Une autre gabegie ?

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Oh, on pouvait aussi considérer que la construction du CERN était un gabegie car aucune application pratique à en attendre.Remundo a écrit :Ah oui , ITER glorieux héritier du tokamak...
Une autre gabegie ?
Mouais, bof. Le CERN n'est quand même pas le truc qui rend les pauvres pauvres ou qui plombent les finances des états européens. En fait, à côté des projets de la droite européenne, je crois que le CERN est un chef-d'oeuvre d'humanisme.Remundo a écrit : Effectivement, le CERN est une autre gabegie financière. La priorité de l'Humanité n'est pas le boson de Higgs.![]()
QUELQUES CONSIDERATIONS SUR LES
TOKAMAKS
Historique
Le mot « Tokamak » est l’anagramme de l’expression russe qui signifie « Tore de compression magnétique »
De base c’est donc une invention Soviétique.
Lors d’une conférence internationale à Londres dans les années 50, le Pr Kourtchatov vint proposer une coopération internationale pour ce développement civil. (La seule fois de sa vie ou Kourtchatov est sorti d’URSS !)
Kourtchatov était auréolé du prestige de scientifique et d’organisateur de la « bombe soviétique ». En pleine Guerre Froide on ne pouvait qu’écouter un tel homme !
Politiquement cette proposition rentrait dans la droite ligne de la doctrine Marxisme-Léniniste.
Marx avait dit qu’il fallait donner l’énergie aux travailleurs pour le libérer de ses chaînes. Assertion qui n’est peut-être pas fausse si l’on considère que la réussite du développement économique des USA est basée sur un pétrole qui n’est tout de même pas donné, mais qui est tout de même pas cher…
Lénine avait déclaré : « Le Communisme c’est les « Soviets » (comités-collèges) et l’électrification ! »
Dans un contexte de Guerre Froide, faire une proposition « civile » était une marque de détente qui pouvait servir avantageusement de propagande dans le monde pour le soutien indéfectible à « la cause ».
Il y a une tradition plus typiquement russe du rôle de guide mondial de la Russie. Cette tradition quelque peu paranoïaque est irrésistiblement vivante encore à l’heure actuelle.
Donc si la coopération et le développement réussissaient, la Gloire en reviendrait avant tout à l’URSS qui avait la première faite cette proposition.
Le tempérament russe adore les recherches extrêmes, incroyables. Lors du bicentenaire des USA, l’URSS a proposé à cette occasion une course au Soleil d’une voile simplement motorisée par le vent solaire… Dans la suite de cette idée de voile, une version géostationnaire étant également envisagée pour éclairer par réflexion les villes du Nord de la Russie .. l’hiver polaire est si long du côté de Norilnsk..
Tout cela doit normalement être enseigné avec moult développements dans les cours universitaires d’Histoire des Sciences.
Maintenant s’il n’y avait pas d’issue technologique à cette recherche ; tout investissement à perte l’aura été au bénéfice d’une non-affectation de budget à la recherche et développement militaire contre l’URSS.
Et la collaboration a commencé. La participation russe étant tout de même une participation d’accompagnement qui ne dépasse 10% de l’investissement total, et encore sous une forme matérialisée par de la matière grise..
Deux échos russes récents sur le sujet :
En 2000 je rencontre à Paris en physicien russe en stage de coopération de France (Nancy), c’est un spécialiste du diagnostic des plasmas chauds (c'est-à-dire des Tokamaks). Au cours d’une conversation à bâton rompus, il me déclare :
- Il y a eu deux grandes arnaques de l’URSS au XXème siècle :
o La Révolution d’Octobre
o Les Tokamaks
Et il reprend le thème de l’arnaque proposée par l’URSS au monde occidental pour qu’il épuise sans objet sa capacité de R&D au lieu de la consacrer à des recherches militaires contre l’URSS.
En 2001 m’intéressant à ses travaux de physicien sur les clusters d’électrons (30 ans de recherches sur le sujet) et non pas à sa position hiérarchique je rencontre Guenady Andréïévitch Messiats Vice-Président de l’Académie des Sciences de Russie dans son bureau prestigieux.
Nous discutons des clusters d’électrons, il est très flatté qu’un Occidental s’intéresse à ses travaux.. La discussion dérive sur la Fusion Froide, direction sur laquelle il se montre très réservé. Je pose ensuite la question :
- Est-il vrai que les Tokamaks ont été proposés à la coopération internationale comme arnaque devant épuiser sur un sujet sans objet les ressources de l’Occident ?
Sa réponse a été :
Au début je ne crois pas, mais cette arnaque fonctionne toujours ! Mais vous savez les Américains nous ont fait aussi quelques arnaques comme la Guerre des Etoiles de Reagan.
Ces préliminaires étant achevés, on peut faire quelques autres remarques plus techniques.
LE JET
En 1975-77 J’ai travaillé pour le JET, je suis allé plusieurs fois à Culham en Angleterre et là je me suis fait expliquer le devenir de cette filière.
Il était prévu une trentaine d’années plus tard c'est-à-dire maintenant le début de la construction d’un prototype de réacteur de fusion.
Je constate qu’arrivé à la date prévue et quelques milliards d’euros plus loin, le délai annoncé pour la construction d’un pilote est toujours de 30 à 40 ans, c’est un projet à délais constant/glissant.
Ayant un faible pour la Russie, je ne peux m’empêcher de faire un rapprochement avec la fréquentation des églises orthodoxes sous l’URSS. Lorsque l’on interrogeait un Soviétique sur ce sujet, la réponse était invariablement : Les églises sont fréquentées par de vieilles femmes..
Pendant 70 ans ça a été des vieilles femmes.. à priori les mêmes… Elles étaient à âge constant..
Je me suis fait expliquer comment pourrait-on un jour récupérer l’énergie de « fusion chaude ».
Avoir un tore qui chauffe à 100 millions de degrés c’est bien, mais comment pourra-t-on faire fonctionner sa machine à laver ?
De base il faut savoir que les plasmas parfaits sont adiabatiques et n’ont pas d’échange thermique avec l’extérieur, ce qui permet de confiner un tel plasma dans une enceinte qui de toutes les façons ne pourrait guère supporter une température supérieure à 2000 degrés C.
Si le Soleil était un plasma parfait on ne le verrait pas.
Mais le tore en confinement émet des neutrons lors de la fusion.
Ce sont ces neutrons qui traversant l’enceinte torique arrivent sur des « blankets » des couvertures.
Ces couvertures sont faites d’un alliage de plomb-lithium 6.
Le plomb est transparent aux neutrons comme l’est le sodium par exemple.
Les neutrons arrivant sur le lithium génèrent une réaction qui donne du tritium et de la chaleur.
Il suffit donc de faire passer des tuyaux d’eau dans ces « blankets » pour avoir de la vapeur qui va être turbinée.. et l’on rejoint un cycle thermique classique.
De plus gros avantage, on récupère le tritium pour le réinjecter dans le tore, puisqu’en fait le tritium est le carburant de base de la fusion.
Dans la pratique
Pour un rendement thermique correct de la machine thermique classique il faut obtenir de la vapeur surchauffée à une température de l’ordre de 500 degrés C
A cette température le plomb est en fusion, ce qui est avantageux car l’homogénéisation de la température, des réactions nucléaire apprécie les mouvements de convection.
C’est le plomb qui est choisi. C’est bien ; pas de réaction chimique avec l’eau. Le sodium transparent aux neutrons a été l’une des pierres d’achoppement qui a valu la mort de Super Phénix.
Discutant avec les gens du centre de recherche d’Obninsk à 180km au Sud de Moscou de ce point particulier des propriétés du plomb, il m’a été dit :
- Pour les réacteurs rapides nous avons tout essayé, le sodium, le plomb, le plomb-bismuth..etc.. Le plomb ne réagit pas chimiquement avec l’eau mais du fait de sa densité la quantité de chaleur qu’il emmagasine est telle que sa réaction thermique sur l’eau est au moins aussi désastreuse que la réaction sodium-eau. Finalement nous préférons utiliser le sodium
Il faut se rendre compte tout de même que l’on va créer d’énormes quantités de tritium.
Le tritium est une « petite vacherie » qui émet des rayons bêta avec une durée de vie de 12 ans.
Comme l’hydrogène on ne peut contenir de façon étanche le tritium qui fuira quelque soit la qualité de l’enveloppe dans laquelle il est confiné. Il se glisse dans les mailles cristallines.
Un des grands aspects de la radioprotection contre le tritium est tout de même d’organiser des fuites entre deux parois et entre ces deux parois organiser un flux d’air qui va emmener le tritium fuyard dans la cheminée d’évacuation de la ventilation..
J’ai participé à une époque (1986) aux discussions entre l’Union Européenne (Centre commun de recherches d’Ispra en Italie) et la Direction des Applications Militaires du CEA qui est un organisme qui maîtrise le mieux la « technologie tritium ».
Le CEA-DAM était pour le moins reluctant à céder cette technologie qui est pour le moins proliférante…
A priori ce n’est pas avec la fusion des Tokamaks que l’on va calmer les écolos / pacifistes qui crient à la prolifération militaire de l’industrie nucléaire !!
Ce n’est pas non plus avec cette technologie que l’on va arrêter les écolos qui crient déjà contre les rejets gazeux de la cheminée de ventilation à « La Hague » (et il est rejeté du tritium par cette cheminée).
Pour l’instant les écolos ne se sont pas trop manifestés « contre » le projet ITER, parce qu’ils n’ont pas compris de quoi il s’agissait pour la plus grande partie d’entre eux.
Mais les écolos ont tout le temps pour eux, il pourront faire fermer le pilote expérimental dans une cinquantaine d’année comme cela a été fait pour Super Phénix (Oh Eternelle Infamie !)
Dans l’usine secrète de Tomsk-7 qui fabrique des bombes H, il y a une vingtaine d’années. Un ouvrier se met à perdre ses cheveux. Il est contrôlé, il est devenu « émetteur béta » car il a du respirer une bonne bouffée de tritium, gaz incolore et inodore. Le gars va mourir, mais que faire ? Du tritium s’est échangé avec les ions hydrogène de l’eau constitutive de son corps.
Alors essayer de faire un nouvel échange, remplacer le tritium par de l’hydrogène..
Et le gars allongé pendant trois semaines a eu droit à une alimentation d’eau externe directement dans le péritoine (surface d’échange maximale) en circuit ouvert. Le comble c’est que le gars s’en est sorti ! Je dois avoir la photo du gars en traitement. Pour faire une publicité du tritium à l’attention des populations, rien de tel en la publiant sur internet.
Mais il y a d’autres problèmes techniques :
- A-t-on seulement atteint avec le JET le « Break-Even » c'est-à-dire plus d’énergie produite que d’énergie consommée pour le chauffage et le confinement ? Ce n’est pas clair du tout.. ça dépend un peu de la méthode de calcul…
- La stabilité du plasma est un gros problème, mais les expérimentateurs s’engagent à solutionner ce problème. De fait il apparaît curieusement qu’il va falloir regarder de près l’action des électrons, complètement ignorés jusqu’à présent. Les tenants de la « Fusion chaude » devraient-ils s’intéresser aux propriétés des clusters d’électrons comme le font les tenants de la « Fusion par mise en condition froide ».
- A-t-on une idée de la façon de retraiter les « blankets » qui vont contenir le tritium.. Comment manipuler de grandes masses de plomb allant de quelques centaines au millier de tonnes confites de tritium… Il semble d’ailleurs que ce point commence à effrayer les concepteurs qui visent à des tores de dimensions plus petites, d’où la réduction de la dimension des « blankets ».
- Quel exploitant pourra admettre d’avoir une telle machine qui a l’arrêt devra conserver quelques milliers de tonnes de plomb à l’état de fusion sans pouvoir laisser refroidir l’ensemble ?
- Un Prix Nobel Japonais a attiré l’attention sur le fait que la réaction de fusion produisait des neutrons à une énergie de 14MeV et que l’on ne savait rien quant à la tenue des métaux de l’enceinte sous un tel rayonnement.. et difficile de faire des essais de vieillissement sans avoir la source de neutrons aisée avec cette énergie. J’avais suivi les développements de la mise au point de l’acier SPX, c'est-à-dire de l’acier spécial pour la cuve du réacteur de Super Phénix. Cela n’a pas été une sinécure. Mais il faut reconnaître qu’une rupture du tore n’aurait pas les mêmes conséquences humaines qu’une rupture de cuve de Super Phénix. Maintenant le prix d’une rupture ou seulement fissure du tore serait astronomique..
Ce que je pense : et cela n’engage que moi.
Une belle arnaque est une arnaque à laquelle l’arnaqueur se prend lui-même au jeu, ce qui est pratiquement le cas maintenant avec la Russie. Mais ils s’engagent très très mollement.
La Fusion des Tokamaks est sans issue à un coût raisonnable. On atteint le déraisonnable dès aujourd’hui sans avoir abordé sérieusement différents points évoqués précédemment. Alors à quel prix ? Alors avec quels engagement favorables des écolos ?
Il y a bien d’autres recherches plus potentiellement productive d’énergie efficiente et à des prix quantifiables avec une approximation correcte.. Le développement des réacteurs HTR avec des combustibles non disséminables sous explosion, dans des boulets de céramique tenant à très haute température avec une résistance mécanique au choc, ce dont est partisan mon ami le Pr Pellerin.
Les réacteurs au thorium.
Et il faudra bien retourner un jour sur les réacteurs rapides.
Comment dire à des scientifiques qui ont commencé dans le job des Tokamaks à l’âge de 25 ans et maintenant passent à la retraite qu’ils ont travaillé toute leur vie pour rien. Certains sont devenus membres de l’Académie des Sciences, avec tous les honneurs afférents. Ils ont formé des jeunes scientifiques.
Comment dire aux contribuables qu’ils ont payé tout cela pour rien.. ou presque ?
Alors on ne peut que continuer. Et il faut continuer sinon ce sera une plus grande déprime de la recherche scientifique non seulement en France mais un peu partout dans le monde.
Nous aurions du laisser ce petit plaisir ce petit plaisir aux Japonais, les autorités de sûreté Japonaises, les écolos japonais. On aurait eu des miettes contrôlables.
Mais il est impératif que ITER soit réalisé, sinon il y aura toujours un regret de ne pas l'avoir tenté...
Imaginez que le Général Patton en 1945 ait emporté la décision d'envahir l'URSS.. il y aurait toujours un regret dans le monde de ne pas avoir laissé l'expérience communiste aller jusqu'au bout.. Et même étant allée jusqu'au bout de l'expérience il y a encore au moins 10% des électeurs qui votent extrême-gauche dans des variantes.. mais même système tout de même.
Je crois que Mme Haigneré était bien motivée, elle avait été enseignée à rêver de la Science avec les Russes en étant allée dans l'espace avec eux.
L'actuel Ministre de la Recherche a rédigé il me semble des rapports parlementaires sur les escroqueries en tous genres ou activités maffieuses. Je crains qu’il n’ait pas vu cette arnaque venir..
Salut Krom, en citant le CERN, je pensais plus précisément au LHC, la cathédrale pour scientifiques fans des particules. Il est vrai qu'il ne faut pas généraliser à toutes les activités du CERN.Krom a écrit :Mouais, bof. Le CERN n'est quand même pas le truc qui rend les pauvres pauvres ou qui plombent les finances des états européens. En fait, à côté des projets de la droite européenne, je crois que le CERN est un chef-d'oeuvre d'humanisme.Remundo a écrit : Effectivement, le CERN est une autre gabegie financière. La priorité de l'Humanité n'est pas le boson de Higgs.![]()
en 72/75 , la france avait un proto perso pour le confinement du plasma . Nettement plus éléguant qu'un immeuble de condo qu'on décharge d'un coup: la génératrice RIOUX.Remundo a écrit : 15 Mds Euros, je cite "pour un prototype qui ne produira pas d'électricité". Enorme
http://www.enerzine.com/14/8877+le-deve ... runt+.html....
Le nucléaire : 1 Mds
Une partie de l'emprunt dédiée au développement durable sera consacrée au nucléaire : les réacteurs de 4ème génération, seront en mesures de produire de plus faibles quantités de déchets radioactifs à vie longue et nécessiteront beaucoup moins de combustible, ce qui permettra de faire reculer l'horizon d'épuisement des réserves mondiales. Une enveloppe d'un milliard d'euros lui sera consacrée.
Des financements seront également affectés au réacteur Jules Horowitz. Cet équipement de recherche essentiel permettra en outre de produire des radionucléides à finalité médicale (examens radio-isotopiques) pour lesquels des besoins importants sont anticipés en France et en Europe. Enfin, une gestion plus sûre des déchets est un élément-clé de la filière nucléaire et devient une exigence indiscutable. Des recherches dans ce domaine seront poursuivies.
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Enerzine
http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... _3244.htmlLa renaissance d'un Superphénix
02.04.10 Le Monde
La filière des réacteurs nucléaires à neutrons rapides n'a pas laissé de radieux souvenirs. Illustrée, en France, par le surgénérateur Superphénix (en cours de démantèlement), elle reste associée à un retentissant fiasco technologique. Même si le petit surgénérateur de démonstration Phénix (arrêté en septembre 2009) a, en dépit d'incidents à répétition, rempli vaille que vaille sa mission de recherche. Cette filière effectue pourtant son retour, avec les réacteurs de quatrième génération dont le déploiement industriel est prévu à l'horizon 2040. Cinq des six systèmes étudiés dans le cadre du Forum international Génération IV de recherche sur l'énergie nucléaire font appel aux neutrons rapides.
La France s'est fixé pour objectif d'être la première à posséder un tel réacteur. Le CEA (désormais Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), associé à EDF, Areva et bientôt sans doute GDF-Suez, concentre ses efforts de recherche et développement sur un système refroidi au sodium. Avec comme échéance la mise en service, en 2020, d'un prototype baptisé Astrid, pour Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration.
Les neutrons rapides présentent deux grands avantages, décrivent Christophe Béhar, directeur de l'énergie nucléaire au CEA, et François Gauché, chef du programme des réacteurs de quatrième génération. D'abord, ils exploitent beaucoup mieux la ressource combustible. Les réacteurs actuels ne consomment que l'uranium fissile (U 235), dont le minerai naturel recèle seulement 0,7 %. Il faut enrichir ce minerai, par de coûteux traitements, pour que le combustible contienne entre 3 % et 5 % de matière fissile. Dans un surgénérateur, l'uranium non fissile (U 238) peut être utilisé en totalité, les neutrons rapides le transformant en plutonium (PU 239) qui, lui, se prête aux réactions de fission.
De surcroît, alors que les réacteurs classiques ne peuvent recycler qu'une seule fois le plutonium extrait des combustibles usés (ce que fait aujourd'hui EDF dans 22 de ses 58 tranches nucléaires), les systèmes à neutrons rapides, eux, peuvent être alimentés en permanence par du plutonium issu du retraitement. Avec cette technique, calcule le CEA, les stocks français d'uranium provenant des opérations d'enrichissement et de retraitement, soit 250 000 tonnes, suffiraient pour assurer une production électronucléaire à son niveau actuel pendant cinq mille ans.
Brûler les déchets radioactifs
La seconde vertu des neutrons rapides est de pouvoir "brûler" une partie des résidus nucléaires les plus radiotoxiques. Les combustibles usés sortis des coeurs des réacteurs actuels sont composés d'uranium (95 %), de plutonium (1 %), ainsi que de produits de fission et d'actinides mineurs (4 %). Une partie de l'uranium et le plutonium sont recyclés en nouveau combustible, tandis que les produits de fission et les actinides mineurs sont coulés dans des matrices de verre, entreposées à La Hague (Manche), dans l'attente d'un éventuel enfouissement.
Or, les actinides mineurs (américium, neptunium, curium) sont des déchets à haute activité et à vie longue. Si l'on parvenait à les éliminer, la radiotoxicité du combustible usé retomberait au niveau de celle de l'uranium naturel au bout de 300 ans, au lieu de 250 000 ans. En laboratoire, des procédés existent pour isoler ces radioéléments et les "transmuter" en éléments à durée de vie plus courte, en les bombardant de neutrons rapides. Mais il reste à valider - et à chiffrer - cette méthode à une échelle industrielle.
Ce sera l'une des missions d'Astrid, dont la construction pourrait commencer en 2017, à Marcoule (Gard). Il s'agira d'un gros prototype, de 600 mégawatts (MW), suffisamment puissant pour que sa technologie puisse être extrapolée à un réacteur de 1 500 MW, conçu pour fonctionner soixante ans. Sur le milliard d'euros alloué au nucléaire par l'emprunt national, 650 millions seront consacrés à la phase d'étude.
"Nous allons utiliser l'expérience de Phénix et de Superphénix, en améliorant la sûreté", promet le CEA. Le sodium ayant la fâcheuse propriété de réagir spontanément avec l'eau et de s'enflammer au contact de l'air, des échangeurs de chaleur à gaz sont envisagés, ou des générateurs de vapeur à double paroi. Et un nouveau coeur est à l'étude, pour éviter une fusion en cas de baisse du niveau de sodium.
Des réacteurs à neutrons rapides refroidis au sodium existent déjà en Russie et au Japon. D'autres sont en construction en Chine, en Inde et en Russie. Mais aucun, estime le CEA, ne répond aux exigences de sûreté de la quatrième génération.