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Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 13:24
par Philippe
Pour répondre à energy_isere, entre 1983 et 1986, j’étais responsable de l’exploitation des gisements d’Obagi (OML-58) et d’Upomami (OML-57) au Nigéria, pour un total de 100 000 barils/jour. Déjà à l’époque, tous les moteurs thermiques (à pistons), sans aucune exception, fonctionnaient au gaz naturel, produit en association avec le pétrole. Nous avions environ 35 moteurs thermiques Caterpillar G-379 et G-399 (de mémoire 500 kw et 700 kw chacun) fonctionnant au gaz, comme la lettre G l’indique.

Si les Equatoriens se sont mis seulement à convertir leurs moteurs thermiques au gaz il y a deux ou trois ans, de façon à satisfaire les besoins internes de leur exploitation, cela signifie juste qu’ils ont 30 ans de retard minimum sur ce qui est considéré partout comme le « Good Oil Practice ». Présenter le rattrapage de 30 ans de retard comme un acte vertueux me semble simplement du f... de gu...

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 13:52
par Philippe
Mes messages et ceux d'energy_isere se sont télescopés. Je n'ai pas d'expérience du GTL. Je doute qu'il reste des survivants d'IG-FARBEN (coal-to-liquids lors de la domination des nazis sur l'Europe continentale), mais il doit rester des témoins de SASOL (coal-to-liquids lors de l'apartheid). Il faudrait leur poser la question sur la rentabilité économique, et plus encore thermodynamique, du procédé. Cela dit, le procédé Fischer-Tropsch n'a été vraiment utilisé que dans ces deux cas. Il doit bien y avoir une raison... Dans le cas des gaz brûlés sur torche, on pourrait utiliser le procédé Fischer-Tropsch pour faire des carburants liquides en Russie ou au Nigéria, ou ailleurs. Or, ce n'est fait nulle part. Même les Russes ne le font pas. Il doit bien y avoir une raison. Je ne la connais pas. Peut-être les journalistes, Serge ENDERLIN ou Eric LAURENT pour n'en citer que deux, pourraient-ils enquêter là-dessus. Leur reportage sera assuré d'avoir au moins un télespectateur/auditeur/lecteur, moi-même.

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 13:54
par Remundo
Philippe a écrit :Par ailleurs, comme le faisait remarquer l’Anglais distingué dans le premier reportage, soit on sauve son âme et on évite de traiter avec des régimes douteux (Russe ou Nigérian), soit on est « pragmatique » et on traite avec des gens que l’on n’inviterait pas à prendre le thé chez sa mère (formulation délicieusement british).
Ce point là fait consensus.

J'ai beaucoup apprécié cette formulation.

Ceux qui sont vraiment "pragmatiques" sont ceux qui se détournent de cette faillite programmée des hydrocarbures. A moins que "pragmatique" décrivent ceux qui veulent profiter à court-terme des largesses du sous-sol et des "Dirigeants" de ces malheureux pays.

C'est intéressant que tu soulignes ce passage du reportage, et qu'en même temps, tu relates tes "faits d'armes" dans le monde de l'huile et du gaz ; alors, tu te situes dans quelle catégorie ?

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 13:56
par mahiahi
Remundo a écrit : Mais les Africains en voudraient bien de l'électricité et du gaz !! Et un peu d'eau potable aussi !
mahiahi a écrit : On pourrait limiter les amalgames?
"Les Africains" ne vivent pas tous dans un désert, ne meurent pas tous de faim et n'ont pas tous des problèmes d'eau potable!
A la longue, ça devient aussi lourd que le mépris, les bons sentiments, quand on s'appuie sur des clichés.
Remundo a écrit :Cherche un peu le % des Africains qui disposent d'un réseau d'eau potable
Réseau pour eau potable courante, je suppose?
Plus que tu ne crois en ville ; à la campagne, il y en a pas mal qui ont de l'eau potable à proximité, mais pas chez eux.
Ceci ne fait pas oublier les nombreux malheureux qui en sont privés, mais arrêtez de dire systématiquement "les Africains"

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:05
par mahiahi
mahiahi a écrit :Une solution serait la liquéfaction pour le commercialiser là où il y a de la demande, mais j'imagine que les coûts ne seraient pas petits... Quelqu'un en sait plus sur cette technique?
energy_isere a écrit : M' enfin mahiahi, drole de question aprés tant d' années sur ce forum ! Le transport du Gaz (gazoduc et GNL)
Merci, mais c'était plus dans une optique de rentabilité sur place
energy_isere a écrit : et pour te répondre précisément sur les couts : ma réponse du jour
Le cout de construction d' une unité de liquéfaction de gas naturel de 1 million de tonnes par an est de 1.5 milliard de $. (Wikipedia)

Je ne connais pas de "petit" projets de liquéfaction de gaz.
Peut étre Philippe pourra nous éclairer ?
Super, merci!
Donc avec le débit du coin (quel est-il?), il faut une tonne à combien pour rentabiliser?
Oui, j'ai un peu la flemme aujourd'hui

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:10
par Remundo
Philippe a écrit :Mes messages et ceux d'energy_isere se sont télescopés. Je n'ai pas d'expérience du GTL. Je doute qu'il reste des survivants d'IG-FARBEN (coal-to-liquids lors de la domination des nazis sur l'Europe continentale), mais il doit rester des témoins de SASOL (coal-to-liquids lors de l'apartheid). Il faudrait leur poser la question sur la rentabilité économique, et plus encore thermodynamique, du procédé. Cela dit, le procédé Fischer-Tropsch n'a été vraiment utilisé que dans ces deux cas. Il doit bien y avoir une raison...
C'est un procédé lourd qui se justifie lorsque le critère n°1 est l'obtention de Diesel, et pas de faire du business (ou alors dans un contexte passé, et futur où le Diesel sera une ressource rare et nécessaire).

Il existe un procédé un peu plus léger développé par Mobil pour obtenir de l'essence. Il passe par le méthanol, et personnellement, j'estime que l'on devrait utiliser directement le méthanol, qui reste liquide en dessous de 50°C (ébullition à 65°C), et qui peut être produit à partir de thermolyse de biomasse (CO + 2H2 -> CH3OH)...

Pour revenir au sujet, voici le procédé GTL de Mobil:
1) CH4 + H2O → CO + 3 H2 ΔrH = +206 kJ mol-1
2) CO + H2O → CO2 + H2 ΔrH = -41 kJ mol-1
3) Synthesis 2 H2 + CO → CH3OH ΔrH = -92 kJ mol-1

Jusque là, ce process est légèrement endothermique (+73 kJ/mol), mais si j'ose dire, il y a bien quelques résidus de gaz à torcher pour compenser...

4) .... passage par un éther CH3OCH3, puis conversion en alcane C5

Alors tout ça nécessite de grosses installations, des catalyseurs, etc... difficile à construire sur un site dont la pérénnité n'est pas assuré.

Un réseau de gazoducs est donc nécessaire, des investissements.

Pour être trivial, c'est carrément chiant lorsqu'à côté, on peut vend le liquide avec une marge colossale. Pas besoin d'appeler Eric Laurent, bien que j'apprécie beaucoup ce journaliste.

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:13
par Philippe
Remundo,

fil très intéressant. Où je me place n'a pas d'importance.

Mon avis de mercenaire ayant vécu 7 ans de sa vie en Afrique, sans compter les autres pays où j'ai pu vivre ou séjourner (Yémen, Equateur, Tunisie, Venezuela, etc...) est le suivant. Dans un monde normal, on arrêterait l'exploitation de tout pétrole dont le gaz associé est brûlé. Pour information, les pétroliers calculent un paramètre, le "GOR" (gas-oil-ratio), qui donne la quantité de gaz extraite avec chaque volume de pétrole. Pour les pétroles légers, ce GOR est fréquemment de 200 mètres cubes de gaz (150 kg) par mètre cube d'huile (850 kg, ces deux chiffres étant des approximations très grossières, surtout pour le gaz). Le GOR a la fâcheuse habitude d'augmenter avec le temps, et peut atteindre des valeurs astronomiques, allant jusqu'à envoyer à la torche autant de kilowattheures de gaz que l'on vend de kilowattheures de pétrole. Si la décision m'appartenait, on arrêterait ce gaspillage. L'inconvénient, c'est que cela retirerait entre 20 et 30% des 85 millions de barils de pétrole que l'on crame dans des bagnoles et des chaudières tous les jours. Les conséquences sont faciles à prévoir : hausse très considérable du prix du pétrole, récession d'ampleur inégalée à ce jour, guerres et autres joyeusetés.

Je n'ai pas de solution. Sinon, j'en aurais proposé la mise en oeuvre depuis longtemps. C'est pourquoi je suis sur Oleocene et pas sur liberaux.com.

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:14
par Remundo
mahiahi a écrit :Ceci ne fait pas oublier les nombreux malheureux qui en sont privés, mais arrêtez de dire systématiquement "les Africains"
Oui Chef ! Comment dois-je les nommer Chef !? :mrgreen:

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:18
par mahiahi
Les habitants du Delta du Niger, les Nigériens, les riverains des puits, etc.
Pas besoin d'embarquer toute l'Afrique là dedans

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:19
par energy_isere
Philippe a écrit :Pour répondre à energy_isere, entre 1983 et 1986, j’étais responsable de l’exploitation des gisements d’Obagi (OML-58) et d’Upomami (OML-57) au Nigéria, pour un total de 100 000 barils/jour. Déjà à l’époque, tous les moteurs thermiques (à pistons), sans aucune exception, fonctionnaient au gaz naturel, produit en association avec le pétrole. Nous avions environ 35 moteurs thermiques Caterpillar G-379 et G-399 (de mémoire 500 kw et 700 kw chacun) fonctionnant au gaz, comme la lettre G l’indique.

Si les Equatoriens se sont mis seulement à convertir leurs moteurs thermiques au gaz il y a deux ou trois ans, de façon à satisfaire les besoins internes de leur exploitation, cela signifie juste qu’ils ont 30 ans de retard minimum sur ce qui est considéré partout comme le « Good Oil Practice ». Présenter le rattrapage de 30 ans de retard comme un acte vertueux me semble simplement du f... de gu...
Merci beaucoup pour cette réponse. :)

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:22
par energy_isere
Philippe a écrit : ......
Je n'ai pas de solution. Sinon, j'en aurais proposé la mise en oeuvre depuis longtemps. C'est pourquoi je suis sur Oleocene et pas sur liberaux.com.
\:D/ merci !

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:33
par energy_isere
Philippe a écrit :Mes messages et ceux d'energy_isere se sont télescopés. Je n'ai pas d'expérience du GTL. Je doute qu'il reste des survivants d'IG-FARBEN (coal-to-liquids lors de la domination des nazis sur l'Europe continentale), mais il doit rester des témoins de SASOL (coal-to-liquids lors de l'apartheid). Il faudrait leur poser la question sur la rentabilité économique, et plus encore thermodynamique, du procédé. Cela dit, le procédé Fischer-Tropsch n'a été vraiment utilisé que dans ces deux cas. Il doit bien y avoir une raison... Dans le cas des gaz brûlés sur torche, on pourrait utiliser le procédé Fischer-Tropsch pour faire des carburants liquides en Russie ou au Nigéria, ou ailleurs. Or, ce n'est fait nulle part. Même les Russes ne le font pas. Il doit bien y avoir une raison. Je ne la connais pas. Peut-être les journalistes, Serge ENDERLIN ou Eric LAURENT pour n'en citer que deux, pourraient-ils enquêter là-dessus. Leur reportage sera assuré d'avoir au moins un télespectateur/auditeur/lecteur, moi-même.
Il n' y a effectivement pas de transformation de Gas to liquids à petite échelle.

Il semble que la rentabilité ne s' obtienne qu' avec de trés grosses usines demandant de trés gros volumes de Gaz.
Vous avez oublié de citer l' énorme projet PEARL de GTL au Qatar. Voir ce post de Mars 2011

et d' ailleurs il vient de démarrer ! voir ce post du jour

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 14:36
par Remundo
Le GOR a la fâcheuse habitude d'augmenter avec le temps, et peut atteindre des valeurs astronomiques, allant jusqu'à envoyer à la torche autant de kilowattheures de gaz que l'on vend de kilowattheures de pétrole. Si la décision m'appartenait, on arrêterait ce gaspillage. L'inconvénient, c'est que cela retirerait entre 20 et 30% des 85 millions de barils de pétrole que l'on crame dans des bagnoles et des chaudières tous les jours. Les conséquences sont faciles à prévoir : hausse très considérable du prix du pétrole, récession d'ampleur inégalée à ce jour, guerres et autres joyeusetés.
Je suis d'accord avec ça.

Mais peut-être que ça ferait du bien aux Occidentaux (dont je fais partie) de se serrer un peu la ceinture sur le pétrole fossile et de reporter leurs efforts sur les EnR de toute sorte. Ils y gagneraient économiquement et géopolitiquement (et "accessoirement" écologiquement).

Je pratique cela à titre personnel et je n'ai pas du tout l'impression de me priver.

Les hydrocarbures liquides devraient être brûlés avec parcimonie, c'est de l'or absolu (et épuisable) pour faire fonctionner les engins de chantier, et aussi les voitures et engins routiers sur de longues distances.

Bon, mais tout ce que je puis dire fera peut-être sourire... j'ai un point de vue un peu "bon sens paysan" sur ce sujet, et le "profit" m'apparaît tout autant artificiel que sacrificiel.

On se demande bien d'ailleurs à quoi servira le "profit" si le système va au bout de son absurdité : compromettre l'accès aux ressources physiques(énergie, matériaux) et agricoles. Car au fond, c'est ça et uniquement ça qui compte.

@+

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 15:08
par Alter Egaux
Philippe a écrit :Si les Equatoriens se sont mis seulement à convertir leurs moteurs thermiques au gaz il y a deux ou trois ans, de façon à satisfaire les besoins internes de leur exploitation, cela signifie juste qu’ils ont 30 ans de retard minimum sur ce qui est considéré partout comme le « Good Oil Practice ». Présenter le rattrapage de 30 ans de retard comme un acte vertueux me semble simplement du f... de gu...
Je te trouve un peu injuste. L'effet de perspective des 30 ans est effectivement à noter, et tu le soulignes parfaitement. Cependant, j'ai noté dans le reportage que les Equatoriens ont nationalisé la compagnie d'exploitation, et suggère que le coût de l'installation a été socialisée, mais très vite amortie (en 2 ans, sans compter les droits CO2 ainsi gagnés).
Ce qui veut dire que c'est effectivement les 30 ans de retard, mais aussi l'accord d'une nation sur un investissement pour éviter le torchage du Gaz en pure perte, pour des raisons d'écologie, mais aussi de rationalité.
Philippe a écrit :Si la décision m'appartenait, on arrêterait ce gaspillage. L'inconvénient, c'est que cela retirerait entre 20 et 30% des 85 millions de barils de pétrole que l'on crame dans des bagnoles et des chaudières tous les jours. Les conséquences sont faciles à prévoir : hausse très considérable du prix du pétrole, récession d'ampleur inégalée à ce jour, guerres et autres joyeusetés.

Je n'ai pas de solution. Sinon, j'en aurais proposé la mise en oeuvre depuis longtemps. C'est pourquoi je suis sur Oleocene et pas sur liberaux.com.
En passant, tu fais bien d'avoir choisi le forum, car franchement, les "solutions" de liberaux.com, on les connait déjà : nous les avons sous nos yeux, crises après crises. Le jeu de la rustine.
Mais je pense que tu mets le doigt sur ce qui ne va pas : le gaspillage. Et ce gaspillage n'est pas uniquement d'un côté (les méchantes Majors du pétrole), mais il se trouve aussi en chacun de nous, individus et foyers.

La problématique se trouve donc dans les normes, leur respect, et l'information des citoyens (en leur donnant une vision claire de l'avenir énergétique).

Re: [Arte] La Malédiction de l'or noir

Publié : 29 juin 2011, 15:26
par Philippe
Ami Remundo,

au risque de te surprendre, ma position n'est pas si éloignée de la tienne, comme de celle d'Alter Egaux avec qui il me plairait de partager un déjeuner, proposition toujours en cours. Dans un autre fil, j'ai eu l'occasion de citer la phrase de Dmitri Mendeleev (le père de la classification périodique des éléments) à un tsar de Russie, disant que les molécules d'hydrocarbures étaient trop précieuses pour être brûlées. Je ne pensais pas seulement au torchage du gaz en Sibérie ou dans le delta du Niger, mais aussi à ces aberrations que sont les véhicules terrestres à moteur thermique, les avions, et tous autres usages aboutissant à transformer lesdites molécules en gaz carbonique (non toxique, contrairement à ce que le reportage affirme), en vapeur d'eau, en dioxyde de soufre (irritant respiratoire et responsable des pluies acides) et en divers oxydes d'azote (mais surtout dans les moteurs thermiques utilisés en conditions suboptimales, c'est-à-dire en rapport de boîte de vitesses inférieur à la cinquième dès la vitesse de croisière de 50 km/h atteinte).

J'ai la faiblesse de penser que le consommateur final porte une responsabilité colossale dans ce gaspillage, par ignorance de l'origine du produit qu'il met dans son réservoir, de la même façon que l'acheteur de ce joli objet en ivoire, acheté à un marchand ambulant d'Afrique Noire et qui rend si bien sur le buffet Henri II du salon, est responsable du braconnage de l'éléphant en Afrique et de la disparition prochaine de cet irremplaçable pachyderme (désolé pour le hors sujet...).