Jean-François Hénin. Il existe une contradiction entre la situation de l’économie mondiale et la robustesse des cours du pétrole. Cela est dû en grande partie aux tensions au Moyen-Orient qui effraie les opérateurs. Cela dit, on assiste à une révolution incroyable à cause des nouvelles zones pétrolières. Avant, on raisonnait en termes de dizaines d’années de réserves, maintenant on parle de siècles. Mais, pour qu’il existe une offre de deuxième génération, il faut que le prix du brut soit suffisamment haut. L’enjeu est le même pour le gaz, car on a découvert des quantités faramineuses aux Etats-Unis avec le gaz de schiste. Or, le prix s’est effondré autour de 2,5 $ par million de BTU, alors qu’on a besoin d’un certain niveau de prix pour produire.
Nathalie Alazard-Toux. Les prix élevés en 2012 ont permis une hausse des investissements en exploration-production. Ils ne se sont pas traduits tout de suite par davantage de découvertes. Mais aujourd’hui, ils portent leurs fruits. Les annonces de découvertes ont tendance à s’accroître même s’il est encore tôt pour déterminer les futurs volumes de gaz et de pétrole à venir. Il est toutefois certain que le flux physique sera plus important dans les années à venir. La croissance de l’offre viendra pour l’essentiel des pays non membres de l’Opep. Il sera ainsi plus difficile au cartel de jouer le rôle de régulateur. L’Arabie saoudite, le seul pays producteur du cartel capable d’augmenter sa production, doit à chaque fois faire le coup de force contre ses partenaires. L’objectif de l’Opep est en effet de maintenir la stabilité des prix, en jouant sur les volumes.
Sébastien Lagarde. La loi de l’offre et de la demande permet de soutenir le prix du baril. La consommation mondiale de brut est toujours tirée par les pays émergents. Malgré les doutes que l’on a pu avoir sur la Chine au début de l’été, la situation n’est pas catastrophique : la consommation mondiale reste orientée à la hausse. Du côté de l’offre, le boom de la production de brut aux Etats-Unis aide à compenser la déplétion naturelle des champs : 5 % par an. Par ailleurs, en 2012, le prix du baril a été soutenu par des éléments géopolitiques, comme l’embargo sur le brut iranien. Par ailleurs, dans le pétrole de schiste, il faut un niveau de 50 à 70 $ pour garantir un taux des retours sur investissement positifs.
Pierre Terzian. Depuis 1947, quand les Etats-Unis sont devenus importateurs de pétrole, les prix ont très rarement résulté de la rencontre de l’offre et de la demande, à l’exception du choc pétrolier de 1973-1974 ou du contre-choc de 1985 et 1986 quand le Koweït et l’Arabie saoudite ont ouvert les vannes ou en avril 2003, après la guerre en Irak. De par sa nature (cycle de la demande en mois, cycle de l’offre en années), le prix du pétrole ne peut s’expliquer par la seule loi offre/demande. Actuellement, la situation est celle d’une abondance de l’offre, c’est-à-dire que les capacités dépassent la demande d’environ 5 millions de barils par jour (mbj). L’Opep assume cette capacité excédentaire : elle ne produit pas à pleine capacité (31 mbj, contre 36 mbj). En 2035, la demande mondiale atteindra 97 millions de barils par jour. Aujourd’hui, la capacité – pas l’offre – de production de pétrole dans le monde est déjà de 96 mbj. L’Opep devra donc continuer à assumer ce rôle de régulateur de l’offre. S’il ne le joue pas, c’est le coût marginal – le prix du baril le plus coûteux à produire – qui assurera la régulation. Ce niveau de 80-90 $ le baril est la référence des grands groupes pour décider de leurs investissements. Deux autres facteurs jouent dans la détermination des prix. Le premier facteur est la géopolitique, avec le Moyen-Orient. Le second facteur est le pétrole financier. Les capitaux nomades se placent irrégulièrement sur le pétrole. Ils sont faibles aujourd’hui. Ils étaient plus élevés il y a quelques semaines. Aujourd’hui, en raison des retombées du « printemps arabe », les Etats exportateurs ont besoin de revenus du pétrole encore plus importants pour « acheter » la paix sociale.
Julian Waldron. L’année 2012 a été très volatile en termes de prix du pétrole, mais cela n’a pas eu d’impact à court terme sur les investissements. On a tendance à sous-estimer l’effet « déclin des champs existants ». Certains pays n’ont pas investi suffisamment dans le passé. En outre, les grandes compagnies pétrolières ont du mal à atteindre leurs objectifs de production et ce, davantage pour des raisons politiques (relations avec les partenaires locaux), que pour des raisons techniques. En ce qui concerne le gaz, nous vivons dans un marché régionalisé, contrairement au marché pétrolier mondialisé, mais cela n’entrave pas son développement. Par exemple, pour les projets gaziers en Asie, ce qui compte ce sont les contrats à long terme signés entre acheteurs et vendeurs.
Texte brut...
Je ne sais pas si cela restera gravé dans l'histoire.
