Dans la notice d’impact préalable à tout forage, il est indispensable d’identifier les aquifères contenant des eaux potables. A Paris, par exemple, il existe 6 puits artésiens produisant une eau d’une grande qualité à partir des sables de l’Albien, à 550-600 mètres de profondeur (
http://fr.wikipedia.org/wiki/Puits_art% ... s_de_Paris). Il est évident que ces aquifères doivent absolument être protégés de toute contamination.
On ne peut pas établir de règle universelle pour les profondeurs minimales auxquelles rechercher du shale gas, dans la mesure où la géologie des aquifères d’eau potable est très variable. Il appartient aux autorités concernées (en France, le préfet, qui sollicite l’avis de la DREAL, anciennement DRIRE) de définir la distance verticale de sécurité suffisante pour garantir la protection des aquifères.
Les va-et-vient de camions ne sont, en général, pas un problème majeur (sauf accident de la route, mais cela peut arriver avec n’importe quel camion, transportant n’importe quel produit). A la pointe du Cap-Ferret, région touristique s’il en est, il a été fait un forage à 3 200 mètres de profondeur à l’automne 1999 (j’y étais). La société opératrice, ESSO, a attendu la fin de la saison touristique pour lancer l’opération. Le ballet des camions n’a gêné personne. Là encore, tout est dans la concertation. Ce ballet de camions ne dure que le temps du forage (et des fracturations hydrauliques pour les puits de shale gas), et la zone tombe ensuite durablement dans l’oubli pour les 25 ans qui suivent. Je ne pense vraiment pas que cela perturbe l’activité touristique, si c’est bien organisé et si la période choisie le permet (l’hiver est généralement une période propice, une fois que la concertation avec les chasseurs a permis d’établir une règle du jeu).
Le plus important reste le contrôle des déchets. On injecte, en effet, des produits chimiques dans les liquides de fracturation. Le produit de base est l’eau, évidemment. Les pétroliers préfèrent réutiliser des eaux plus ou moins salées extraites lors d’opérations de production (l’objectif est d’arriver à 100% d’eaux usées dans la mixture injectée). Le sable calibré, ou les agents de soutènement (oxyde de zirconium, céramiques de moyenne et haute densité), destinés à maintenir ouvertes les fractures créées, n’ont pas vocation à être expulsés du sous-sol. Dans le cas contraire, l’opération serait un échec (sans compter que ces matériaux ne sont pas donnés). Il reste les quelques additifs destinés à éviter des complications lors des opérations avec appareil de forage, ou après le départ dudit appareil. L’eau, salée ou non, est rendue visqueuse par ajout de produits inoffensifs. Dans les temps anciens, on utilisait de l’amidon, maintenant, on utilise des polymères. Cette eau est rendue alcaline par ajout de soude (de Destop), pour la rendre moins corrosive et tuer la microfaune indésirable. On y rajoute des produits bactéricides, pour éviter d’introduire des bactéries dans le sous-sol. L’intention est louable, parce que l’on connaît des cas de vieux puits où cette précaution n’a pas été prise, et où des développements bactériens anaérobies explosifs ont été observés en sous-sol (cas du gisement de Coulommes sur l’autoroute A4, à la hauteur de Meaux). Ces bactéricides sont utilisés systématiquement, pour les puits de shale gas, mais aussi pour tous les forages pétroliers, sans exception ou presque. Le presque s’applique aux phases de forage de zones superficielles, où l’on traverse des aquifères d’eau douce, qu’il n’est pas question de contaminer. Pour protéger ces aquifères, sans utiliser de bactéricides, on préfère jouer sur le pH de la « boue de forage », en forçant sur la soude, qui reste un produit parfaitement inoffensif une fois dilué (la seule conséquence est un léger enrichissement en ions sodium, sur une distance très faible autour du puits). Enfin, il y a les inhibiteurs de corrosion. Le but est de protéger les tubes en acier descendus pour coffrer le puits. On a intérêt à éviter la corrosion de ces tubes, pour en assurer la pérennité. Il est connu que les meilleurs inhibiteurs de corrosion sont à base d’arsenic. Mais les pétroliers n’ont pas mis longtemps à bannir ces produits, et à en chercher de plus anodins. Les inhibiteurs de corrosion ne sont pas totalement anodins. L’important est de s’assurer qu’ils sont rapidement expulsés du puits une fois les opérations terminées, et que leur élimination se fait dans les règles. Je précise que les inhibiteurs de corrosion sont utilisés dans tous les cas, qu’il s’agisse de forages pour le shale gas, ou pour tout autre forage, même un simple forage vertical.
Je ne vois pas de raison particulière de mettre le shale gas au ban de la collectivité, puisque les techniques utilisées sont les mêmes que pour les autres forages. Il reste, simplement, à réglementer l’activité pour s’assurer que :
(1) Les précieux aquifères de surface sont bien protégés de toute contamination, tant lors des opérations de forage à leur traversée que lors des fracturations hydrauliques précédant la mise en exploitation.
(2) La distance verticale entre le drain horizontal destiné à produire le shale gas et les aquifères d’eau potable est suffisante pour assurer une absence totale de migration verticale du gaz vers ces aquifères d’eau potable.
(3) La cimentation du dernier tubage avant le drain horizontal est parfaitement contrôlée, restaurée si elle n’est pas satisfaisante, ou que le forage est abandonné si la cimentation n’est pas réparable.
(4) Les produits chimiques utilisés sont parfaitement contrôlés, tant à l’entrée qu’en sortie. A noter que cela est valable pour tous les forages, de shale gas ou pas.
(5) L’élimination de ces produits chimiques nocifs ou toxiques est faite dans les règles, et contrôlée par un organisme indépendant. Même remarque qu’au 4 ci-dessus.
Désolé si ma prose est rébarbative, mais on n’explique pas des choses compliquées en quelques lignes avec des mots simples.