Scénario "Bouffées de PO/RC à l'orientale"
Publié : 06 avr. 2007, 16:45
Barack Obama décrocha le téléphone avec véhémence. Ses yeux étaient toujours fermés : ce n’était plus du fait du sommeil, mais du fait de s’être fait réveiller par la sonnerie en plein milieu d’un rêve érotique avec Hillary Clinton en vedette américaine.
« Qu’est-ce que c’est ? hurla-t-il.
- Monsieur le Président, ici le Secrétaire d’Etat. Nous avons un problème.
- Vu l’heure, je peux vous garantir que vous allez en avoir un si le motif de votre appel n’est pas circonstancié. Que se passe-t-il ?
- Les Chinois, monsieur.
- Hé bien, quoi, les Chinois ? Ils attaquent ?
- Oui, mais sur le plan économique. Ils ont décidé de manipuler le prix du pétrole.
- J’arrive. »
Obama s’habilla rapidement et descendit dans le Bureau Ovale où l’attendait le Secrétaire d’Etat, quelques analystes en cravate et un général – ou un amiral, il n’arrivait toujours pas à faire la différence.
« Alors, aboya le Président, où en est-on ? $100 le baril ? $1000 ?
- Pas vraiment. En fait, $10.
- Comment cela, $10 ? Mais hier, on était encore à $82 et vous disiez que les $90 n’étaient plus très loin, compte tenu de l’affaiblissement persistant du dollar !!!
- Oui, mais pendant que vous dormiez, un représentant du gouvernement chinois a prononcé un discours à Vienne, au siège de l’OPEP. Il a déclaré qu’à partir de ce jour, la Chine paierait son baril $10, pas un cent de plus.
- Ils sont fous ou quoi ? Personne ne va leur vendre du pétrole à ce prix-là !
- Justement, ce n’est pas si simple. L’industrie pétrolière ne se régule pas aussi simplement en ouvrant et en fermant le robinet en fonction de la demande. Une fois les investissements faits, il vaut mieux produire, du moment que les coûts d’exploitation sont couverts et qu’on dégage une petite marge, plutôt que de fermer la boutique. Et la Chine représente un tel client aujourd’hui qu’aucun pays producteur ne peut se passer d’elle.
- Pas nous, quand même ?
- Effectivement, pas nous. Mais de toute façon, notre pétrole sert avant tout les besoins domestiques.
- Alors tout va bien au moins sur ce plan-là.
- Malheureusement non, le pétrole est un marché mondial. Si un acteur majeur du marché fixe le prix à $10, en fait… le prix va finir par s’établir à $10.
- Où avez-vous eu votre MBA, mon ami ? Chez Disney ?
- Cela paraît surprenant, Monsieur le Président, mais c’est bien ce qui s’est passé cette nuit. Au début, personne n’a voulu vendre aux Chinois à ce prix ridicule… mais de ce fait une énorme partie de l’offre s’est trouvée sans acheteur. Alors les vendeurs ont commencé à baisser un peu les prix pour se débarrasser de leurs positions, mais les Chinois sont restés campés sur leurs $10. Et finalement, les vendeurs ont craqué. A partir de là, les autres acheteurs se sont dits qu’ils allaient faire pareils, et voilà : le baril s’échange très exactement à $9.87 sur le marché de Singapour en ce moment…
- Il faut faire repartir les prix à la hausse ! Appelez-moi Bush !!!
- En fait, il a déjà appelé trois fois. Il dit que le lobby pétrolier US est incapable de contrer la Chine – simple question de rapport de force.
- Et l’OPEP alors ? Ne me dites pas qu’ils vendent à ce prix-là !
- Pour eux, c’est ça ou bien les tankers restent dans leurs ports. Si leurs revenus pétroliers disparaissent aussi brutalement, leurs économies nationales plongent en quelques semaines et leurs populations se révoltent aussitôt. Ils préfèrent encore brader leurs ressources naturelles plutôt que de réveiller les forces révolutionnaires qui sommeillent chez chacun d’entre eux, engourdies par l’argent facile des pétrodollars. De toute façon, leur pétrole ne coûte pas cher à extraire, ils doivent même faire un dollar ou deux de marge par baril.»
Obama resta silencieux une minute.
« Bon, alors finalement tout va bien ! Nous voici revenus aux meilleurs instants du contre-choc pétrolier des années 1980, non plus de notre fait mais qu’importe, du moment que nous en tirons bénéfice.
- Ahem. Malheureusement, $10 n’est pas un bon prix pour nous. C’est inférieur au coût de production moyen de nos majors pétrolières : elles commencent à perdre énormément d’argent.
- Elles n’ont qu’à cesser de produire...
- ... et leur cours de Bourse va s’effondrer, et nous ne pourrons pas empêcher les Chinois de lancer quelques OPA à vil prix. On pourra peut-être en sauver une ou deux, mais si nous les protégions toutes, nous violerions à un tel point les règles du capitalisme financier mondial que les réactions des investisseurs seraient imprévisibles et irratrapables. Nous manquons de temps pour évaluer correctement les risques, mais il y a de quoi là mettre réellement toutes les Bourses par terre : marchés actions, devises, matières premières…
- Bon OK, on ne va pas risquer un Octobre Noir puissance 10 pour Exxon. Tout combat comporte ses pertes. Au moins, la catastrophe s’arrêtera là.
- J’aimerais en être sûr. Mais à $10 le baril, le marché du gaz et du charbon va s’effondrer à son tour, et les investissements que nous avons eu tant de mal à engager ces dernières années vont être stoppés brutalement : nos projets de centrales nucléaires, de CTL, les sables bitumineux d’Alberta… Nous ne pouvons quand même pas nationaliser les sociétés qui détiennent ces projets !
- Et pourquoi pas ?
- Là encore, si nous le faisons, nous aurons du mal à empêcher le reste du monde de nationaliser nos propres actifs. Et nos missiles thermonucléaires ne sont pas une bonne option pour les dissuader de ne pas le faire. Notre politique énergétique est morte, Monsieur le Président, et nous n’avons pas de plan B.
- Les autres non plus.
- L’Union Européenne n’avait même pas de plan A ! Pour une fois, le manque de vision joue en leur avantage, ajouta sarcastiquement le Secrétaire d’Etat. Par contre, la Chine a toujours 80% de son économie alimentée par son propre charbon, dont elle fixe elle-même les prix sur le marché domestique. Et maintenant, elle a en plus du pétrole abondant à $10 le baril… Quant au gaz, elle s’en fiche vu qu’elle n’en consomme quasiment pas.
- Et donc ?
- Depuis cette nuit, la Chine contrôle l’économie mondiale, M. le Président. Nous vivons nos premières heures de numéro 2. "
Un planton entra dans la pièce.
"Monsieur le Président, s'écria-t-il. Hugo Chavez veut vous aider, il se propose de vous vendre son pétrole à $11 le baril. Il avait une drôle de voix en disant cela."
« Qu’est-ce que c’est ? hurla-t-il.
- Monsieur le Président, ici le Secrétaire d’Etat. Nous avons un problème.
- Vu l’heure, je peux vous garantir que vous allez en avoir un si le motif de votre appel n’est pas circonstancié. Que se passe-t-il ?
- Les Chinois, monsieur.
- Hé bien, quoi, les Chinois ? Ils attaquent ?
- Oui, mais sur le plan économique. Ils ont décidé de manipuler le prix du pétrole.
- J’arrive. »
Obama s’habilla rapidement et descendit dans le Bureau Ovale où l’attendait le Secrétaire d’Etat, quelques analystes en cravate et un général – ou un amiral, il n’arrivait toujours pas à faire la différence.
« Alors, aboya le Président, où en est-on ? $100 le baril ? $1000 ?
- Pas vraiment. En fait, $10.
- Comment cela, $10 ? Mais hier, on était encore à $82 et vous disiez que les $90 n’étaient plus très loin, compte tenu de l’affaiblissement persistant du dollar !!!
- Oui, mais pendant que vous dormiez, un représentant du gouvernement chinois a prononcé un discours à Vienne, au siège de l’OPEP. Il a déclaré qu’à partir de ce jour, la Chine paierait son baril $10, pas un cent de plus.
- Ils sont fous ou quoi ? Personne ne va leur vendre du pétrole à ce prix-là !
- Justement, ce n’est pas si simple. L’industrie pétrolière ne se régule pas aussi simplement en ouvrant et en fermant le robinet en fonction de la demande. Une fois les investissements faits, il vaut mieux produire, du moment que les coûts d’exploitation sont couverts et qu’on dégage une petite marge, plutôt que de fermer la boutique. Et la Chine représente un tel client aujourd’hui qu’aucun pays producteur ne peut se passer d’elle.
- Pas nous, quand même ?
- Effectivement, pas nous. Mais de toute façon, notre pétrole sert avant tout les besoins domestiques.
- Alors tout va bien au moins sur ce plan-là.
- Malheureusement non, le pétrole est un marché mondial. Si un acteur majeur du marché fixe le prix à $10, en fait… le prix va finir par s’établir à $10.
- Où avez-vous eu votre MBA, mon ami ? Chez Disney ?
- Cela paraît surprenant, Monsieur le Président, mais c’est bien ce qui s’est passé cette nuit. Au début, personne n’a voulu vendre aux Chinois à ce prix ridicule… mais de ce fait une énorme partie de l’offre s’est trouvée sans acheteur. Alors les vendeurs ont commencé à baisser un peu les prix pour se débarrasser de leurs positions, mais les Chinois sont restés campés sur leurs $10. Et finalement, les vendeurs ont craqué. A partir de là, les autres acheteurs se sont dits qu’ils allaient faire pareils, et voilà : le baril s’échange très exactement à $9.87 sur le marché de Singapour en ce moment…
- Il faut faire repartir les prix à la hausse ! Appelez-moi Bush !!!
- En fait, il a déjà appelé trois fois. Il dit que le lobby pétrolier US est incapable de contrer la Chine – simple question de rapport de force.
- Et l’OPEP alors ? Ne me dites pas qu’ils vendent à ce prix-là !
- Pour eux, c’est ça ou bien les tankers restent dans leurs ports. Si leurs revenus pétroliers disparaissent aussi brutalement, leurs économies nationales plongent en quelques semaines et leurs populations se révoltent aussitôt. Ils préfèrent encore brader leurs ressources naturelles plutôt que de réveiller les forces révolutionnaires qui sommeillent chez chacun d’entre eux, engourdies par l’argent facile des pétrodollars. De toute façon, leur pétrole ne coûte pas cher à extraire, ils doivent même faire un dollar ou deux de marge par baril.»
Obama resta silencieux une minute.
« Bon, alors finalement tout va bien ! Nous voici revenus aux meilleurs instants du contre-choc pétrolier des années 1980, non plus de notre fait mais qu’importe, du moment que nous en tirons bénéfice.
- Ahem. Malheureusement, $10 n’est pas un bon prix pour nous. C’est inférieur au coût de production moyen de nos majors pétrolières : elles commencent à perdre énormément d’argent.
- Elles n’ont qu’à cesser de produire...
- ... et leur cours de Bourse va s’effondrer, et nous ne pourrons pas empêcher les Chinois de lancer quelques OPA à vil prix. On pourra peut-être en sauver une ou deux, mais si nous les protégions toutes, nous violerions à un tel point les règles du capitalisme financier mondial que les réactions des investisseurs seraient imprévisibles et irratrapables. Nous manquons de temps pour évaluer correctement les risques, mais il y a de quoi là mettre réellement toutes les Bourses par terre : marchés actions, devises, matières premières…
- Bon OK, on ne va pas risquer un Octobre Noir puissance 10 pour Exxon. Tout combat comporte ses pertes. Au moins, la catastrophe s’arrêtera là.
- J’aimerais en être sûr. Mais à $10 le baril, le marché du gaz et du charbon va s’effondrer à son tour, et les investissements que nous avons eu tant de mal à engager ces dernières années vont être stoppés brutalement : nos projets de centrales nucléaires, de CTL, les sables bitumineux d’Alberta… Nous ne pouvons quand même pas nationaliser les sociétés qui détiennent ces projets !
- Et pourquoi pas ?
- Là encore, si nous le faisons, nous aurons du mal à empêcher le reste du monde de nationaliser nos propres actifs. Et nos missiles thermonucléaires ne sont pas une bonne option pour les dissuader de ne pas le faire. Notre politique énergétique est morte, Monsieur le Président, et nous n’avons pas de plan B.
- Les autres non plus.
- L’Union Européenne n’avait même pas de plan A ! Pour une fois, le manque de vision joue en leur avantage, ajouta sarcastiquement le Secrétaire d’Etat. Par contre, la Chine a toujours 80% de son économie alimentée par son propre charbon, dont elle fixe elle-même les prix sur le marché domestique. Et maintenant, elle a en plus du pétrole abondant à $10 le baril… Quant au gaz, elle s’en fiche vu qu’elle n’en consomme quasiment pas.
- Et donc ?
- Depuis cette nuit, la Chine contrôle l’économie mondiale, M. le Président. Nous vivons nos premières heures de numéro 2. "
Un planton entra dans la pièce.
"Monsieur le Président, s'écria-t-il. Hugo Chavez veut vous aider, il se propose de vous vendre son pétrole à $11 le baril. Il avait une drôle de voix en disant cela."