Source : l'Est Républicain
http://www.estrepublicain.fr/fr/a-la-un ... n-Lorraine
le 04/11/2010 17:20
Le " Tchernobyl roulant " arrive en Lorraine
Le « Tchernobyl roulant », le « train d’enfer », le « convoi le plus radioactif de l’histoire ! » selon les anti - nucléaires va passer par la Lorraine...
« Tchernobyl roulant », « train d’enfer », « convoi le plus radioactif de l’histoire ! »...Porte-étendards des mouvements hostiles à l’atome, Greenpeace et le Réseau Sortir du nucléaire, rivalisent de formules chocs pour alerter l’opinion sur le convoi de 11 conteneurs « Castor » qui doit quitter aujourd’hui à 14h20 la gare de Valognes dans la Manche pour gagner demain son terminus, le village de Gorleben situé en Basse-Saxe dans le nord de l’Allemagne ( itinéraires et horaires ).
Comme pour tous les transports ferroviaires de déchets radioactifs, cette expédition sera placée sous haute surveillance policière. Elle doit transiter par la Lorraine, où les autorités peuvent modifier l’itinéraire au dernier moment, avant de filer vers l’Alsace, puis l’Allemagne. Un tel déploiement d’uniformes et les options tenues secrètes quant au tracé du parcours s’expliquent par les appels à la mobilisation des activistes, même si, selon Nadine Schneider de Sortir du nucléaire, « l’objectif n’est pas d’interférer avec ce convoi, mais de sensibiliser le public sur sa dangerosité. Ce transport concentre au moins deux fois plus de radioactivité que le total des pollutions radioactives émises par la catastrophe de Tchernobyl. Si par malheur un accident, une erreur humaine ou un attentat survenaient, une vaste zone serait rendue inhabitable pour des générations ».
Le drame d’Avricourt
Les écologistes ne veulent surtout pas que se reproduise le drame de novembre 2004 à Avricourt, près de Lunéville, où un jeune militant de 23 ans avait trouvé la mort après s’être enchaîné sur la voie. En France, le choix retenu sera d’informer, tracts et banderoles à l’appui, à des points stratégiques, comme à la gare de Metz ou à Réding, près de Sarrebourg, dans la matinée de samedi, « mais la possibilité d’actions particulières n’est pas à exclure », ajoute Nadine Schneider, « les gens sont autonomes ».
C’est plutôt en Allemagne que la mobilisation risque d’être très musclée, notamment sur la voie unique destinée aux transports de déchets nucléaires qui rejoint le secteur de Gorleben où les containers dans lesquels ont été coulés les déchets vitrifiés issus du retraitement des combustibles usés par l’usine Areva de La Hague, seront entreposés « temporairement » dans des hangars. « Ces déchets ultimes et à vie longue n’ont rien à faire à La Hague, qui n’est pas un site de stockage et Gorleben n’est absolument pas adapté pour les accueillir », souligne Yannick Rousselet, de Greenpeace. « La seule solution est le retour à l’envoyeur, à savoir les centrales nucléaires et les producteurs d’électricité allemands ».
En Lorraine, les activistes veulent en outre profiter du passage du train dans la Meuse pour attirer l’attention de la population « sur ces convois de déchets franco-français à hauts risques qui à terme alimenteront le site de stockage en couches profondes de Bure ».
Patrice COSTA . Lire demain notre dossier dans nos éditions papier.
. Le trajet et les horaires
. La liste des manifestations prévues sur le parcours
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Avricourt: convoi de déchets nucléaires mortel
Notre article du 8 novembre 2004. Alors qu'il tentait de s'enchaïner à la voie en présence d'autres manifestants, un jeune militant anti-nucléaire lorrain a été happé par un train de déchets, en Lorraine.
Le drame s'est produit à 14 h 30 hier, au point kilométrique 408, sur la commune d'Avricourt (Meurthe-et-Moselle). Le convoi, chargé de déchets destinés à être stockés à Gorleben dans le nord de l'Allemagne, a écrasé un jeune militant anti-nucléaire qui tentait de s'enchaïner à la voie ferrée, comme l'avaient fait avant lui d'autres militants à Laneuveville. Selon les premières constatations effectuées par les gendarmes, Sébastien Briat, jeune Meusien âgé de 21 ans, faisait partie d'un groupe de huit personnes décidé à retarder le convoi afin de manifester et de sensibiliser aux dangers du nucléaire.
Le dispositif envisagé était d'ailleurs le même que celui mis en place quelques heures plus tôt, qui avait entraïné l'intervention des CRS pour dégager les voies. D'après Gilbert Poirot, membre alsacien de l'association « Sortir du nucléaire » qui s'est rendu sur place, les manifestants auraient omis quelques règles régissant toujours ce type d'action. « Ce genre d'opération se fait toujours de façon très précise en suivant des règles qui, apparemment, auraient été oubliées. Les manifestants signalent systématiquement leur présence par des éclairages ou des fumigènes afin de stopper le train. Quand le train est presque arrêté, ils s'enchaïnent alors en toute sécurité. L'endroit où ils ont voulu s'installer était déjà naturellement dangereux. » Les huit manifestants se trouvaient en effet dans une courbe qui n'a pas permis de les repérer suffisamment tôt.
Une cellule de soutien psychologique
Par ailleurs, l'hélicoptère de la gendarmerie patrouillant de façon régulière au-dessus de la voie avait dû modifier son plan de vol, suite à l'action menée à Laneuveville, afin d'aller se ravitailler en kérosène.
Des faits confirmés par Michel Senthille, procureur de la République, hier soir, à l'occasion d'un point presse, en présence d'Eric Maire, sous-préfet de Lunéville et du colonel de gendarmerie Cazenave-Lacroutz.
Le convoi était par ailleurs précédé de deux motards de la gendarmerie qui disposaient dans ce secteur d'un chemin praticable longeant la voie ferrée sur plusieurs kilomètres, particulièrement propice à la surveillance.
Mais le groupe, caché dans les bois, a visiblement profité du délai d'environ trois minutes entre le passage des deux gendarmes pour tenter de passer à l'action. « Arrivé sur les lieux et en voyant ce qui se passait le second motard a mis en route sa sirène et a crié aux personnes de s'écarter. Le dispositif était apparemment prévu pour quatre personnes, trois d'entre elles ont réussi à se dégager. La quatrième a été écrasée par le train » a expliqué le procureur. L'inertie du convoi et sa vitesse estimée à 80 km/h, selon un agent SNCF, a nécessité une distance de 600 mètres pour s'arrêter, malgré un freinage d'urgence.
Hier soir, les sept autres personnes du groupe, très choquées étaient entendues par la gendarmerie, alors que dans le même temps une cellule de soutien psychologique était mise en place.
Jean-Christophe Pignon et Jean-Robert Lambotte
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Enquête: le militant écologiste mort par « imprudence »
Notre article du 17 décembre 2004. L'enquête sur les causes de la mort de Sébastien Briat à Avricourt le 7 novembre pointe une série « d'aberrations » et d'imprudences dans la préparation de l'opération.
L'enquête sur les causes de la mort de Sébastien Briat est bouclée. Percuté par un convoi chargé de déchets destinés à être stockés en Allemagne, ce manifestant antinucléaire avait trouvé la mort le 7 novembre à Avricourt près de Lunéville. A 14 h 34. Comme d'autres militants l'avaient fait à Laneuveville-devant-Nancy, le jeune Meusien, âgé de 23 ans, s'était enchaïné sur la voie avec trois autres personnes. Celles-ci étaient parvenues à se dégager de leur « tube » juste avant le passage du train. « Je ne vois rien de pénal dans cette affaire », a déclaré Mme Taron, vice-procureur de la République, lors d'un point presse hier. Le drame s'est produit après un concours malheureux de circonstances lié à l'inexpérience des huit écologistes. Pour reconstituer les faits et la chronologie des événements, les enquêteurs ont exploité les « boïtes noires » du train, les relevés d'appels téléphoniques et le résultat des analyses toxicologiques. Les témoins ont été entendus, leurs versions recoupées.
Le parquet pointe ainsi une série d'imprudences commises lors de la préparation et de la mise en oeuvre de l'opération. Et des « aberrations ». Comme le choix du site : le point kilométrique 408, à 350 m après une courbe, limitant ainsi la visibilité. Arrivés sur les lieux à 4 h du matin, les manifestants ne s'étaient pas rendu compte de la dangerosité de l'endroit. Quatre groupes participaient à l'opération : des « préveneurs » plusieurs kilomètres en amont, des « stoppeurs » et huit « bloqueurs » (dont quatre sur la voie). Sébastien Briat en faisait partie.
« Aberration » également dans leur système de communication : les talkies-walkies qui ne fonctionnaient pas ont été remplacés par les portables. Inefficaces pour informer en direct un interlocuteur sur le passage du convoi. Les manifestants antinucléaires avaient mal estimé les horaires de passage du train. Ils avaient finalisé leur plan d'action en se référant à ceux du Paris-Strasbourg !
Hélico à sec
A 14 h 26, les « préveneurs », à 15 km en amont, ont appelé les « stoppeurs » pour leur dire qu'ils disposaient encore de vingt minutes au lieu de huit en réalité. Chargés d'alerter le conducteur, ils ont vu le convoi passer sans avoir eu le temps de se mettre en place. A 14 h 27, l'hélicoptère qui patrouillait au dessus de la voie s'est dérouté pour faire le plein. « Le réservoir était à sec en raison des modifications du plan de vol après l'action menée à Laneuveville-La-Madeleine », rappelle le vice-procureur.
A 14 h 32, après le passage du premier motard, qui précédait de deux minutes le convoi, les militants qui s'étaient dissimulés dans un fourré se sont enchaïnés. Le convoi est arrivé à 14 h 34. Le conducteur du train qui roulait à 98 km/h a alors actionné le freinage d'urgence. Pendant 14 interminables secondes. Il a vu Sébastien Briat se relever. La distance de freinage, 750 m, avait également été mal appréciée. Pourquoi la victime n'a-t-elle pas pu se dégager à temps ? Sa corpulence athlétique ne l'a pas aidé. Le tube mesure 7,5 cm de diamètre. Le poignet du manifestant antinucléaire 5,5 cm. Mais 10 cm si l'on tient compte des vêtements. Plus fluets, ses camarades étaient parvenus à s'extraire du « tube ». Il a également été retardé par le cadenas, non fermé.
Inexpérimentés, les membres du groupe l'étaient. Des étudiants sensibilisés à l'écologie. Pas vraiment des militants. Ils avaient fait connaissance sur des forums internet le mois précédent le drame. Ils se sont vus pour la première fois à Bar-le-Duc une semaine avant. C'est l'un des bloqueurs qui avait choisi le site. Il avait l'habitude de prendre le train depuis Sarrebourg pour se rendre à Nancy où il étudie.
Dernier élément, « pas forcément en lien avec l'accident » : l'analyse toxicologique a révélé que sept des huit membres du groupe avaient consommé du cannabis.
Saïd Labidi