Reportage
Le nouvel eldorado minier est au fond des mers
LE MONDE | 24.10.08 | 16h08 • Mis à jour le 24.10.08 | 16h40
http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... _3244.html
TOULON, MARSEILLE ENVOYÉE SPÉCIALE
Les océans couvrent plus de 70 % de la surface du globe mais, en dehors des ressources halieutiques, les hommes n'ont exploité jusqu'à présent qu'une petite partie de ses richesses. Au moment où les ressources énergétiques et minières s'épuisent à terre, l'exploration et l'exploitation des fonds sous-marins, dont une grande partie reste encore inconnue, suscite un intérêt grandissant de la part des industriels et des Etats. Tel est l'un des principaux constats formulés au cours du forum Biomarine, qui a réuni, du 20 au 24 octobre à Toulon et à Marseille, un millier de participants, scientifiques, industriels et gestionnaires de l'océan.
SUR LE MÊME SUJET
Certains matériaux sont déjà extraits des mers, dans de faibles profondeurs : le sel, ainsi que le sable et le gravier employés dans la construction. Des "gisements" d'or et de diamants transportés de terre en mer via les fleuves sont exploités au large des côtes. Les plateformes d'extraction de gaz naturel et de pétrole offshore se sont également beaucoup développées depuis les années 1970.
Mais les océans recèlent d'autres ressources, encore intactes. Les hydrates de gaz en font partie. Constitués de méthane entouré de molécules d'eau, ils représenteraient "l'équivalent de trois fois la quantité d'énergie contenue dans les réserves mondiales de charbon", affirme Peter Herzig, directeur de l'institut Leibniz des sciences marines, en Allemagne.
PARI TECHNIQUE
Du manganèse, du cuivre, du nickel, du cobalt, du zinc, du fer, du plomb sont également présents sous les mers. Les zones situées autour des panaches hydrothermaux, à la rencontre des plaques océaniques, présentent des concentrations particulièrement importantes en minerai. "Cela fait des millénaires que l'homme exploite des mines à terre, plaide David Heydon, directeur de l'entreprise Deepsea Metals, basée en Australie. Tout ce qui était facile à extraire l'a été, avec un coût environnemental important. Devons-nous continuer à nous acharner sur les Andes pour en extraire du cuivre, ou nous tourner vers l'océan ?" M. Heydon est le fondateur de la compagnie Nautilus Minerals, qui ouvrira en 2010 la première mine de cuivre sous-marine, à 1 600 mètres de profondeur, au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. L'entrepreneur espère remporter un pari technique, mais surtout économique, et ouvrir "une nouvelle ère".
Devant ces opportunités, même lointaines, de nombreux Etats cherchent à étendre leur souveraineté en mer. L'océan Arctique est aujourd'hui le théâtre le plus évident de cette bataille. Mais la France, l'Australie, la Nouvelle-Zélande, l'Afrique du Sud, le Brésil, le Mexique, l'Indonésie revendiquent également une extension de leur souveraineté au-delà des 200 milles nautiques de la zone économique exclusive (ZEE). En vertu de la convention internationale sur le droit de la mer, adoptée en 1982, les Etats côtiers peuvent revendiquer des droits sur la haute mer s'ils prouvent que leur plateau continental sous-marin est situé dans la continuité des terres émergées au-delà des 200 milles (sans toutefois excéder les 350 miles). Les Etats concernés sont dans la dernière ligne droite : les dossiers doivent être déposés avant mai 2009 devant la commission des limites du plateau continental (placée sous l'égide des Nations unies et composée d'une trentaine de scientifiques), qui tranchera.
ENVIRONNEMENTALISTES INQUIETS
Cette nouvelle donne suscite l'inquiétude des environnementalistes. "L'océan recèle un énorme potentiel : son exploitation est quasiment inévitable, relève Matthew Gianni, au nom de la Deep Sea Conservation Coalition, qui rassemble une soixantaine d'ONG écologistes. Les risques de dommages environnementaux sont importants. Si ces activités décollent économiquement, quelle sera l'incitation pour que les Etats pauvres protègent la biodiversité marine ?" La question se pose aussi pour la haute mer, au-delà des 200 milles nautiques, qui échappe à toute souveraineté. Les modalités d'exploitation des fonds sous-marins dans ces régions ne sont pas encore définies. "L'impact humain dans ces zones éloignées est encore relativement limité, affirme Salvatore Arico, chargé du programme biodiversité à l'Unesco. C'est une chance, nous avons encore la possibilité de bien faire."
Gaëlle Dupont
Article paru dans l'édition du 25.10.08.