Anne Gaudard - AGEFI -30-03-07
L’uranium pourrait atteindre les 200 dollars à moyen terme
vendredi 30 mars 2007, par temoust
L’uranium pourrait atteindre les 200 dollars à moyen terme Ces prix dépendent de la réalisation effective des programmes nucléaires et des décisions politiques sur un marché stratégique.
Jusqu’où ? La question était sur toutes les lèvres hier à Genève lors du séminaire Academy&Finance consacré à l’uranium.
Depuis le début 2006, cette matière première a progressé de 160% pour atteindre actuellement 95 dollars la livre sur un marché spot davantage indicatif que liquide, puisque ce secteur vit surtout au rythme des contrats long terme (80% )
L’uranium traverse une période d’« exubérance rationnelle » Le marché de ce combustible a explosé ces deux dernières années, porté notamment par les incertitudes énergétiques.
Une matière première spéciale. Malgré tout. Certes, l’uranium voit ses prix varier en fonction des arguments traditionnels, que ce soit la relation offre-demande, le niveau des stocks ou encore la diminution de disponibilités. Certes, comme bien d’autres commodités, il encaisse aujourd’hui les conséquences de longues années de sous-investissements. Certes, il se renchérit aussi sous l’effet de la hausse des demandes chinoises et indiennes. Mais, il garde un aspect réglementaire que n’ont pas d’autres métaux et autres sources énergétiques. Encadrement légal il y a tant dans l’exploration que dans la production, sans même parler de l’exploitation, comme l’a rappelé, Christian Polak, directeur du Front-End sales chez Areva Mining Business, hier à Genève lors du séminaire Academy&Finance consacré à ce combustible. « On ne peut faire d’erreur avec l’uranium, même dans l’exploration. »
Longtemps oublié, il refait parler de lui, en progressant de 400% depuis 2003. Passant ainsi de quelque 10 dollars à 40 dollars la livre. Dans la foulée de la hausse des prix sont nées une myriade de compagnies d’exploration qui devraient peu à peu permettre à l’offre de ne pas laisser la demande s’envoler. Elles n’étaient encore que cinq il y a trois ans, elles seront bientôt 400 (lire « L’Agefi » du 24 mars). Et selon le professeur de l’Université technique de Berlin, Hikmet Akin, « seule une fraction » de l’uranium existant sous terre a en fait été localisée. Mais, le monde ne devrait pas assister à la mise en exploitation de nouvelles mines importantes avant 2009, a souligné Stephan Wrobel de Diapason Commodities Management. A l’offre primaire vient en outre s’ajouter l’offre secondaire. Mais, l’arrivée sur le marché de cet uranium recyclé des armes ou issus de stocks, etc., devrait diminuer de 10% ces prochaines années, selon Hikmet Akin. Attention au degré d’acceptation</P>
A l’origine de cette situation, le regain d’intérêt pour le nucléaire en période de tensions gazières, d’approvisionnement tendu en électricité ou encore de limitation des émissions de CO2. On parle de 30 réacteurs à construire d’ici 2020 en Chine, cinq au Japon, sans même parler des intentions britanniques, brésiliennes ou américaines, ni des réalisations scandinaves. Parmi les arguments le plus souvent avancés en sa faveur figure aussi le fait que 1000 tonnes d’uranium produisent autant de courant que 16 millions de tonnes de charbon, mais zéro émission contre 33 millions de tonnes de CO2, comme l’a souligné Marino Pieterse de Uraniumletter International. Aujourd’hui quelque 17% de l’électricité mondiale est d’origine nucléaire. Quid de demain ? Beaucoup dépendra de son taux d’acceptation dans la population occidentale notamment et des processus politiques qui y sont liés. Sans même parler du problème du remplacement des centrales âgées.
Côté demande toujours, le niveau d’enrichissement peut influencer le marché. Tout comme, a rappelé le consultant Michael J. Connor, de Nuclear Reources International, l’intervention de tiers investisseurs. Que ce soit des hedge funds ou des sociétés comme Uranium Participation Corp. (UPC) qui a fait grimper de 5 dollars la livre d’oxyde d’uranium en mai 2005 achetant, à son arrivée sur le marché, 1,85 million de livre d’U3O8. Le spécialiste spécifie encore que cette « demande secondaire » concerne davantage les prix spots que les prix des contrats long terme qui vont demeurer élevés. Il voit les prix encore forts pour les deux prochaines années, puis, ils pourraient subir une correction conséquence de l’arrivée de nouvelles productions coïncidant avec un éventuel changement de stratégie dans la gestion des stocks des électriciens (après avoir amassé). Suivra une période de calme relatif jusqu’en 2017 au moins (Voir graphique ci-dessus). Et de parler d’« exubérance rationnelle » du marché de l’uranium
Quelques super majors et une myriade de juniors
« C’est une matière première très attractive, mais il y a peu de véhicules d’investissements », constate Stephan Wrobel de Diapason. Tout d’abord, il n’y a pas de bourse spécifique, liquide et transparente. Michael J. Connor parle de « quasi-market ». Ensuite le marché de l’uranium vit en deux temps : un petit nombre de super majors parfois intégrées et une myriade de sociétés d’exploration juniors. Ainsi rappelle le professeur Hikmet Akin : « 70% de la production émane de 10 mines et sept compagnies (Areva, Cameco, Rio Tinto, BHP Billiton, Priargunsky, Kazatomprom, Navoi) contrôlent 80% de la production ». Au-delà des majors, un panier lié à l’uranium – si l’uranium entre éthiquement dans un périmètre d’investissement – contiendra aussi quelques juniors. Qui choisir ? Michael J. Connor affirme que si l’on a choisi quelques unes des firmes juniors il y a deux ans, on peut se montrer exubérant… Une hausse essentiellement guidée par l’évolution du prix du physique. Aujourd’hui, tout dépend, poursuit-il, de ses buts. Après avoir constaté que le choix était désormais plus ardu, il note qu’on peut investir dans une société qui va réellement forer à la recherche d’uranium ou spéculer sur une société qui va « forer Wall Street ». Au-delà du « il faut aller regarder les fondamentaux derrière la capitalisation boursière », comme l’a résumé Christian Polak, les spécialistes sont sensibles à la richesse des mines (ressources et réserves) et surtout au degré de la teneur en uranium, sans oublier, rappelle Marino Pieterse, les risques géopolitiques, les problèmes environnementaux (type d’extraction notamment) ou encore l’impact promotionnel. Eléments qui rendent ces « juniors » intéressantes ou pas également pour les grandes compagnies, pour une acquisition. Les majors ont de toute manière déjà un œil sur les petites. Et y investissent. Comme Areva dans Urasia, UEX, Paladin, Western, etc. Mais les actifs commencent à devenir chers… C’est davantage le moment que le pri x qui peut faire la différence dans la phase de consolidation qui arriver, relève Marino Pieterse. En conclusion, il déclame que dans une sélection de vingt de ces « juniors », deux avaient perdu de l’argent, douze avaient vu leur action doubler de prix ou huit étaient des « penny stocks ».
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