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En quittant la Tour 34, l'une des cents tours (re)construites sur pilotis - caprices de la Tamise obligent -, Sara songe à sa famille, restée à Marseille, qu'elle n'a pas revue depuis cinq ans. Les retrouvailles ne seront pas pour cette année. Il y a belle lurette que les avions ne volent plus en Europe. Sous la pression des industries et des rares transporteurs routiers encore en exercice sur le continent, le transport aérien a été mis au banc des accusés pour son incapacité à réduire significativement ses émissions de gaz. Assommées par "la" taxe, les compagnies aériennes ont fait faillite les unes après les autres : le prix d'un billet Genève-New York avait bondi de 300 à 2000 euros. L'Union européenne a mis la main sur les derniers coucous en état de marche, pour les affecter aux services d'urgence et aux armées...

– Santé, Randy. Et bon courage pour ton rosé du Sussex !
– C’est ça moque-toi ! Notre jaja vaut largement votre bandol calciné, répondit le Britannique sans se démonter.
– Quel bandol ?, répliqua Théo. Y’a plus de bandol ! On vient encore de racheter 50 hectares dans le Var pour planter de l’herbe à éléphants.

Dès son plus jeune âge, Théo avait pourtant tout vu, tout vécu et y avait survécu, à commencer par la big canicule de 2012 qui soustraya cent mille Européens dont une demi-douzaine d’athlètes terrassés en direct pendant les J.O. de Londres.

Le décroissant ne répondait pas tout de suite. Il écoutait Fréquence verte débiter les titres habituels : le baril d’éthanol à 120 $, loin devant le Brent à 260 $, les habituelles révoltes chinoises contre la relocalisation européenne, le débat sur le lancement de la quatrième génération de centrales nucléaires (faut-il les lancer alors que les scientifiques de Cadarache promettaient la fusion nucléaire d’ici deux… à vingt ans ?), la réouverture du port d’Aigues-Mortes…