L’inventaire des volumes d’hydrocarbures présents dans les roches-mères du sous-sol de la France est mieux avancé que ce que l’on peut croire. Plus il y a eu de forages pétroliers pour de l’exploration conventionnelle, mieux la roche-mère est connue. Les roches-mères sont bien connues dans le Bassin Parisien, où il a été fait de nombreux forages plus profonds que l’étage connu sous le nom de « Lias », où ces roches-mères ont été concentrées. De nombreux forages y ont traversé le Lias pour atteindre les réservoirs conventionnels du « Rhétien » et du « Keuper », sous-divisions géologiques du Trias. Dans certains de ces forages, le Lias a été carotté, et parfois même testé, avec quelquefois obtention de débits de pétrole de courte durée. L’analyse géochimique des carottes donne une bonne idée des volumes/tonnages d’hydrocarbures qui y ont été engendrés. Jean LAHERRERE, avec Alain PERRODON et G. DEMAISON (que je ne connais pas) ont écrit en 1994 un rapport détaillé là-dessus, intitulé « Undiscovered Hydrocarbons Potential », cité au lien :
http://aspofrance.viabloga.com/files/JL ... lTower.pdf, page 11. Jean LAHERRERE écrit, en particulier, que le Lias a engendré entre 7 et 10 tonnes d’hydrocarbures par mètre carré (en surface). C’est énorme. Quand on multiplie par le nombre de mètres carrés où la roche-mère est à une profondeur d’enfouissement supérieure au minimum nécessaire à la maturation de la matière organique (typiquement 2 300 mètres dans le Bassin de Paris), on arrive à des chiffres pharamineux, de l’ordre de 1 000 milliards de barils, soit de l’ordre de grandeur des réserves restantes de pétrole conventionnel de la planète. L’ordre de grandeur, pour le Bassin Parisien, est certainement correct en raison du grand nombre de puits qui ont permis l’acquisition de l’information.
L’information est beaucoup plus éparse pour les deux autres bassins principaux, la Lorraine et le Sud-Est. Je ne connais pas le Sud-Est, mais la Lorraine a été étudiée récemment par ELIXIR PETROLEUM, avec le bruit médiatique que ça a fait. ELIXIR a, entre autres, retrouvé les carottes de trois forages réalisés par CONOCO en 1995 chez GDF à Mareuil-sur-Ourcq, et a fait des études approfondies sur ces carottes. ELIXIR a publié des chiffres qui ont pu choquer, mais qui ont été simplement mal interprétés. En Lorraine, c’est du gaz de schiste et non plus du pétrole de schiste. Les chiffres trouvés et annoncés par ELIXIR sur le gaz de schiste de son permis de la Moselle sont, probablement, dans le bon ordre de grandeur. Mais, là encore, c’est du gaz présent dans la roche-mère. On ne parle pas de quantités récupérables.
Il est certain que la connaissance pourrait être affinée par d’autres forages, dans lesquels la roche-mère serait carottée aux fins d’analyse, mais on n’en prend pas le chemin en France.
Cela dit, l’inventaire ne donne que les quantités qui ont été engendrées en profondeur, mais en aucun cas les quantités qui pourront être récupérées, le cas échéant. Pour le savoir, il y a énormément d’études à conduire sur la mécanique des roches elles-mêmes. Autant on peut, avec retard, faire des études de géochimie nouvelles sur des carottes anciennes, même lorsqu’elles sont exposées aux intempéries depuis 17 ans comme les carottes de Mareuil-sur-Ourcq (la matière organique prisonnière ne se barre pas comme ça), autant il est vain de faire de la mécanique des roches sur d’aussi vieux échantillons, qui ont connu l’humidité pendant 17 automnes et le gel pendant 17 hivers. La capacité de la roche à libérer ses hydrocarbures doit être mesurée sur des échantillons fraîchement sorti de puits. Là non plus, on n’en prend pas le chemin.
Il est donc raisonnable de conclure que l’on dort sur d’énormes quantités de pétrole dans la partie occidentale du Bassin de Paris (sous la Brie) et sur d’énormes quantités de gaz en Lorraine (je rappelle que j’ignore tout du Bassin du Sud-est), mais personne ne peut risquer un pronostic sur les quantités qui pourront être extraites si un jour l’exploitation doit en être autorisée.
Le lecteur qui aura eu le courage de parvenir à la fin de ce message comprendra pourquoi les pétroliers considèrent important de réaliser des travaux d’exploration de la ressource, de façon à estimer les chances de pouvoir en récupérer des quantités raisonnables, et à mettre au point les techniques qui permettraient de le faire. La gent politique qui nous gouverne a décidé, comme Jean-Baptiste COFFINHAL (à qui il faut reconnaître la circonstance atténuante que la phrase est sans doute apocryphe), que la République française n’a pas besoin de savants.