A bord de Pazflor, la nouvelle barge pétrolière de Total
23 Nov 2011 Usine Nouvelle
Le groupe pétrolier français dispose de la plus grande barge du monde au large de l'Angola. Le bâtiment, inauguré hier, mercredi 22 novembre, a pour tâche de pomper et de stocker du pétrole avant de le charger sur des tankers. Un rôle dont il s'acquitte depuis le 24 août, date de sa mise en service. L'Usine Nouvelle a été autorisé à monter à bord.
Branle-bas de combat, mardi 22 novembre, sur la barge flottante collectrice de pétrole, le Floating production storage offloading (FPSO), de Pazflor. Maintenu par seize lignes d'ancrage au large des côtes angolaises, à 150 kilomètres de Luanda, la capitale, Pazflor pompe et stocke le pétrole du bloc 17 dont Total est l'opérateur.
A 14 heures, un hélicoptère Puma se pose sur la piste d'atterrissage de la plus grande plateforme flottante du monde. A son bord, Christophe de Margerie, le Pdg de Total, et José Maria Botelho de Vasconcelos, ministre du Pétrole de l'Angola. Quelques dizaines d'officiels angolais, de cadres dirigeants du groupe pétrolier, de journalistes et environ 200 opérateurs les attendent. Tous sont là pour inaugurer le troisième FPSO de Total dans les eaux de l'ancienne colonie portugaise, après ceux de Girasol et Dalhia.
Le FPSO Pazflor, c'est un monstre de 325 mètres de long pour 65 mètres de large, affichant 120 000 tonnes sur la balance. José Maria Botelho de Vasconcelos se réjouit que ce projet mette "l'Angola sur la bonne voix pour produire 2 millions de barils par jour en 2013, contre 1,7 million aujourd'hui". Avec la mise en production de Pazflor, Total s'affirme comme le premier pétrolier en offshore profond d'Afrique et l'Angola devient le premier producteur de pétrole du continent devant le Nigéria.
Jusqu'à 160 000 barils par jour
Le projet géant de Pazflor représente un investissement global d'environ 9 milliards de dollars pour le groupe Total, présent depuis 1953 en Angola. Si le FPSO est l'élément le plus visible, Pazflor c'est aussi 10 000 tonnes de matériels sous-marins. 49 puits répartis sur 600 km² (six fois la surface de Paris) ont été forés entre 600 et 1200 mètres de profondeur. "Le FPSO n'est que la partie visible de l'iceberg", s'amuse Louis Bon, le chef de projet Pazflor.
Pour lui, comme pour les opérateurs, ce 22 novembre n'est pas le jour plus marquant du projet. "La plus forte émotion, je l'ai ressenti le 24 août quand le FPSO a été mis en huile", assure Phillipe Branjonneau, le chef de site, véritable capitaine du bateau. Malgré une fuite d'une centaine de litres d'huile fin septembre, la mise en service a répondu aux attentes de Total. Mi-novembre, un record de production a même été enregistré, avec 160 000 barils par jour. L'objectif du groupe est de produire 220 000 barils par jour début 2012.
"Quel plaisir de livrer un projet si complexe en temps et en heure", se félicite, pour sa part, Christophe de Margerie. Le groupe réussit la prouesse d'exploiter avec un seul FPSO deux pétroles de qualité différente issus de quatre champs distincts : Hortensia, Zinia et Perpetua, dont les réservoirs sont d'âge Miocène, et Acacia, dont le réservoir est d'âge Oligocène.
L'huile lourde et visqueuse provenant des trois premiers réservoirs représente les deux tiers des réserves, l'huile légère de grande qualité du dernier réservoir le tiers restant. Les réserves "prouvées et probables" de Pazflor s'élèvent, selon Total, à 590 millions de barils de réserve, ce qui fait de Pazflor un "éléphant" dans le jargon des pétroliers.
Total signe une première mondiale avec l'utilisation d'unités sous-marines de séparation du pétrole et du gaz, dites SSU (Subsea Separation Unit). Posées à 800 mètres de profondeur, ces trois unités sont hautes comme l'arc de Triomphe et pèsent 800 tonnes chacune.
Grâce à elles, le gaz remonte tout seul vers le FPSO tandis que le pétrole peut-être pompé. "Il y a quatre ans, nous avons pris le pari de faire une confiance aveugle à nos techniciens pour développer de tels objets technologiques. Ils ont réussi à obtenir un niveau de fiabilité parfait", s'enthousiasme Olivier Cleret de Langavant, directeur stratégie-croissance-recherche de la branche exploration production de Total.
Le FPSO peut contenir 1,9 million de barils dans sa coque, soit dix jours de production lorsqu'il atteindra sa vitesse de croisière début 2012. A cette date, des supertankers passeront tous les quatre jours pour "faire le plein". Pour l'heure, le gaz n'est que peu valorisé, une petite partie est utilisée pour faire tourner les cinq turbines à gaz de 24 MW qui alimentent le FPSO en électricité.
Un quatrième FPSO à l'horizon 2014
Quant au reste, il est brulé au sommet de l'immense torchère de 100 mètres de haut située à la proue du navire. Les flammes de 20 mètres ont été du meilleur effet lors de la cérémonie d'inauguration. Mais d'ici quinze jours, ne restera plus qu'une petite veilleuse, le gaz sera alors réinjecté dans les réservoirs afin d'y maintenir une pression suffisante pour la production.
A partir de mi-2012, toutefois, une partie de ce gaz sera conduite sur le continent vers l'usine de liquéfaction Angola LNG, conçue pour commercialiser les réserves de gaz naturel du pays, projet dans lequel Total détient 13,6 % des parts. "C'est l'une des rares usines de liquéfaction utilisant exclusivement du gaz associé à de la production de pétrole", précise Michel Houcard, directeur développement de l'exploration production de Total.
Il faudra maintenant quatre à cinq ans de fonctionnement à Pazflor pour que Total ait récupéré son investissement initial. Mais le pétrolier français ne marque pas pour autant de pause dans le pays. Déjà, les différents stratèges du groupe parlent avec ferveur de la mise en route d'un quatrième FPSO angolais à l'horizon 2014, toujours sur le bloc 17. Mais le plus prometteur est à venir, Total a obtenu des permis sur trois blocs offshores situés plus au sud des eaux territoriales angolaises où pourraient être découverts des champs présalifères.
Identifiés au Brésil, ces modèles géologiques ont accueilli la majeure partie des découvertes pétrolières de ces dix dernières années. Le golfe de Guinée est considéré comme la "marge sœur" du Brésil. Ces deux zones étaient contigües à l'époque de la Pangée, le continent unique.
D'ici à quelques mois, Total, comme de nombreux autres pétroliers, va lancer des études sismiques et espère d'ici un à deux ans creuser les premiers puits exploratoires. "Nous n'avons aucune estimation des réserves possibles, mais nous nous sommes battus pour obtenir ces blocs car nous avons très envie d'explorer ce modèle géologique", explique Yves-Louis Darricarère, directeur général de l'exploration-production chez Total.
A Luanda, Ludovic Dupin