Lettre ouverte des employés du nucléaire bavarois : « Non à la désindustrialisation de l’Allemagne ! »
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24 juin 2011 (Nouvelle Solidarité) – Les employés de la centrale nucléaire de Gundremmingen – la centrale nucléaire la plus performante d’Allemagne – se sont adressés, dans une lettre ouverte, au Ministre-président de la Bavière Horst Seehofer, et ont exigé le retour à une « politique sérieuse, réfléchie et fondée sur les faits ». Aux 850 employés de l’usine, s’ajoutent encore 1000 travailleurs d’entreprises diverses.
Voici la traduction française de la lettre rédigée par le président de l’Assemblée des travailleurs de la centrale (Betriebsrat), Anton Failer (c’est nous qui surlignons).
Gundremmingen, le 21 juin 2011
Monsieur le Ministre-Président Seehofer,
Je m’adresse à vous aujourd’hui au nom des employés de la centrale nucléaire de Gundremmingen.
« Le monde ne comprend pas le tournant énergétique allemand », titrait le Bonner Generalanzeiger le 27 mai pour son article sur le sommet du G8 à Deauville. Ils ne se doutent pas une seconde que nous-mêmes, employés de Gundremmingen, ne le comprenons pas plus. Nous nous sommes constamment investis de toutes nos forces pour assurer la sûreté de notre centrale nucléaire, évitant au passage l’émission de plus de 500 millions de tonnes de CO2. Maintenant, nous sommes trainés dans la boue par les politiques et les médias. Nous n’avons certainement pas mérité un tel sort ! Les experts sont unanimes pour dire que la centrale nucléaire de Fukushima n’aurait jamais eu l’autorisation de fonctionner en Allemagne, en raison de manquement dans sa conception, et que les installations allemandes sont d’un tout autre niveau de sécurité.
Avec nos deux tranches, l’énergie nucléaire de Gundremmingen contribue depuis plus de 25 ans à hauteur d’environ 30% de l’approvisionnement énergétique bavarois, sûr, rentable et écologique. Nous prétendons haut et fort que nous sommes un pilier du bien-être de notre chère Bavière.
Nous n’arrivons pas à comprendre que pratiquement l’ensemble de l’élite politique puisse tomber dans le panneau de l’idéologie verte. Illusions politiques, manipulations, faux espoirs et mise en déroute caractérisent depuis des années le débat énergétique allemand, et ont atteint leur paroxysme suite à Fukushima.
En tant qu’experts, nous ne comprenons tout simplement pas que les faits ne pèsent plus rien dans les décisions politiques, et que la politique se fasse au gré des opinions. La sortie précipitée de la technologie du nucléaire en Bavière et dans toute l’Allemagne ne peut qu’être qualifiée de réaction à court-terme. La possibilité d’une révision de telles décisions extrêmement grave n’a même pas été prévue. Personne de sérieux au monde ne détruirait volontairement sa voie de retour, sans savoir s’il se trouve dans une impasse. La sortie de route arrive trop tôt.
On se moque totalement que par de telles décisions la probabilité d’énormes black-outs augmente, tout comme la disparition de branches entières de l’industrie et de dommages se chiffrant en milliards qui vont obligatoirement peser sur les citoyens. On susurre aux citoyens le conte de fée du 1 centime/kWh maximal, alors que le nouveau pont n’est pas même encore construit. Personne ne sait aujourd’hui ce qu’il coûtera et s’il fonctionnera jamais. Mais la politique veut déjà détruire le pont nucléaire, alors qu’il peut encore tenir des décennies.
Cette volonté allemande de faire cavalier seul nous désavantage énormément et nous rend dépendant de nos voisins. La création d’énergie, y compris les emplois qui y sont associés, va être délocalisée à vue d’œil. Les importations de courant supplémentaires depuis le moratoire nous coûtent déjà chaque jour des millions ! Il ne s’agit pas seulement de la destruction de milliers d’emplois hautement qualifiés dans la technologie nucléaire et les fournisseurs. Il s’agit ni plus ni moins de la désindustrialisation de la Bavière et de toute l’Allemagne. La Bavière a déjà bénéficié particulièrement de l’énergie atomique et c’est elle qui ressentira le plus fort les conséquences du débranchement planifié. Les centrales à gaz ne sont pas compétitives sans augmentations massives du prix du courant, et nous rendent esclaves du diktat des prix de nos quelques pays fournisseurs.
Il en va particulièrement de la sécurité. L’Allemagne a les installations les plus sûres au monde et d’après notre ferme conviction, nos collègues sont, avec les experts et les autorités, au plus haut niveau des centrales nucléaires dans le monde. Si l’Allemagne sort du nucléaire, le niveau va chuter. Si les meilleurs décident de quitter le secteur, c’est le numéro deux qui servira d’étalon pour la sécurité des 418 centrales nucléaires restant dans le monde.
En tant que Ministre-Président bavarois, vous avez le devoir d’assurer le bien-être de la population de l’Etat libre de Bavière. Si vous n’agissez pas de manière responsable dans l’énergie atomique, l’histoire se rappellera de vous comme le fossoyeur de l’industrie bavaroise et le compagnon de route d’un gouvernement bavarois rouge-vert. Faites-vous donc le chantre d’une politique sérieuse, réfléchie et fondée sur les faits ! Les calculs politiques ne peuvent se substituer aux lois du marché et de la physique !
Entre illusion et réalité, il n’est pas facile de garder le cap de la raison. Revenez-y ! Ce n’est pas Fukushima qui va jeter aux oubliettes la valeur des sondages de la CSU ! Les gens veulent être sûrs de la raison d’être du parti qu’ils ont élu. Le tournant énergétique enlève à la CSU toute sa crédibilité et elle perd tout profit. La persévérance est quelque chose de noble, qui, sur le long-terme, paye dans les élections. Ne vous laissez pas influencer par les opinions ! Revenez sur votre décisions avant que les dommages provoqués par les black-outs, le chômage, l’explosion des impôts, le départ de branches entières de l’industrie et l’appauvrissement des plus faibles ne ruine notre chère Bavière.
Pensez, avant de prendre vos décisions, à l’avenir des hommes et de leurs familles qui travaillent dans les centrales nucléaires. Ne nous laissez pas tomber !
Retrouvez la voie de la raison ! Continuez la tradition d’un Franz-Josef Strauss, qui a fait énormément pour la Bavière avec la mise en route de l’énergie nucléaire. L’énergie nucléaire fut la clé de la transformation de la Bavière d’une Etat agraire à la tête de pont économique de l’Allemagne. Vous trouverez en pièce jointe un extrait du discours de Franz-Josef Strauss d’il y a plus de 25 ans, à l’occasion de la mise en service des tranches B et C de la centrale nucléaire de Gundremmingen.
Engagez-vous à ce que les deux tranches de Gundremmingen restent encore longtemps en service. Les unités sont les mêmes, et les deux ont été mises en service en 1984. Débrancher si tôt l’une des unités sera considéré comme un acte de trahison.
Avec cette lettre ouverte, nous vous invitons cordialement sur le site de Gundremmingen. Donnez-nous la possibilité d’échanger nos arguments au cours d’une discussion personnelle, avant que les dés ne soient définitivement jetés.
Cordialement,
Anton Failer
Président du Betriebsrat
Centrale nucléaire de Gundremmingen
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