bon il y a un petit mélange entre les posts sur la discussion et les posts avec l'ADEME donc je reviens sur le fil approprié pour rendre compte des échanges.
Finalement j'ai eu 3 réponses sur 4 ce qui n'est pas mal du tout, de JB Fressoz ,V. Masson-Delmotte, et JM Jancovici. Seule Magali Reghezza n'a pas daigné me répondre. Mais néanmoins je pousse encore le bouchon et je leur ai adressé un mail collectif, comme ça ils sont tous en copie et ils savent que les autres sont aussi en copie, et ils peuvent échanger leurs arguments. Voilà ce que je leur ai envoyé
Bonjour
Je vous ai écrit à tous, séparément, pour vous poser un peu la même question : comment chiffre-t-on actuellement le coût du RCA ? (Même si j’ai un peu adapté la forme de la question aux spécificités de chacun). Le panel que vous représentez me semble intéressant car vous êtes tous des autorités reconnues et avec une grande visibilité médiatique sur le sujet, et vous avez tous un parcours universitaire brillant qui démontre vos qualités de réflexion et de rigueur. Je ne m’attends donc pas à avoir de meilleures réponses sur cette question que celles que vous pourriez m’apporter. Du coup je trouve intéressant de poursuivre l’échange collectivement, si vous êtes d’accord, ça m’évitera de répéter plusieurs fois les mêmes choses et ça permettra d’enrichir la discussion mutuelle (je peux remettre en copie les messages déjà échangés si les intéressés sont d’accord).
Je retire de vos réponses qu’il est impossible d’avoir un chiffrage assez précis du coût actuel du RCA, et les estimations pour le futur me semblent encore plus incertaines.
L’absence de chiffrage précis des dégâts du RCA me semble poser un problème évident : pour se fixer un objectif quantitatif pour une action, il me semble indispensable d’avoir un chiffrage au moins approximatif des avantages et des inconvénients de l’action, mais sans chiffrage de ce genre, comment le faire ?
Le problème d'ailleurs au moins aussi important pour moi est plutôt l’autre versant du problème, c’est à dire le chiffrage du coût de se passer de fossile, donc de la fameuse « transition énergétique » (une question qui est indépendante de la discussion de l’effet de serre ou des modèles climatiques, et qui se poserait même sans RCA vu le caractère fini des réserves fossiles et leur épuisement inévitable).
Jean Marc ne me contredira pas je pense si je dis qu’une partie de son discours est clairement de dire que la richesse du monde industriel n’a été possible que par l’emploi des énergies fossiles, qu’il n’y a qu’elles pour être assez concentrées et disponibles pour permettre une consommation d’environ 2 tep par an et par personne, et qu’il n’y a que cette production d’énergie qui permette de soutenir un mode de vie industriel. Argument que je partage totalement d’ailleurs.
Mais évidemment, cela contredit frontalement l’idée que la décarbonation de l’économie ne coûterait « que » 0,1 % du PIB (soit en France quelques euros par personne et par mois….) , comme le dit une des références données par Valérie Masson-Delmotte. Les deux assertions sont parfaitement contradictoires, si on peut avoir le même PIB sans fossiles, ça voudrait dire que ce que dit Jean Marc est faux, les fossiles ne sont nullement indispensables à la richesse : on ne peut pas concilier les deux.
Et si ce que Jean-Marc dit est juste , alors la décarbonation aura bien plus d’effet que de réduire 0,1 % du PIB. C’est d’ailleurs ce que semblent dire les scénarios récents de l’ADEME que vous connaissez surement :
https://transitions2050.ademe.fr On ne peut pas arriver à décarboner sans « sobriété » , ce qui est la manière politiquement correcte de décrire une baisse significative du PIB. Le discours appelant à la transition énergétique s’accompagne d’ailleurs le plus souvent d’appels à vivre bien plus sobrement que maintenant et « faire des efforts », ce qui reconnait implicitement qu’une économie décarbonée ne peut pas apporter les mêmes services, et donc la même richesse que les fossiles.
Mais ça, ça veut dire que la décarbonation (ou simplement, la fin naturelle des fossiles) couterait une fraction très notable du PIB mondial (qui est de l’ordre de 100 000 G$/an), donc des dizaines de milliers de milliards de $. Beaucoup plus que les coûts du RCA qui sont donc très probablement inférieurs à 1 % du PIB.
Evidemment on peut penser que ces couts vont augmenter avec le réchauffement, en revanche je n’ai aucune idée de comment on démontrerait qu’ils gagneraient plus d’un ordre de grandeur avec juste quelques dixièmes de degrés en plus - un ordre de grandeur qui n’est pas très éloigné de la variabilité interannuelle naturelle, donc a priori déjà « sondé » par les fluctuations aléatoires naturelles.
Ce que dit l’ADEME est un minimum, mais je pense que les conséquences de supprimer les fossiles seraient en réalité bien plus grandes que ça.
Sans fossiles, ça ne signifie pas que vous ne faites que prendre votre vélo pour aller au travail et que vous faites attention à ne pas prendre d’avion. Sans fossiles, il n’y a plus de vélo (essayez de réfléchir à ce qu’il faut en amont pour fabriquer juste un roulement à billes ….), et bien sur il n’y a plus d’avion. On peut parler de transport à hydrogène et d’acier à l’hydrogène, mais l’hydrogène même « vert » est produit avec des fossiles. Les éoliennes, les barrages, les panneaux PV , les centrales nucléaires , sont construits avec des techniques utilisant des fossiles, des usines avec du béton, de l’acier, des plastiques, des isolants, faits avec des fossiles. Les réseaux électriques sont faits avec de l’acier, du cuivre, du verre , fabriqués avec des fossiles. Les électrolyseurs, batteries, etc … sont construits avec des fossiles. Regardez ce qui vous entoure, sur votre bureau et dans la pièce, il n’y a sans doute quasiment rien qui ait pu être produit sans utiliser à un moment ou un autre des fossiles.
Si on devait construire tout ça sans utiliser de fossiles, l’hydrogène produit serait bien plus cher, et tout ce qu’on est censé faire avec cet hydrogène serait aussi bien plus cher en rétroaction. En réalité personne n’a jamais démontré qu’un système industriel cohérent pouvait etre maintenu sans fossile. Ca n’existe nulle part, et ça n’a jamais existé nulle part. Même maintenant, aucun pays pauvre ne sait se développer sans augmenter sa consommation de fossile. Imaginez seulement une équipe des meilleurs ingénieurs arrivant dans une région pauvre d’Afrique et se donnant le défi de l’industrialiser sans faire appel à des techniques fossiles - personne ne sait faire ça.
Vous pouvez imaginer que ça va exister d’ici 2050, mais il n’y en a aucun exemple nulle part, donc aucune preuve. C’est du domaine de la foi, pas de la science.
Les gens qui vivent sans fossiles vivent comme au néolithique. Ca a toujours été le cas, avant, comme maintenant. Ca n’a jamais été autrement. Avec juste la biomasse comme source d'énergie, le niveau de vie moyen, qui est le niveau de vie de l’humanité entre le néolithique et le Moyen Age, est juste celui de la pauvreté absolue actuelle , quelques $ par jour et par habitant. Sans fossiles, les populations sont désarmées face aux épidémies (pas d’hôpital, pas de médicament moderne), aux famines (pas de possibilité de transporter massivement et rapidement de la nourriture d’un endroit où elle est abondante à un endroit où elle manque), et aux catastrophes naturelles (pas de construction solide en béton armé, ni de moyens de secours), et les populations sont régulièrement décimées et régulées par ces catastrophes. Sans fossile, l’essentiel de l’humanité se retrouve en état de pauvreté absolue, seule une petite caste aristocratique peut être riche, et encore, elle est aussi exposée aux maladies et aux famines.
Vous allez sans doute me répondre qu' il ne s’agit pas de vivre sans fossiles, juste de réduire sensiblement leur consommation , mais ça ne change pas vraiment le problème. D’abord stopper la croissance du CO2 suppose quand même atteindre la neutralité carbone, ce qui semble difficilement envisageable avec plus de 10 % de la production actuelle. Et on ne peut pas imaginer que la société industrielle ne puisse vivre sans fossile, mais que l’impact d’en enlever 90 % ne serait que de 0,1 %, c’est absurde. Réduire très sensiblement la consommation de fossile ne réduirait pas toute l’humanité à la pauvreté absolue, mais au moins une fraction importante, mais c’est déjà un gros problème.
Si vous vous désolez de voir que le monde n’arrive pas à réduire sa consommation de fossiles malgré tout ce qu’on raconte et tous les engagements pris, l’explication me semble pourtant très simple, elle est juste celle ci-dessus : c’est parce que se passer de fossile aurait bien plus de conséquence sur la population que 1°C ou 2°C de plus. Il n’y a pas de population que vous imaginez pouvoir être touchée par les conséquences du RCA, qui ne le serait encore bien plus par une réduction massive des fossiles.
Ce qui suffit largement à mon sens à expliquer le graphique montré par Jean Marc dans une de ses présentations, que je trouve très parlant …
Avez vous des objections « rationnelles » à ce point de vue ?
Bien cordialement
Zan, zendegi, azadi. Il parait que " je propage la haine du Hamas".