Publié : 24 févr. 2006, 20:40
Intéressant
Idriss Deby Itno : "Que le pétrole tchadien reste sous terre pour les générations futures"
...
Le sujet le plus récurent est le pétrole national. De nombreux Tchadiens estiment qu'il est tout simplement aberrant d'épargner pour les générations futures alors que la survie aujourd'hui est incertaine.
Dans un entretien tantôt aimable, tantôt tendu, le chef de l'Etat expose sa vision des choses sur le pétrole, ...
La Banque Mondiale invoque un engagement non respecté...
La Banque se trompe de bout en bout. Son actuel président vient d'arriver. Je ne lui en veux pas. Mais certainement, il y a eu une incompréhension sur cette loi. C'est une loi nationale, elle n'a rien à avoir avec la Banque mondiale et c'est une loi souveraine que nous avons estimé nécessaire de mettre en place pour garantir une gestion pérenne et sereine des revenus pétroliers. Maintenant, la Banque ne doit pas utiliser le Tchad comme une cobaye ou encore un donneur de leçons. Nous n'avons jamais eu la prétention de donner de leçons aux autres pays pétroliers, et moins encore, de servir de cobaye pour la Banque mondiale dans la confection de cette loi. Là, je refuse !
Depuis le 10 octobre 2003 vous exportez le pétrole, ressent-on des effets au niveau de la population ?
Parler du pétrole est un gros mot pour le Tchadien moyen ; cela voudrait dire qu'avec le pétrole, on peut tout faire. Cela voudrait dire qu'avec les revenus du pétrole, la vie des Tchadiens va changer très rapidement. C'est vrai, le peuple tchadien a raison de croire qu'avec les revenus du pétrole sa vie va changer ; avec les revenus du pétrole, la pauvreté va être sérieusement combattue, le pays va se développer. Mais ce qu'on n'a pas dit au peuple tchadien jusqu'au aujourd'hui, et qu'on refuse de le lui dire, c'est le que Tchad n'est pas dans la production du pétrole. Le Tchad reçoit seulement 12,5% des redevances des revenus pétroliers. Ce qui ne représente absolument pas grand-chose. C'est pour cela que l'euphorie du départ que le peuple tchadien a eue était à juste titre légitime. Mais face aux réalités que nous vivons aujourd'hui, c'est peut-être une sorte d'illusion. Autant les ressources que nous recevons sont maigres, autant les chantiers à bâtir après trente cinq an nées de guerres sont très importants. Et je ne crois pas qu'aujourd'hui, le pays reçoive la valeur réelle et dans la justice ce qui devrait lui revenir.
En clair...
Je dis simplement dans le cas du Tchad qu'on ne me donne rien, mais qu'on me remette ce qui me revient sur mes revenus pétroliers afin de rétablir la justice. Cela me permettrait de résoudre tous nos problèmes et tous les problèmes auxquels le pays est confronté, sans l'endetter, et sans recourir à d'autres formes de financement. Ce pétrole qui sort du sous-sol tchadien, je n'en reçois que 12,5%. Comment voulez-vous que les pays africains se développent sous cette forme d'injustice ? Cette injustice est instaurée par les pays dits développés ou leurs compagnies. Il faut que je vous dise que la convention qui donne droit seulement à 12,5% de redevances au Tchad est une convention de 1988 ; ce n'est pas moi qui l'avais signée. C'est mon prédécesseur qui l'avait négociée, c'était une négociation de dupes. C'est pour ça que j'ai avisé plusieurs fois, courant de 2005, nos partenaires de la Banque mondiale, les compagnies pétrolières et aussi les pays auxquels elles appartiennent, la nécessité de revoir cette convention qui est ficelée pour 25 ans ; 25 ans, c'est aussi le temps au bout duquel l'ensemble des puits découverts va tarir. Il y aura quoi à renégocier après 25ans ? Il n' y aura rien du tout ! C'est pour cela que je dis que c'est une convention de dupes.
Ce constat ne vient-il pas quelque peu tard ?
Je souhaite vraiment, dans l'intérêt de ces compagnies, dans l'intérêt du Tchad, que cette convention soit renégociée pour que le Tchad rentre dans ses droits. 12,5% des revenus, ça ne veut absolument rien dire ! Et si tel est le cas, je préfère que le pétrole reste sous terre. Très franchement ! Peut-être qu'il servira alors aux générations futures qui intéressent tant la Banque mondiale. Mais à l'état actuel des choses, les Tchadiens sont déçus, moi aussi je suis déçu. Ce n'est pas comme ça que nous allons nous développer. Et ce n'est pas par cette démarche que l'Afrique va sortir du sous-développement. Comment pourrons-nous atteindre, dans ces conditions, les objectifs du millénaire dans un partenariat injuste ? Voilà ce que je voudrais que les Africains comprennent; que les intellectuels africains et la diaspora africaine comprennent, qu'il y a un combat à mener. Qu'il doit être mené par nous-mêmes, Africains, pour que l'Afrique rentre dans ses droits et que justice soit faite, après tout ce qu'on a connu dans notre Histoire. Nous serons les plus grands bénéficiaires. Nous n'avons pas de choix. Nous devons continuer cette lutte, ce combat. Nous n'avons aucune raison de croiser les bras face à cette injustice.
Quel est le pourcentage de redevances qui nous parait raisonnable ?
Je ne sais pas. Il faut se mettre à table pour négocier ; il faut d'abord obtenir le principe même d'une nouvelle négociation de la convention. Quand on aura obtenu ce principe, on s'accordera sur la base. Je ne peux pas vous le dire maintenant, puisque nous n'avons pas encore obtenu le principe de renégociation.
En 1988, le baril de brut coûtait 15 dollars. Aujourd'hui, il se vend à 60 dollars. Ces données à elles seules suffisent pour obtenir une révision des termes de la convention.
Je crois que pour nous Tchadiens, nous pensons que nous avons suffisamment amorti peut-être même deux fois les investissements. Les calculs qui avaient été faits à l'époque, avaient conduit le consortium à dire que le pétrole du Tchad peut être rentable si le prix du baril était entre 15 et 17 dollars. Et à l'époque le délai d'amortissement était de 5 ans. Donc, en 2008, nous devrions avoir amorti l'ensemble des frais consentis au projet. Puisque le prix du baril a triplé par rapport au prix initial, même quadruplé, je me dis qu'aujourd'hui on a amorti deux fois. Maintenant, quelle est la part qui reviendra au Tchad après amortissement ? D'où la grande question qui se pose aujourd'hui. Il faut que les compagnies pétrolières acceptent de rendre justice au Tchad. Et que leurs pays respectifs acceptent aussi de donner la part qui revient de droit au Tchad. Ces pays doivent dire à leurs compagnies de rendre justice au Tchad. La Banque mondiale ne doit pas être du côté des pétroli ers. C'est là aussi le grand paradoxe ! La Banque mondiale doit soutenir le Tchad dans sa lutte contre la pauvreté. La philosophie de la Banque mondiale est théoriquement d'aider les pays à se développer. Malheureusement, on n'a atteint aucun objectif, 45 ans après les indépendances. On continue sur le même chemin. Il est curieux de constater que la Banque mondiale soutienne les compagnies pétrolières au détriment des pays pauvres comme le nôtre. C'est la contradiction de la Mondialisation et de la Globalisation ! Les pauvres n'ont pas de voix !
Idriss Deby Itno : "Que le pétrole tchadien reste sous terre pour les générations futures"
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Le sujet le plus récurent est le pétrole national. De nombreux Tchadiens estiment qu'il est tout simplement aberrant d'épargner pour les générations futures alors que la survie aujourd'hui est incertaine.
Dans un entretien tantôt aimable, tantôt tendu, le chef de l'Etat expose sa vision des choses sur le pétrole, ...
La Banque Mondiale invoque un engagement non respecté...
La Banque se trompe de bout en bout. Son actuel président vient d'arriver. Je ne lui en veux pas. Mais certainement, il y a eu une incompréhension sur cette loi. C'est une loi nationale, elle n'a rien à avoir avec la Banque mondiale et c'est une loi souveraine que nous avons estimé nécessaire de mettre en place pour garantir une gestion pérenne et sereine des revenus pétroliers. Maintenant, la Banque ne doit pas utiliser le Tchad comme une cobaye ou encore un donneur de leçons. Nous n'avons jamais eu la prétention de donner de leçons aux autres pays pétroliers, et moins encore, de servir de cobaye pour la Banque mondiale dans la confection de cette loi. Là, je refuse !
Depuis le 10 octobre 2003 vous exportez le pétrole, ressent-on des effets au niveau de la population ?
Parler du pétrole est un gros mot pour le Tchadien moyen ; cela voudrait dire qu'avec le pétrole, on peut tout faire. Cela voudrait dire qu'avec les revenus du pétrole, la vie des Tchadiens va changer très rapidement. C'est vrai, le peuple tchadien a raison de croire qu'avec les revenus du pétrole sa vie va changer ; avec les revenus du pétrole, la pauvreté va être sérieusement combattue, le pays va se développer. Mais ce qu'on n'a pas dit au peuple tchadien jusqu'au aujourd'hui, et qu'on refuse de le lui dire, c'est le que Tchad n'est pas dans la production du pétrole. Le Tchad reçoit seulement 12,5% des redevances des revenus pétroliers. Ce qui ne représente absolument pas grand-chose. C'est pour cela que l'euphorie du départ que le peuple tchadien a eue était à juste titre légitime. Mais face aux réalités que nous vivons aujourd'hui, c'est peut-être une sorte d'illusion. Autant les ressources que nous recevons sont maigres, autant les chantiers à bâtir après trente cinq an nées de guerres sont très importants. Et je ne crois pas qu'aujourd'hui, le pays reçoive la valeur réelle et dans la justice ce qui devrait lui revenir.
En clair...
Je dis simplement dans le cas du Tchad qu'on ne me donne rien, mais qu'on me remette ce qui me revient sur mes revenus pétroliers afin de rétablir la justice. Cela me permettrait de résoudre tous nos problèmes et tous les problèmes auxquels le pays est confronté, sans l'endetter, et sans recourir à d'autres formes de financement. Ce pétrole qui sort du sous-sol tchadien, je n'en reçois que 12,5%. Comment voulez-vous que les pays africains se développent sous cette forme d'injustice ? Cette injustice est instaurée par les pays dits développés ou leurs compagnies. Il faut que je vous dise que la convention qui donne droit seulement à 12,5% de redevances au Tchad est une convention de 1988 ; ce n'est pas moi qui l'avais signée. C'est mon prédécesseur qui l'avait négociée, c'était une négociation de dupes. C'est pour ça que j'ai avisé plusieurs fois, courant de 2005, nos partenaires de la Banque mondiale, les compagnies pétrolières et aussi les pays auxquels elles appartiennent, la nécessité de revoir cette convention qui est ficelée pour 25 ans ; 25 ans, c'est aussi le temps au bout duquel l'ensemble des puits découverts va tarir. Il y aura quoi à renégocier après 25ans ? Il n' y aura rien du tout ! C'est pour cela que je dis que c'est une convention de dupes.
Ce constat ne vient-il pas quelque peu tard ?
Je souhaite vraiment, dans l'intérêt de ces compagnies, dans l'intérêt du Tchad, que cette convention soit renégociée pour que le Tchad rentre dans ses droits. 12,5% des revenus, ça ne veut absolument rien dire ! Et si tel est le cas, je préfère que le pétrole reste sous terre. Très franchement ! Peut-être qu'il servira alors aux générations futures qui intéressent tant la Banque mondiale. Mais à l'état actuel des choses, les Tchadiens sont déçus, moi aussi je suis déçu. Ce n'est pas comme ça que nous allons nous développer. Et ce n'est pas par cette démarche que l'Afrique va sortir du sous-développement. Comment pourrons-nous atteindre, dans ces conditions, les objectifs du millénaire dans un partenariat injuste ? Voilà ce que je voudrais que les Africains comprennent; que les intellectuels africains et la diaspora africaine comprennent, qu'il y a un combat à mener. Qu'il doit être mené par nous-mêmes, Africains, pour que l'Afrique rentre dans ses droits et que justice soit faite, après tout ce qu'on a connu dans notre Histoire. Nous serons les plus grands bénéficiaires. Nous n'avons pas de choix. Nous devons continuer cette lutte, ce combat. Nous n'avons aucune raison de croiser les bras face à cette injustice.
Quel est le pourcentage de redevances qui nous parait raisonnable ?
Je ne sais pas. Il faut se mettre à table pour négocier ; il faut d'abord obtenir le principe même d'une nouvelle négociation de la convention. Quand on aura obtenu ce principe, on s'accordera sur la base. Je ne peux pas vous le dire maintenant, puisque nous n'avons pas encore obtenu le principe de renégociation.
En 1988, le baril de brut coûtait 15 dollars. Aujourd'hui, il se vend à 60 dollars. Ces données à elles seules suffisent pour obtenir une révision des termes de la convention.
Je crois que pour nous Tchadiens, nous pensons que nous avons suffisamment amorti peut-être même deux fois les investissements. Les calculs qui avaient été faits à l'époque, avaient conduit le consortium à dire que le pétrole du Tchad peut être rentable si le prix du baril était entre 15 et 17 dollars. Et à l'époque le délai d'amortissement était de 5 ans. Donc, en 2008, nous devrions avoir amorti l'ensemble des frais consentis au projet. Puisque le prix du baril a triplé par rapport au prix initial, même quadruplé, je me dis qu'aujourd'hui on a amorti deux fois. Maintenant, quelle est la part qui reviendra au Tchad après amortissement ? D'où la grande question qui se pose aujourd'hui. Il faut que les compagnies pétrolières acceptent de rendre justice au Tchad. Et que leurs pays respectifs acceptent aussi de donner la part qui revient de droit au Tchad. Ces pays doivent dire à leurs compagnies de rendre justice au Tchad. La Banque mondiale ne doit pas être du côté des pétroli ers. C'est là aussi le grand paradoxe ! La Banque mondiale doit soutenir le Tchad dans sa lutte contre la pauvreté. La philosophie de la Banque mondiale est théoriquement d'aider les pays à se développer. Malheureusement, on n'a atteint aucun objectif, 45 ans après les indépendances. On continue sur le même chemin. Il est curieux de constater que la Banque mondiale soutienne les compagnies pétrolières au détriment des pays pauvres comme le nôtre. C'est la contradiction de la Mondialisation et de la Globalisation ! Les pauvres n'ont pas de voix !