollars pour 1.000 m3. Dans le deuxième contrat, celui sur le transit, le prix du gaz livré à ce pays des Balkans est de 83 dollars pour 1.000 m3. Cela permet ainsi à Bulgargaz d'obtenir du gaz bon marché et donc de maintenir les prix sur le marché intérieur à un niveau relativement bas, 183 dollars pour 1.000 m3.

Mais, depuis, Gazprom a proposé de régler au comptant les taxes de transit et de fixer le prix du gaz dans les deux contrats à 258 dollars, une initiative jugée inacceptable par la Bulgarie.

Des experts ont mis en garde dans la presse bulgare de vendredi contre un rejet par Sofia des demandes russes, qui pourrait, selon eux, valoir à la Bulgarie de perdre sa position stratégique pour le transit des matières énergétiques dans la région si la Russie décidait de réduire le volume du gaz passant par son territoire.

Pendant la première moitié de 2005, quelque 7,8 milliards de m3 de gaz ont transité par la Bulgarie à destination de la Turquie, 1,3 milliard de m3 vers la Grèce et 45 millions de m3 vers la Macédoine, ressort-il des chiffres publiés par Bulgargaz. Quant à la consommation intérieure de la Bulgarie, elle dépend quasiment à 100% des importations de gaz russe.

V – Polémique sur le prix du gaz pratiqué à la Roumanie

Gazprom a appelé jeudi les Roumains à se référer à leur contrat en réponse à une polémique survenue en Roumanie au sujet du prix payé par Bucarest pour son approvisionnement en gaz naturel russe.

Avec un prix de 285 dollars pour 1.000 m3, la Roumanie devance de loin les pays de l'ancien bloc communiste, mais aussi ceux de l'Union européenne. La conclusion de l'accord entre la Russie et l'Ukraine à un prix inférieur a déclenché en Roumanie de vives protestations.

VI – Réaction de Moscou aux propos américains

Moscou a exprimé vendredi son "étonnement" face à la tonalité des propos de la secrétaire d'État américaine, Condoleezza Rice, au sujet du différend gazier russo-ukrainien.

"Sans mentionner l'accord que la Russie et l'Ukraine ont fini par obtenir, Mme Rice a de fait accusé la Russie d'actions politiquement motivées démontrant ainsi selon elle, son incapacité d'agir en toute responsabilité en tant que fournisseur de ressources énergétiques", lit-on dans un communiqué publié vendredi par le ministère russe des Affaires étrangères.

Moscou ne comprend absolument pas les fondements de ces accusations, le ministère russe précisant que “la Russie et l'Ukraine ont traversé une période de négociations laborieuses, mais celles-ci ont finalement débouché sur un accord à long terme respectant les intérêts des parties et garantissant la stabilité des fournitures de gaz à l'Ukraine et du transit vers l'Europe", et rappelant que, contrairement aux États-Unis, l'Union européenne avait salué les nouveaux accords.

Moscou a qualifié de "dénués de tout fondement" les propos de Condoleezza Rice prétendant que "les Européens auraient pu souffrir des actions de la Russie". "Gazprom avait déclaré en permanence que, quelle que soit la tournure que prendraient les événements, il continuerait de remplir ses engagements en matière de livraison de gaz vis-à-vis des consommateurs européens", a souligné le ministère.

Moscou ne partage pas l'avis de la secrétaire d'État américaine selon lequel "les actions de la Russie entrent en contradiction avec son statut de membre et de président du G-8 à partir du 1er janvier 2006".
-Il vaut mieux pomper même s'il ne se passe rien que de risquer qu'il se passe quelque chose de pire en ne pompant pas.
Les Shadoks

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Message par MadMax » 08 janv. 2006, 18:57

Gazprom, l'autre Kremlin

Des réserves gigantesques, des connexions politiques imbattables, et même un groupe de presse : Gazprom est un colosse incontournable, tant en Russie que sur le marché mondial de l'énergie

De notre envoyé spécial Etienne Gernelle

Ce n'est qu'une méchante rumeur, mais tout de même : Poutine, PDG de Gazprom après sa retraite du Kremlin ! Bien peu nombreux sont ceux qui y croient à Moscou, mais le ragot en dit long sur le poids et les ambitions du géant du gaz. « Nous voulons devenir une major mondiale de l'énergie », proclame le porte-parole de Gazprom, Sergueï Kouprianov. L'héritier du ministère du gaz soviétique se sent assez fort pour partir à l'assaut du monde. Il déploie sa toile de pipelines sur plusieurs continents à la fois et, pour mieux afficher son assurance, vient même de s'offrir Gerhard Schröder, l'ex-chancelier allemand, qui va présider aux destinées du nouveau gazoduc nord-européen reliant la Russie à l'Allemagne via la mer Baltique. L'objectif de Gazprom est bien entendu de multiplier les milliards, mais aussi de soutenir les ambitions politiques russes. 2 objectifs indissociables dans l'esprit de « VVP » (Vladimir Vladimirovitch Poutine), qui a beaucoup misé sur son champion gazier. « L'énergie est un secteur clé pour la Russie, explique Christopher Weaver, économiste de la banque Alpha, à Moscou. Le G8, qui se tiendra à Saint-Pétersbourg en juillet 2006, sera consacré à ce thème. La Russie essaie de trouver sa place sur la scène internationale par ce biais. » Et quel meilleur vecteur que Gazprom ? Dans les profondeurs de la Sibérie, le groupe détient le quart des réserves mondiales de gaz. En outre, avec le rachat de Sibneft en septembre dernier pour 13 milliards de dollars au milliardaire Roman Abramovitch, Gazprom a mis un pied dans le pétrole. Aujourd'hui, si l'on agglomère les gaz et liquides en « barils équivalent pétrole », Gazprom détient des réserves 5 fois supérieures à celles d'Exxon Mobil ! « A côté de Gazprom, les majors américaines sont des naines, tant en termes de production que de réserves », souligne Jacques von Polier, manager du fonds d'investissement Profus.

Rien d'étonnant, donc, à voir le Kremlin surveiller de très près ce colosse, qui représente 5 % du PIB russe et assure une part comparable des recettes budgétaires du gouvernement ! Le casting est très politique chez Gazprom : le président du conseil d'administration, Dmitri Medvedev, est par ailleurs vice-Premier ministre et figure parmi les successeurs possibles de Vladimir Poutine. Quant au PDG, Alexeï Miller, c'est un fidèle de VVP, dont il fut un adjoint à la mairie de Saint-Pétersbourg. Le tourniquet entre Gazprom et le Kremlin fonctionne d'ailleurs dans les deux sens : Viktor Tchernomyrdine, le fondateur de Gazprom en 1992, fut ensuite Premier ministre de Boris Eltsine. Il est aujourd'hui ambassadeur en Ukraine, où il s'occupe tout particulièrement du conflit entre la Russie et l'Ukraine à propos... du prix du gaz !


Poutine, grand ouvrier du gaz. Entre amis, il n'est pas de problème qui ne trouve de solution. Ainsi, le 14 décembre, le gouvernement russe a entériné la création d'un avantage fiscal pour les entreprises qui se lancent dans le gaz naturel liquéfié (GNL). Cela tombe à pic pour Gazprom, qui négocie avec des compagnies étrangères les conditions de l'exploitation du gisement de Chtokman, en mer de Barents, qui est destiné au marché du GNL... Gazprom peut remercier son « gazovik » (ouvrier du gaz) favori, Vladimir Poutine. Pour compléter le tableau, s'il en était besoin, notons que Gazprom possède aussi son groupe de presse, qui comprend notamment la chaîne de télévision NTV, qui avait appartenu à l'oligarque rebelle Vladimir Goussinski, et la radio Echo de Moscou. Cet été, Gazprom y a ajouté le quotidien Izvestia.

Côté pouvoir, Gazprom a déjà tout. Mais, côté business, le Léviathan russe a encore beaucoup à apprendre. Malgré le gigantisme de ses réserves et de sa production, Gazprom réalise un chiffre d'affaires d'« à peine » 44 milliards de dollars, contre 270 milliards pour Exxon Mobil ! Explication : les 2/3 de la production de Gazprom sont vendus sur le marché intérieur, à des prix régulés, donc faibles. A l'inverse, le tiers qui est exporté vers l'Europe de l'Ouest se paie très cher, dans un marché en forte hausse. L'Europe de l'Ouest représente quasiment les 2/3 du chiffre d'affaires de Gazprom ! Au siège de l'entreprise, rue Nametkina, dans le sud de Moscou, on en a déduit une priorité : allonger les tentacules de la compagnie pour aller monnayer le gaz là où il vaut cher. Le projet phare est le gazoduc nord-européen, qui dès 2010 reliera la Russie à l'Allemagne via la Baltique. Il permettra à Gazprom d'améliorer ses capacités d'export vers l'Europe, tout en contournant les pays de transit récalcitrants, comme l'Ukraine. L'objectif principal est l'Allemagne, premier client de Gazprom, puis, dans un deuxième temps, le Royaume-Uni, dont les gisements de la mer du Nord commencent à décliner. Un jackpot en perspective. Cette extension du réseau intervient au moment où la libéralisation du marché européen est en ligne de mire. Après 2007, Gazprom sera en mesure de vendre directement au consommateur européen. L'entreprise a ainsi déjà déposé une demande d'agrément auprès du ministère français de l'Industrie et vise 10 % du marché. « Nous souhaiterions toutefois éviter de voir du gaz russe vendu par Gazprom en concurrence avec du gaz russe vendu par Gaz de France », précise Stanislav Tsygankov, directeur des affaires internationales de Gazprom. En clair, Gazprom se contentera de faire des « extras » en vendant à quelques gros consommateurs industriels, mais ménagera ses gros clients comme Gaz de France.

L'Europe est le premier débouché naturel de Gazprom, mais ce dernier regarde bien plus loin. Le gisement géant de Chtokman est l'un des plus prometteurs qui soient. Gazprom le destine principalement au marché américain. Le gaz sera liquéfié et envoyé par méthaniers jusqu'à la côte ouest des Etats-Unis. Et ce n'est pas tout. Après l'Ouest, l'Est, le Sud. Depuis 2 ans déjà, un gazoduc nommé Blue Stream traverse la mer Noire et aboutit en Turquie. Les achats de la Turquie ont été un peu décevants, mais le gaz naturel liquéfié pourrait permettre à Gazprom de créer en Turquie un véritable « hub » d'exportation.

Adossée à ses réserves colossales et à son immense territoire, la Russie possède une situation stratégique exceptionnelle. Faut-il en avoir peur ? En France, Gérard Mestrallet, PDG de Suez, répète depuis plusieurs années que la France dépend trop du gaz russe. C'est que l'arme gazière fait déjà trembler une bonne partie de l'Europe de l'Est. La coupure, le 1er janvier, par Gazprom, des livraisons à destination de l'Ukraine ne peut que renforcer ces craintes, même si cette dernière porte sa part de responsabilité. Dès le 2 janvier, les approvisionnements de Gaz de France en provenance de Russie chutaient de 30 %. Ce n'est d'ailleurs pas le premier incident de ce genre : le 1er janvier 2004, Gazprom coupait le robinet de la Biélorussie, en réponse à des impayés chroniques. Depuis, Gazprom a trouvé une solution, échangeant des hausses de tarifs modérées contre la prise de contrôle de compagnies de pipelines locales. La toile de Gazprom se tisse aussi de cette manière.

Le gaz est devenu un instrument privilégié de la diplomatie russe dans l'ex-empire soviétique. Le cas le plus emblématique est celui de l'Ukraine, qui ne paie qu'un prix de 50 dollars pour 1 000 mètres cubes de gaz, contre un prix européen supérieur à 220 dollars... Un prix d'ami - moins cher que celui payé par les Russes ! - consenti au nom de l'amitié entre Moscou et la « petite Russie »... Depuis la « révolution orange » qui a porté au pouvoir Viktor Iouchtchenko, l'Ukraine penche à l'ouest, courtise à la fois l'Union européenne et les Etats-Unis. Logiquement, la Russie ne voit plus de raison de continuer à subventionner l'Ukraine.


Les tuyaux du géant sont encore percés. Le feuilleton ukrainien, qui dure depuis des années, empoisonne la vie de Gazprom, au moment où, pour sortir de ses frontières, le géant gazier doit se donner une allure d'entreprise purement commerciale. Un grand écart permanent. « Le gouvernement est partagé entre 2 groupes, analyse Christopher Weaver. Il y a d'un côté les libéraux et de l'autre les "siloviki", issus pour beaucoup de l'armée et des services secrets, qui sont soucieux de la souveraineté russe. La gestion du cas Gazprom n'échappe pas à cette logique de compromis interne. » Illustration en 2005 : le gouvernement a racheté des parts de Gazprom afin de reprendre le contrôle de la société, passant de 38 à 51 %. Mais, quelques mois plus tard, le Kremlin a annoncé la libéralisation du reste du capital, qui pourra désormais être acquis librement, y compris par des étrangers. Un coup dans chaque sens... « Nous ne serons jamais totalement privés comme Exxon Mobil ou Chevron, explique Sergueï Kouprianov. Mais nous ne serons pas non plus un simple département de l'Etat comme la Saudi Aramco. Notre modèle, ce serait plutôt le statut public-privé du norvégien Statoil. »

Statoil... Le choix de ce modèle ne manque pas de sens, sauf que la Norvège est un prix de vertu dans le monde du pétrole. Gazprom n'en est pas là, tant s'en faut. Les tuyaux du géant sont encore largement percés. La multiplication des intermédiaires permet l'évaporation de sommes considérables. Dernier scandale en date, révélé par le Moscow Times, l'un des principaux fournisseurs de tuyaux de Gazprom, Trubny Torgovy Dom, qui, selon le fonds d'investissement Hermitage, a obtenu des contrats pour 700 millions de dollars en 2004, ne possède même pas de bureau à l'adresse officielle de son siège social ! « Gazprom fait des progrès, mais il y a encore un très long chemin à parcourir », estime Vadim Kleiner, directeur de la recherche d'Hermitage. Kleiner, comme beaucoup d'autres investisseurs, fonde beaucoup d'espoirs sur la libéralisation du capital, début 2006, pour imposer une gestion plus rigoureuse de Gazprom. Le printemps pourrait voir ainsi l'arrivée de managers de haut niveau en provenance de majors occidentales. A long terme, les dirigeants de Gazprom n'excluent pas une cotation à New York. Une façon de « normaliser » l'entreprise, mais sûrement pas de quoi fragiliser le cordon ombilical entre la tour Gazprom, rue Nametkina, et les tours du Kremlin
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Message par MadMax » 08 janv. 2006, 19:10

L'axe berlin-moscou, une histoire de chefs

L'amitié est désormais scellée dans l'acier. L'ex-chancelier Gerhard Schröder présidera le comité d'actionnaires du consortium (les allemands Eon et BASF détiennent 49 % du capital, Gazprom, 51 %) chargé de la construction du gazoduc de 1 200 kilomètres qui reliera en 2010 les 2 pays en passant sous la Baltique. Cette embauche, qui a semé la consternation en Allemagne, confirme en tout cas l'existence d'un puissant axe Berlin-Moscou.

Une camaraderie virile unit depuis longtemps Gerhard Schröder et Vladimir Poutine. Ce dernier, qui a été chef du KGB à Dresde, en RDA, parle parfaitement l'allemand. Il est le seul homme d'Etat avec lequel Gerhard Schröder - qui ne parle pas même l'anglais - peut s'entretenir sans traducteur. Quand le couple Schröder a adopté une petite Russe, les rapports affectifs se sont encore renforcés. L'enfant est née à Saint-Pétersbourg, ville de Poutine, et celui-ci a personnellement supervisé les démarches... Mais l'alliance va bien plus loin que l'amitié personnelle. L'Allemagne est de loin le premier débouché de Gazprom. D'ailleurs, le seul étranger à figurer au conseil d'administration du groupe gazier est un Allemand, Burckhard Bergmann, patron de Ruhrgas.

L'autre pilier de l'alliance russo-allemande est la Dresdner Bank, dont le siège russe ne se trouve pas à Moscou, mais à Saint-Pétersbourg. Le patron de la Dresdner à Moscou, Matthias Warnig, est un ancien major de la Stasi, la police secrète est-allemande. De quoi nouer des liens avec l'ex-KgBiste Poutine. La Dresdner a montré à maintes reprises son soutien à la cause du Kremlin. Notamment en procédant à l'évaluation de Iouganskneftegaz, issue du démembrement de Ioukos. Ce faisant, la Dresdner a apporté sa légitimité au dépeçage du groupe de l'oligarque emprisonné Mikhaïl Khodorkovski. Et les liens ne cessent de se resserrer. La Dresdner s'apprête à prendre 30 % du capital de Gazprombank. Et Warnig sera directeur exécutif du consortium chargé de la construction du gazoduc nord-européen... La boucle est bouclée

Etienne Gernelle et Pascale Hugues (à Berlin)

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