Publié : 18 déc. 2005, 21:37
Un futur allié du Venezuela ?
Evo Morales favori de la présidentielle bolivienne
Reuters
Les Boliviens ont commencé à se rendre aux urnes pour choisir leur nouveau président - le quatrième en 2 ans - à l'occasion d'un scrutin qui pourrait confirmer un virage à gauche des nations d'Amérique du Sud.
Le leader du Mouvement vers le socialisme (MAS) Evo Morales est ainsi pressenti pour devenir le premier Indien à accéder à la présidence bolivienne.
L'arrivée de cet admirateur du Vénézuélien Hugo Chavez aux plus hautes fonctions de son pays serait une nouvelle illustration du virage à gauche de l'Amérique latine, amorcé avec l'élection de Luiz Inacio Lula da Silva au Brésil en 2002 et confirmé par celles de Nestor Kirchner en Argentine en 2003 et de Tabare Vazquez en Uruguay en 2004.
Les Boliviens désigneront leur quatrième président en 2 ans, après le renversement sous la pression de la rue de Gonzalo Sanchez de Lozada en 2003 et de Carlos Mesa en juin dernier.
Le pays demeure parcouru de profondes fractures sociales et ethniques. L'opposition entre la majorité indigène (une trentaine d'ethnies) et la classe dirigeante est une donnée clé du scrutin de dimanche.
L'arrivée de Morales au pouvoir serait vue d'un mauvais oeil à Washington. La Bolivie est le troisième producteur de cocaïne au monde, après la Colombie et le Pérou.
Morales prône la légalisation de la culture de la coca pour ses utilisations traditionnelles, comme le thé. Il compte en outre nationaliser les industries gazières du pays, qu'il tient pour le meilleur moyen de développer l'économie bolivienne, la plus pauvre d'Amérique du Sud.
DORIA, TROISIEME HOMME
Si Morales incarne les espoirs de la majorité indienne, Jorge "Tuto" Quiroga est, lui, le candidat des classes moyennes. Il a promis de maintenir le pays sur une dynamique libérale en matière économique et de soutenir les programmes américains visant à l'éradication des cultures de coca.
Morales était crédité de 34% des intentions de vote, contre 29% pour Quiroga. Aucun des deux ne dépassera les 50% des voix, seuil nécessaire à une élection directe.
Conformément à la constitution bolivienne, c'est donc le Congrès qui devrait choisir le nouveau président le 9 janvier.
Le magnat du ciment, Samuel Doria, qui devrait prendre la troisième place, est appelé à jouer un rôle clé puisque de ses consignes de vote dépendra probablement le nom du vainqueur.
Il a affirmé qu'il se rangerait derrière le candidat arrivé en tête si celui-ci a une avance de plus de cinq points sur son rival. Mais Doria pourrait choisir Morales même si son avance était moins importante, car ce dernier a pris la tête de nombreuses manifestations ces derniers temps. Et nombre de Boliviens parlent de chaos si le leader indien n'était pas élu.
Le vote est obligatoire en Bolivie, mais près de 20% des électeurs sont indécis ou comptent voter blanc.
Le président par intérim Eduardo Rodriguez a déclaré dimanche matin lors d'une conférence de presse que les perdants devraient respecter le verdict des urnes.
"Les candidats doivent répondre au peuple avec responsabilité, maturité, ordre et dans un esprit démocratique", a-t-il dit.
Quelque 50.000 policiers et soldats sont mobilisés pour assurer la sécurité du scrutin, placé sous la surveillance d'environ 200 observateurs internationaux.
Le futur président, quel qu'il soit, devra s'atteler à une tâche immense: tenter de réunifier un pays de 9,4 millions d'habitants profondément divisés.
Il lui faudra aussi prendre en compte les mouvements autonomistes des régions les plus riches du pays, par exemple dans la province de Santa Cruz, et déterminer la voie à suivre pour développer l'extraction du gaz naturel, dont la Bolivie possède des gisements inexploités parmi les plus importants au monde.
Morales, ancien "cocalero" qui appartient à la communauté des Indiens Aymara, a annoncé qu'il nationaliserait le secteur gazier et qu'il légaliserait la production de la feuille de coca, matière première dans la fabrication de la cocaïne.
Son programme inquiète Washington, où le département d'Etat a annoncé jeudi qu'il réévaluerait ses relations avec La Paz après l'élection.
"Mon parti est un cauchemar pour les Etats-Unis", a lancé cette semaine Evo Morales à Cochabamba.