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L’interception d’une conversation entre des officiers allemands serait due à une « erreur individuelle »
Cela fait des mois que le chancelier allemand, Olaf Scholz, est mis sous pression pour livrer des missiles de croisière à longue portée KEPD 350 Taurus à l’Ukraine. Et c’est justement le contenu d’une vidéoconférence entre de hauts responsables de la Luftwaffe [force aérienne allemande] au sujet des implications techniques de cette éventuelle livraison qui a été diffusé par des médias russes, le 1er mars.
Lors de cette discussion, quatre officiers allemands de haut rang, dont le chef de la Luftwaffe, le général Ingo Gerhartz, n’ont pas seulement évoqué la livraison de missiles Taurus… Mais aussi comment les Ukrainiens pourraient s’en servir, notamment contre le pont de Kertch, qui relie la Crimée à la péninsule de Taman [région de Krasnodar]. Au passage, ils ont également abordé des détails opérationnels concernant le Royaume-Uni et la France, lesquels ont cédé des missiles de croisière Storm Shadow/SCALP à la force aérienne ukrainienne.
Évidemment, une telle fuite n’a pu que provoquer une tempête politique outre-Rhin… et susciter la méfiance parmi les alliés de Berlin. Cet incident « démontre que l’Allemagne n’est ni sûre, ni fiable », a résumé Ben Wallace, l’ex-ministre britannique de la Défense, dans les pages du Times.
« Il s’agit d’une affaire très grave et c’est la raison pour laquelle elle fait désormais l’objet d’une enquête très minutieuse, très approfondie et très rapide », a affirmé M. Scholz, dès le lendemain de la diffusion de cette conversation par les médias russes. Et Berlin d’y voir une « attaque de désinformation hybride » lancée par Moscou afin de semer la discorde non seulement en Allemagne mais aussi avec ses alliés.
Confiée au service de contre-espionnage de la Bundeswehr [MAD – Amt für den Militärischen Abschirmdienst], l’enquête promise par M. Scholz a effectivement été rapidement menée. Les premiers résultats ont été communiqués par Boris Pistorius, le ministre allemand de la Défense, ce 5 mars.
Ainsi, l’enquête a permis de déterminer que les « systèmes de communication de la Bundeswehr ne sont pas et n’ont pas été compromis ». Comment, dès lors, cette conversation a-t-elle pu être interceptée ? À cette question, M. Pistorius a répondu en expliquant que l’un des intervenants, qui participait au Singapore Airshow, c’est à dire au salon aéronautique de Singapour, au moment des faits [le 19 février, ndlr], avait accédé à la vidéoconférence via une « connexion non autorisée, donc quasiment une connexion ouverte ». Ce qui suggère qu’il a utilisé son téléphone portable et/ou un réseau WiFi.
Son téléphone portable avait-il été mis sur écoute par le renseignement russe ? Cette hypothèse est évoquée par l’hebdomadaire Der Spiegel. Cependant, un autre détail gênant est que cette conversation s’est tenue par l’entremise de l’application américaine WebEx… Donc via un canal non sécurisé qui, s’il est agréé par la Bundeswehr, ne peut pas être utilisé pour des vidéoconférences censées aborder des « informations classifiées ».
D’après Der Spiegel, l’enquête du MAD doit maintenant déterminer si certains points abordés dans la conversation interceptée auraient dû relever d’un niveau de confidentialité plus élevé alors que « certaines informations » échangées entre les intervenants étaient de « notoriété publique ».
Pour le moment, le ministre allemand de la Défense n’envisage pas de prendre de sanctions contre les quatre officiers de la Luftwaffe. « Des conséquences individuelles ne sont pas envisagées » à ce stade. « Je ne vais pas faire le jeu de [Vladimir] Poutine en sacrifiant mes meilleurs officiers », a-t-il dit. Cependant, cela n’enlève rien à la gravité de cette fuite, qui « n’aurait pas dû se produire », a admis M. Pistorius. Mais « tout le monde connaît le danger de ces écoutes et sait que personne ne peut offrir une protection à 100 % », a-t-il déclaré.
Même si le ministre a assuré que la confiance des alliés à l’égard de l’Allemagne restait « intacte », il n’en reste pas moins que cet incident porte un coup à la fiabilité de la Bundeswehr… D’autant plus qu’il vient s’ajouter à deux affaires « gênantes », dont la révocation du directeur de l’agence de cybersécurité allemande [BSI] en raison de ses liens avec une association présumée proche de Moscou, et l’arrestation d’un agent des services fédéraux de renseignements [BND] pour « haute trahison » au profit du Kremlin.
Dans les commentaires, il y a un débat sur le fait que l'utilisation d'un canal non crypté soit de l'incompétence ou si c'est volontaire.