La fracturation au fluoropropane.

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Le shale gas (Gaz naturel de shistes)

Message par energy_isere » 30 janv. 2014, 20:28

Gaz de schiste : pourquoi le propane enflamme...le débat

Industrie&Techniques le 30/01/2014

Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, devrait publier après les municipales de 2014 un rapport défendant une technique « propre » d’exploitation des gaz de schiste, a affirmé le Canard Enchaîné. Pour le journal, il s’agirait de la technique basée sur l’utilisation du propane pour fracturer la roche. La technologie est ancienne, mais a toujours été jugée dangereuse à cause de la haute inflammabilité du propane. Elle bénéficie pourtant d’une innovation sur laquelle travaille l’entreprise Américaine Ecorpstim : du propane non-inflammable, qui relance la question de l’utilisation de techniques alternatives à la fracturation hydraulique en France.

....................

Une innovation : le propane non-inflammable

Parmi les différentes options, la fracturation au propane semble la plus avancée pour remplacer la fracturation hydraulique. Elle est utilisée depuis près de 50 ans dans l’industrie pour améliorer la récupération d’hydrocarbures conventionnels mais est adaptée depuis peu aux huiles et gaz de schiste. Depuis 2008, GasFrac utilise ainsi du propane gélifié pour l’extraction d’hydrocarbures non conventionnels. EcorpStim, une filiale du groupe américain eCorp, a pour sa part mis au point en 2012 une technologie de stimulation au propane pur (PPS) à la place du gel de propane. En 2013, elle a encore amélioré son invention, en la sécurisant, par l’utilisation de propane non-inflammable (NFP), l’heptafluoropropane, une forme fluorée du propane. Le gaz est injecté sous forme liquide avec du sable ou des billes de céramique pour « stimuler » le puits et libérer le gaz ou l’huile de schiste. De 95 à 100% du propane injecté remonte ensuite sous forme de gaz grâce à la pression naturelle et peut être réutilisé.

Le principal avantage de la technique est de ne pas utiliser d’eau et de ne nécessiter que très peu, voire pas du tout, d'additif. Ecorpstim dit n’utiliser que du propane mélangé avec du « proppant » (sable ou céramique). Cette technique peut aussi être plus productive que la fracturation à l’eau, selon le type de réservoir. Seul inconvénient du propane : il s'agit d'un gaz à effet de serre.

....................
long article à lire ici http://www.industrie-techno.com/gaz-de- ... ebat.27613

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Re: Le shale gas (Gaz naturel de shistes)

Message par Pi-r2 » 30 janv. 2014, 20:33

l'eau additivée est franchement plus écologique que cette saloperie
ils sont fous.
Appeler ça une technique "propre" ??? :wtf: :shock:
les bonnes idées triomphent toujours, c'est d'ailleurs à cela qu'on reconnait qu'elle étaient bonnes

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La fracturation au fluoropropane.

Message par phyvette » 31 janv. 2014, 00:37

C'est nouveau, c'est expérimental, c'est cher mais c'est "propre". C'est la fracturation au fluoropropane.
Matthieu Auzanneau fait le point sur cette technique pour extraire les gaz de roches mères sans eau.
Encore en phase d'expérimentation, la fracturation au fluoropropane est la solution que le ministre Arnaud Montebourg s'apprête à défendre pour exploiter en France les gaz et pétrole de schiste, selon Le Canard Enchaîné. Le potentiel de cette technique reste à démontrer, lorsqu'aux Etats-Unis, la fracturation hydraulique fait face, pour les gaz de schiste, à de sérieux problèmes de rentabilité.

La fracturation au fluoropropane, promue par la société texane ECorpStim, pourrait permettre de se passer d'eau et de la plupart des produits chimiques qui sont jusqu'ici nécessaires à l'exploitation des gaz et pétroles de schiste. Elle n'a pas encore été testée à grande échelle. Le fluoropropane est une forme non-inflammable de propane. Il est aisément récupérable, et donc réutilisable pour de multiples fracturations, selon ECorpStim.

Le géant pétrolier français Total est partenaire du groupe ECorp dans le développement du gaz de schiste en Grande-Bretagne.

Le propane permet dans certains cas d'améliorer la récupération des hydrocarbures fracturés. Un avantage crucial pour les industriels. Contrairement à l'eau, qui peut faire gonfler les argiles, le propane "n’endommage pas la formation géologique" et facilite ainsi l'écoulement du gaz et du pétrole par les micro-fractures, soulignent les parlementaires Christian Bataille et Jean-Claude Lenoir dans un rapport enthousiaste rendu public en novembre.

Du propane (inflammable) est utilisé au Canada et aux Etats-Unis depuis plusieurs années à une échelle modeste pour extraire des hydrocarbures de schiste. Le propane est en outre utilisé depuis des décennies afin de "stimuler" la récupération dans des puits d'hydrocarbures conventionnels parvenus à maturité.

Le député PS Christian Bataille et le sénateur UMP Jean-Claude Lenoir ont été les premiers en France à souligner publiquement les avantages potentiels du recours au fluoropropane, que produit notamment le groupe chimique franco-belge Solvay pour des inhalateurs médicaux. "Il pourrait être produit en France, si l’on décidait de l’utiliser pour l’extraction d’hydrocarbures", notent Bataille et Lenoir.

Le fluoropropane, plus encore que le propane, est "onéreux", constatent toutefois les deux parlementaires dans leur rapport. C'est sans doute pourquoi les sociétés qui exploitent le gaz et le pétrole de schiste aux Etats-Unis continuent à avoir essentiellement recours à la fracturation hydraulique.

Bon nombre des sociétés qui exploitent le gaz de schiste outre-Atlantique, et non des moindres, ont bien souvent jusqu'ici opéré à perte :
Déjà à l'eau ça eu payé, mais ça paye plus alors ...

Image

Lire la suite :

http://petrole.blog.lemonde.fr/2014/01/ ... more-10131
Image Quand on a un javelin dans la main, tous les problèmes ressemblent à un T-72.

Philippe
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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par Philippe » 31 janv. 2014, 01:50

La fracturation à l’heptafluoropropane est invoquée par Arnaud MONTEBOURG comme une alternative à la fracturation au propane (le même gaz hydrocarbure que l’on trouve en bouteilles pour la cuisine, et en citernes pour le chauffage des maisons). Le propane présente un inconvénient majeur, il est inflammable. L’heptafluoropropane ne l’est pas : on s’en sert dans les extincteurs…

La fracturation au propane a été évacuée en quelques lignes dans le rapport interministériel (CGEIET et CGEDD, MM. BELLEC, CATOIRE, DURVILLE, GAZEAU, LETEURTROIS, PILLET) de février 2012 : http://www.economie.gouv.fr/files/Rappo ... France.pdf, page 93. Les avantages du propane sont suffisamment cités dans le rapport. En revanche, la sécurité y est un argument rédhibitoire pour les auteurs du rapport.

Il y a, effectivement, eu deux accidents au Canada, au début de 2011. Il s’est agi, dans les deux cas, d’un « flash », une explosion non suivie d’incendie. Aucun de ces deux accidents n’a fait de mort. Une des deux sociétés pétrolières, la société HUSKY, propriétaire du puits où s’est produit l’accident, a renouvelé sa confiance dans la technique et dans la société GASFRAC qui la commercialise, un signe que les leçons de l’accident ont été tirées et la procédure améliorée. A ma connaissance, il n’y a plus eu d’accident causé par l’utilisation du propane depuis lors. Les accidents comme ceux-là, pour malheureux qu’ils soient, contribuent à améliorer les procédures opérationnelles, la sécurité du personnel et des tiers, et la prise en compte de l’environnement, des considérations qui vont de pair dans l’industrie pétrolière, n’en déplaise à ses détracteurs.

Il faut rappeler que le propane a tué, à la raffinerie de Feyzin (département du Rhône), 18 personnes le 4 janvier 1966 (explosion, mais suivie d’incendie, cette fois). Les procédures ont été améliorées suite à la catastrophe, mais cela n’a pas condamné l’industrie française du raffinage pour autant.

Monsieur MONTEBOURG propose une technique inédite, jamais essayée, avec un produit chimique qui a des qualités similaires au propane, mais sans présenter le risque de l’inflammabilité : l’heptafluororopane : sept des huit atomes d’hydrogène sont remplacés par des atomes de fluor. Le produit répond aux mêmes exigences demandées par les pétroliers : liquide à la descente, sous l’effet de la pression élevée, puis gazeux à la fin de l’opération, quand on décomprime le puits pour le mettre en débit. La pression de vapeur saturante de l’heptafluoropropane est d’environ 5 bars à 25° Celsius (liquide au-dessus de 5 bars, gazeux au-dessous), ce qui explique sans doute que ce soit lui et pas un autre composé halogéné qui ait été choisi. La pression dans les citernes n’est pas plus élevée que la pression dans les camions-citernes qui livrent les particuliers. 5 bars, ça se gère bien. Il doit se gélifier de la même façon que le propane, pour que les billes de céramique ou de verre ne descendent pas plus vite que le liquide. L’heptafluoropropane liquide a un avantage de plus : il est trois fois plus dense que le propane liquide, ce qui minimise la pression nécessaire à la sortie des pompes, de quelque chose comme 250 bars si le puits est profond de 2500 mètres. Ce n’est pas négligeable du tout. A l’état gazeux, il est aussi très dense, mais ça ne l’empêchera aucunement de remonter des profondeurs. Mais l’heptafluoropropane, comme les hydrocarbures halogénés (qui contiennent des atomes de fluor ou de chlore, plus rarement de brome), est un gaz à effet de serre et un destructeur de la couche d’ozone. Il ne semble toutefois pas concerné par le Protocole de Montréal, contrairement à son cousin qui voit un des atomes de fluor remplacé par un atome de chlore (connu sous la nomenclature HCFC-226)

Un des avantages du propane et de l’heptafluoropropane, est que ces produits sont gazeux lors de leur remontée en surface. Il n’y a donc plus de « dégorgement » du puits à réaliser, cette période délicate où on expulse du puits l’eau de la fracturation hydraulique : les grosses quantités d’eau qui remontent en surface, accompagnées de quantités de gaz très variables, ne se prêtent pas à une bonne séparation gaz-liquides. Les séparateurs saturent rapidement s’il arrive trop d’eau d’un seul coup (un « bouchon d’eau », ou « slug »), de la même façon qu’une station d’épuration peut déborder après un gros orage. C’est pour cela que les débuts du dégorgement en fracturation à l’eau se font sur fosse de brûlage spécialement aménagée. S’il n’y a pas assez de gaz pour maintenir la torche allumée, c’est là que se produit le maximum des « fuites de gaz » dont on parle dans la littérature, et qui sont de mieux en mieux évaluées à environ 0,4% de ce que le puits aura produit au cours de sa vie. Avec le propane et l’heptafluoropropane, rien de tout ça. Il n’arrive pas ou peu d’eau, et tout peut être immédiatement dirigé vers un séparateur gaz-liquide et canalisé vers sa destination ultime. Le propane, comme l’heptafluoropropane, se séparent bien de la phase gazeuse une fois arrivés en surface. Il suffit de maintenir une pression d’une dizaine de bars dans le séparateur, c'est-à-dire une pression légèrement supérieure à la pression de vapeur saturante, pour que ces produits redeviennent liquides, alors que les autres gaz restent en phase gazeuse. Une contrepression de 10 bars sur un puits à gaz n’est pas gênante, contrairement aux puits fracturés à l’eau, pour qui cette contrepression ne peut être que néfaste. L’eau éventuelle, est, elle, séparée par décantation et éliminée séparément. Le contraste de densité et la faible viscosité des produits rend facile cette décantation, et l’élimination de l’eau, sachant que propane comme heptafluoropropane sont totalement hydrophobes. Cela permet de récupérer, comme il est écrit dans la littérature, plus de 95% du produit mis en œuvre au cours de l’opération de fracturation.

Dans le cas du propane, les molécules de propane qui restent à l’état gazeux dans le mélange après séparation à une dizaine de bars - il en reste - peuvent sans problème passer dans l’usine de traitement du gaz naturel. Il sera récupéré comme NGL (natural gas liquids) ou laissé dans le gaz, en fonction des spécifications de l’acheteur du gaz. Dans tous les cas, le gaz naturel du réseau GDF en contient déjà et le propane ne peut pas être considéré comme une impureté. Pour l’heptafluoropropane, c’est moins évident. Il s’agit d’une impureté significative. Cela signifie qu’avant la livraison à l’acheteur du gaz, il y aura un traitement supplémentaire pour le supprimer totalement. La spécification contractuelle (teneur maximale en heptafluoropropane) devra être établie par l’acheteur. Les teneurs seront forcément très faibles, et il faudra des consignes d’exploitation strictes à l’usine de traitement pour que ce « déchet » ne soit pas rejeté à l’atmosphère (mauvais pour la couche d’ozone et pour le changement climatique), mais au contraire, soigneusement mis de côté pour recyclage, même si les volumes en jeu sont très modestes. Il faudra donc que les usines à gaz qui recevront les premiers gaz produits après une fracturation hydraulique disposent d’une unité de traitement supplémentaire pour la séparation et le stockage de cet heptafluoropropane.

Le lecteur l’aura compris. Si on doit fracturer avec un composé hydrocarbure plutôt qu’à l’eau, ma préférence ira au propane, technique désormais éprouvée, plutôt qu’à l’heptafluoropropane.

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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par sceptique » 31 janv. 2014, 11:47

Pi-r2 a écrit :l'eau additivée est franchement plus écologique que cette saloperie
ils sont fous.
Appeler ça une technique "propre" ??? :wtf: :shock:
Philippe vient de faire un post très détaillé, très précis. On comprend bien les avantages et inconvénients des différentes techniques. Pourrais tu donc préciser en quoi l'eau additivée est franchement plus écologique que cette saloperie ?
Ou alors tu es tombé dans le piège classique :
De mémoire (je me rappelle plus le contexte exact), aux USA, à la sortie d'un rassemblement plutot écologique un petit malin avait fait signer une pétition contre :
"l'usage de l'oxyde de dihydrogène par l'industrie chimique"
L'accumulation des mots savants a obtenu le résultat escompté : la pétition a été massivement signée !

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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par Pi-r2 » 31 janv. 2014, 13:14

sceptique a écrit :Pourrais tu donc préciser en quoi l'eau additivée est franchement plus écologique que cette saloperie ?
- c'est de l'eau, pratiquement recyclable dans le procédé (ce n'est pas parce que d'autres ont gaspillé pour gagner 3 sous que c'est la seule solution)
- La séparation gaz dissous - eau n'est pas un problème (c'est un classique de l'industrie pétrolière)
- les additifs peuvent être choisis dans une gamme parfaitement bio compatible
- pas d'effet de serre
- produits et eau communément accessibles, faciles à transporter, sans danger

ce sont les premiers points qui me viennent à l'esprit

Ce qui me met hors de moi c'est le dogmatisme débile: la fracturation hydraulique c'est mal, donc il faut autre chose (même si c'est pire)
C'est de la politique au sens le plus vile du terme
les bonnes idées triomphent toujours, c'est d'ailleurs à cela qu'on reconnait qu'elle étaient bonnes

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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par energy_isere » 28 févr. 2014, 11:55

article enerzine sur le sujet.
(on peut le considerer aussi comme une publi-information de l' entreprise ecorpStim )
Gaz de schiste : la Stimulation au Propane Non-Inflammable

28 fev 2014 enerzine

ecorpStim (eCORP Stimulation Technologies), filiale du groupe eCORP, entend bien démontrer par une vidéo que la Stimulation au Propane Pur associée à sa dernière innovation technologique, constitue "une alternative fiable, efficace et opérationnelle" à la fracturation hydraulique.

N'utilisant ni eau ni additifs chimiques, la technologie proposée par ecorpStim se nomme la Stimulation NFP (Non Flammable Propane), soit en français la Stimulation au Propane Non-Inflammable.

Cette technologie développée en 2013 par les équipes R&D d'ecorpStim à Houston, Texas (Etats-Unis) la stimulation consiste à utiliser une forme fluorée de propane (l'heptafluoropropane) pour la phase de stimulation. Ainsi, cette option devrait être opérationnelle et faire l'objet d'une démonstration sur le terrain d'ici à la fin de l'année 2014.

Pour ecorpStim, recourir à cette substance, par ailleurs utilisée comme gaz propulseur pour les aérosols de produits pharmaceutiques (inhalateurs) supprimerait le risque lié à l'inflammabilité du propane classique, et ne présenterait pas de risque pour la santé.

Tout comme le propane pur, l'heptafluoropropane est récupéré sous forme gazeuse à la sortie du puits, pour être réutilisé. Cette utilisation en circuit fermé éviterait de faut la libération du gaz dans l'atmosphère, par ailleurs une condition indispensable à la rentabilité économique du processus.

............
............
en entier : http://www.enerzine.com/12/16962+gaz-de ... able+.html

Philippe
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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par Philippe » 16 avr. 2014, 07:37

Je suis en ce moment à Calgary, et je viens de passer deux heures avec Shaun ALLEN, responsable business development de la société GASFRAC , qui propose la fracturation au propane.

Cette société, créée en 2006, a réalisé sa première fracturation au propane, en janvier 2008. Elle en a réalisé 2 300 de plus depuis janvier 2006.

En janvier 2011, il y a eu deux accidents consécutifs sur des chantiers de la société canadienne HUSKY OIL, qui représente 75% du chiffre d’affaires de GASFRAC, avant les accidents, mais aussi depuis les accidents, un signe que les péchés de jeunesse ont été pardonnés.

On rappelle que ces deux accidents sont les raisons qui ont amené la mission parlementaire CATOIRE, DURVILLE, GAZEAU, LETEURTROIS et PILLET à considérer la fracturation au propane comme une alternative non valable à la fracturation à l’eau (page 93 de leur rapport). Il n’est pas dit, dans ce rapport, qui sont les « opérateurs » qui ont dit autant de mal de la fracturation au propane, mais, de l’avis de GASFRAC, il s’agit de concurrents, que l’on ne citera pas, qui en restent aux fracturations hydrauliques à l’eau, peu satisfaits à l’idée d’un piétinement de leurs plates-bandes par un concurrent inconnu apportant une idée non seulement brillante, et mais probablement révolutionnaire.

Je me suis fait expliquer les deux accidents, et les leçons qui en ont été tirées.

Le premier accident est intervenu alors que la température extérieure était de -30° C. Bienvenue au Canada ! A cette température, le propane reste essentiellement liquide à très basse pression, dans la mesure où sa pression de vapeur saturante est proche de la pression atmosphérique. Un élément fondamental dans l’analyse de l’accident, qui a conduit GASFRAC à interdire les fracturations au propane lorsque la température est inférieure à -26° C (marge de sécurité sur la pression de vapeur saturante). A cette température, l’agent viscosifiant (ester de phosphate) qui démultiplie la viscosité du propane liquide pour permettre de garder en suspension les grains de sable ou les billes de céramique destinés à maintenir les fractures ouvertes se mélange très mal au propane liquide. Les très basses températures ont joué un rôle dans l’accident.

Le mauvais mélange au propane liquide des agents de soutènement (les billes de céramique pour l’opération projetée), qui se sont désolidarisés de la phase liquide, insuffisamment visqueuse, a abouti au percement d’un trou dans une des pompes haute pression, par un phénomène bien connu sous le nom d’érosion par les très dures billes de céramique. Il en est résulté une fuite de propane liquide vers le bas, sous la remorque où se trouvait la pompe. Le propane liquide s’est donc répandu sous la remorque. Les 4 explosimètres du chantier, censés contrôler la dangerosité des émissions éventuelles de gaz combustible, n’ont pas répondu, dans la mesure où l’essentiel du propane n’était pas gazeux, mais liquide. Le propane a commencé, très lentement, à passer en phase gazeuse, et, plus dense que l’air, n’a pas pu s’éliminer vers l’atmosphère. Malheureusement, la phase gazeuse a fini par trouver un point chaud, un élément essentiel pour déclencher une explosion. L’explosion a donc eu lieu, mais sans propagation sous forme d’incendie, puisque que le peu qui était combustible a été cramé en l’espace d’un instant. Deux employés se sont précipités vers l’origine de la fuite pour fermer le robinet d’alimentation en propane, mais, pour ce faire, ils ont dû enlever leurs gants (par -30° C, c’est courageux), et ils ont fini par souffrir de brûlures aux mains. Ce sont les seuls dommages corporels qui ont été rapportés de cet accident. Pas de mort, pas d’autres blessés plus ou moins graves.

Depuis ce premier accident, la société GASFRAC a modifié ses procédures : (1) interdiction de procéder à toute opération si la température chute au dessous de -26° C ; (2) matérialisation d’un périmètre de sécurité, avec poteaux et chaînes tendues sur tout le périmètre, pour interdire toute intervention de personnel en cas de fuite, incendie ou explosion, de façon à minimiser les dommages corporels ; (3) multiplication du nombre d’explosimètres à la périphérie du chantier (passé de 4 à 24) pour mieux analyser les atmosphères potentiellement dangereuses ; (4) réalisation d’une pente de 2% sur la totalité de la plate-forme du chantier, pour évacuer par gravité le propane liquide pouvant éventuellement fuir vers une zone présentant le moindre niveau de danger ; (5) multiplication du nombre de capteurs de pression et de transmetteurs de données de pression vers une cabine située dans une zone hors d’atteinte, de façon à intervenir à distance et en urgence en cas de chute brutale de la pression en quelque point que ce soit du chantier, signe d’une possibilité de fuite de liquide inflammable ; (6) installation de caméras thermiques infrarouges permettant d’observer toute anomalie de température dans la zone des pompes à haute pression (refroidissement en cas de fuite et donc de détente de gaz, réchauffement sur début d’incendie), et d’intervenir à distance, pour fermer les circuits concernés sans envoyer de personnel en zone dangereuse.

L’ensemble de ces dispositions a été entériné par le client, HUSKY OIL, qui les a jugées acceptables au point de renouveler sa confiance en GASFRAC, et de continuer à représenter l’essentiel des activités de GASFRAC au Canada, soit sur une période de 3 années depuis cet accident.

Le second accident, intervenu lors d’une opération de fracturation lors de laquelle GASFRAC était présent, a été causé par un événement totalement extérieur à GASFRAC, et il a été donné acte à cette société de sa non-responsabilité dans l’accident. Une vanne motorisée de la tête de puits a été ouverte par erreur et de façon intempestive par du personnel d’une entreprise sous-traitante, sans l’accord de la société opératrice, ce qui a eu pour conséquence d’envoyer la pression du puits (300 bars quand même), dans un camion-citerne, équipé d’une pompe à vide, et destiné à vider les tuyauteries remises à pression atmosphérique après les épreuves hydrauliques à l’eau, un préliminaire à toute opération. La citerne, conçue pour recevoir des effluents à pression atmosphérique, n’a pas aimé, et l’a fait savoir en se déplaçant sur longue distance, blessant les personnes se trouvant sur son passage. Un des employés de la société sous-traitée pour l’exploitation des matériels d’essais de puits a été brûlée au troisième degré au visage, et quelques autres personnes ont été blessées à divers niveaux de gravité, mais il n’y a eu, là non plus, aucun mort à déplorer. Aux dires de GASFRAC, un procès est encore en cours, mais GASFRAC, simple témoin, n’est pas dans le box des accusés. La procédure opératoire a immédiatement été considérablement renforcée par la mise en place, sur la vanne-maîtresse motorisée concernée, d’une chaîne et d’un banal cadenas du commerce (winter-proof quand même, mais au Canada, ça se trouve sans grande difficulté).

Force est de reconnaître que ces deux accidents ont constitué une mauvaise publicité pour GASFRAC, même si la société n’avait aucune responsabilité dans le second. Depuis, HUSKY OIL a renouvelé sa confiance en GASFRAC. Plus de 1 000 fracturations supplémentaires au propane ont été réalisées au Canada, sans incident aucun, et les statistiques d’accidents corporels de GASFRAC montrent une évolution vers un niveau de sécurité qualifié d’excellent, où on retrouve l’étiage de l’accidentologie de l’industrie pétrolière, à savoir qu’il n’y a plus guère que les accidents de la route qui tuent, comme chacun le sait parfaitement dans l’industrie pétrolière.

Il commence à être temps, avec plus de 3 années de recul, de réexaminer l’intérêt de la fracturation au propane, qui présente une infinité d’avantages sur tous ses concurrents, qu’il s’agisse de la fracturation à l’eau ou de celle à l’heptafluoropropane de la société ECORPSTIM, soutenue par Monsieur MONTEBOURG. La technique de fracturation présentant le meilleur compromis entre l’efficacité, le moins d’effets néfastes sur la roche contenant les hydrocarbures, le moindre impact sur l’environnement et sur la sécurité, c’est la fracturation au vrai propane. Je reviendrai sur les avantages du propane dans un futur post. La dernière phrase de la page 93 du rapport interministériel de MM. CATOIRE, DURVILLE, GAZEAU, LETEURTROIS et PILLET n’est plus vraie.

A noter que la province canadienne du Nouveau-Brunswick vient de lever le moratoire sur la fracturation hydraulique, et qu’une fracturation au propane, dans un puits vertical mais avec 12 étages de fracturation successifs, y sera réalisée dans la seconde quinzaine de juillet 2014, pour le compte de la société canadienne CORRIDOR. Une occasion pour les autorités françaises d’aller sur place et de faire le point des progrès réalisés par cette technique depuis les deux accidents isolés de janvier 2011 ?

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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par marc0 » 16 avr. 2014, 09:11

super interessant Philippe !

ils te disent quoi concernant la rentabilité de ces fracturations ?...

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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par energy_isere » 16 avr. 2014, 13:03

merci pour ces infos.

Si les entreprises du batiment étaient aussi sérieuses concernant les accidents ont verrait pas des employés se promenant sur les toits sans attaches et ont aurait pas le taux d' accident des chantiers.....

ni chaud ni froid
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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par ni chaud ni froid » 16 avr. 2014, 16:27

energy_isere a écrit :Si les entreprises du bâtiment étaient aussi sérieuses concernant les accidents ont verrait pas des employés se promenant sur les toits sans attaches et ont aurait pas le taux d' accident des chantiers.....
Hors sujet total mais je me permet de réagir là... Les entreprises du bâtiment progressent malgré tout énormément depuis 20 ans (jusqu'à 50% de diminution suivant les indicateurs). Les chantiers des majors sont généralement exemplaires. Bien sur on peut toujours faire mieux, mais le BTP c'est à peu près le seul secteur où l'on bosse en masse (+ de 1.5 million de salariés tout de même), dans un environnement changeant perpétuellement et par essence difficile à contrôler. Le problème, pour l'avoir vécu, tient à mon avis plus à l'habituation au danger et à la culture de minoration du risque par les équipes de travail majoritairement masculines et peu éduquées, qu'au sérieux des encadrants.
lock-out pending...

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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par Philippe » 16 avr. 2014, 17:34

marc0, merci de ton appréciation.

GASFRAC intervient comme sous-traitant d’une société pétrolière, et à ce titre, il n’a accès qu’à une partie de l’information. La question sur le bilan énergétique et financier doit être posée à ceux qui disposent de la totalité de l’information, c'est-à-dire aux sociétés pétrolières qui exploitent les puits/gisements.

Cela dit, il ne faut pas oublier que la fracturation, quel que soit le fluide, s’applique à de nombreuses situations, et pas seulement aux gaz et pétroles de schiste. On en fait souvent dans des gisements conventionnels, lorsque les caractéristiques de la roche ne permettent pas l’obtention de débits rentables sans fracturation. Le bilan énergétique et financier ne sera pas le même suivant que l’on est dans un vrai réservoir (roche poreuse, mais à perméabilité minable) ou dans une roche-mère (hydrocarbures dispersés dans une roche à perméabilité misérable). Il doit exister un continuum de rentabilité entre des opérations très rentables et des opérations qui perdent de l’argent et/ou de l’énergie. Le curseur varie suivant un trop grand nombre de paramètres pour qu’un quelconque chiffre puisse être donné (prix de vente des hydrocarbures, proximité des débouchés, existence d’infrastructures, proximité des entreprises sous-traitantes spécialisées, coût du personnel, royalty due au propriétaire du terrain, prélèvements étatiques, etc.). Chaque cas est un cas particulier. Désolé de ne pas pouvoir être plus précis.

Pour préciser l’importance de la proximité, pour l’opération prévue en juillet 2014 au Nouveau-Brunswick (milieu de nulle part en ce qui concerne les hydrocarbures), l’amenée et le repli des 35 camions nécessaires aux opérations, ceux de GASFRAC et ceux des autres sous-traitants, vont coûter 2 millions de dollars canadiens. Dans l’Alberta, l’amenée et le repli doivent coûter 10 fois moins cher…

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kercoz
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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par kercoz » 16 avr. 2014, 20:30

J' ai trouvé ça , mais je n' ai pas renouvelé mon abonnement ....qqun a t il lu l'article entier ?
http://www.mediapart.fr/journal/economi ... le-charbon
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marc0
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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par marc0 » 17 avr. 2014, 10:48

@Philippe, encore une question : est ce que l'on peut refracturer un puits déjà fracturé pour essayer de lui redonner une seconde jeunesse et profiter d'une partie du travail déjà effectué ?

Philippe
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Re: La fracturation au fluoropropane.

Message par Philippe » 17 avr. 2014, 13:55

marcO,

quand le puits est vertical, ou modérément dévié, il n'y a en général pas de deuxième chance. En revanche, pour les puits horizontaux, ou sub-horizontaux, je crois savoir qu'au bout de quelques années, les sociétés pétrolières procèdent à des fracturations complémentaires. Il faut comprendre que, dans un drain horizontal, on crée un réseau de fractures verticales avec un maillage de 100 mètres environ. Sur 1 kilomètre de drain horizontal, on aura ainsi une dizaine de fractures verticales, espacées de 100 mètres. Rien n'interdit de refaire des opérations de fracturation "intercalaires", avec le même maillage de 100 mètres, mais décalées de 50 mètres par rapport aux fractures déjà créées. Les fractures se développant dans le plan vertical, le risque que les fractures nouvelles interceptent les existantes n'est pas très grand, et cela peut redonner un second souffle au puits, et augmenter ses réserves. Le plus souvent, c'est l'ultime cartouche. Le risque de retomber sur des fractures déjà existantes devient, en effet, trop grand si on réduit encore l'intervalle entre les fractures.

Dans tous les cas, on ne revient pas dans les fractures existantes, ça ne donne rien. Ca ne rembourse pas l'investissement. On essaie de faire des fractures neuves dans des puits existants.

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