La défense des Gaz de Schistes ; par Philippe.

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Philippe
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La défense des Gaz de Schistes ; par Philippe.

Message par Philippe » 07 avr. 2011, 16:53

A Alter Egaux et aux autres opposants aux gaz et pétroles de schistes :

En bonne justice, j’estime que les gaz et pétroles de schistes ont droit à un avocat, comme tout le monde. L’époque de Fouquier-Tinville est heureusement révolue. Je n’ai pas vocation à m’en faire l’avocat, ne faisant pas moi-même d’exploration de gaz de schistes, mais je trouve le procès trop inique pour rester les bras croisés. D’autre part, je constate qu’il n’y a pas beaucoup de volontaires pour se faire l’avocat de ces gaz et pétroles de schistes.

Les gaz et pétroles de schistes ne méritent ni excès d’honneur, ni indignité. Les différents problèmes environnementaux qu’ils soulèvent doivent être discutés dans la sérénité. Les arguments de la défense doivent être écoutés au même titre que ceux de l’accusation. En bonne justice, la défense devrait, d’ailleurs, avoir le droit de parler la dernière. La décision appartiendra ensuite aux politiques, mais il leur faudra prendre leur décision avec une connaissance aussi parfaite que possible du dossier, plutôt que devant une bière à la sortie de la projection de « Gasland ».

Les reproches environnementaux principaux sont les suivants :

1. Les consommations d’eau : il s’agit là d’un problème très sérieux, et la profession en a parfaitement conscience. Il n’est pas question d’entrer en concurrence avec les usages nobles de l’eau, et les pétroliers sont d’accord. Il y a des solutions à rechercher. Avec de la bonne foi de part et d’autre, elles peuvent être trouvées, au cas par cas. C’est le problème fondamental des gaz et pétroles de schistes.

2. La pollution des nappes phréatiques par la fracturation hydraulique : dans cette affaire, paradoxalement pour certains, l’intérêt des pétroliers rejoint celui des citoyens. En effet, si on imagine qu’une fracture initiée dans une couche de gaz de schiste (vers 2 500 mètres de profondeur) atteint un aquifère, il va se passer deux phénomènes et non pas un seul. C’est vrai que le gaz (ou le pétrole) va migrer vers la surface, et donc atteindre l’aquifère. Mais c’est vrai aussi que l’eau va migrer vers le bas, et envahir le puits producteur de gaz (ou de pétrole). Tout pétrolier sait qu’un puits envahi par l’eau est perdu. Il ne reste plus qu’à passer en charges un investissement de 5 millions d’euros ou plus. Le pétrolier va donc tout faire pour que les fractures n’atteignent pas les aquifères. Mieux, dans le cas du Bassin de Paris, l’aquifère d’eau douce le plus profond est la formation des « sables verts » de l’Albien, vers 900 mètres dans la Brie (600 mètres sous Paris, où plusieurs puits artésiens y ont été réalisés au XIXème siècle, et produisent encore). Le Lias, où se trouve le pétrole de schistes, est à 2 300 mètres ou plus. 300 mètres au-dessus du Lias, et donc intercalée entre le Lias et l’aquifère d’eau douce, on trouve la nappe du Dogger, salée entre 15 et 30 grammes par litres, qui est exploitée pour la géothermie dans le Val-de-Marne et la région parisienne : http://www.geothermie-perspectives.fr/1 ... 08_GB1.pdf. Si un pétrolier loupe son coup, et voit sa fracture remonter de 300 mètres, jusqu’à atteindre le Dogger, l’envahissement de son puits par l’eau du Dogger lui fait perdre instantanément 5 millions d’euros ou plus. On voit mal, alors, comment une fracture pourrait atteindre les précieux aquifères de surface du Bassin Parisien sans traverser au passage l’aquifère massif du Dogger et faire perdre son investissement au pétrolier.

3. La pollution des nappes phréatiques ou des cours d’eau par le stockage en bourbiers : il est vrai que les produits expulsés des puits sont conservés un certain temps dans des bourbiers creusés à même le sol, et revêtus d’une bâche étanche, généralement grise ou noire et d’une épaisseur de 4 millimètres. Le soudage des éléments de bâche, livrés en rouleaux de 4 mètres environ, est confié à une entreprise spécialisée, qui contrôle la soudure comme on le fait pour des tuyaux. Le volume est prévu pour stocker tous les produits injectés, mais aussi pour recevoir les grosses pluies de façon à éviter les débordements. Pourquoi stocker ces produits avant leur élimination ? C’est simplement pour laisser la nature dégrader les produits, qui sont généralement des produits organiques. Par exemple, le N,N-diméthylformamide, dont j’ai parlé dans un message antérieur, se biodégrade en totalité au bout de 3 semaines environ (http://www.cerij.or.jp/ceri_en/hazard_a ... 8_12_2.pdf, voir §5.2.2 et 5.2.3). Il faut donc s’assurer de plusieurs choses : l’étanchéité de la bâche, le dimensionnement du bourbier pour faire face à des événements météorologiques extrêmes, le suivi de la biodégradation des divers produits organiques, et la régularité/conformité des enlèvements des liquides et des boues vers leur destination ultime. Tout cela est du ressort de la réglementation (police des eaux). En ma qualité de citoyen, je serais ravi que tous les produits chimiques rejetés dans les rivières fussent suivis aussi scrupuleusement (détergents, médicaments, hormones, etc.).

4. L’EROIE : il est légitime de s’interroger sur l’EROEI (Energy Return on Energy Invested) des gaz et pétroles de schistes. Il est tout aussi difficile de sortir des valeurs crédibles. J’ai juste fait un calcul simple sur le Barnett Shale au Texas. Dans le Barnett Shale, il semble que la récupération de gaz ultime soit de 2,7 milliards de pieds cubes (2,7 bcf) par puits (source : une présentation de Guy MAISONNIER de l’IFP le 14 décembre 2010, que j’ai en pdf). A 4 dollars par millier de pieds cubes, cela fait un chiffre d’affaires de 10,8 millions de dollars, ce qui est peu, alors que le coût du forage doit en représenter au moins le tiers. Un volume de 2,7 bcf représente une énergie totale de 790 gigawatt-heures (pour un gaz à 1 000 BTU par pied cube, désolé pour les unités à la c...). Si on suppose que l’EROEI est de 1 (on dépense une unité d’énergie pour en récupérer une, ce qui est évidemment stupide), l’opération aura donc consommé 790 gigawatt-heures. A 1 628 kilowatt-heures par baril (valeur approximative, mais que l’on trouve dans la littérature), la consommation sera donc de 485 000 barils environ. A 42 gallons par baril (conversion exacte), cela représente 20,4 millions de gallons environ. En première approximation, on considérera que les consommations sont essentiellement du gasoil ou du fuel domestique (la vraie essence est à peine moins chère que le gasoil aux USA, donc ça ne change pas fondamentalement ; sinon une partie de la consommation est de l’électricité, qui sera encore plus chère que le gasoil). Ces jours-ci, le gasoil est pile à 4 dollars du gallon aux USA (http://www.eia.doe.gov/oog/info/gdu/gasdiesel.asp). Si l’EROEI était de 1, l’exploitant dépenserait donc, rien que pour ses factures de fuel et celles de ses sous-traitants, 82 millions de dollars. A cela, il faut bien évidemment ajouter le matériel, le personnel, les différents services, etc., sans parler des profits espérés. L’exploitant ne bénéficie même pas de la subvention normale qui consiste à faire payer au contribuable une partie (le taux de l’impôt sur les sociétés) de ses factures de fuel puisqu’il ne gagne pas d’argent. Le raisonnement par l’absurde montre donc que l’EROEI ne peut pas être aussi bas que 1. On peut, de la même façon, simuler un EROEI de 2, on voit que l’exploitant ne s’y retrouve toujours pas. J’aurais tendance à penser que l’EROEI du gaz de schiste est de l’ordre de 5 à 10 ou quelque chose comme ça. C’est simplement fondé, pour le gaz de schiste, sur le constat que le produit extrait – le gaz naturel - est vendu, au kilowattheure, pratiquement 5 fois moins cher que les liquides consommés. Maintenant, comme Yves COCHET l’a dit le 29 mars dernier, cela peut quand même aboutir à un « échec économique » si le prix du gaz continue d’être aussi dérisoirement bas, mais ce n’est pas un « échec thermodynamique ». Il reste l’argument que les pétroles et gaz de schistes ne supporteraient pas toutes les externalités. Cela reste à débattre, mais c’est un vaste sujet (l’automobiliste qui passe dans ma rue et qui souille ma façade d’immeuble ne contribuera pas non plus au coût du ravalement rendu nécessaire par son comportement).

5. Le « mitage des paysages » : la photo que l’on retrouve sur différents sites internet, avec des sites de forage partout, est une exception et non pas une règle. Le grand nombre de sites s’explique parce que les propriétaires terriens, aux USA, sont intéressés à la production : ils reçoivent une royalty de 25% du volume de gaz extrait (au Texas, dans le Barnett Shale). On comprend que les propriétaires de terrains se battent pour accueillir un forage. Ailleurs qu’aux USA, le propriétaire n’est pas intéressé à la production et ce phénomène n’existe pas. Les pétroliers regroupent les forages sur un nombre limité de plates-formes, comme si l’opération était en offshore. Avec un site d’un hectare et demi (environ), on peut exploiter les hydrocarbures sur une superficie de 5 kilomètres carrés ou davantage. Ca limite considérablement le nombre de sites en surface.

6. Le gaz au robinet : l’image fait le tour du monde. Les pétroliers ont procédé à une analyse critique (certes partiale) du documentaire de M. Josh FOX. On la trouvera en anglais au lien http://www.energyindepth.org/2010/06/debunking-gasland/. J’en ai une version traduite en français que je peux envoyer en mail perso. Il est bien évident que des incidents tels qu’une flamme au robinet ne laissent pas les autorités indifférentes, même quand ledit robinet est alimenté par un puits individuel et non par un réseau. Le lien ci-dessus renvoie à deux comptes-rendus faits par les autorités sanitaires du Colorado (COGCC), qui concluent à l’origine biogénique du gaz concerné (et donc rien à voir avec le shale gas). Il est dommage que ces conclusions ne soient pas plus documentées, avec notamment la fourniture des analyses isotopiques du carbone (carbone 12, carbone 13, carbone 14), mais il faut des éléments tangibles pour contredire ces conclusions. Il appartient maintenant à M. Josh FOX de prouver l’origine fossile profonde du gaz, pour contrer les conclusions des « Abigail SCIUTTO » du Colorado.

Les avantages des gaz et pétroles de schistes existent, et on s’en apercevra probablement un jour ou l’autre, notamment en hiver, lorsque de nombreuses centrales nucléaires auront été mises à l’arrêt pour vétusté, et lorsque les Russes se plaindront une nouvelle fois du comportement des Ukrainiens qui sont sur le passage des gros gazoducs. Si l’EROEI est mauvais, les projets tomberont d’eux mêmes. Si l’EROEI est convenable, ce gaz et ce pétrole pourront se révéler précieux. Ce n’est pas pour rien que Barack OBAMA demande aux pétroliers de poursuivre la mise en valeur de ces ressources, alors que la France envisage de faire exactement l’inverse.

Je ne suis pas avocat, je répète que je ne suis pas impliqué dans la recherche et l’exploitation des pétroles et gaz de schistes, je ne suis ni mandaté ni payé par personne, mais je demande juste que les arguments de la défense soient écoutés. J’espère que le lecteur me fera cette grâce.

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Re: Le shale gas (Gaz naturel de shistes)

Message par akochan » 08 avr. 2011, 21:19

Tres belle explication calme et sereine de Philippe. La conclusion de tout cela c'est qu'il faut absolument economiser l'energie...L'energie economisee, c'est celle que l'on utilise pas. Je t'enverrais un MP.
Effectivement, si le prix du gaz est bas cela n'incite pas les producteurs a developper leur production. C'est pareil pour l'agriculture. On peut toutefois reussir a le faire si l'on gagne en productivite mais la ce n'est pas gagne...

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par jml34 » 08 avr. 2011, 22:02

Merci beaucoup Philippe, continue =D>

Pour ma part, je suis favorable à un moratoire de 10 ans :
1) Dans 10 ans le gaz sera d'autant plus précieux...
2) Ça laisse le temps de bien faire le tour des problèmes qui peuvent se poser, avec une plus grande expérience mondiale.
Le bémol, c'est qu'on peut très bien faire les mêmes conneries que tout le monde 10 ans après... Mais enfin s'il y a une grosse cata quelque part, ça va faire réfléchir, alors c'est une assurance contre le pire.

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par Philippe » 08 avr. 2011, 22:49

Merci jml34.

Jouant le rôle de l'avocat, je m'interdis ipso facto de juger. J'espère que ceux qui jouent le rôle de procureur auront la même conception de la justice. Aux juges de juger...

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par SuperCarotte » 09 avr. 2011, 12:16

Philippe a écrit : 4. L’EROIE ...
Je ne sais si l'étude est représentative, mais il semblerait que pour le Marcellus Shale, au moins une partie des exploitants n'aient pas des finances trés saines (notamment un fort endettement)
La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent. [Albert Einstein]

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par Philippe » 11 avr. 2011, 20:36

Ayant un peu de temps pour faire des recherches, j’ai trouvé un lien sur la biodégradabilité du glutaraldéhyde, le bactéricide cité dans le tableau d’energy_isere de la Saint-Valentin 2011, que je qualifiais de « produit le moins sympa de la bande » (le glutaraldéhyde, pas energy_isere, évidemment). Ce produit se biodégrade en deux jours, ne donnant que du gaz carbonique et de l’eau (en milieu aérobie) : http://dow-answer.custhelp.com/app/answ ... nvironment. C’est moins long à lire que le pavé sur le N,N-diméthylformamide. On comprend l’intérêt de garder tout ça en piscine, pendant une durée certes moindre que les barres de combustibles usés de nos centrales nucléaires : avant de relâcher ça dans le milieu naturel, on attend que la biodégradation fasse son œuvre.

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par CP3 » 25 avr. 2011, 14:29

Philippe a écrit :A Alter Egaux et aux autres opposants aux gaz et pétroles de schistes :

En bonne justice, j’estime que les gaz et pétroles de schistes ont droit à un avocat, comme tout le monde. L’époque de Fouquier-Tinville est heureusement révolue. Je n’ai pas vocation à m’en faire l’avocat, ne faisant pas moi-même d’exploration de gaz de schistes, mais je trouve le procès trop inique pour rester les bras croisés. D’autre part, je constate qu’il n’y a pas beaucoup de volontaires pour se faire l’avocat de ces gaz et pétroles de schistes.

Les gaz et pétroles de schistes ne méritent ni excès d’honneur, ni indignité. Les différents problèmes environnementaux qu’ils soulèvent doivent être discutés dans la sérénité. Les arguments de la défense doivent être écoutés au même titre que ceux de l’accusation. En bonne justice, la défense devrait, d’ailleurs, avoir le droit de parler la dernière. La décision appartiendra ensuite aux politiques, mais il leur faudra prendre leur décision avec une connaissance aussi parfaite que possible du dossier, plutôt que devant une bière à la sortie de la projection de « Gasland ».

Les reproches environnementaux principaux sont les suivants :

1. Les consommations d’eau : il s’agit là d’un problème très sérieux, et la profession en a parfaitement conscience. Il n’est pas question d’entrer en concurrence avec les usages nobles de l’eau, et les pétroliers sont d’accord. Il y a des solutions à rechercher. Avec de la bonne foi de part et d’autre, elles peuvent être trouvées, au cas par cas. C’est le problème fondamental des gaz et pétroles de schistes.

2. La pollution des nappes phréatiques par la fracturation hydraulique : dans cette affaire, paradoxalement pour certains, l’intérêt des pétroliers rejoint celui des citoyens. En effet, si on imagine qu’une fracture initiée dans une couche de gaz de schiste (vers 2 500 mètres de profondeur) atteint un aquifère, il va se passer deux phénomènes et non pas un seul. C’est vrai que le gaz (ou le pétrole) va migrer vers la surface, et donc atteindre l’aquifère. Mais c’est vrai aussi que l’eau va migrer vers le bas, et envahir le puits producteur de gaz (ou de pétrole). Tout pétrolier sait qu’un puits envahi par l’eau est perdu. Il ne reste plus qu’à passer en charges un investissement de 5 millions d’euros ou plus. Le pétrolier va donc tout faire pour que les fractures n’atteignent pas les aquifères. Mieux, dans le cas du Bassin de Paris, l’aquifère d’eau douce le plus profond est la formation des « sables verts » de l’Albien, vers 900 mètres dans la Brie (600 mètres sous Paris, où plusieurs puits artésiens y ont été réalisés au XIXème siècle, et produisent encore). Le Lias, où se trouve le pétrole de schistes, est à 2 300 mètres ou plus. 300 mètres au-dessus du Lias, et donc intercalée entre le Lias et l’aquifère d’eau douce, on trouve la nappe du Dogger, salée entre 15 et 30 grammes par litres, qui est exploitée pour la géothermie dans le Val-de-Marne et la région parisienne : http://www.geothermie-perspectives.fr/1 ... 08_GB1.pdf. Si un pétrolier loupe son coup, et voit sa fracture remonter de 300 mètres, jusqu’à atteindre le Dogger, l’envahissement de son puits par l’eau du Dogger lui fait perdre instantanément 5 millions d’euros ou plus. On voit mal, alors, comment une fracture pourrait atteindre les précieux aquifères de surface du Bassin Parisien sans traverser au passage l’aquifère massif du Dogger et faire perdre son investissement au pétrolier.

3. La pollution des nappes phréatiques ou des cours d’eau par le stockage en bourbiers : il est vrai que les produits expulsés des puits sont conservés un certain temps dans des bourbiers creusés à même le sol, et revêtus d’une bâche étanche, généralement grise ou noire et d’une épaisseur de 4 millimètres. Le soudage des éléments de bâche, livrés en rouleaux de 4 mètres environ, est confié à une entreprise spécialisée, qui contrôle la soudure comme on le fait pour des tuyaux. Le volume est prévu pour stocker tous les produits injectés, mais aussi pour recevoir les grosses pluies de façon à éviter les débordements. Pourquoi stocker ces produits avant leur élimination ? C’est simplement pour laisser la nature dégrader les produits, qui sont généralement des produits organiques. Par exemple, le N,N-diméthylformamide, dont j’ai parlé dans un message antérieur, se biodégrade en totalité au bout de 3 semaines environ (http://www.cerij.or.jp/ceri_en/hazard_a ... 8_12_2.pdf, voir §5.2.2 et 5.2.3). Il faut donc s’assurer de plusieurs choses : l’étanchéité de la bâche, le dimensionnement du bourbier pour faire face à des événements météorologiques extrêmes, le suivi de la biodégradation des divers produits organiques, et la régularité/conformité des enlèvements des liquides et des boues vers leur destination ultime. Tout cela est du ressort de la réglementation (police des eaux). En ma qualité de citoyen, je serais ravi que tous les produits chimiques rejetés dans les rivières fussent suivis aussi scrupuleusement (détergents, médicaments, hormones, etc.).

4. L’EROIE : il est légitime de s’interroger sur l’EROEI (Energy Return on Energy Invested) des gaz et pétroles de schistes. Il est tout aussi difficile de sortir des valeurs crédibles. J’ai juste fait un calcul simple sur le Barnett Shale au Texas. Dans le Barnett Shale, il semble que la récupération de gaz ultime soit de 2,7 milliards de pieds cubes (2,7 bcf) par puits (source : une présentation de Guy MAISONNIER de l’IFP le 14 décembre 2010, que j’ai en pdf). A 4 dollars par millier de pieds cubes, cela fait un chiffre d’affaires de 10,8 millions de dollars, ce qui est peu, alors que le coût du forage doit en représenter au moins le tiers. Un volume de 2,7 bcf représente une énergie totale de 790 gigawatt-heures (pour un gaz à 1 000 BTU par pied cube, désolé pour les unités à la c...). Si on suppose que l’EROEI est de 1 (on dépense une unité d’énergie pour en récupérer une, ce qui est évidemment stupide), l’opération aura donc consommé 790 gigawatt-heures. A 1 628 kilowatt-heures par baril (valeur approximative, mais que l’on trouve dans la littérature), la consommation sera donc de 485 000 barils environ. A 42 gallons par baril (conversion exacte), cela représente 20,4 millions de gallons environ. En première approximation, on considérera que les consommations sont essentiellement du gasoil ou du fuel domestique (la vraie essence est à peine moins chère que le gasoil aux USA, donc ça ne change pas fondamentalement ; sinon une partie de la consommation est de l’électricité, qui sera encore plus chère que le gasoil). Ces jours-ci, le gasoil est pile à 4 dollars du gallon aux USA (http://www.eia.doe.gov/oog/info/gdu/gasdiesel.asp). Si l’EROEI était de 1, l’exploitant dépenserait donc, rien que pour ses factures de fuel et celles de ses sous-traitants, 82 millions de dollars. A cela, il faut bien évidemment ajouter le matériel, le personnel, les différents services, etc., sans parler des profits espérés. L’exploitant ne bénéficie même pas de la subvention normale qui consiste à faire payer au contribuable une partie (le taux de l’impôt sur les sociétés) de ses factures de fuel puisqu’il ne gagne pas d’argent. Le raisonnement par l’absurde montre donc que l’EROEI ne peut pas être aussi bas que 1. On peut, de la même façon, simuler un EROEI de 2, on voit que l’exploitant ne s’y retrouve toujours pas. J’aurais tendance à penser que l’EROEI du gaz de schiste est de l’ordre de 5 à 10 ou quelque chose comme ça. C’est simplement fondé, pour le gaz de schiste, sur le constat que le produit extrait – le gaz naturel - est vendu, au kilowattheure, pratiquement 5 fois moins cher que les liquides consommés. Maintenant, comme Yves COCHET l’a dit le 29 mars dernier, cela peut quand même aboutir à un « échec économique » si le prix du gaz continue d’être aussi dérisoirement bas, mais ce n’est pas un « échec thermodynamique ». Il reste l’argument que les pétroles et gaz de schistes ne supporteraient pas toutes les externalités. Cela reste à débattre, mais c’est un vaste sujet (l’automobiliste qui passe dans ma rue et qui souille ma façade d’immeuble ne contribuera pas non plus au coût du ravalement rendu nécessaire par son comportement).

5. Le « mitage des paysages » : la photo que l’on retrouve sur différents sites internet, avec des sites de forage partout, est une exception et non pas une règle. Le grand nombre de sites s’explique parce que les propriétaires terriens, aux USA, sont intéressés à la production : ils reçoivent une royalty de 25% du volume de gaz extrait (au Texas, dans le Barnett Shale). On comprend que les propriétaires de terrains se battent pour accueillir un forage. Ailleurs qu’aux USA, le propriétaire n’est pas intéressé à la production et ce phénomène n’existe pas. Les pétroliers regroupent les forages sur un nombre limité de plates-formes, comme si l’opération était en offshore. Avec un site d’un hectare et demi (environ), on peut exploiter les hydrocarbures sur une superficie de 5 kilomètres carrés ou davantage. Ca limite considérablement le nombre de sites en surface.

6. Le gaz au robinet : l’image fait le tour du monde. Les pétroliers ont procédé à une analyse critique (certes partiale) du documentaire de M. Josh FOX. On la trouvera en anglais au lien http://www.energyindepth.org/2010/06/debunking-gasland/. J’en ai une version traduite en français que je peux envoyer en mail perso. Il est bien évident que des incidents tels qu’une flamme au robinet ne laissent pas les autorités indifférentes, même quand ledit robinet est alimenté par un puits individuel et non par un réseau. Le lien ci-dessus renvoie à deux comptes-rendus faits par les autorités sanitaires du Colorado (COGCC), qui concluent à l’origine biogénique du gaz concerné (et donc rien à voir avec le shale gas). Il est dommage que ces conclusions ne soient pas plus documentées, avec notamment la fourniture des analyses isotopiques du carbone (carbone 12, carbone 13, carbone 14), mais il faut des éléments tangibles pour contredire ces conclusions. Il appartient maintenant à M. Josh FOX de prouver l’origine fossile profonde du gaz, pour contrer les conclusions des « Abigail SCIUTTO » du Colorado.

Les avantages des gaz et pétroles de schistes existent, et on s’en apercevra probablement un jour ou l’autre, notamment en hiver, lorsque de nombreuses centrales nucléaires auront été mises à l’arrêt pour vétusté, et lorsque les Russes se plaindront une nouvelle fois du comportement des Ukrainiens qui sont sur le passage des gros gazoducs. Si l’EROEI est mauvais, les projets tomberont d’eux mêmes. Si l’EROEI est convenable, ce gaz et ce pétrole pourront se révéler précieux. Ce n’est pas pour rien que Barack OBAMA demande aux pétroliers de poursuivre la mise en valeur de ces ressources, alors que la France envisage de faire exactement l’inverse.

Je ne suis pas avocat, je répète que je ne suis pas impliqué dans la recherche et l’exploitation des pétroles et gaz de schistes, je ne suis ni mandaté ni payé par personne, mais je demande juste que les arguments de la défense soient écoutés. J’espère que le lecteur me fera cette grâce.
Quelques trucs à préciser :

Tout d' abord , ce n' est pas parceque ce n' est pas ou pas du tout l' interet du pétrolier qu' une fracture atteigne la nappe aquifère , que cela n' arrivera pas .

Ensuite ,au sujet , par exemple , des baches protégeant les bourbiers . Si une de celles-ci fuit , cela n' aura , dans l' absolu , aucune incidence sur le processus d' extraction , et donc sur le buisness du pétrolier .De plus cela ne se verra pas de manière ostensible . Ainsi , au cas où une fuite serait découverte , l' interet du pétrolier sera que cela ne se sache pas .
( De plus , il n' y a pas que des matières facilement biodégradables dans les bourbiers . L' extraction peut faire remonter des métaux lourds à la surface )

Quant à la surface d' 1 hectar pour 5 km2 ,par unite d' exploitation , c' est quand même beaucoup , cela representerait plusieurs milliers d' unite d' exploitation par département français .

Enfin , au sujet , de l' EROI et de la rentabilité financière , le prix du baril (sur la base de 4 $ le gallon ) qui a servis de base au calcul ci-dessus, est faux . En effet , les grands pétroliers ne paye pas le petrole au prix marché ( Environ 100 € le baril ) , mais au prix de production , c' est à dire 6X moins . Ce qui explique pourquoi , même en cas d' EROI très bas , l' exploitation du gaz de schiste peut être ( financièrement ) rentable .

Philippe
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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par Philippe » 25 avr. 2011, 15:49

CP3 : vous avez raison pour les fractures. Cela dit, contrairement à ce que l’on raconte partout, la technique est bien maîtrisée, et la compagnie pétrolière va tout faire pour que les fractures n’atteignent pas les niveaux d’eau, salée ou pas, situés quelques centaines de mètres au-dessus. S’il y a un risque que la fracture atteigne un aquifère, eh bien la compagnie pétrolière préférera ne pas réaliser de forage. C’est un risque non négligeable dans le Bassin du Sud-Est, à lire le pré-rapport (page 11). Aux endroits où la configuration est analogue au schéma de la page 11, personne de sensé n’ira prendre le risque de faire un forage aux schistes-cartons du Toarcien. Evidemment, s’il y a des gaz de schistes plus profond, dans le Permien, la situation sera différente.

Pour les bourbiers, il peut y avoir, en effet, des métaux lourds remontés du sous-sol. Ceux-ci s’accumulent en phase boueuse en fond de bourbier. Lorsque le bourbier est vidé, les liquides sont analysés, et envoyés en station d’épuration. Les solides (en réalité les boues, comme il en existe en station d’épuration) sont « stabilisés » au ciment et évacués en décharge agréée. Evidemment, il y a le risque de défaut d’étanchéité de la bâche. Là, il en va du sens des responsabilités de la société pétrolière. Le pré-rapport, page 26, est conscient du risque de non-déclaration des déversements. Il insiste, ailleurs, sur la nécessité de renforcer les compétences techniques des DREAL, qui sont chargées de faire appliquer la police des mines.

La page 19 du pré-rapport montre la superficie réellement occupée, et ce qu’il est envisagé de faire dans l’avenir (source : Martin Schuepbach). Actuellement, on peut drainer 5 kilomètres carrés avec une plate-forme. On espère arriver à drainer 10 kilomètres carrés par plate-forme dans le futur. La taille initiale de la plate-forme, pour les forages et les fracturations hydrauliques, est d’un hectare (je pense que ce sera un peu plus, notamment en fonction de la taille du bourbier). Après réduction d’emprise, une fois les forages terminés et les bourbiers vidés et remblayés, la taille tombe à 2 000 mètres carrés. C’est cette superficie qui va servir à l’exploitation pendant 15 à 20 ans (page 22). On notera que le pré-rapport a conscience de la nécessité de préserver les paysages, puisqu’il suggère de subordonner la création d’une nouvelle plate-forme à l’abandon d’une plate-forme dont les puits sont taris (page 29) pour maintenir un niveau d’exploitation constant à nombre de plates-formes constantes.

Enfin, sur l’EROEI, je maintiens ce que j’ai écrit. Les sociétés sous-traitantes (quasiment tous les travaux sont sous-traités (pré-rapport, page 17)) n’utilisent pas du pétrole brut, mais du diesel pour tout le matériel roulant, et du fuel domestique pour les installations non destinées à rouler (groupes électrogènes, moteurs des pompes de fracturation). On n’utilise généralement pas d’électricité, sauf si la plate-forme est proche d’une ligne électrique. Même là, l’essentiel des appareils doit être autonome et marcher au diesel ou au fuel domestique. Les sous-traitants refacturent le fuel (diesel ou domestique) au prix auquel ils l’ont payé, qui est le prix au détail, et généralement avec un mark-up. Je confirme donc que l’EROEI du gaz de schistes au Etats-Unis ne peut pas être aussi bas que ça. L’opération consisterait à consommer des liquides, achetés 5 fois plus cher au kilowattheure, pour extraire du gaz naturel vendu beaucoup moins cher. Si l’EROEI était de 1, il n’y aurait jamais eu de gaz de schistes aux USA. On peut raisonner différemment. Les gaz de schistes représentent environ 23% des 55 milliards de pieds cubes (= bcf) produits chaque jour aux USA, soit 12,6 bcf par jour. 1 million de barils de pétrole est l’équivalent thermique de 5,6 bcf de gaz. Si l’EROEI avait été de 1, on aurait dû observer une consommation supplémentaire de 2,25 millions de barils par jour de pétrole aux USA pour pouvoir produire 12,6 bcf de gaz par jour. L’évolution de la consommation de pétrole des USA dépend beaucoup du prix du pétrole, et elle a donc connu de fortes fluctuations ces dernières années, mais j’ai du mal à observer une hausse d’une douzaine de pourcents de la consommation des USA du fait de la transformation de pétrole brut en gaz de schistes d’EROEI faible.

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par CP3 » 25 avr. 2011, 18:28

Philippe a écrit :CP3 : vous avez raison pour les fractures. Cela dit, contrairement à ce que l’on raconte partout, la technique est bien maîtrisée, et la compagnie pétrolière va tout faire pour que les fractures n’atteignent pas les niveaux d’eau, salée ou pas, situés quelques centaines de mètres au-dessus. S’il y a un risque que la fracture atteigne un aquifère, eh bien la compagnie pétrolière préférera ne pas réaliser de forage. C’est un risque non négligeable dans le Bassin du Sud-Est, à lire le pré-rapport (page 11). Aux endroits où la configuration est analogue au schéma de la page 11, personne de sensé n’ira prendre le risque de faire un forage aux schistes-cartons du Toarcien. Evidemment, s’il y a des gaz de schistes plus profond, dans le Permien, la situation sera différente.

Pour les bourbiers, il peut y avoir, en effet, des métaux lourds remontés du sous-sol. Ceux-ci s’accumulent en phase boueuse en fond de bourbier. Lorsque le bourbier est vidé, les liquides sont analysés, et envoyés en station d’épuration. Les solides (en réalité les boues, comme il en existe en station d’épuration) sont « stabilisés » au ciment et évacués en décharge agréée. Evidemment, il y a le risque de défaut d’étanchéité de la bâche. Là, il en va du sens des responsabilités de la société pétrolière. Le pré-rapport, page 26, est conscient du risque de non-déclaration des déversements. Il insiste, ailleurs, sur la nécessité de renforcer les compétences techniques des DREAL, qui sont chargées de faire appliquer la police des mines.

La page 19 du pré-rapport montre la superficie réellement occupée, et ce qu’il est envisagé de faire dans l’avenir (source : Martin Schuepbach). Actuellement, on peut drainer 5 kilomètres carrés avec une plate-forme. On espère arriver à drainer 10 kilomètres carrés par plate-forme dans le futur. La taille initiale de la plate-forme, pour les forages et les fracturations hydrauliques, est d’un hectare (je pense que ce sera un peu plus, notamment en fonction de la taille du bourbier). Après réduction d’emprise, une fois les forages terminés et les bourbiers vidés et remblayés, la taille tombe à 2 000 mètres carrés. C’est cette superficie qui va servir à l’exploitation pendant 15 à 20 ans (page 22). On notera que le pré-rapport a conscience de la nécessité de préserver les paysages, puisqu’il suggère de subordonner la création d’une nouvelle plate-forme à l’abandon d’une plate-forme dont les puits sont taris (page 29) pour maintenir un niveau d’exploitation constant à nombre de plates-formes constantes.

Enfin, sur l’EROEI, je maintiens ce que j’ai écrit. Les sociétés sous-traitantes (quasiment tous les travaux sont sous-traités (pré-rapport, page 17)) n’utilisent pas du pétrole brut, mais du diesel pour tout le matériel roulant, et du fuel domestique pour les installations non destinées à rouler (groupes électrogènes, moteurs des pompes de fracturation). On n’utilise généralement pas d’électricité, sauf si la plate-forme est proche d’une ligne électrique. Même là, l’essentiel des appareils doit être autonome et marcher au diesel ou au fuel domestique. Les sous-traitants refacturent le fuel (diesel ou domestique) au prix auquel ils l’ont payé, qui est le prix au détail, et généralement avec un mark-up. Je confirme donc que l’EROEI du gaz de schistes au Etats-Unis ne peut pas être aussi bas que ça. L’opération consisterait à consommer des liquides, achetés 5 fois plus cher au kilowattheure, pour extraire du gaz naturel vendu beaucoup moins cher. Si l’EROEI était de 1, il n’y aurait jamais eu de gaz de schistes aux USA. On peut raisonner différemment. Les gaz de schistes représentent environ 23% des 55 milliards de pieds cubes (= bcf) produits chaque jour aux USA, soit 12,6 bcf par jour. 1 million de barils de pétrole est l’équivalent thermique de 5,6 bcf de gaz. Si l’EROEI avait été de 1, on aurait dû observer une consommation supplémentaire de 2,25 millions de barils par jour de pétrole aux USA pour pouvoir produire 12,6 bcf de gaz par jour. L’évolution de la consommation de pétrole des USA dépend beaucoup du prix du pétrole, et elle a donc connu de fortes fluctuations ces dernières années, mais j’ai du mal à observer une hausse d’une douzaine de pourcents de la consommation des USA du fait de la transformation de pétrole brut en gaz de schistes d’EROEI faible.
Ces précisions sont interessantes .

Cependant ,au sujet , de l' emprise au sol , j' imagine que les Hectars inititiaux pris par les plates-formes initiales, sur les sols laisseront des traces ( Arbres coupé , terrain defoncé , route , polution éventuelle) . Et ceci même au cours de l' expoiltation , route en pleine campagne pour acheminer le gaz .

Quant à l' EROI , il serait ,en effet, tres etonnant que l' expoiltation de ce gaz soit rentable ne serait-ce financierement, avec un EROI de 1 ou 2 ,dans le cas où le carburant necessaire à l' exploitation serait effectivement payé au détail .

A priori , si ces informations sont exactes , l' EROI de l' exploitation du gaz de schiste , aux etats-unis , serait donc relativement important .

Cependant , des rapports , venus d' université non spécialement écolo , indiquent un EROI < 1 concernant les schistes pétroliers ( c' est à dire gaz et petrole de schiste ) .

http://mail.materianova.be/pub/Pic_du_P ... r_2007.pdf
page 54 du présent document .

A priori , on peut donc penser que ce serait surtout le pétrole de Schiste qui aurait un EROI très bas .
Sinon , Il s' agit , peut-être , de l' EROI moyen correspondant à la moyenne des EROI de tous les points constituant une surface sous laquelle se trouve du pétrole ou du gaz de schiste .
A ce moment là , on pourrait considérer que seul une petite fraction de cette surface recele un EROI suffisament élevé pour permettre une exploitation rentable . Ce qui réduirait donc fortement , les surfaces exploitables( de manière rentable ) et donc les quantités de gaz récupérables .
Aujourd' hui , elles seraient , à l' echelle de l' europe , égale à 6 ans .
Elle pourrait donc etre bcp plus basse .

Philippe
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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par Philippe » 26 avr. 2011, 00:04

CP3, l’abandon d’un puits de pétrole ou de gaz de schiste ne diffère pas de l’abandon de n’importe quel autre puits. L’abandon fait se fait en accord avec la DREAL de la région concernée. Le puits est bouché au ciment, et le site est remis dans son état d’origine. Une visite contradictoire est organisée avec la compagnie pétrolière, le propriétaire du terrain et la DREAL. L’abandon est officialisé par un procès-verbal de délaissement. La réduction d’emprise est une procédure moins lourde, mais la compagnie pétrolière reste tenue de remettre au propriétaire le terrain dans l’état où il l’a reçu. Bien sûr, les éventuels chemins qui auront été empierrés pour l’exploitation pétrolière sont également remis en état, sauf si le propriétaire du terrain souhaite les conserver (et ça arrive souvent…). Il a été foré environ 5 000 puits en Alsace, quasiment tous bouchés. Il y a certes quelques puits fuyards, notamment parmi ceux qui ont été forés avant que les cuvelages soient cimentés, soit avant 1930, mais il suffit de se promener dans la région de Merkwiller-Pechelbronn pour constater que l’impact des puits abandonnés sur le paysage est quasiment nul. Le bombardement allié de la raffinerie de Pechelbronn le 3 août 1944 a fait plus de dégâts.

Je suis ennuyé avec le graphique de la page 45 du lien sur le Pic du Pétrole et le Pic du Gaz. Par quoi faut-il traduire « schistes pétroliers » ? Il y a deux possibilités : oil shale ou shale oil. Le premier désigne les molécules hydrocarburées immatures dans la roche-mère, le second le pétrole à maturité dans la roche-mère. Je crains que le graphique parle du premier, pour lequel l’EROEI est quasi certainement inférieur à 1, une conclusion sur laquelle la plupart des spécialistes s'accordent (on notera que l'Estonie est un gros producteur de ces schistes, qui sont brûlés directement pour faire de l'électricité, au prix, probablement, de montagnes de cendres).

Les gaz de schistes doivent avoir un meilleur EROEI que le pétrole de schistes. Il a été testé de nombreux bassins aux USA, pour le gaz, et la plupart d’entre eux ont marché. Mieux, il n’y a quasiment pas de « puits sec » dans les zones exploitées pour le gaz de schistes. Le cas du pétrole est plus complexe. Il n’y a qu’un seul bassin en exploitation pour le pétrole de schistes, le Bassin de Williston (formation dite du Bakken). L’analogue sur lequel tout le monde s’excite maintenant est le Bassin de Paris ! Je ne sais pas s’il y en a d’autres. Jean LAHERRERE a réagi à l’annonce par TOREADOR de l’existence de 40 milliards de barils sous la Tour Eiffel : http://aspofrance.viabloga.com/files/JL ... lTower.pdf (lui aussi parle de l’ambiguïté shale oil/oil shale à la page 10). Dans la diapo inférieure de sa page 3, on comprend pourquoi les argiles sont productives dans certaines régions du Bassin de Williston : intercalées dans les argiles, on trouve des réservoirs plus classiques (sables, calcaires ou dolomies) poreux mais forcément de qualité médiocre (très faibles perméabilités, sinon ils auraient été exploités depuis longtemps avec des forages verticaux). C’est dans ces bancs sableux, calcaires ou dolomitiques, poreux, que l’on fait les drains horizontaux et les fracturations hydrauliques. L’analogie avec le Bassin de Paris est mentionnée, avec l’existence d’un banc calcaire sous les schistes-cartons, dans lequel TOREADOR souhaite faire ses forages horizontaux. Jean LAHERRERE insiste, dans le bas de sa page 8, sur les grandes hétérogénéités latérales des zones à pétrole de schistes (beaucoup de zones stériles), en comparaison des zones à gaz de schistes, qui sont beaucoup plus homogènes, sans trous dans le maillage, sauf impossibilité de trouver des terrains en surface. Personne ne peut prédire si le Bassin de Paris pourra produire du pétrole de schistes ou pas. La seule façon de le savoir, c’est d’essayer. C’est la conclusion à laquelle sont arrivés les auteurs du pré-rapport. Les essais seront l’occasion de déterminer l’EROEI de l’exploitation de ces pétroles de schistes, du moins s’ils ont lieu…

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par Silenius » 26 avr. 2011, 00:51

Bonsoir, les bourbiers peuvent-ils étre de type "ring-tank" hors sol, comme ceux utilisée en Australie pour stocker de l'eau pour l'irrigation ? (avec membrane d'étanchéité en supplément)
Cela permettrait de laisser le sol original intact, sauf en périphérie bien sur. Il pourrait retrouver sa vocation agricole.
http://www.irrigation.org.au/assets/pag ... nes%20.pdf

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par BioBen » 26 avr. 2011, 14:32

Philippe a écrit :Si on suppose que l’EROEI est de 1 (on dépense une unité d’énergie pour en récupérer une, ce qui est évidemment stupide),

Ca ne l'est pas obligatoirement, si tu mets une forme d'énergie que tu as en excès pour en tirer une énergie qui t'est utile, tu peux même te permettre un EROEI inférieur à 1.




Le calcul fait ensuite s'apparente plus à de la rentabilité économique ($ out / $ in) qu'à un EROEI (J out / J in).... c'est intéressant et important, mais ça n'est pas exactement un EROEI (qui est lui aussi intéressant et important, mais n'est pas non plus le fin mot de l'histoire).

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par energy_isere » 26 avr. 2011, 14:44

BioBen a écrit :
Philippe a écrit :Si on suppose que l’EROEI est de 1 (on dépense une unité d’énergie pour en récupérer une, ce qui est évidemment stupide),

Ca ne l'est pas obligatoirement, si tu mets une forme d'énergie que tu as en excès pour en tirer une énergie qui t'est utile, tu peux même te permettre un EROEI inférieur à 1.




Le calcul fait ensuite s'apparente plus à de la rentabilité économique ($ out / $ in) qu'à un EROEI (J out / J in).... c'est intéressant et important, mais ça n'est pas exactement un EROEI (qui est lui aussi intéressant et important, mais n'est pas non plus le fin mot de l'histoire).
En effet c' est le cas des CTL (Coal to Liquids).
Ca permet d' avoir des carburants à la place de charbon abondant. Exemple : En Afrique du Sud.

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par BioBen » 26 avr. 2011, 14:53

energy_isere a écrit : En effet c' est le cas des CTL (Coal to Liquids).
Ca permet d' avoir des carburants à la place de charbon abondant. Exemple : En Afrique du Sud.
Effectivement, et c'est pour ça que l'EROEI est un élément important, qu'il faut avoir, mais qui ne doit pas être non plus considéré comme forcément décisif. Tout dépend de quelle(s) énergie(s) (in et out) on parle par rapport à ce qui est consommé.

La rentabilité économique (ce qui est calculé par Philippe) se situe à mi-chemin puisque le prix indique plus ou moins l'offre/demande. Pour une energy out très demandée (prix élevé), on peut se permettre un EROEI faible --et même inférieur à 1-- si l'energy in est considérée comme en excès (prix faible).

Le résultat du calcul, bien qu'intéressant, n'est pas un résultat d'EROEI.

Après, c'est une vision simplifiée, mais pas le temps d'écrire des tartines :).

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Re: La défense des Gaz de Shistes ; par Philippe.

Message par Philippe » 26 avr. 2011, 15:00

Je suis d'accord que mon argumentaire en faveur d'un EROEI relativement élevé du gaz de schistes n'a pas la rigueur d'une étude thermodynamique. Cependant, il me paraît valide quand même. Dans le cas qui nous intéresse des gaz de schistes, on consomme un produit parmi les plus nobles (le diesel ou le fuel domestique) pour extraire un produit qui est présumé moins noble, le gaz naturel. Il y a des projets de GTL (gas-to-liquids), mais je ne connais pas de projets de LTG (liquids-to-gas). C'est qualitatif, mais cela me semble plaider en faveur d'un gain énergétique significatif.

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