Vu que je suis un contradicteur régulier de Gilles, je vais tâcher de répondre en détail.
mon seul souci, dans le problème du PO aussi bien que du RC, c'est de tenter d'avoir une vision la plus juste de la réalité, c'est tout. Je n'ai pas de but politique a priori.
Un premier point qui me chiffonne: je ne connais personne qui prenne position sur ces questions sans affirmer haut et fort qu'il n'a pas d'apriori politique, mais j'ai constaté que pas mal de gens politisent un débat qui ne l'est pas. Gilles n'est pas trop dans ce cas, mais je constate quand même parfois quelques mélanges dans son discours: j'avoue avoir du mal à suivre lorsqu'il nous explique qu'il pense que la sensibilité climatique est basse, puis qu'il nous explique que de toute façon les mesures proposées sont mauvaises parce qu'il faudrait en fait interdire l'usage des ressources non-conventionnelles.
Pour plusieurs raisons : d'abord je pense que la meilleure façon de réagir , c'est toujours d'avoir dejà un bon diagnostic au départ. Ensuite parce que je suis extrêmement méfiant -et de plus en plus - envers les gens qui prétendent savoir 50 ans à l'avance ce qui est bon pour le peuple. En général, ça se termine avec les pires catastrophes de l'histoire. L'humanité a toujours avancé en tatonnant, comme l'évolution des espèces. Je ne crois plus du tout dans l'urgence de faire des trucs d'ici 10 ans pour éviter la catastrophe dans 100 ans, c'est comme si on disait que ce qui se passe maintenant vient d'erreurs de décisions prises en 1910...
Je trouve très étonnant de voir utiliser sur oléocène l'argument selon lequel l'homme a toujours fait d'une certaine façon et donc que cela doit continuer. C'est là un point qu'affectionnent régulièrement les terreplatistes: depuis la nuit des temps, l'humanité n'a cessé de s'adapter et de progresser, pourquoi cela devrait-il s'arrêter. Il n'est pas très difficile de répondre: nous sommes dans une situation inédite dans l'histoire, dans laquelle notre activité à un impact global sur notre environnement, ainsi que sur les ressources à disposition, par conséquent, les exemples historiques n'ont que peu de valeur ici.
Par ailleurs, j'ai du mal à comprendre pourquoi les gens seraient plus enclins à réagir à un discours prédisant des catastrophes nébuleuses dans 50 ans, on ne sait pas très bien pour qui (les bengalis? les maldiviens?) , plein d'incertitudes et d'approximations, quand c'est pas des vrais "plantages" (comme sur les glaciers), plutôt qu'à des faits bien plus immédiats sur le danger de la baisse de production pétrolière, qui me semble bien plus apparent et proche. Du point de vue de l'efficacité du discours, ça me paraitrait assez aberrant.
Là, je suis assez d'accord. Il est clair que le PO a un impact plus proche et plus concret. Ceci dit, je ne suis absolument pas certain qu'il "passe" mieux: un certain nombres de personnes auraient tôt fait d'expliquer qu'il y a des réserves cachées, que le pétrole est abiotiques, contrairement à ce que racontent les géologues officiels, que les compagnies pétrolières complotent pour faire monter les prix, etc... Il ne fait pas de doute que le discours "PO-sceptique" trouverait son public, surtout lorsqu'on sait qu'une des constances de la psychologie humaine est d'attribuer ses malheurs à des responsables plutôt qu'à des causes impersonnelles.
Je ne pense pas du tout que ce soit les vraies raisons de la prééminence du discours du RC sur celui du PO. La vraie raison n'est pas là : C' est que le discours du RC est acceptable par les gouvernements, parce qu'il se place dans le cadre général de la croissance économique continue et ne fait qu'en alerter sur des conséquences potentiellement dommageables, alors que le discours sur le PO et la décroissance forcée est inacceptable. Du coup le discours sur le RC a bénéficié de l'aura médiatique d'un groupe intergouvernemental et est devenu la doxa officielle abondamment relayé par les médias, et ça suffit largement pour convaincre une grande partie de la population que "c'est vrai puisque c'est marqué dans le journal".
Pourquoi un discours sur le PO serait plus décroissant qu'un discours sur le RC? Il est clair qu'actuellement, le discours sur le RC est qu'il est possible de préserver la croissance tout en diminuant la consommation de fossiles. On peut, bien sûr, en douter, mais de façon évidente, ce discours peut parfaitement être tenu dans le contexte du PO.
Les raisons pour laquelle le PO n'a pas donné lieu à la création d'un organisme international tel le giec, est selon moi:
1) La géologie pétrolière est une science en grande partie privée, il est impossible d'avoir des données sérieuses pour un certain nombre de régions pétrolières. Il n'y a pas eu d'alerte lancée par des chercheurs du domaine comme cela a été le cas d'Hansen pour le climat dans les années 80.
2) Le PO ne nécessité pas réellement une concertation internationale. Au fond, même, chaque pays a intérêt à y être mieux préparé que les autres.
On peut arguer qu'il en serait de même pour les populations, pour l'acceptabilité, et donc qu'il vaut mieux leur tenir un discours faux mais utile, qu'un discours juste mais inacceptable. Mais c'est douteux.
Discours faux? Bien que Gilles se trouve à la limite, il lui arrive souvent d'aller dans le discours négateur(i. e. qui nie de façon péremptoire que le RC soit un problème). Ses deux arguments pour le faire sont: 1) la sensibilité climatique est plus faible que les climatologues le pensent. 2) Les ressources en fossiles ne permettent pas aux scénarios les plus importants concernant l'émissions de GES. A moins d'être de mauvaise foi, il me semble qu'il ne peut considérer ces deux points comme étant des certitudes, ce qui signifie qu'il ne peut absolument pas écarter la possibilité d'un RC supérieur à 2°C pour le siècle qui vient.
Je ne pense déjà pas que les gouvernements soient en général conscients du problème du PO, ou du moins de sa gravité. Par ailleurs je pense aussi que les soi-disant mesures "utiles" ne vont rien changer fondamentalement au problème de base, qui est l'arrêt du modèle économique de croissance continue qui a régné depuis 200 ans. On voit bien comment le discours sur le RC alimente des espoirs (pour moi largement mythiques) sur la "croissance verte", la "nouvelle société", etc... C'est très dangereux parce que si ces discours sont déçus (et ils sont en passe de l'être ), le retour de bâton va être douloureux.
Parce que finalement que dit le GIEC ? " on a encore pour un siècle de croissance , y a pas de problème de ressources fossiles pour l'alimenter, en revanche, va faire super chaud !".
Et que constatent les gens ? que le prix du baril explose, que la croissance s'arrête, qu'ils perdent leur boulot.... et en plus ça caille !
Je pense que Gilles se méprend sur le Giec dont le rôle n'est absolument pas de défendre la croissance, mais d'estimer les risques(en ne tenant, certes pas compte des possibilités de limitations des ressources en fossiles). Pour ce qui est des mesures proposées pour limiter les émissions de GES, elles se situent dans les limites de ce qui est acceptable politiquement, c'est à dire qu'elle ne visent pas la croissance.
Toutefois, on ne peut que constater que ceux qui s'opposent au giec le font très souvent en revendiquant haut et fort un discours cornucopien, c'est à dire en expliquant que le discours autour du RC est "décroissant" ...