La défense des Gaz de Schistes ; par Philippe.
Publié : 07 avr. 2011, 16:53
A Alter Egaux et aux autres opposants aux gaz et pétroles de schistes :
En bonne justice, j’estime que les gaz et pétroles de schistes ont droit à un avocat, comme tout le monde. L’époque de Fouquier-Tinville est heureusement révolue. Je n’ai pas vocation à m’en faire l’avocat, ne faisant pas moi-même d’exploration de gaz de schistes, mais je trouve le procès trop inique pour rester les bras croisés. D’autre part, je constate qu’il n’y a pas beaucoup de volontaires pour se faire l’avocat de ces gaz et pétroles de schistes.
Les gaz et pétroles de schistes ne méritent ni excès d’honneur, ni indignité. Les différents problèmes environnementaux qu’ils soulèvent doivent être discutés dans la sérénité. Les arguments de la défense doivent être écoutés au même titre que ceux de l’accusation. En bonne justice, la défense devrait, d’ailleurs, avoir le droit de parler la dernière. La décision appartiendra ensuite aux politiques, mais il leur faudra prendre leur décision avec une connaissance aussi parfaite que possible du dossier, plutôt que devant une bière à la sortie de la projection de « Gasland ».
Les reproches environnementaux principaux sont les suivants :
1. Les consommations d’eau : il s’agit là d’un problème très sérieux, et la profession en a parfaitement conscience. Il n’est pas question d’entrer en concurrence avec les usages nobles de l’eau, et les pétroliers sont d’accord. Il y a des solutions à rechercher. Avec de la bonne foi de part et d’autre, elles peuvent être trouvées, au cas par cas. C’est le problème fondamental des gaz et pétroles de schistes.
2. La pollution des nappes phréatiques par la fracturation hydraulique : dans cette affaire, paradoxalement pour certains, l’intérêt des pétroliers rejoint celui des citoyens. En effet, si on imagine qu’une fracture initiée dans une couche de gaz de schiste (vers 2 500 mètres de profondeur) atteint un aquifère, il va se passer deux phénomènes et non pas un seul. C’est vrai que le gaz (ou le pétrole) va migrer vers la surface, et donc atteindre l’aquifère. Mais c’est vrai aussi que l’eau va migrer vers le bas, et envahir le puits producteur de gaz (ou de pétrole). Tout pétrolier sait qu’un puits envahi par l’eau est perdu. Il ne reste plus qu’à passer en charges un investissement de 5 millions d’euros ou plus. Le pétrolier va donc tout faire pour que les fractures n’atteignent pas les aquifères. Mieux, dans le cas du Bassin de Paris, l’aquifère d’eau douce le plus profond est la formation des « sables verts » de l’Albien, vers 900 mètres dans la Brie (600 mètres sous Paris, où plusieurs puits artésiens y ont été réalisés au XIXème siècle, et produisent encore). Le Lias, où se trouve le pétrole de schistes, est à 2 300 mètres ou plus. 300 mètres au-dessus du Lias, et donc intercalée entre le Lias et l’aquifère d’eau douce, on trouve la nappe du Dogger, salée entre 15 et 30 grammes par litres, qui est exploitée pour la géothermie dans le Val-de-Marne et la région parisienne : http://www.geothermie-perspectives.fr/1 ... 08_GB1.pdf. Si un pétrolier loupe son coup, et voit sa fracture remonter de 300 mètres, jusqu’à atteindre le Dogger, l’envahissement de son puits par l’eau du Dogger lui fait perdre instantanément 5 millions d’euros ou plus. On voit mal, alors, comment une fracture pourrait atteindre les précieux aquifères de surface du Bassin Parisien sans traverser au passage l’aquifère massif du Dogger et faire perdre son investissement au pétrolier.
3. La pollution des nappes phréatiques ou des cours d’eau par le stockage en bourbiers : il est vrai que les produits expulsés des puits sont conservés un certain temps dans des bourbiers creusés à même le sol, et revêtus d’une bâche étanche, généralement grise ou noire et d’une épaisseur de 4 millimètres. Le soudage des éléments de bâche, livrés en rouleaux de 4 mètres environ, est confié à une entreprise spécialisée, qui contrôle la soudure comme on le fait pour des tuyaux. Le volume est prévu pour stocker tous les produits injectés, mais aussi pour recevoir les grosses pluies de façon à éviter les débordements. Pourquoi stocker ces produits avant leur élimination ? C’est simplement pour laisser la nature dégrader les produits, qui sont généralement des produits organiques. Par exemple, le N,N-diméthylformamide, dont j’ai parlé dans un message antérieur, se biodégrade en totalité au bout de 3 semaines environ (http://www.cerij.or.jp/ceri_en/hazard_a ... 8_12_2.pdf, voir §5.2.2 et 5.2.3). Il faut donc s’assurer de plusieurs choses : l’étanchéité de la bâche, le dimensionnement du bourbier pour faire face à des événements météorologiques extrêmes, le suivi de la biodégradation des divers produits organiques, et la régularité/conformité des enlèvements des liquides et des boues vers leur destination ultime. Tout cela est du ressort de la réglementation (police des eaux). En ma qualité de citoyen, je serais ravi que tous les produits chimiques rejetés dans les rivières fussent suivis aussi scrupuleusement (détergents, médicaments, hormones, etc.).
4. L’EROIE : il est légitime de s’interroger sur l’EROEI (Energy Return on Energy Invested) des gaz et pétroles de schistes. Il est tout aussi difficile de sortir des valeurs crédibles. J’ai juste fait un calcul simple sur le Barnett Shale au Texas. Dans le Barnett Shale, il semble que la récupération de gaz ultime soit de 2,7 milliards de pieds cubes (2,7 bcf) par puits (source : une présentation de Guy MAISONNIER de l’IFP le 14 décembre 2010, que j’ai en pdf). A 4 dollars par millier de pieds cubes, cela fait un chiffre d’affaires de 10,8 millions de dollars, ce qui est peu, alors que le coût du forage doit en représenter au moins le tiers. Un volume de 2,7 bcf représente une énergie totale de 790 gigawatt-heures (pour un gaz à 1 000 BTU par pied cube, désolé pour les unités à la c...). Si on suppose que l’EROEI est de 1 (on dépense une unité d’énergie pour en récupérer une, ce qui est évidemment stupide), l’opération aura donc consommé 790 gigawatt-heures. A 1 628 kilowatt-heures par baril (valeur approximative, mais que l’on trouve dans la littérature), la consommation sera donc de 485 000 barils environ. A 42 gallons par baril (conversion exacte), cela représente 20,4 millions de gallons environ. En première approximation, on considérera que les consommations sont essentiellement du gasoil ou du fuel domestique (la vraie essence est à peine moins chère que le gasoil aux USA, donc ça ne change pas fondamentalement ; sinon une partie de la consommation est de l’électricité, qui sera encore plus chère que le gasoil). Ces jours-ci, le gasoil est pile à 4 dollars du gallon aux USA (http://www.eia.doe.gov/oog/info/gdu/gasdiesel.asp). Si l’EROEI était de 1, l’exploitant dépenserait donc, rien que pour ses factures de fuel et celles de ses sous-traitants, 82 millions de dollars. A cela, il faut bien évidemment ajouter le matériel, le personnel, les différents services, etc., sans parler des profits espérés. L’exploitant ne bénéficie même pas de la subvention normale qui consiste à faire payer au contribuable une partie (le taux de l’impôt sur les sociétés) de ses factures de fuel puisqu’il ne gagne pas d’argent. Le raisonnement par l’absurde montre donc que l’EROEI ne peut pas être aussi bas que 1. On peut, de la même façon, simuler un EROEI de 2, on voit que l’exploitant ne s’y retrouve toujours pas. J’aurais tendance à penser que l’EROEI du gaz de schiste est de l’ordre de 5 à 10 ou quelque chose comme ça. C’est simplement fondé, pour le gaz de schiste, sur le constat que le produit extrait – le gaz naturel - est vendu, au kilowattheure, pratiquement 5 fois moins cher que les liquides consommés. Maintenant, comme Yves COCHET l’a dit le 29 mars dernier, cela peut quand même aboutir à un « échec économique » si le prix du gaz continue d’être aussi dérisoirement bas, mais ce n’est pas un « échec thermodynamique ». Il reste l’argument que les pétroles et gaz de schistes ne supporteraient pas toutes les externalités. Cela reste à débattre, mais c’est un vaste sujet (l’automobiliste qui passe dans ma rue et qui souille ma façade d’immeuble ne contribuera pas non plus au coût du ravalement rendu nécessaire par son comportement).
5. Le « mitage des paysages » : la photo que l’on retrouve sur différents sites internet, avec des sites de forage partout, est une exception et non pas une règle. Le grand nombre de sites s’explique parce que les propriétaires terriens, aux USA, sont intéressés à la production : ils reçoivent une royalty de 25% du volume de gaz extrait (au Texas, dans le Barnett Shale). On comprend que les propriétaires de terrains se battent pour accueillir un forage. Ailleurs qu’aux USA, le propriétaire n’est pas intéressé à la production et ce phénomène n’existe pas. Les pétroliers regroupent les forages sur un nombre limité de plates-formes, comme si l’opération était en offshore. Avec un site d’un hectare et demi (environ), on peut exploiter les hydrocarbures sur une superficie de 5 kilomètres carrés ou davantage. Ca limite considérablement le nombre de sites en surface.
6. Le gaz au robinet : l’image fait le tour du monde. Les pétroliers ont procédé à une analyse critique (certes partiale) du documentaire de M. Josh FOX. On la trouvera en anglais au lien http://www.energyindepth.org/2010/06/debunking-gasland/. J’en ai une version traduite en français que je peux envoyer en mail perso. Il est bien évident que des incidents tels qu’une flamme au robinet ne laissent pas les autorités indifférentes, même quand ledit robinet est alimenté par un puits individuel et non par un réseau. Le lien ci-dessus renvoie à deux comptes-rendus faits par les autorités sanitaires du Colorado (COGCC), qui concluent à l’origine biogénique du gaz concerné (et donc rien à voir avec le shale gas). Il est dommage que ces conclusions ne soient pas plus documentées, avec notamment la fourniture des analyses isotopiques du carbone (carbone 12, carbone 13, carbone 14), mais il faut des éléments tangibles pour contredire ces conclusions. Il appartient maintenant à M. Josh FOX de prouver l’origine fossile profonde du gaz, pour contrer les conclusions des « Abigail SCIUTTO » du Colorado.
Les avantages des gaz et pétroles de schistes existent, et on s’en apercevra probablement un jour ou l’autre, notamment en hiver, lorsque de nombreuses centrales nucléaires auront été mises à l’arrêt pour vétusté, et lorsque les Russes se plaindront une nouvelle fois du comportement des Ukrainiens qui sont sur le passage des gros gazoducs. Si l’EROEI est mauvais, les projets tomberont d’eux mêmes. Si l’EROEI est convenable, ce gaz et ce pétrole pourront se révéler précieux. Ce n’est pas pour rien que Barack OBAMA demande aux pétroliers de poursuivre la mise en valeur de ces ressources, alors que la France envisage de faire exactement l’inverse.
Je ne suis pas avocat, je répète que je ne suis pas impliqué dans la recherche et l’exploitation des pétroles et gaz de schistes, je ne suis ni mandaté ni payé par personne, mais je demande juste que les arguments de la défense soient écoutés. J’espère que le lecteur me fera cette grâce.
En bonne justice, j’estime que les gaz et pétroles de schistes ont droit à un avocat, comme tout le monde. L’époque de Fouquier-Tinville est heureusement révolue. Je n’ai pas vocation à m’en faire l’avocat, ne faisant pas moi-même d’exploration de gaz de schistes, mais je trouve le procès trop inique pour rester les bras croisés. D’autre part, je constate qu’il n’y a pas beaucoup de volontaires pour se faire l’avocat de ces gaz et pétroles de schistes.
Les gaz et pétroles de schistes ne méritent ni excès d’honneur, ni indignité. Les différents problèmes environnementaux qu’ils soulèvent doivent être discutés dans la sérénité. Les arguments de la défense doivent être écoutés au même titre que ceux de l’accusation. En bonne justice, la défense devrait, d’ailleurs, avoir le droit de parler la dernière. La décision appartiendra ensuite aux politiques, mais il leur faudra prendre leur décision avec une connaissance aussi parfaite que possible du dossier, plutôt que devant une bière à la sortie de la projection de « Gasland ».
Les reproches environnementaux principaux sont les suivants :
1. Les consommations d’eau : il s’agit là d’un problème très sérieux, et la profession en a parfaitement conscience. Il n’est pas question d’entrer en concurrence avec les usages nobles de l’eau, et les pétroliers sont d’accord. Il y a des solutions à rechercher. Avec de la bonne foi de part et d’autre, elles peuvent être trouvées, au cas par cas. C’est le problème fondamental des gaz et pétroles de schistes.
2. La pollution des nappes phréatiques par la fracturation hydraulique : dans cette affaire, paradoxalement pour certains, l’intérêt des pétroliers rejoint celui des citoyens. En effet, si on imagine qu’une fracture initiée dans une couche de gaz de schiste (vers 2 500 mètres de profondeur) atteint un aquifère, il va se passer deux phénomènes et non pas un seul. C’est vrai que le gaz (ou le pétrole) va migrer vers la surface, et donc atteindre l’aquifère. Mais c’est vrai aussi que l’eau va migrer vers le bas, et envahir le puits producteur de gaz (ou de pétrole). Tout pétrolier sait qu’un puits envahi par l’eau est perdu. Il ne reste plus qu’à passer en charges un investissement de 5 millions d’euros ou plus. Le pétrolier va donc tout faire pour que les fractures n’atteignent pas les aquifères. Mieux, dans le cas du Bassin de Paris, l’aquifère d’eau douce le plus profond est la formation des « sables verts » de l’Albien, vers 900 mètres dans la Brie (600 mètres sous Paris, où plusieurs puits artésiens y ont été réalisés au XIXème siècle, et produisent encore). Le Lias, où se trouve le pétrole de schistes, est à 2 300 mètres ou plus. 300 mètres au-dessus du Lias, et donc intercalée entre le Lias et l’aquifère d’eau douce, on trouve la nappe du Dogger, salée entre 15 et 30 grammes par litres, qui est exploitée pour la géothermie dans le Val-de-Marne et la région parisienne : http://www.geothermie-perspectives.fr/1 ... 08_GB1.pdf. Si un pétrolier loupe son coup, et voit sa fracture remonter de 300 mètres, jusqu’à atteindre le Dogger, l’envahissement de son puits par l’eau du Dogger lui fait perdre instantanément 5 millions d’euros ou plus. On voit mal, alors, comment une fracture pourrait atteindre les précieux aquifères de surface du Bassin Parisien sans traverser au passage l’aquifère massif du Dogger et faire perdre son investissement au pétrolier.
3. La pollution des nappes phréatiques ou des cours d’eau par le stockage en bourbiers : il est vrai que les produits expulsés des puits sont conservés un certain temps dans des bourbiers creusés à même le sol, et revêtus d’une bâche étanche, généralement grise ou noire et d’une épaisseur de 4 millimètres. Le soudage des éléments de bâche, livrés en rouleaux de 4 mètres environ, est confié à une entreprise spécialisée, qui contrôle la soudure comme on le fait pour des tuyaux. Le volume est prévu pour stocker tous les produits injectés, mais aussi pour recevoir les grosses pluies de façon à éviter les débordements. Pourquoi stocker ces produits avant leur élimination ? C’est simplement pour laisser la nature dégrader les produits, qui sont généralement des produits organiques. Par exemple, le N,N-diméthylformamide, dont j’ai parlé dans un message antérieur, se biodégrade en totalité au bout de 3 semaines environ (http://www.cerij.or.jp/ceri_en/hazard_a ... 8_12_2.pdf, voir §5.2.2 et 5.2.3). Il faut donc s’assurer de plusieurs choses : l’étanchéité de la bâche, le dimensionnement du bourbier pour faire face à des événements météorologiques extrêmes, le suivi de la biodégradation des divers produits organiques, et la régularité/conformité des enlèvements des liquides et des boues vers leur destination ultime. Tout cela est du ressort de la réglementation (police des eaux). En ma qualité de citoyen, je serais ravi que tous les produits chimiques rejetés dans les rivières fussent suivis aussi scrupuleusement (détergents, médicaments, hormones, etc.).
4. L’EROIE : il est légitime de s’interroger sur l’EROEI (Energy Return on Energy Invested) des gaz et pétroles de schistes. Il est tout aussi difficile de sortir des valeurs crédibles. J’ai juste fait un calcul simple sur le Barnett Shale au Texas. Dans le Barnett Shale, il semble que la récupération de gaz ultime soit de 2,7 milliards de pieds cubes (2,7 bcf) par puits (source : une présentation de Guy MAISONNIER de l’IFP le 14 décembre 2010, que j’ai en pdf). A 4 dollars par millier de pieds cubes, cela fait un chiffre d’affaires de 10,8 millions de dollars, ce qui est peu, alors que le coût du forage doit en représenter au moins le tiers. Un volume de 2,7 bcf représente une énergie totale de 790 gigawatt-heures (pour un gaz à 1 000 BTU par pied cube, désolé pour les unités à la c...). Si on suppose que l’EROEI est de 1 (on dépense une unité d’énergie pour en récupérer une, ce qui est évidemment stupide), l’opération aura donc consommé 790 gigawatt-heures. A 1 628 kilowatt-heures par baril (valeur approximative, mais que l’on trouve dans la littérature), la consommation sera donc de 485 000 barils environ. A 42 gallons par baril (conversion exacte), cela représente 20,4 millions de gallons environ. En première approximation, on considérera que les consommations sont essentiellement du gasoil ou du fuel domestique (la vraie essence est à peine moins chère que le gasoil aux USA, donc ça ne change pas fondamentalement ; sinon une partie de la consommation est de l’électricité, qui sera encore plus chère que le gasoil). Ces jours-ci, le gasoil est pile à 4 dollars du gallon aux USA (http://www.eia.doe.gov/oog/info/gdu/gasdiesel.asp). Si l’EROEI était de 1, l’exploitant dépenserait donc, rien que pour ses factures de fuel et celles de ses sous-traitants, 82 millions de dollars. A cela, il faut bien évidemment ajouter le matériel, le personnel, les différents services, etc., sans parler des profits espérés. L’exploitant ne bénéficie même pas de la subvention normale qui consiste à faire payer au contribuable une partie (le taux de l’impôt sur les sociétés) de ses factures de fuel puisqu’il ne gagne pas d’argent. Le raisonnement par l’absurde montre donc que l’EROEI ne peut pas être aussi bas que 1. On peut, de la même façon, simuler un EROEI de 2, on voit que l’exploitant ne s’y retrouve toujours pas. J’aurais tendance à penser que l’EROEI du gaz de schiste est de l’ordre de 5 à 10 ou quelque chose comme ça. C’est simplement fondé, pour le gaz de schiste, sur le constat que le produit extrait – le gaz naturel - est vendu, au kilowattheure, pratiquement 5 fois moins cher que les liquides consommés. Maintenant, comme Yves COCHET l’a dit le 29 mars dernier, cela peut quand même aboutir à un « échec économique » si le prix du gaz continue d’être aussi dérisoirement bas, mais ce n’est pas un « échec thermodynamique ». Il reste l’argument que les pétroles et gaz de schistes ne supporteraient pas toutes les externalités. Cela reste à débattre, mais c’est un vaste sujet (l’automobiliste qui passe dans ma rue et qui souille ma façade d’immeuble ne contribuera pas non plus au coût du ravalement rendu nécessaire par son comportement).
5. Le « mitage des paysages » : la photo que l’on retrouve sur différents sites internet, avec des sites de forage partout, est une exception et non pas une règle. Le grand nombre de sites s’explique parce que les propriétaires terriens, aux USA, sont intéressés à la production : ils reçoivent une royalty de 25% du volume de gaz extrait (au Texas, dans le Barnett Shale). On comprend que les propriétaires de terrains se battent pour accueillir un forage. Ailleurs qu’aux USA, le propriétaire n’est pas intéressé à la production et ce phénomène n’existe pas. Les pétroliers regroupent les forages sur un nombre limité de plates-formes, comme si l’opération était en offshore. Avec un site d’un hectare et demi (environ), on peut exploiter les hydrocarbures sur une superficie de 5 kilomètres carrés ou davantage. Ca limite considérablement le nombre de sites en surface.
6. Le gaz au robinet : l’image fait le tour du monde. Les pétroliers ont procédé à une analyse critique (certes partiale) du documentaire de M. Josh FOX. On la trouvera en anglais au lien http://www.energyindepth.org/2010/06/debunking-gasland/. J’en ai une version traduite en français que je peux envoyer en mail perso. Il est bien évident que des incidents tels qu’une flamme au robinet ne laissent pas les autorités indifférentes, même quand ledit robinet est alimenté par un puits individuel et non par un réseau. Le lien ci-dessus renvoie à deux comptes-rendus faits par les autorités sanitaires du Colorado (COGCC), qui concluent à l’origine biogénique du gaz concerné (et donc rien à voir avec le shale gas). Il est dommage que ces conclusions ne soient pas plus documentées, avec notamment la fourniture des analyses isotopiques du carbone (carbone 12, carbone 13, carbone 14), mais il faut des éléments tangibles pour contredire ces conclusions. Il appartient maintenant à M. Josh FOX de prouver l’origine fossile profonde du gaz, pour contrer les conclusions des « Abigail SCIUTTO » du Colorado.
Les avantages des gaz et pétroles de schistes existent, et on s’en apercevra probablement un jour ou l’autre, notamment en hiver, lorsque de nombreuses centrales nucléaires auront été mises à l’arrêt pour vétusté, et lorsque les Russes se plaindront une nouvelle fois du comportement des Ukrainiens qui sont sur le passage des gros gazoducs. Si l’EROEI est mauvais, les projets tomberont d’eux mêmes. Si l’EROEI est convenable, ce gaz et ce pétrole pourront se révéler précieux. Ce n’est pas pour rien que Barack OBAMA demande aux pétroliers de poursuivre la mise en valeur de ces ressources, alors que la France envisage de faire exactement l’inverse.
Je ne suis pas avocat, je répète que je ne suis pas impliqué dans la recherche et l’exploitation des pétroles et gaz de schistes, je ne suis ni mandaté ni payé par personne, mais je demande juste que les arguments de la défense soient écoutés. J’espère que le lecteur me fera cette grâce.