L’Ademe pointe du doigt la surconsommation des biens d’équipement
Olivier Cognasse Usine Nouvelle le 26/09/2018
Infographie Pour la première fois, une étude évalue le poids carbone et la matière mobilisée de nos biens d’équipement. Le bilan est inquiétant
Dix-huit hippopotames ! C’est le poids des matières premières utilisées pour fabriquer l’ensemble des biens d’équipements qui se trouvent dans notre domicile (appareils électriques, habillement, meubles, équipements de sport,…), soit la bagatelle de 45 tonnes. Et le CO2 émis pour tout le cycle de fabrication atteint 6 tonnes, soit l’équivalent de six allers et retours Paris-New-York en avion.
L’étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) est une première et permettra peut-être à chacun de prendre conscience de la surconsommation inutile qui est entrée dans les foyers. Un exemple bien connu, 88 % des Français changent de téléphone portable alors qu’il est encore en parfait état de fonctionnement.
L’obsolescence culturelle
"Nous sommes partis de la COP21, où nous avions des informations sur le transport et l’alimentation, mais très peu sur les biens d’équipement, explique Pierre Galio, chef du service consommation et prévention de l’Ademe. Il faut lutter contre le suréquipement et le renouvellement trop fréquent, comme pour les smartphones. Il y a l’obsolescence programmée, mais aussi l’obsolescence culturelle."
La surconsommation est donc responsable en partie du dérèglement climatique avec de fortes émissions de gaz à effet de serre et contribue à la pollution de la planète quand on voit les tonnes de matières qu’il faut pour produire un appareil électrique. On déplace 8000 tonnes de roches pour extraire une tonne de cuivre.
Quelques exemples : pour produire un téléviseur de 11 kg, il faut mobiliser 2,5 tonnes de matières premières. Un poids équivalent pour notre garde-robe et proche pour un lave-linge (2,1 tonnes).
On produit des millions de tonnes de vêtements, on en détruit des millions de tonnes. C’est la même chose pour l’électroménager, dénonce Arnaud Leroy, le président de l’Ademe. On n’a pas l’impression que les volumes d’achats et de déchets ont beaucoup baissé. Nous pointons avec l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), celles qui incitent à une consommation déraisonnable."
L’impression 3D pas si vertueuse
L’association Zéro Waste se réjouit de cette étude et de "ses données inestimables pour notre travail au quotidien. Elles n’existaient pas, rappelle Flore Berlingen, directrice de l’ONG spécialisée dans la lutte contre les déchets. A ce stade, on ne peut pas se contenter de petites améliorations. Il faut utiliser le levier de la fiscalité et réduire, par exemple, baisser la TVA sur la réparation." Car l’un des moyens pour réduire la surconsommation et augmenter la durée de vie est bien de faire réparer les produits, activité non délocalisable et créatrice d’emplois et d’éviter d’acheter des produits "jetables".
Mais pour qu’ils soient réparables, encore faut-il que les industriels aient anticipé cette possibilité. C’est le cas de SEB depuis plusieurs années avec des forfaits de réparation qui ne dépassent pas 30 ou 40 % de la valeur du produit. Cela demande aussi d’avoir les pièces détachées disponibles. "L’impression 3D permet de prolonger la vie des produits, précise Alain Pautrot, directeur du service-après-vente chez SEB. Mais la 3D génère des émissions de CO2 et une consommation de matière importante. Réaliser des grosses pièces ainsi n’est pas en tous les cas bénéfique."
Une question que ne se posent pas les responsables d’Amazon épinglés pour avoir détruit des produits retournés par les clients parfois sans aucun défaut et ne pas respecter les règles de garanties. "Je suis surpris qu’on milite pour baisser les volumes de déchets et que l’on se retrouve avec de nouveaux flux portés par la nouvelle économie", dénonce Arnaud Leroy. Mais c’est aux Etats d’imposer les règles dans ce domaine…