En Finlande, le chantier du premier EPR à la traîne
Les autorités locales et Areva se renvoient la responsabilité.
par Anne-Françoise HIVERT
QUOTIDIEN : lundi 05 juin 2006
Scandinavie de notre correspondante
La construction du premier réacteur de troisième génération prend du retard à Olkiluoto, dans le sud-ouest de la Finlande. En visite officielle à Helsinki, le Premier ministre français, Dominique de Villepin, devrait en profiter aujourd'hui pour se rendre sur le chantier dirigé par Areva NP, filiale d'Areva et de Siemens. Les travaux de construction du réacteur européen à eau pressurisée (EPR), dont le coût s'élève à 3 milliards d'euros, ont débuté en février 2005. Mais, si l'électricien Teollisuunden Voima Oy (TVO) espérait une mise en service du réacteur dès 2009, le calendrier risque d'être difficile à tenir.
Le chantier accuse déjà un retard de 8 ou 9 mois.
Dépendance.
La compagnie TVO, qui fournit de l'électricité à prix coûtant à ses actionnaires (des collectivités locales et une soixantaine d'industriels, dont la moitié sont des papetiers), exploite déjà 2 des 4 réacteurs finlandais. Mais la Finlande, dont la consommation d'électricité par habitant est l'une des plus élevées au monde,
importe 70 % de son énergie. La construction d'«Olkiluoto 3» devrait donc permettre de réduire la dépendance énergétique du pays.
A la direction d'Areva à Paris, on relativise le retard : «Il ne s'agit que de quelques mois pour un réacteur qui sera en activité pendant 60 ans, remarque un porte-parole.
Ce type de décalage n'est pas inhabituel pour un projet tête de série d'une telle ampleur.»
Vitrine d'Areva 
, le chantier Olkiluoto 3 est unique au monde. La puissance de ce réacteur nouvelle génération atteindra 1 600 mégawatts et ses besoins en uranium seront de 17 % inférieurs à ceux d'un réacteur de la génération précédente.
Béton recalé.
Le retard serait dû, selon Areva, à 3 facteurs : «L'examen des dossiers par l'Autorité de sûreté finlandaise (Stuk) a pris plus de temps que prévu. Ensuite,
certaines pièces ont dû être refaites pour passer les contrôles de qualité et de sûreté. Enfin, il y a eu les
problèmes de béton», poursuit le porte-parole.
La porosité du ciment fourni par un sous-traitant finlandais pour bâtir le socle du réacteur ne répondait pas aux critères fixés. Les travaux ont donc dû être interrompus plusieurs semaines.
Mais, à Helsinki,
le directeur général de l'Autorité de sûreté finlandaise met en cause le consortium franco-allemand. «
Nous avons dit dès le départ que l'examen des dossiers prendrait un an et nous avons respecté notre engagement», affirme Jukka Laaksonen. Le Finlandais s'avoue
«très surpris par les récentes déclarations de M. Maurel (président d'Areva NP) nous imputant le retard du chantier. C'est un non-sens». De son côté, Martin Landtman, directeur du projet pour TVO, reconnaît la responsabilité d'Areva NP, qui a tardé à fournir des plans détaillés. Mais
«il est juste de dire que l'Autorité de sûreté finlandaise est particulièrement stricte», précise-t-il. En outre,
le dynamisme du secteur finlandais de la construction a joué en défaveur du consortium franco-allemand, qui a eu des difficultés à recruter des sous-traitants.
Le retard pourra-t-il être comblé d'ici à 2009 ? Martin Landtman doute : «Nous produirons sûrement de l'électricité en 2009, mais je ne pense pas que la date de mise en service commerciale puisse être respectée.» Areva annonce
un plan de rattrapage, refusant pour le moment d'évoquer les coûts du retard.
Le groupe préfère souligner l'expérience acquise sur ce chantier 
. La construction du prochain EPR devrait débuter en 2007, à Flamanville (Manche).